Air France-KLM face au défi du low-cost
Transcription
Air France-KLM face au défi du low-cost
Vendredi 21 mai 2010 Page 13 Air France-KLM face au défi du low-cost A ir France-KLM vient d’annoncer une perte nette de plus de 1,55 milliard d’euros pour 2009-2010, la plus importante de son histoire. Ce mauvais résultat a d’abord pour origine des facteurs conjoncturels, externes à la compagnie. Mais la conjoncture ne saurait dispenser d’un questionnement plus structurel, notamment la concurrence du « low-cost » sur le court et moyen-courrier. Point de vue Emmanuel Combe dr Professeur à l’université de Paris I tant aux antipodes du low-cost. En appliquant des demi-mesures, Air France fait donc le pari que les clients suivront, disposés à payer un peu plus cher leur billet, plutôt que de voyager sur un vrai lowcost. Un peu plus cher oui, mais en échange de quoi ? Commençons par ce qui n’est pas négociable aux yeux des clients : la sécurité des vols ; difficile en la matière de montrer du doigt les grandes compagnies low-cost européennes, qui n’ont jamais connu d’accident fatal. La ponctualité des vols ? les low-cost sont réputés pour partir et arriver à l’heure, n’ayant pas à subir les contraintes de hub et des correspondances. Le prestige de la marque ? Force est de constater que les clients réservent davantage leurs faveurs aujourd’hui aux sacs de luxe et aux iPhone plutôt qu’aux billets d’avion, perçus sur le court et moyen-courrier comme une simple « commodité ». La fréquence des vols ? Elle concerne surtout la clientèle affaire et les low-cost s’y mettent aussi sur les lignes les plus fréquentées. Restent deux fondamentaux : la garantie des correspondances et les points de fidélité. Cela suffira-t-il pour retenir les clients ? DENIS/Gilles ROLLE/REA/ Face aux low-cost, dont la rentabilité dépend d’abord de la capacité à atteindre la taille critique, la réactivité constitue la première des armes. En effet, une fois implanté sur une « base », le lowcost — économies d’échelle oblige — étend rapidement son emprise sur un nombre croissant de destinations, en ouvrant de nouvelles lignes. Force est de constater qu’Air France, sans doute handicapé par sa grande taille, a tardé avant de réagir. À titre anecdotique, l’auteur de ces lignes, qui a participé au rapport Beigbeder sur le low-cost en 2007, constatait, il y a trois ans déjà, à quel point la menace lowcost était sous-estimée par les compagnies aériennes. Ayant enfin pris conscience du danger, Air France a décidé aujourd’hui d’organiser la riposte. Premier levier : la réorganisation du modèle économique court et moyen-courrier, avec le programme New Economic Offer, entré en vigueur depuis peu. Densification du nombre de sièges, réduction du service à bord, services en option payante, prix d’appel sur les premiers billets, etc. Bref, Air France-KLM injecte une dose de low-cost dans son modèle, pour- Édité par : La Tribune SAS 26 rue d’Oradour-sur-Glane CS 91522 75 525 Paris Cedex 15 Standard : 01 44 82 16 16 Président, directeur de la publication : Alain Weill. Directrice générale : Valérie Decamp. Directeur des rédactions : Erik Izraelewicz. Directeurs adjoints : Sophie Gherardi, Pierre-Angel Gay. Rédaction en chef : Odile Esposito (Industrie et Services), Jean-Baptiste Jacquin (Technologies et Médias), François Lenglet (Économie, Politique, International), Muriel Motte (Marchés et Finance), Olivier Provost (latribune.fr), Philippe Mabille (éditorialiste), Christophe Bazire (Édition). Directeur artistique : Éric Béziat. Publicité : La Tribune Régie. Directeur publicité Pôle financier : Ghislain Boyer. Directrice de publicité International : Carole Grémillot. Directeur marketing : Arnaud Jaouen. Directeur de la diffusion : Pascal Poli. Impression : Paris Offset Print - 30 rue Raspail 93230 La Courneuve ; MOP Vitrolles ; Ouest Print, Bournezeau ; Nancy Print. Service Abonnement : Numéro vert : 0800 13 23 33 (appel gratuit). Fax abonnements : 01 44 82 17 92. Abonnez-vous sur LATRIBUNE.fr. éditos Anticonstitutionnellement Deuxième arme : le droit. Air France-KLM a engagé une bataille juridique à l’encontre de compagnies comme Ryanair, accusées de prospérer sur le dos des contribuables. Une hypothétique condamnation de Ryanair, après celle pour « travail dissimulé » et pour violation des obligations d’assistance aux passagers, permettra de marquer des points supplémentaires dans la bataille de l’image. Mais elle ne suffira pas à marginaliser le low-cost, dont la rentabilité ne se réduit pas à une chasse aux subventions auprès des aéroports régionaux. Notons d’ailleurs que Ryanair, qui n’est pas présent sur le hub parisien, ne constitue pas à l’évidence le rival le plus redoutable pour Air France. Troisième arme : le dédoublement. Au travers de sa low-cost Transavia.com, Air France-KLM s’est lancé sur le segment du low-cost depuis 2005. À vrai dire, les expériences passées ont été jusqu’ici peu concluantes, à l’exception de Qantas qui a ciblé très tôt son marché domestique avec sa filiale lowcost Jetstar Airways… pour contrer la low-cost Virgin Blue. Se dédoubler, c’est une manière d’esquiver et de repousser les problèmes, qui ne tardent pas à revenir à la surface : comment articuler une greffe low-cost sur un corps qui n’y a pas été préparé, sans susciter la méfiance, voire le rejet ? Le dédoublement butte très vite sur l’épineuse question du chevauchement des lignes, sauf à cantonner la filiale low-cost sur des destinations non concurrentes, ce qui revient à brider son développement et sa capacité de réaction. L’issue de la guerre entre Air France et les majors du low-cost n’est certes pas encore scellée. Mais pour se donner toutes les chances de l’emporter, encore faut-il prendre toute la mesure de ce qui se joue dans le ciel européen depuis dix ans : rien moins qu’une révolution, celle du lowcost. Face à une innovation radicale, qui bouleverse les équilibres établis et les business model, l’expérience montre que les grandes organisations sont par nature résilientes et procèdent par ajustements à la marge, par demimesures. Mais l’adaptation n’est pas la révolution : pour rester le leader européen de l’aérien, Air France-KLM n’aura sans doute pas d’autre choix que de réinventer son modèle économique, au moins sur le court et moyencourrier. n USA : USPS # 0117531 Periodical paid at Champlain N.Y. and additional mailing offices. For details call IMS at 1(800) 428 3003. Distribué par les NMPP. Commission paritaire : 0914C85607 ISSN 0989-1922 - Contacter le service diffusion au 01 44 82 17 80. LA TRIBUNE est une publication La Tribune Holding Principal associé : News Participations Président : Alain Weill Directeurs généraux : Marc Laufer, Valérie Decamp IMPRIMÉ EN FRANCE PRINTED IN FRANCE Reproduction intégrale ou partielle interdite sans l’accord de l’éditeur. Art. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle D ans le feu de l’action, inscrire dans la Constitution un objectif de réduction des déficits publics sera peut-être salué comme une bonne idée. À y regarder de près, une masse de problèmes apparaissent. Le premier est que la Constitution n’est pas faite pour ça. Elle sert à organiser les pouvoirs publics et à protéger les droits fondamentaux des citoyens. À moins de considérer qu’accroître la dette porte atteinte aux droits fondamentaux des générations à venir (au demeurant, ça se défend), on ne voit pas très bien la nécessité de constitutionnaliser ce qui est une simple politique publique. Deuxième problème : l’aveu de faiblesse politique. Les gouvernements auraient besoin d’une gangue constitutionnelle pour résister aux groupes de pression et à leurs propres dérives. Troisième problème : la faisabilité. Où serait la majorité de trois cinquièmes des deux Chambres pour inscrire cet engagement dans la Constitution ? Les partisans de la relance, comme on disait autrefois, dominent à gauche et existent à droite. En France, les économistes mettent toujours en avant la demande intérieure, et les hommes politiques le par Sophie Gherardi pouvoir d’achat, au détriment de la compétitivité extérieure. Par ailleurs, l’intervention publique a plutôt bonne presse. Dans cette conception largement répandue, s’imposer le déficit zéro, c’est châtrer l’État. Sachant tout cela, et pourquoi Nicolas Sarkozy serait-il le seul à ne pas le savoir, pourquoi fait-il cette proposition ? D’abord pour rassurer les Allemands et faciliter le vote vendredi au Bundestag de l’énorme paquet de 750 milliards décidé pour contrer la spéculation sur l’euro. Angela Merkel, de son côté, a multiplié les initiatives politiques pour montrer sa détermination à briser les attaques contre la monnaie et les banques allemandes. Ensuite, ce qui serait inscrit dans la Constitution française serait singulièrement plus vague que la version allemande interdisant les déficits structurels à partir de 2016. Au début de chaque législature, les gouvernements s’engageraient sur des objectifs de réduction. Ah, bon, on a eu peur ! [email protected] RETROUVEZ chaque jour la chronique économique d’Erik Izraelewicz en vidéo sur latribune.fr Quand la France perd ses pépites T eisseire sous pavillon britannique, Sperian aux mains de l’américain Honeywell… en deux jours, deux belles PME françaises ont été absorbées par des groupes étrangers. Deux sociétés familiales à l’origine. Teisseire, créé en 1720 par la famille grenobloise du même nom, était tombé en 2004 dans le giron du groupe savoyard Fruité Entreprises. Sperian, lui, qui fabriquait à l’origine des lunettes de protection a été fondé en 1957 par Christian Dalloz dont il a longtemps porté le nom avant de devenir Bacou-Dalloz en 2001, après sa fusion avec son rival Bacou, puis de se rebaptiser Sperian en 2007. A priori, rien d’anormal dans ces opérations. Les groupes français font régulièrement leurs emplettes hors de nos frontières. Et il est logique que les étrangers viennent, eux aussi, rafler les belles marques hexagonales. Labeyrie, le roi du foie gras, est aujourd’hui islandais. Cabasse, le fabricant d’enceintes acoustiques haut de gamme, a été avalé par le japonais Canon. par odile esposito Une liste loin d’être exhaustive. Pour autant, force est de constater que ces sociétés qui changent ainsi de mains sont justement ces grosses PME dont, selon tous les observateurs du monde industriel, la France manque aujourd’hui cruellement. Notamment si on la compare à l’Allemagne, qui doit ses exportations à ce que l’on appelle les « entreprises de taille intermédiaire ». Le ministère de l’Industrie en fait régulièrement le constat et il assurait que le Fonds stratégique d’investissement avait justement été créé pour renforcer ce tissu de PME. Certes, les sirops n’ont rien de stratégique pour le pays. Les masques de protection non plus, semble-til, maintenant que la grippe A s’est mystérieusement envolée. Dommage quand même de voir partir ces pépites. [email protected]