Croissance et endettement (surendettement ?)
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Croissance et endettement (surendettement ?)
Soutenu par : Conférence du 25 janvier 2013 « Croissance et endettement (surendettement ?) en microfinance : le cas du Cambodge » Présentation Le Cambodge est un pays où le secteur de la microfinance semble bien se développer ; les résultats des principales institutions de microfinance (IMF) sont globalement très satisfaisants et celles-ci affichent de nouvelles perspectives de croissance en 2013, confirmant une forte croissance régulière depuis plusieurs années: près d’ 1,4 million de clients pour un portefeuille global de plus d’ 1,3 milliard de dollars (sources: MIX Market). Néanmoins le Cambodge est régulièrement cité ces derniers temps comme un des nouveaux pays à risque de surchauffe et de crise de surendettement. Il peut faire penser aux pays (Maroc, Bosnie-Herzégovine, Nicaragua, Inde) où les IMF (et leurs clients) ont traversé des crises de remboursement importantes à cause de la combinaison de plusieurs facteurs (croissance trop rapide, commercialisation du secteur, régulations inadéquates ou inexistantes, problèmes de gouvernance, enjeux politiques locaux, pratiques irresponsables, etc.) Le débat essaiera de comprendre comment les acteurs (IMF et régulateurs) se sont organisés pour répondre au mieux aux défis de la croissance du secteur, comment les investisseurs se positionnent dans un tel contexte et comment une IMF essaie de conjuguer au mieux croissance et mission sociale. Les dernières études sur les enjeux d’endettement (surendettement) seront présentées, permettant d’avoir des éléments d’analyse précis. Compte rendu Soutenu par : Intervenants Emmanuelle Javoy, Directrice générale, Planet Rating Emmanuelle Javoy est directrice générale de Planet Rating depuis 2008, après avoir rejoint l’entreprise en 2003. Elle a mené plus de 50 missions de notation dans le monde, et présidé plus de 200 comités de notation. Emmanuelle est membre actif de plusieurs groupes de réflexion du secteur de la microfinance, tels que la Social Performance Task Force, et intervient régulièrement dans la plupart des conférences internationales de microfinance. Auparavant consultante pour le Boston Consulting Group, Emmanuelle est diplômée de l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP). Sophea Suon, Directeur général, Chamroeun Microfinance Institution Sophea Suon est directeur général et administrateur de Chamroeun Microfinance Institution depuis février 2009. Il dispose de plus de 13 ans d’expérience dans des entreprises privées et des IMF au Cambodge. Avant son arrivée à Chamroeun Microfinance Institution, il a travaillé avec Thaneakea Phum Cambodia (TPC) en tant que chef des opérations avec SATHAPANA, l’ancienne Cambodia Community Building ; et enfin avec Seilanithih Limited comme Chef du Département des crédits. Il est diplômé d’un Bachelor de Business Administration et est actuellement candidat à un MBA de management général à la National University of Management. Modérateur Philippe Guichandut, Directeur du développement et de l’assistance technique, Fondation Grameen Crédit Agricole De 1986 à 2004, Philippe Guichandut a travaillé 17 ans, dont 6 ans sur le terrain au Rwanda, en Inde et aux Philippines pour diverses ONG de développement françaises (France Volontaires, Inter-Aide, Enfants et Développement - Save the Children France, CCFDTerre solidaire). Il a été chargé de la mise en place et du suivi de projets de développement et de microfinance. Il est devenu le premier directeur exécutif du Réseau Européen de la Microfinance, dès sa création en 2004. Il enseigne la gestion de projets de développement et la microfinance depuis plus de 10 ans en France et en Europe. En novembre 2010, il est nommé directeur du développement et de l’assistance technique pour la Fondation Grameen Crédit Agricole. Philippe Guichandut est titulaire d’un master de Développement social urbain de l’Université d’Evry et d’un MBA de l’Université européenne de San Francisco. 2 Synthèse Intervention de Philippe Guichandut Le Cambodge est un pays où la microfinance s’est relativement bien développée ces dernières années. En termes de chiffres-clés, le Cambodge représente 14 millions d’habitants, dont près de la moitié ont moins de 25 ans. Ceci représente un réel enjeu pour la nouvelle génération, qui doit trouver de nouvelles opportunités pour faire avancer le développement du pays. Le système bancaire s’articule autour de 31 banques commerciales, 7 banques spécialisées et 37 IMF, dont certaines se réunissent au sein de l’Association Cambodgienne de Microfinance, organe de dialogue entre les acteurs de la microfinance à l’échelle nationale. On dénombre 29 opérateurs de crédit rural, atteignant 1,4 million de clients actifs et un encours de crédit d’environ 1,3 milliard de dollars. Les données du secteur de la microfinance au Cambodge à fin décembre 2011 font ressortir un portefeuille à risque (PAR) à 30 jours particulièrement faible (<1%). A titre d’exemple, Chamroeun affiche un PAR à 30 jours de 0,05% à fin 2012 dans la continuité de 2011 et des passages en perte excessivement faibles, équivalant à 500 USD sur un portefeuille d’environ 5 millions d’euros. De telles données du secteur ne feraient donc pas craindre a priori de surchauffe. Or, une enquête a été réalisée en 2011 par ResponsAbility sur les enjeux liés à la croissance du secteur, et notamment sur le risque encouru par les investisseurs potentiels. Sur 13 pays et 119 institutions de microfinance analysés, le Cambodge fait figure de pays à haut risque pour les investisseurs, du fait d’une surchauffe du secteur. La microfinance ayant parcouru de nombreuses crises, dont l’Inde, la Bosnie et le Nicaragua sont des exemples, des taux de croissance tels que ceux constatés au Cambodge peuvent être le présage d’une bulle en formation. La question se pose donc de savoir quelles mesures ont été mises en place pour éviter une crise. Une étude menée récemment sur quatre des plus grosses IMF (approximativement 70% du marché en nombre de clients) a essayé de mesurer leur présence dans les villages du Cambodge. 500 des 14 000 villages du Cambodge observent la présence des 4 IMF, et 2 000 n’ont aucune des 4 IMF présente, ce qui montre la marge de manœuvre en termes de répartition du marché. Le Cambodge se trouve face à une situation où certains villages ont beaucoup d’offre – avec les problèmes potentiels de crédits parallèles et de surendettement que cela pose – alors que d’autres zones accusent un manque flagrant de crédit. 0 1 2 3 4 Nombre d’IMF par commune 3 Intervention d’Emmanuelle Javoy Les résultats du Findex 2012, étude réalisée sur la base des données de la Banque mondiale, montrent les taux d’utilisation des services financiers par pays à partir d’une enquête réalisée sur 1 000 personnes dans chacun des 150 pays analysés. Cette étude peut aider à identifier l’ampleur du marché potentiel de crédit dans un pays à un moment donné. Les clés d’analyse sont l’Indice de développement humain (IDH) et le pourcentage de personnes déclarant avoir un emprunt auprès d’une institution financière. La relation entre ces deux indicateurs permet d’affirmer que plus un pays est développé, plus l’accès au crédit formel est répandu. Inversement, les pays moins développés voient un recours plus important au crédit informel. Ce recours moins important au crédit formel est le résultat d’un moindre développement des institutions financières dans les pays à faible IDH, mais également le résultat de contraintes liées au niveau de développement du pays, et qui limitent le développement des services de crédit formel : le niveau d’éducation, d’infrastructures, de formalisation de la documentation, de droit de la propriété, de formalisation des revenus, etc. Planet Rating propose donc de faire une estimation du marché potentiel pour le crédit formel dans un pays en utilisant trois variables : l’IDH, le taux d’utilisation des services d’épargne formels (qui donnent une bonne approximation du niveau de développement des institutions financières), et le taux d’utilisation des sources de crédit semi-formelles (qui donnent une estimation de la culture du crédit dans le pays). 4 Le taux d’utilisation actuel du crédit formel (microcrédit ou crédit bancaire) est de 23,6% de la population adulte cambodgienne, soit plus du double du potentiel estimé par le modèle (environ 10%). Par ailleurs, 30% d’adultes déclarent avoir fait usage de crédit semi-formel (boutiques de crédit, prêteurs sur gages, etc.) L’ utilisation est donc intense, et le potentiel de croissance a priori faible. Pour autant, les IMF du Cambodge font partie des institutions les mieux notées dans le monde par rapport à leurs systèmes de gouvernance, d’information et de contrôle des risques. Autre point positif du Cambodge : les IMF sont prêtes à travailler ensemble, à créer un espace collaboratif qui favorise la régulation d’un marché très dense en IMF. Toutefois, les bulles de crédit arrivent subitement et laissent apparaître de très bons taux de remboursement jusqu’à éclatement de la bulle. De fait, il n’est pas toujours conseillé d’accorder une confiance aveugle dans les chiffres de qualité du crédit. En complément de ces indicateurs, il est primordial d’évaluer la qualité de la stratégie, de la gouvernance et la capacité de réaction des IMF à un changement comportemental de la clientèle. Indicateurs d’utilisation de crédit formel au Cambodge IDH Taux d’épargne formelle (% de la population adulte) 0,8 Crédits semi-formels (% de la population adulte) 30.4 Crédits formels (% de la population adulte) 23.6 Taux d’utilisation de crédits formels prévisible (% de la population adulte) Pénétration du marché relative au niveau prévisible Score du marché 5 52.3 9.1 258% 5 Intervention de Sophea Suon Chamroeun, créée en 2006 en tant qu’ONG par Entrepreneurs du Monde avant de devenir une IMF, conserve une forte mission sociale. Sa croissance programmée pour 2013 est de l’ordre de 40%. Les raisons et la stratégie derrière ces projections sont basées sur l’observation du marché : le pourcentage de la population en dessous du seuil de pauvreté au Cambodge est encore d’environ 30%, ce qui représente 1,2 million de foyers en besoin potentiel de microcrédit. L’analyse du marché a prouvé que ce besoin est avéré et qu’il va permettre la croissance annoncée par Chamroeun, qui se spécialise sur ce créneau de clientèle: la plupart des IMF ont un portfolio de prêt moyen de l’ordre de 1000 à 2000 dollars, et le nombre d’emprunteurs actifs de petits prêts n’est que de 600 000 dans le pays. En termes de stratégie, Chamroeun se différencie des autres IMF cambodgiennes en se concentrant sur les zones urbaines et semi-urbaines auprès d’une population pauvre, où la concurrence n’agit pas en dépit de la demande de crédit. Le soutien massif du gouvernement et de la sphère publique en général à la microfinance est aussi vecteur de croissance. La Banque centrale joue un rôle essentiel de régulateur du marché et des acteurs. Sophea Suon étant également Président de l’Association Cambodgienne de Microfinance (CMA), Chamroeun a une position de leader en termes de bonnes pratiques. Les récentes évolutions du cadre législatif, avec le passage de lois sur la microfinance en 2012, ont permis la création d’une Centrale des Risques (pour les banques commerciales comme les IMF; Credit Bureau) en charge de réduire les prêts parallèles: les IMF, avant d’accorder un prêt, doivent vérifier combien de prêts le client a déjà contractés et elles doivent toutes reporter l’intégralité des prêts qui sont faits. Chez Chamroeun, aucun nouveau prêt ne peut être accordé si le client en a déjà 2 et, s’il n’ en a qu’1, une analyse de sa capacité de remboursement est effectuée. Par la mise en œuvre de ces réglementations et l’augmentation des exigences de reporting pour les institutions, les IMF cambodgiennes s’assurent une croissance plus soutenable. Néanmoins, l’efficacité de la Centrale de Risques peut être améliorée : le reporting est aujourd’hui réglé sur une base mensuelle et laisse encore de la place pour les prêts parallèles. Les premières données issues grâce à la Centrale des Risques suggèrent qu’environ 30% des emprunteurs cambodgiens détiennent des prêts dans plusieurs institutions. Par conséquent, la stratégie de Chamroeun permet de réduire le risque de prêts parallèles en se concentrant sur les zones peu occupées par la concurrence, en milieu urbain et semiurbain, auprès des populations pauvres. Chamroeun a d’ores et déjà commencé à appliquer cette stratégie à Phnom Penh, où elle est la première IMF en nombre de clients actifs. Le plus grand défi dans ces situations de croissance rapide est de maintenir une qualité de portefeuille convenable et rester concentré sur la mission sociale de l’institution. En étant soutenu par ses actionnaires qui sont très orientés sur la mission sociale, Chamroeun peut se concentrer sereinement sur celle-ci. 6 De plus, une part conséquente du résultat est réinvestie dans la mission sociale chez Chamroeun, que ce soit en baissant les taux d’intérêt ou les tarifs, ou par le biais d’une fondation dédiée à l’éducation des enfants des clients. Questions et réactions du public Comment expliquer les surprenants résultats de Chamroeun et sa croissance annoncée ? Intervention de Franck Renaudin, Entrepreneurs du Monde La culture du plus pauvre est un élément déterminant de la réussite de Chamroeun, ce qui en fait une des IMF les plus performantes au Cambodge. En mettant en place une méthodologie ciblant des personnes extrêmement pauvres sans demander de garanties matérielles (groupes de caution solidaire, titres de propriété, présence dans le même quartier depuis 2 ans, historique de revenus de plus de 6 mois, etc.) c’est-à-dire en faisant confiance à des gens qui n’ont rien, on obtient un retour sur cet investissement de confiance. Le pari de l’accompagnement et de la confiance semble être le facteur essentiel de réussite. D’autres exemples semblables sont notables, notamment en Haïti. En général, la microfinance se base en majeure partie sur des critères économiques et ces quelques exemples de système basé sur la confiance montrent qu’une autre voie est possible. Qu’en est-il des différentes façons de compter le risque ? Emmanuelle Javoy : Il est vrai que des portefeuilles à risque (PAR) très faibles éveillent toujours les soupçons des investisseurs et analystes en microfinance. En général, la tendance est à rechercher les erreurs qui pourraient se loger derrière des chiffres si faibles. Le facteur culturel est en réalité très influent dans ces chiffres. Au Cambodge notamment, on constate une forte culture de l’engagement et une discipline s’est mise en place dans le remboursement des prêts. Cette discipline peut toutefois aussi avoir des défauts dans certains cas, en créant une pression trop importante. Un autre facteur est le très fort taux de liquidité des marchés, qui implique une rotation des crédits, informels et semiformels y compris. Un PAR à zéro ou trop proche de zéro dénote d’autres problèmes sur le plan social. Toute population fait face à des situations imprévues (décès, maladie, handicap, etc.) ; un taux de remboursement « trop » élevé dénote donc une capacité des porteurs de prêts à contourner leurs problèmes afin de rembourser leur emprunt, typiquement en trouvant des moyens alternatifs pour rembourser l’IMF. Il y a donc un juste milieu à trouver entre des situations extrêmes où les clients sont prêts à tout pour être en règle avec l’institution, et d’autres cas où des clients seraient tentés d’être laxistes face à l’engagement à rembourser leurs microcrédits. Sophea Suon : Au Cambodge, la microfinance a débuté dans les années 1990, et est donc un secteur plus jeune que dans les autres pays. Culturellement, il est important de noter que les femmes y sont en charge de la famille et du budget. Par ailleurs, chaque foyer, dont 85% sont de tradition agricole, a au moins deux activités différentes afin de compenser les périodes creuses de l’activité agricole. Cela leur permet de rembourser régulièrement leurs prêts. Dans le même temps, cette diversité d’activités saisonnières rend difficile l’évaluation précise de la capacité de remboursement d’un foyer car les revenus ne sont pas vraiment stables, même s’ils sont relativement réguliers. Chaque membre d’un foyer peut ainsi contracter un emprunt de montant différent en fonction de son activité. De fait, cela crée des déséquilibres au moment du remboursement. D’autant que les crédits d’un foyer peuvent être parfois enregistrés sous des noms différents auprès de la Centrale des Risques et qu’il est donc difficile de les consolider lors de l’évaluation d’un prospect. Dina Pons, Incofin : Bien que les prêts multiples ne conduisent pas toujours au surendettement, ces deux éléments sont souvent liés. En cela, certaines zones rurales du Cambodge (6% des villages) montrent des signes de saturation en prêts déboursés. Néanmoins, il y a toujours de la place pour les institutions mettant en œuvre une stratégie et une gouvernance adaptées. Les systèmes de régulation de la microfinance au Cambodge ainsi que les structures de dialogue entre les IMF qui ont été mis en place ces dernières années devraient éviter une crise de surendettement dans ce pays. Qu’en est-il de l’Inde ? Emmanuelle Javoy : Le pays est très grand, ce qui induit des effets de dilution des saturations. Similairement, le Nigeria a un score très bas. Alors que nous mentionnons les risques de bulle au Cambodge, comment la Fondation Grameen Crédit Agricole justifie-t-elle son engagement dans 4 IMF dans ce pays, dont 3 des plus importantes ? Philippe Guichandut : Le Cambodge est effectivement le pays où la Fondation a la plus forte exposition de son portefeuille. La Fondation Grameen Crédit Agricole a été dotée de 50 millions d’euros et a pour règle de ne pas exposer plus de 10 % de cette dotation dans un même pays. Aujourd’hui, la Fondation a investi près de 3,5 millions d’euros au Cambodge. Bien que la question des risques doive être posée, les institutions dans lesquelles Grameen Crédit Agricole investit ont une qualité de portefeuille excellente – Chamroeun la première – et font l’objet d’exigences particulières pour maintenir ce niveau. Tous les partenaires de la Fondation sont tenus de reporter les prêts en cours auprès de la Centrale des Risques et reçoivent l’assistance technique nécessaire à une bonne compréhension des risques et une attention particulière à la performance sociale. La structuration du secteur et la présence des autorités – notamment la Banque centrale – sur le sujet de la microfinance sont des facteurs positifs dans la gestion de l’exposition dans ce pays. Lors de ces missions de suivi, la Fondation rencontre systématiquement la Banque centrale et maintenant la Centrale des Risques. Elle a co-organisé en octobre dernier une conférence sur la microfinance responsable avec le CMA qui a regroupé près de 300 7 participants. Enfin, le risque zéro n’existe pas, et le fait que la Fondation observe le Cambodge sur ces questions ne signifie pas qu’il faudrait s’en désengager, mais plutôt tenter de participer à la régulation du marché. Arthur Dumas, Blue Orchard : En outre, le retrait des investisseurs n’est pas la solution, car cela pourrait déclencher une crise. Qu’en est-il de l’épargne ? Emmanuelle Javoy : Tous les services ne sont pas disponibles, et les services ne sont pas bien utilisés. Le niveau d’épargne est faible: 0,8 % des adultes ont recours à l’épargne formelle. Sophea Suon : Au Cambodge, il faut une licence spéciale pour collecter l’épargne. Seulement 7 IMF disposent de cette licence. Toutefois, le montant de l’épargne augmente fortement d’un mois à l’autre. Dina Pons, Incofin : Par ailleurs, collecter l’épargne a un coût supérieur pour les IMF à celui du crédit, ce qui explique que ce service soit essentiellement destiné aux riches individus résidant à Phnom Penh. Le fait que le pays soit dollarisé est également un facteur explicatif. Proposer des produits d’épargne aux plus pauvres est donc une question de choix social. Enfin, culturellement, épargner auprès d’institutions bancaires n’est pas une habitude, ces institutions n’étant pas toujours considérées comme fiables. Du fait de la difficulté à accéder au crédit, des banques de riz sont mises en place par l’ONG AVSF pour les populations très pauvres. Quel travail la Fondation Grameen Crédit Agricole conduit-elle avec les organisations paysannes, les coopératives, les groupements de femmes ? Philippe Guichandut : La microfinance est fortement présente en milieu urbain, et également en milieu rural, mais pas nécessairement dans le secteur agricole. Il est très difficile de financer l’agriculture, et très peu de bons exemples existent. Culturellement, il existe également peu de coopératives au Cambodge. Il est donc nécessaire de travailler sur la microfinance agricole, et créer de nouvelles façons d’opérer. La Fondation travaille par exemple sur la micro-assurance agricole, mais pas encore au Cambodge. Qu’en est-il du crédit à la consommation ? Sophea Suon : Chamroeun n’accorde pas de crédit à la consommation. Philippe Guichandut : Il se peut toutefois que certains crédits contractés à des fins de consommation soient déclarés autrement. C’est donc un sujet qui nécessite une certaine attention. Une initiative du Club Microfinance Paris Le Club Microfinance Paris est un réseau indépendant de personnes ayant un intérêt pour la microfinance. Le Club a pour vocation d’être un lieu d’échange et de rencontre entre acteurs des entreprises, agences gouvernementales, associations et institutions non gouvernementales. Les activités du Club sont essentiellement des réunions et conférences sur des sujets d’intérêt commun. Les membres du Club sont engagés exclusivement à titre privé. www.clubmicrofinanceparis.org En partenariat avec Convergences 2015 Convergences 2015 est la première plateforme de réflexion en Europe destinée à établir de nouvelles convergences entre acteurs privés, publics et solidaires pour promouvoir les Objectifs du Millénaire pour le développement et lutter contre la pauvreté et la précarité dans les pays du Nord et du Sud. Véritable réseau fédérateur, elle rassemble plus de 200 professionnels de la coopération internationale, la microfinance, l’entrepreneuriat social, l’économie sociale et solidaire, et le développement durable. Chaque année, la plateforme organise le Forum Mondial Convergences 2015, un forum international d’échanges et de discussions, et produit des publications phares, telles que le Baromètre de la microfinance et le Baromètre de l’entrepreneuriat social. www.convergences2015.org Compte rendu réalisé par Convergences 2015 9