La prolactine : “une vieille hormone pour des questions d`actualité”

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La prolactine : “une vieille hormone pour des questions d`actualité”
C
O N G R È S
La prolactine : “une vieille hormone
pour des questions d’actualité”
P
our la première fois, le thème “hyperprolactinémie
et reproduction” du Consensus de la Société
Française d’Endocrinologie sur la prolactine a
été présentée aux gynécologues au cours du 16e Salon de gynécologie obstétrique pratique. Cette communication a eu lieu au
cours au cours d’une session sur la prolactine présidée
par le Pr Touraine (endocrinologue) et le Dr Sedbon (gynécologue) et intégrant deux autres thèmes intéressants et peu souvent abordés : “prolactine et ovaires polykystiques” et “prolactine et sein”.
PROLACTINE ET SYNDROME DES OVAIRES
POLYKYSTIQUES (OPK)
M. Pugeat
Outre la régulation par les gonadotrophines, la fonction ovarienne est aussi modulée par la prolactine. Parmi les causes
principales d’hyperprolactinémie, on retrouve un microadénome à prolactine dans 38 % des cas, un mécanisme idiopathique dans 31% des cas ou une macroprolactinémie dans
19 % des cas.
Différentes étiologies ont été proposées pour expliquer l’augmentation de la prolactinémie au cours des OPK et des hyperandrogénies :
• Influence des androgènes ? Une étude italienne a montré
chez 14 patientes atteintes d’OPK que l’administration de
cabergoline pendant 4 mois n’a pas d’effet sur la pulsatilité de
LH, mais permet une réduction des concentrations d’androgènes associée à un retour des règles en cas d’aménorrhée
secondaire.
• Anomalies du tonus dopaminergique ? Les résultats
contradictoires de deux études ne permettent pas de répondre
définitivement à cette question. Après traitement par cabergoline dans l’une des études et par bromocriptine dans l’autre,
une réduction de la prolactinémie a été observée dans les deux
études, mais les effets du traitement sur le développement folliculaire et l’ovulation ont été différents (positifs dans une
étude et négatifs dans l’autre).
• Association fortuite ? Quelques publications isolées présentent des observations de patientes qui présentaient une hyperprolactinémie idiopathique associée à un syndrome d’OPK.
• Interaction avec une résistance à l’insuline ? Plusieurs travaux ont retrouvé un lien possible entre hyperprolactinémie et
intolérance au glucose. Une étude menée chez 98 patientes
obèses et souffrant d’un syndrome d’OPK (versus 100 patientes
La Lettre du Gynécologue - n° 312 - mai 2006
obèses sans OPK) a retrouvé une hyperprolactinémie d’autant
plus fréquente que l’insulinémie et l’index de résistance à
l’insuline étaient élevés sans qu’il soit observé de différence
pour la testostéronémie libre.
• L’influence des xénoestrogènes de l’environnement reste
à évaluer.
Le mécanisme physiopathologique des hyperprolactinémies en
cas d’OPK n’est donc pas complètement élucidé. Au cours des
OPK, l’augmentation de la prolactinémie pourrait traduire une
imprégnation tonique en estrogènes indirectement associée à
l’excès d’androgènes.
PROLACTINE ET SEIN
P. Touraine
La prolactine est-elle impliquée au cours des phénomènes de
tumorogenèse mammaire ? Les études menées in vitro et in
vivo chez l’animal ont montré le rôle protumoral de la prolactine mais chez la femme, la situation est plus complexe. Il
y a quelques années, plusieurs études rétrospectives avaient
été menées pour rechercher une éventuelle corrélation entre
le taux de prolactine et le risque de cancer du sein, mais les
résultats étaient peu concluants. Plus récemment, le travail
de Hankinson, concernant une population de patientes bien
suivies et sur une durée suffisante, a permis de montrer qu’il
existe, chez les femmes préménopausées, une élévation du
risque de cancer du sein lorsque la prolactinémie est à la
limite normale supérieure et ce d’autant plus que le tissu
mammaire est bien différencié et exprimant à la fois les
récepteurs aux estrogènes et à la progestérone ER+/ PR+. En
ce qui concerne les femmes ménopausées, les deux études
de Hankinson et de Tworoger ont retrouvé aussi une augmentation du risque relatif de cancer du sein aux environs de
2 en cas de taux de prolactine à la limite supérieure à la normale et se comparant avec des femmes aux taux de prolactine à la limite inférieure. Est-ce qu’une prolactinémie à la
limite supérieure à la normale pourrait constituer un facteur
de risque de survenue de cancer du sein ? C’est l’une des
questions posées au vu des résultats de ces études.
En pratique, chez une patiente qui présente une hyperprolactinémie, il est proposé d’initier un traitement par cabergoline à
la posologie de 0,25 à 1 mg par semaine afin de ramener le
taux de prolactine dans les normes physiologiques. Il serait
nécessaire d’initier des études à large échelle pour confirmer
l’intérêt de normaliser la prolactinémie et pour évaluer l’inté43
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rêt de traiter des patientes dont la prolactinémie est “normale
haute”.
HYPERPROLACTINÉMIE ET REPRODUCTION :
GROSSESSE, CONTRACEPTION, RÔLE DES ESTROGÈNES
Recommandations du consensus sur la prolactine
de la Société Française d’Endocrinologie (2005)
B. Delemer
La sécrétion de la prolactine est sous le contrôle de la dopamine et est stimulée par le taux d’estrogènes. Chez des femmes
qui présentent un microadénome à prolactine (diamètre < 10 mm)
et qui souhaitent démarrer une grossesse, il existe peu de données concernant l’histoire naturelle, mais la conduite à tenir
proposée est de mettre en route un traitement par agonistes
dopaminergiques. L’efficacité de ce type de traitement est
bonne, avec un taux de fertilité de l’ordre de 90 % en l’absence
d’autre cause. En cas d’intolérance aux agonistes dopaminergiques, une adénomectomie par voie transphénoïdale peut être
envisagée. Il existe des données rassurantes avec les deux agonistes dopaminergiques, la bromocriptine et la cabergoline et
aucun effet tératogène n’a été rapporté.
En ce qui concerne le déroulement de la grossesse et
l’accouchement sous agonistes dopaminergiques, une publication de Molitch en 1999 retrouve, chez des patientes présentant une hyperprolactinémie, des résultats similaires à
ceux observés dans la population générale sur le taux
d’avortement spontané, l’incidence de grossesses ectopiques, le taux d’accouchements à terme et d’accouchements
prématurés, l’incidence de grossesses monofœtales et gémellaires et l’incidence de malformations.
• Dans la littérature, une augmentation de la taille d’un microadénome au cours de la grossesse est rare, inférieure à 2 %. Il
est recommandé d’arrêter le traitement par agonistes dopaminergiques dès le diagnostic positif de grossesse, mais il n’est
pas nécessaire ensuite de demander des dosages de la prolactine ni de faire un suivi morphologique.
• La situation des macroadénomes est plus complexe. Une
grossesse n’est pas autorisée en cas d’adénome non contrôlé.
S’il existe un désir de grossesse, un traitement par agonistes
dopaminergiques est recommandé et son efficacité peut être
évaluée par un dosage de la prolactinémie et un contrôle de la
tumeur. Dans la plupart des cas, ces traitements médicaux per-
mettent d’éviter la chirurgie généralement efficace. En cas
d’expansion suprasellaire malgré le traitement médical, une
exérèse chirurgicale de l’adénome est généralement pratiquée.
En cas de macroadénome, la prise en charge de la patiente doit
être concertée entre l’endocrinologue et le gynécologue.
Au cours de la grossesse, une augmentation de la taille des
macroadénomes est observée dans 15 à 30 % des cas. Il
n’existe pas de consensus sur la stratégie de prise en charge à
adopter :
– soit maintenir le traitement par agonistes dopaminergiques
pendant toute la grossesse, aucun effet tératogène n’ayant été
rapporté ;
– soit arrêter le traitement médical en l’absence de développement suprasellaire.
Dans tous les cas, un examen du champ visuel ainsi qu’une
surveillance endocrinologique régulière sont recommandés.
L’IRM doit être évitée au cours du premier trimestre mais
ensuite peut être demandée en cas de survenue d’anomalies du
champ visuel ou de céphalées.
Au cours du post-partum et en cas de microadénome, l’allaitement n’est pas contre-indiqué, ce qui n’est pas le cas des
macroadénomes.
Contraception et hyperprolactinémie
Contraception progestative ou contraception estroprogestatives ? Les contraceptions progestatives sont souvent utilisées, car elles évitent les éventuels effets nocifs des estrogènes vis-à-vis de la production de prolactine. La
contraception microprogestative est intéressante en raison de
son absence d’effet central et de sa bonne tolérance métabolique et vasculaire, mais la compliance n’est pas toujours
bonne et elle expose un certain nombre de patientes à des
spottings et à une aménorrhée. Les contraceptions macroprogestatives sont souvent préférées en raison de leur bonne
tolérance métabolique et vasculaire, de leur plus grande
sécurité et pour les norstéroïdes de leur effet anti-prolactine. Des aménorrhées peuvent aussi survenir avec les prégnanes et les norprégnanes. Mais les prégnanes et les norprégnanes n’ont pas d’AMM en France dans cette
indication. Les contraceptions estroprogestatives sont théoriquement contre-indiquées en raison du rôle stimulateur,
mais leur effet néfaste en cas d’hyperprolactinémie
demande à être confirmé dans la mesure où ces contraceptions restent les plus efficaces et les mieux tolérées.
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