Monsieur le Maire de SEIGNOSSE Mairie de SEIGNOSSE 1998

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Monsieur le Maire de SEIGNOSSE Mairie de SEIGNOSSE 1998
Monsieur le Maire de SEIGNOSSE
Mairie de SEIGNOSSE
1998 Avenue Charles de Gaulle
40510 SEIGNOSSE
COURRIEL SUIVI D’UN COURRIER SIMPLE
V/REF. : Projet ATLANTIQUE PARC
N/REF. : COM. SEIGNOSSE (Atlantic Parc)
BNC-3140
CC/SE
Affaire suivie par Mes CAZCARRA et GUEDON
Monsieur le Maire,
Nous vous communiquons, aussi rapidement, compte tenu de l’urgence
dont vous avez fait état à plusieurs reprises, que cela nous a été possible,
l’avis juridique que vous avez bien voulu nous demander au sujet de la
gestion du parc aquatique de SEIGNOSSE.
Cet ouvrage, qui a été mis en service à compter du 1er juin 1999, a toujours
été géré, jusqu’à aujourd’hui, en régie directe par la Commune, dotée d’un
budget annexe, mais la Commune souhaiterait désormais en confier la
gestion à un opérateur privé, compte tenu de ses coûts de fonctionnement,
des pertes financières qu’il génère chaque année et du fait que des
investissements assez lourds devront prochainement être réalisés sur ses
installations que la Commune ne sera pas en mesure d’assumer seule.
…/…
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La Commune a donc, pour ce faire, décidé, par une délibération adoptée le 16 août 2010,
de lancer une procédure de mise en concurrence en vue de l’attribution d’une convention
de délégation de service public sur le fondement des dispositions des articles L. 1411-1 et
suivants du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Mais, la candidature de
la seule société qui s’est portée candidate à l’attribution de cette convention n’ayant pas
été retenue par la Commune, le Conseil Municipal a donc décidé de déclarer la procédure
infructueuse par une délibération du 16 novembre 2010.
C’est alors que la Commune a entrepris, au cours de l’année 2014, des négociations avec
deux sociétés susceptibles d’être intéressées par l’exploitation du parc aquatique et qu’à
l’issue de ces négociations, qui ont été menées, selon les informations que vous nous
avez communiquées, dans un cadre informel, la Commune a envisagé de conclure un bail
emphytéotique avec la société ATLANTIC PARK. Ce qui a d’ailleurs conduit le Conseil
municipal, par une délibération du 15 décembre 2014, à vous autoriser, en votre qualité
de Maire, à signer le bail emphytéotique annexé à ladite délibération.
Vous n’avez finalement pas, néanmoins, donné suite à cette délibération, dans la mesure
où la Commune a été alertée sur l’illégalité d’un tel contrat.
Vous souhaitez donc aujourd’hui poursuivre le projet de modifier le mode de gestion
actuel du parc aquatique, pour les raisons qui ont été évoquées plus haut, ce qui vous
amène à vous interroger sur la formule contractuelle la plus idoine, et en particulier sur
l’opportunité pour la Commune de conclure un bail emphytéotique administratif avec
quelles conséquences financières sur l’exploitation du parc aquatique et le budget de la
Commune. C’est donc ce type de contrat que nous vous proposons, conformément à
votre dernière demande, d’examiner dans le cadre du présent avis juridique, étant ici
rappelé que d’autres formules contractuelles pourraient être envisagées par la Commune,
que nous examinerons éventuellement, si vous le souhaitez, dans le cadre d’un avis
ultérieur.
Avant d’examiner la question de la conclusion d’un bail emphytéotique administratif, il y
a lieu d’apporter quelques précisions préalables.
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1) Précisions préalables
Il convient, tout d’abord, de préciser que nous partons du postulat, comme nous avons
déjà eu l’occasion de vous l’indiquer dans notre note juridique du 10 avril dernier, que la
Commune était bien propriétaire, dès l’origine, des parcelles de terrain sur lesquelles elle
a fait édifier le parc aquatique.
On peut considérer, ensuite, que l’exploitation du parc aquatique constitue une activité de
service public puisque, après l’avoir construit, la Commune l’a géré et exploité
directement depuis sa création dans le cadre d’une régie directe.
Et l’existence d’un service public nous semble faire d’autant moins de doute, en
l’occurrence, que le parc aquatique constitue, comme cela est indiqué dans la délibération
du 15 décembre 2014, un « équipement phare de la station de tourisme qu’il convient de
conserver et développer », ce qui signifie bien qu’il vise à satisfaire un besoin d’intérêt
général lié au développement touristique et économique de la Commune.
Nous sommes, plus précisément, en présence d’un service public industriel et
commercial, dès lors que le parc aquatique relève d’une activité commerciale, qu’il est
géré par le biais d’un budget annexe et que ses recettes proviennent très majoritairement
de redevances perçues sur les usagers (produit des ventes de billets d’entrée) et
minoritairement de subventions publiques.
Les parcelles de terrain sur lesquelles le parc aquatique a été érigé font donc partie du
domaine public de la Commune.
C’est la raison pour laquelle le bail emphytéotique de droit commun prévu par les
dispositions des articles L. 451-1 à L. 451-13 du Code rural et de la pêche maritime, qui
avait été initialement envisagé entre la Commune et la société ATLANTIC PARK, ne
pouvait pas légalement être conclu, dès lors qu’un tel bail ne peut pas être consenti sur le
domaine public d’une personne publique.
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Le juge administratif considère, en effet, que, sauf disposition législative contraire le
prévoyant, la constitution de droits réels sur une dépendance du domaine public est
contraire aux exigences des principes de la domanialité publique (CE, 6 mai 1985,
ASSOCIATION EUROLAT CREDIT FONCIER DE FRANCE).
C’est d’ailleurs pour cette raison, et en réaction à cette jurisprudence, que le législateur a
été amené à créer, en 1988, le bail emphytéotique administratif, dont le régime est
actuellement fixé aux articles L. 1311-2 et suivants du CGCT.
Le bail emphytéotique administratif ne se confond donc pas avec le bail emphytéotique
de droit commun car, outre qu’il ne peut être conclu qu’en vue de de l’accomplissement
d’une opération d’intérêt général ou d’une mission de service public, il doit également,
dans certains cas, être précédé d’une mise en concurrence et de mesures de publicité et
peut également comporter des clauses qui seraient incompatibles avec la qualification de
bail emphytéotique de droit privé.
2) Les conditions dans lesquelles la Commune peut envisager de conclure un BEA
ou de délivrer une autorisation d’occupation temporaire (AOT) du domaine public
constitutive de droit réel
Il importe, avant d’aborder les questions sur les aspects financiers du BEA que vous vous
posez, d’examiner les différents montages contractuels permettant d’intégrer ce type de
contrat auxquels la Commune pourrait envisager de recourir.
2-1) Le régime juridique du BEA et de l’AOT constitutive de droit réel
La Commune de SEIGNOSSE pourrait opter, en l’occurrence, entre la conclusion d’un
BEA ou la délivrance d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public
constitutive de droit réel.
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En effet, une collectivité locale peut envisager, de façon générale, de conclure avec un
tiers, sur une ou plusieurs dépendances de son domaine public, un BEA, pour une durée
comprise entre 18 et 99 ans, en application de l’article L. 1311-2 du CGCT précité, ou lui
délivrer une autorisation d’occupation temporaire (AOT) constitutive de droit réel, dont
la durée est plafonnée à 70 ans, en application de l’article L. 1311-5 du même Code, qui
dispose que « les collectivités territoriales peuvent délivrer sur leur domaine public des
autorisations d’occupation temporaire constitutives de droits réels, en vue de
l’accomplissement, pour leur compte, d’une mission de service public ou en vue de la
réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de leur compétence », et que « le
titulaire de ce titre possède un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations
de caractère immobilier qu’il réalise pour l’exercice de cette activité ».
Cette possibilité offerte aux collectivités locales de choisir entre la conclusion d’un BEA
ou la délivrance d’autorisations d’occupation constitutives de droits réels est rappelée à
l’article L. 2122-20 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques (CG3P),
qui dispose que « les collectivités territoriales […] peuvent : 1° soit conclure sur leur
domaine public un bail emphytéotique administratif dans les conditions déterminées par
les articles L. 1311-2 à L. 1311-4-1 du Code général des collectivités territoriales ;
2° soit délivrer des autorisations d’occupation constitutives de droit réel dans les
conditions déterminées par les articles L. 1311-5 à L. 1311-8 du [même] Code », étant
souligné ici que ces deux types de modes d’occupation ne peuvent tous deux être
conclus, comme cela ressort des dispositions des articles L. 1311-2 et L. 1311-5 du
CGCT précitées, qu’en vue de l’accomplissement, pour le compte de la collectivité locale
qui le conclut, d’une mission de service public ou en vue de la réalisation d’une mission
d’intérêt général relevant de sa compétence.
2-1-1) Quelques précisions sur le régime juridique du BEA
En ce qui concerne plus précisément le BEA, dont le but principal est de faire apporter,
par le preneur, des améliorations au terrain d’assiette, lesquelles ne consistent pas
nécessairement en l’édification de constructions, qui demeure, en principe, une
simple faculté, il résulte des dispositions de l’article L. 451-1 du Code Rural, auquel
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l’article L. 1311-2 renvoie, que ce bail doit permettre au bailleur public de devenir, à
l’expiration du bail, propriétaire de l’ouvrage construit, sur lequel le preneur est tenu de
réaliser, pendant la durée du bail, les réparations de toute nature nécessaires.
Preneur auquel ce bail confère des droits réels cessibles et susceptibles d’hypothèque
(ce qui lui permet notamment de pouvoir garantir ses emprunts) et lui donne la possibilité
de conclure des contrats de crédit-bail sur les constructions réalisées dans son cadre.
Le BEA se caractérise aussi par la modicité de la redevance d’occupation du domaine
mise à la charge du preneur, qui doit néanmoins être justifiée par l’objet du bail et
par son économie générale, c’est à dire qu’elle doit être justifiée au regard des
investissements que le preneur est censé opérer sur le fonds donné à bail (par exemple, si
le preneur n’est pas tenu de réaliser des travaux particuliers, mis à part des travaux
d’entretien normaux, la modicité de la redevance ne sera pas justifiée). À défaut, en effet,
le risque majeur serait celui d’une requalification du bail en aide publique illégale
(v. en ce sens, CE, 6 avril 1998, COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, Rec. p. 132).
Les opérations de construction faites dans le cadre d’un BEA doivent nécessairement
être réalisées sous maîtrise d’ouvrage privée (CE, 16 février 2005, ÉPOUX MAUREL,
Rec. Tab. p.750). Ce qui implique qu’une trop forte immixtion de la Commune dans leur
direction (qui pourrait se manifester, par exemple, par l’établissement, par la Commune,
d’un programme de travaux imposé à l’emphytéote, ou par l’insertion de clauses dans le
bail visant à imposer à l’emphytéote de réaliser des constructions ou des équipements
satisfaisant à telle ou telle spécificité technique répondant aux besoins de la Commune,
ou encore par une présence trop marquée de la Commune lors de l’exécution des travaux
qui se comporterait comme un donneur d’ordres) aboutirait à l’illégalité du montage
contractuel, dès lors que le juge administratif pourrait considérer que la personne
publique exerce, en réalité, la maîtrise d’ouvrage et, ainsi, requalifier le contrat en
marché public de travaux (le Code des marchés publics n’étant pas, en effet, applicable,
en l’état actuel du droit, lorsque la personne publique n’a pas la qualité de maître
d’ouvrage, il en résulte, par conséquent, qu’il existe un risque de requalification en
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marché public lorsque la personne publique se comporte en véritable maître d’ouvrage,
pour peu, toutefois, que le versement d’un prix par la Commune au bénéfice de
l’emphytéote puisse être identifié par ailleurs, dès lors qu’un marché public doit
nécessairement avoir un caractère onéreux).
2-1-2) Quelques précisions sur le régime juridique de l’AOT constitutive de droit
réel
S’agissant de l’autorisation d’occupation du domaine public constitutive de droit réel,
l’article L. 1311-5 du CGCT dispose, comme on vient de le voir, que « le titulaire [d’une
autorisation d’occupation temporaire constitutive de droit réel] possède un droit réel sur
les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu'il réalise pour
l'exercice de cette activité ».
Il ressort de ces dispositions que le droit réel conféré par l’AOT porte précisément sur les
ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qui ont été réalisés par
l’occupant, et non sur la dépendance du domaine public elle-même (v., en ce sens, CAA
MARSEILLE, 27 février 2007, SOCIETE ESCOTA ET A., req. n° 04MA00652).
Certains auteurs ont d’ailleurs également déduit de ces dispositions qu’une AOT
constitutive de droit réel ne peut être délivrée ou conclue (selon la forme - unilatérale ou
conventionnelle - qui lui est donnée) qu’en vue de l’édification d’un ouvrage immobilier,
et qu’elle doit donc être exclue lorsqu’il n’est pas question pour l’occupant de réaliser de
tels ouvrages (v., en ce sens, E. FATOME, Les autorisations d’occupation du domaine
public : une réforme qui reste à faire, Revue Lamy des Collectivités territoriales,
n° 37/2008, p. 73 ; C. MANSON, Fasc. 79-41 du Jurisclasseur Propriétés publiques).
Ceci signifierait en l’occurrence, si l’on admettait cette thèse, que la Commune ne
pourrait envisager de conclure ou de délivrer une telle autorisation au prochain exploitant
du parc aquatique que s’il est prévu que ce dernier réalise des travaux à caractère
immobilier, ce qui semble bien être le cas.
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Et le fait que les dispositions de l’article L. 1311-5 précité soulignent que ces droits réels
portent sur les installations que l’occupant réalise « pour l’exercice de cette activité » l’activité ainsi visée étant la mission de service public ou l’opération d’intérêt général
accomplie par l’occupant du domaine relevant de la compétence de la personne
publique - laisse par ailleurs penser que ces droits réels ne peuvent pas porter sur les
constructions que l’occupant pourrait éventuellement être amené à édifier au titre d’une
activité annexe purement privée qu’il exercerait sur la(les) dépendance(s) du domaine
publics que la Commune mettrait à sa disposition (car cette activité ne relève pas de la
compétence de la personne publique propriétaire du domaine).
On ajoutera que, dès lors que l’occupant du domaine garde la maîtrise d’ouvrage des
travaux qu’il réalise sur le domaine public dans le cadre de l’AOT qui lui a été consentie,
cette AOT ne risque pas d’être requalifiée en marché public de travaux au sens du droit
interne, dès lors que, comme on vient de le rappeler, le Code des marchés publics n’est
pas applicable lorsque la personne publique n’a pas la qualité de maître d’ouvrage (v., à
cet égard, CE, Section de l’Intérieur et Section des Travaux Publics réunies, avis n
° 356.960, 31 janvier 1995, EDCE 1995, n° 47, p. 407).
Le IV de l’article L. 1311-5 prévoit également que les constructions et installations de
caractère immobilier que le titulaire d’une autorisation d’occupation du domaine public
constitutive de droit réel réalise pour l’exercice de la mission de service public ou de
l’opération d’intérêt général ayant justifié la constitution de ce droit réel « peuvent
donner lieu à la conclusion de contrats de crédit-bail » et que, dans une telle hypothèse,
« le contrat comporte des clauses permettant de préserver les exigences du service
public ».
Les articles L. 1311-6 à L. 1311-8 régissent, pour leur part, le régime juridique de l’AOT
constitutive de droit réel et précisent notamment les conditions dans lesquelles le droit
réel conféré par le titre peut être cédé ou transmis (cf. art. L. 1311-6), celles dans
lesquelles ce droit peut être hypothéqué, ainsi que la durée de cette hypothèque (cf. art.
L. 1311-6-1), et le sort des biens réalisés par le titulaire de l’occupation à l’issue du titre
d’occupation (cf. art. L. 1311-7).
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Les AOT constitutives de droit réel peuvent prendre la forme d’un titre unilatéral
consenti par la personne publique gestionnaire du domaine public ou d’une convention,
comme le prévoient expressément les dispositions du III de l’article L. 1311-5, aux
termes desquelles « les dispositions du I et II [de l’article L. 1311-5] sont également
applicables aux conventions de toute nature ayant pour effet d’autoriser l’occupation du
domaine public ».
Il importe aussi de souligner qu’à la différence du BEA, pour lequel l’article L. 1311-2
du CGCT prévoit qu’il peut être conclu sur « une dépendance du domaine public, sous
réserve que cette dépendance demeure hors du champ d’application de la contravention
de voirie », les dépendances domaniales entrant dans le champ de la contravention de
voirie peuvent faire l’objet d’une AOT constitutive de droit réel. Ce qui signifie qu’elle
peut être consentie aux abords des voies communales, afin d’y réaliser diverses
opérations d’intérêt général, comme un parking par exemple.
De plus, une AOT constitutive de droit réel peut être consentie tant sur le domaine public
de la collectivité qui la consent que sur une dépendance domaniale qui ne lui appartient
pas mais qui a été mise à sa disposition (v. art. L. 1311-5, I, dernier alinéa), cette
possibilité n’étant pas expressément prévue, en revanche, pour les dispositions régissant
le BEA.
Enfin, tant le BEA que l’AOT constitutive de droit réel confèrent à son titulaire les
prérogatives et obligations du propriétaire sur les ouvrages, constructions et installations
implantées sur le domaine public, ce qui signifie qu’il peut exploiter les équipements,
qu’il est maître d’ouvrage des travaux réalisés, comme on l’a déjà souligné plus haut,
mais aussi qu’il assure l’entretien des installations, qu’il supporte les impôts s’y
rapportant et qu’il est responsable des dommages que l’exécution des travaux peut
causer.
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2-1-3) La conclusion d’un BEA ou d’une AOT constitutive de droit réel en présence
d’un service public
Il convient de préciser ici que la conclusion d’un BEA « sec » ou la délivrance d’une
AOT constitutive de droit réel (c’est à dire assorti d’aucune autre convention) ne
permettrait pas à la Commune de confier au preneur la gestion du service public lié à
l’exploitation du centre aquatique : ni le BEA, ni l’AOT constitutive de droit réel n’ont
pour objet, en effet, de confier la gestion même d’une activité de service public au
preneur, mais uniquement de le faire participer à l’accomplissement d’une mission de
service public en lui confiant la construction ou l’amélioration d’un ouvrage public (c’est
d’ailleurs la raison pour laquelle un BEA est très souvent couplé avec une autre
convention).
Par conséquent, dans l’hypothèse où la Commune souhaiterait ne pas remettre en cause
l’existence de cette mission de service public, elle devrait alors nécessairement opérer un
choix entre deux options.
1ère hypothèse : la conclusion d’un BEA ou d’une convention d’occupation
domaniale constitutive de droit réel assorti d’une convention d’exploitation non
détachable
Dans le cadre de cette première hypothèse, la Commune pourrait confier à son
cocontractant l’exploitation du service public qu’elle gère actuellement par le biais d’une
régie directe et devrait alors, pour ce faire, nécessairement assortir le BEA ou la
convention d’occupation domaniale constitutive de droit réel (selon le choix qu’elle
effectuerait) d’une convention non détachable par laquelle elle confierait au titulaire du
bail la charge d’assurer, pour son compte, l’exploitation du centre aquatique, en veillant
bien à intégrer, dans cette convention non détachable, les obligations de service public
qu’elle entendrait imposer à son cocontractant (politique tarifaire, horaires d’ouverture,
obligations tenant aux modalités d’exploitation du parc, …).
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Cette convention d’exploitation non détachable aura le caractère, en principe, d’une
délégation de service public, dès lors que, dans ce type de montage contractuel, la
rémunération est substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation avec un
transfert du risque sur le preneur (ce qui exclut la qualification en marché public de
travaux).
Cette hypothèse, qui implique donc que le preneur est chargé à la fois d’édifier,
d’améliorer ou d’agrandir un ouvrage et d’assurer l’exploitation d’un service public dont
ledit ouvrage constitue le support, a été expressément admise par le législateur, qui a
modifié la rédaction de l’article L. 1311-3 du CGCT, qui mentionne désormais
expressément la possibilité, pour une collectivité locale, de conclure un BEA (qui permet
la construction ou l’amélioration de l’ouvrage pris à bail) couplé à une convention
d’exploitation lui étant indissociable et confiant au preneur au bail la charge d’assumer la
gestion de l’activité de service public permise par l’utilisation de l’ouvrage.
La conclusion d’un montage contractuel composé d’un BEA et d’une convention
d’exploitation non détachable doit nécessairement être précédée d’une publicité et d’une
mise en concurrence préalables.
Aux termes, en effet, de l’alinéa 4 de l’article L. 1311-2 précité du CGCT, « les
conclusions de baux mentionnés aux alinéas précédents sont précédées, le cas échéant,
d’une mise en concurrence et de mesures de publicité, selon des modalités fixées par
décret en Conseil d’Etat ».
En application de ce texte, un décret n° 2011-2065 du 30 décembre 2011 relatif aux
règles de passation des baux emphytéotiques administratifs, dont les dispositions sur ce
point sont codifiées à l’article R. 1311-2 du code précité, est venu préciser que,
« Lorsque l’un des baux emphytéotiques administratifs mentionnés à l’article L. 1311-2
est accompagné d’une convention non détachable constituant un marché public au sens
de l’article 1er du Code des marchés publics, une délégation de service public au sens de
l’article L. 1411-1 du présent code, un contrat de partenariat au sens de l’article
L. 1414-1 ou un contrat de concession de travaux publics au sens de l’article L. 1415-1,
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sa conclusion est précédée des mesures de publicité et de mise en concurrence prévues
par les dispositions applicables à ce contrat », et que cette obligation « s’applique
également aux baux qui comportent des clauses s’analysant comme une convention non
détachable présentant les caractéristiques (de ces) contrats ».
Ceci revient, comme on le voit, à ne pas soumettre les baux emphytéotiques
administratifs à une procédure générale de passation propre à ces baux en tant que tels, et
à imposer seulement le respect des règles de passation propres aux marchés publics, aux
délégations de service public, aux contrats de partenariat ou aux contrats de concession
de travaux publics lorsque, soit en raison des clauses qu’ils contiennent, soit en raison
d’une convention dont ils sont assortis et qui n’en est pas détachable, ces baux
apparaissent assimilables à l’un ou l’autre de ces divers contrats.
Et cette solution est également transposable, à notre sens, aux conventions d’occupation
domaniale constitutives de droits réels.
Il résulte de ce qui précède que le BEA ou la convention d’occupation domaniale
constitutive de droits réels que la Commune pourrait être amenée à conclure dans les
conditions évoquées plus haut devraient être précédés d’une publicité et d’une mise en
concurrence, dès lors que ce BEA ou cette convention d’occupation domaniale seraient
assortis d’une convention d’exploitation non détachable qui aurait, a priori, le caractère
d’une convention de délégation de service public. Ce qui ferait donc obstacle à ce que la
Commune puisse envisager de conclure directement un tel BEA ou une telle convention
domaniale avec la société ATLANTIC PARK.
2nde hypothèse : la conclusion d’un BEA ou d’une convention d’occupation
domaniale constitutive de droits réels avec un montage dit « aller-retour »
Dans le cadre de cette seconde hypothèse, la Commune pourrait conclure un BEA ou une
convention d’occupation domaniale constitutive de droit réel, par lequel (laquelle) elle ne
confierait au preneur que la charge de procéder à la construction des ouvrages et
équipements nécessaires à l’amélioration du parc aquatique, puis une fois ces ouvrages et
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équipements achevés, lesquels auront été financés et réalisés par l’emphytéote ou
l’occupant domanial, ceux-ci seraient mis à la disposition de la Commune, par le biais
d’une convention de location ou de mise à disposition, afin qu’elle puisse assurer ellemême directement, en régie, l’exploitation du parc ou en confier la gestion à un
partenaire tiers (par la voie d’un affermage, d’une régie intéressée, ou d’un marché
public de service. C’est ce que l’on appelle fréquemment un montage « aller-retour ».
Dans cette seconde hypothèse de montage contractuel, la Commune aurait alors la
possibilité de dissocier, d’une part, les missions de financement (permettant ainsi une
débudgétisation) et de conception/construction et, d’autre part, la mission d’exploitation
du service public, puisqu’elle pourrait, soit assurer en régie l’exploitation, soit confier
celle-ci à un autre partenaire, après avoir procédé à une publicité et à une mise en
concurrence préalables, par le biais d’une convention de délégation de service public (et
plus précisément une convention d’affermage, qui implique de respecter, pour sa
passation, la procédure de mise en concurrence prévue par les articles L. 1411-1 et
suivants du CGCT) ou d’un marché public de service public (dans l’hypothèse où le
partenaire ne serait pas substantiellement rémunéré par les résultats de l’exploitation et
qui implique de respecter, pour sa passation, la procédure de mise en concurrence idoine
prévue par le Code des marchés publics).
La légalité de ce type de montage contractuel, qui impliquerait d’anticiper l’interface
entre le constructeur et l’exploitant, a été implicitement reconnue par le législateur, qui a
inséré à l’article L. 1311-3 du CGCT un 6° aux termes duquel « lorsqu’une
rémunération est versée par la personne publique au preneur, cette rémunération
distingue, pour son calcul, les coûts d'investissement, de fonctionnement et de
financement ». L’institution de cette obligation revient, en effet, à consacrer l’existence
des BEA « aller-retour » et a d’ailleurs permis, par la même occasion, d’admettre les
BEA au bénéfice d’attributions du Fonds de Compensation pour la TVA (FCTVA) sur la
part de la rémunération versée au cocontractant correspondant à l’investissement qu’il
réalise (tout au moins s’il est inférieur à un certain seuil), étant précisé que, pour
prétendre à l’attribution de ce fonds, une évaluation préalable doit être mise en œuvre (v.,
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sur la légalité des AOT « aller-retour », CE avis, Section de l’intérieur et Section des
travaux publics, 31 janvier 1995, n° 356960).
Il convient de noter, par ailleurs, que, par un arrêt de Section très remarqué du
3 décembre 2010, VILLE DE PARIS ET ASSOCIATION PARIS JEAN BOUIN
(Rec. p. 472, concl. N. ESCAUT), le Conseil d’Etat a jugé « qu’aucune disposition
législative ou réglementaire ni aucun principe n’imposent à une personne publique
d’organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d’une autorisation ou à
la passation d’un contrat d’occupation du domaine public, ayant dans l’un et l’autre cas
pour seul objet l’occupation d’une telle dépendance », et « qu’il en va ainsi même
lorsque l’occupant de la dépendance domaniale est un opérateur sur un marché
concurrentiel », refusant ainsi de reconnaître l’existence d’un principe - d’origine
communautaire ou d’origine interne - qui impose de soumettre la délivrance des
autorisations d’occupation du domaine public à une obligation générale de transparence
ou - ce qu’il aurait pu faire à cette occasion - de dégager un principe général
du droit imposant cette transparence (v., sur ce point, les éclairantes conclusions de
Mme ESCAUT). Ce dont on peut conclure que la conclusion du BEA ou de la
convention d’occupation domaniale constitutive de droit réel n’aurait pas, en tant que
telle, à être précédée d’une publicité et d’une mise en concurrence préalables (seul le
contrat qui serait conclu par la suite en vue de confier à un autre partenaire l’exploitation
du service public devant faire l’objet d’une publicité et d’une mise en concurrence
préalables).
Il importe, toutefois, de souligner à ce propos :
- d’une part, que, si un BEA ne peut pas être regardé comme un marché public de
travaux au sens du droit interne - parce que la collectivité publique bailleresse n’assume
pas la maîtrise d’ouvrage des travaux à effectuer, alors que, comme on l’a rappelé plus
haut, la maîtrise d’ouvrage publique est, aux termes de l’article 1er du Code actuel es
marchés publics, un élément de la définition du marché public de travaux, il peut être
qualifié de marché public de travaux au sens du droit communautaire, qui ne retient pas
cette condition et considère qu’un tel marché existe, dès lors que le contrat a pour objet la
réalisation de travaux répondant aux besoins du pouvoir adjudicateur et qu’il y a
paiement, par celui-ci, d’un prix, au sens large que le droit européen donne à cette notion,
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ce qui peut conduire à voir le paiement d’un prix dans le loyer payé au preneur par la
collectivité publique bailleresse quand le bail a pour objet la réalisation d’un ouvrage qui,
à son achèvement, est mis à la disposition de ladite collectivité, comme c’est le cas du
BEA dit « aller-retour » (v., en ce sens, TA NICE, ord. réf., 6 décembre 2006, SOCIETE
CIRMAD GRAND SUD, req. n° 0605880 ; TA BORDEAUX, ord. réf., 26 novembre
2007, SOCIETE NORBAIL-IMMOBILIER, CP-ACCP 2008, p. 60) : auquel cas
trouvent à s’appliquer les règles de passation prévues pour les marchés de travaux
dépassant le seuil d’application du droit communautaire de 5.186.000 € H.T. (ce qui
ferait, là encore, obstacle à ce que la Commune puisse envisager de conclure directement
ce BEA ou cette convention d’occupation domaniale avec la société ATLANTIC
PARK) ;
- d’autre part, qu’un BEA peut être regardé comme constituant un contrat de
concession de travaux publics et comme soumis, en conséquence, aux règles de passation
prévues par les articles L. 1415-7 et R. 1415-1 et suivants du CGCT - qui varient selon
que le montant du contrat dépasse ou non le seuil d’application du droit communautaire
de 5.186.000 € H.T. - lorsque, à l’instar des concessions de travaux du droit européen
dont ce contrat est inspiré, il porte sur des travaux répondant à des spécifications
imposées par le concédant et dont celui-ci retire un avantage économique direct.
Dans les deux hypothèses que nous venons d’évoquer, le financement des ouvrages serait
porté par le titulaire du BEA ou de la convention d’occupation domaniale constitutive de
droit réel pendant toute la durée du contrat, étant toutefois précisé que :
- dans la première hypothèse, le partenaire privé verserait une redevance à la
Commune, dont le montant est, en principe, comme on l’a vu plus haut, limité, dans la
mesure où le preneur prend à sa charge des investissements assez lourds : l’intérêt de la
personne publique qui recourt au BEA réside alors moins dans la perception d’un loyer
que dans la valeur des constructions que le preneur est amené à réaliser ;
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- dans la seconde hypothèse, la Commune verserait un loyer au titulaire du BEA ou
de la convention d’occupation domaniale, une fois que les ouvrages auraient été mis à sa
disposition, ce loyer étant établi, en principe, en fonction de l’amortissement des
ouvrages construits.
Dans les deux cas, le financement des ouvrages à réaliser est facilité par l’attribution
de droits réels au partenaire privé (v. art. L. 1311-3 du CGCT pour le BEA et
arts. L. 1311-5, L. 1311-6 et L. 1311-6-1 du CGCT pour l’AOT constitutive de droit
réel).
2-1-4) La conclusion d’un BEA ou d’une AOT constitutive de droit réel en l’absence
de service public
Comme nous en avons évoqué l’idée, compte tenu de ce que vous nous avez dit, à la fin
de notre note juridique du 10 avril dernier, la Commune pourrait également envisager,
selon nous, de mettre un terme à l’activité de service public qu’elle a érigée en gérant en
régie directe l’exploitation du parc aquatique et décider de se désengager de cette activité
en la confiant à un prestataire privé auquel elle n’impartirait aucune obligation de service
public, ni ne lui consentirait, en contrepartie, aucune prérogative de service public.
2-1-4-1) Rien ne fait obstacle, en effet, à ce qu’un service public donné soit supprimé,
dès lors que celui-ci n’apparaît plus nécessaire à la satisfaction de l’intérêt général, ou
lorsque l’intérêt général en cause peut être satisfait par un autre procédé que le service
public, pour peu, toutefois, qu’il ne s’agisse pas d’un service public qui doit être
obligatoirement assuré par la personne publique compétente (CE, Section, 27 janvier
1961, VANNIER, Rec. p. 60 ; CE, 18 mars 1977, CHAMBRE DE COMMERCE ET
D’INDUSTRIE DE LA ROCHELLE, Rec. p. 153 ; v. également les conclusions du
Rapporteur public prononcées sur l’arrêt précité du Conseil d’Etat du 3 décembre 2010,
VILLE DE PARIS, req. n° 338272, publiées au BJDCP n° 74/2011, p. 40 et s.).
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Les usagers d’un service public facultatif n’ont, en effet, aucun droit acquis au maintien
dudit service public et l’autorité publique qui l’a créé est, sous certaines réserves, seule
juge du maintien ou de la suppression du service public au regard des exigences liées à
l’intérêt général. En d’autres termes, l’autorité publique compétente est, du point de vue
de l’appréciation de l’opportunité de supprimer un service public, dans une situation de
pouvoir discrétionnaire, et non dans une situation de compétence liée ; il lui appartient
d’apprécier si l’intérêt général qui a justifié la création du service public a évolué de telle
façon qu’il ne fait pas obstacle à la suppression de celui-ci (v., notamment, Cons. Const.,
26 juin 1986, n° 86-207 DC).
Néanmoins, pour que la suppression d’un service public intervienne dans des conditions
régulières, il importe que celle-ci soit décidée par l’autorité qui l’a créé, en vertu du
principe du parallélisme des formes. Ainsi, lorsque le service public en cause a été
librement créé par une collectivité locale, c’est elle qui sera compétente pour le
supprimer (dès lors, une fois encore, que, ni la Constitution, ni la loi, ni une disposition
internationale ou communautaire n’imposent le maintien de ce service public).
À titre d’exemple, le fait, pour un service public non obligatoire, de constituer une charge
difficilement supportable ou justifiable pour les finances publiques peut valablement
conduire l’autorité qui l’a créé à le supprimer, ce qui peut notamment être le cas, dans les
petites communes, des cantines scolaires, des maisons de retraite, des crèches, des
foyers-logement ou des garderies (v. aussi CAA BORDEAUX, 8 mars 2011, SOCIETE
D’HERRANA, req. n° 08BX02255, à propos de la fermeture d’une station de ski
déficitaire).
Il découle d’ailleurs de l’obligation d’équilibre prévue à l’article L. 2224-1 du CGCT,
qui impose que les SPIC communaux soient équilibrés en recettes et en dépenses, et de
l’interdiction prévue à l’article L. 2224-2 du même Code, selon laquelle, sauf exceptions
prévues par cet article, le budget communal ne peut pas prendre en charge les dépenses
afférentes à ces services publics, qu’une Commune devrait, en principe, supprimer
un SPIC dont il s’avère impossible d’équilibrer les dépenses par ses propres recettes
(v., en ce sens, CAA LYON, 22 décembre 1994, SARL ETABLISSEMENTS
DESSERT, req. n° 93LY00730, à propos de la suppression d’un abattoir).
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Au reste, la suppression d’un SPIC peut être liée au fait que son activité n’est plus
considérée comme un service public, notamment à la suite d’un transfert de cette activité
à une personne privée intervenant dans le secteur concurrentiel.
La décision de suppression du service public se concrétise, en principe, par l’édiction
d’un acte administratif unilatéral qui aura une portée réglementaire, dès lors que cette
décision se rapporte à l’organisation d’un service public (CE Sect., 1er juin 1909,
COMMUNE DE CLEFCY, Rec. p. 308).
Dès lors que cette décision relève, on l’a dit, du pouvoir discrétionnaire de l’autorité
compétente, le juge administratif n’exerce qu’un contrôle minimum sur son bien-fondé,
en ne censurant que les erreurs manifestes d’appréciation décelées à partir des motifs de
fait et de droit ayant fondé cette décision.
2-1-4-2) Il résulte de ce qui précède qu’en l’occurrence, la Commune pourrait donc
envisager à notre avis, si tel est bien évidemment son souhait, de supprimer le service
public d’exploitation du parc aquatique, au motif, notamment, que celui-ci constitue une
charge difficilement supportable pour elle et que cette charge sera de plus en plus
difficile à assumer, compte tenu des investissements qui vont bientôt devoir être réalisés
sur les ouvrages du parc justifiant à assez brève échéance, a priori, d’importants travaux
de rénovation.
Il apparaît bien évident, en effet, que ce service public, qui a plus précisément le
caractère d’un SPIC, est tout à fait facultatif et a été librement créé par la Commune ellemême (c’est en tout cas ce qui ressort des informations qui nous ont été transmises),
laquelle serait donc compétente pour le supprimer, les usagers de ce SPIC n’ayant pas de
droit acquis à son maintien. Et il appartiendrait plus précisément au Conseil municipal de
prendre cette décision.
Rien ne ferait non plus obstacle, selon nous, à ce que la Commune décide, dans le même
temps, de transférer l’activité en cause, qui ne serait donc plus considérée comme une
activité de service public, à une personne privée intervenant dans le secteur concurrentiel.
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Dans une telle hypothèse, la Commune pourrait alors envisager de conclure un BEA
« sec », ou encore une convention d’occupation domaniale constitutive de droit réel, non
assortis d’une convention d’exploitation (ni même d’un contrat de location au bénéfice
de la Commune), puisque la Commune devrait alors se désengager totalement de la
gestion du parc aquatique et ne pourrait plus opérer aucun contrôle sur celle-ci (la gestion
du parc relèverait exclusivement, en effet, de la compétence de la personne privée à
laquelle elle aurait été transférée).
Comme on l’a vu plus haut, en effet, une personne publique peut conclure sur son
domaine public un BEA ou une convention d’occupation domaniale constitutive de droit
réel en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de sa compétence,
et non pas seulement en vue de l’accomplissement d’une mission de service public
(v. arts. L. 1311-2 et L. 1311-5 du CGCT). Ce qui signifie que de tels contrats peuvent
être conclus même en l’absence de service public, pour peu, toutefois, que l’opération en
vue de laquelle ils sont conclus revête un caractère d’intérêt général.
Or, on peut considérer, au cas d’espèce, que l’exploitation du parc aquatique en cause a
bien le caractère d’une opération d’intérêt général, dès lors que celui-ci participe au
rayonnement touristique de la Commune, ainsi qu’à son développement économique. Il
est d’ailleurs intéressant de relever, à cet égard, qu’a déjà été considérée comme
constituant une opération d’intérêt général l’exploitation d’un parc récréatif
(CE, 27 juillet 2005, MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE
ET DES LIBERTES LOCALES, req. n° 247566, solution implicite).
Il conviendrait, si la Commune devait opter pour la conclusion d’un BEA ou d’une
convention d’occupation domaniale constitutive de droit réel non assorti d’une
convention d’exploitation, de bien veiller à ce qu’aucune clause du contrat ne laisse
penser que les ouvrages qui seront édifiés par la personne privée correspondraient à une
commande de sa part, ne lui confère un pouvoir de direction et/ou de contrôle dans
l’exécution des travaux à intervenir ni un droit de contrôle particulier sur les modalités
selon lesquelles le parc aquatique serait géré par la personne privée, ni ne confère à cette
personne privée des prérogatives de puissance publique qui pourraient laisser penser que
le service public n’a pas été, en pratique, réellement supprimé.
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En définitive, la Commune devrait veiller, de façon générale, à ce que le contrat en cause
ne comporte aucune clause qui pourrait permettre de requalifier le BEA ou la convention
d’occupation domaniale constitutive de droit réel en marché public ou en concession, ou
qui pourrait aboutir à la conclusion que la Commune n’a pas, dans les faits, véritablement
supprimé le service public dont elle assumait, jusque-là, la gestion.
Le risque serait, à défaut, que le contrat soit requalifié en contrat de la commande public
et soit, par suite, regardé comme illégal pour n’avoir pas été précédé d’une publicité et
d’une mise en concurrence adéquates. En effet, si le Conseil d’Etat a récemment jugé,
comme on l’a vu plus haut, qu’aucune disposition législative ou réglementaire, non plus
qu’aucun principe, n’imposent de soumettre la délivrance des autorisations d’occupation
du domaine public, tels que les BEA ou les AOT constitutives de droit réel, à une
publicité ou une mise en concurrence préalables (CE 3 décembre 2010, VILLE DE
PARIS ET ASSOCIATION PARIS JEAN BOUIN, précité), l’article R. 1311-2 du
CGCT, prévoit néanmoins, comme on l’a également rappelé plus haut, que, lorsqu’un
BEA comporte des clauses s’analysant comme une convention non détachable présentant
les caractéristiques d’un marché public, d’une délégation de service, d’un contrat de
partenariat ou d’une concession de travaux publics, sa conclusion doit être précédée des
mesures de publicité et de mise en concurrence prévues par les dispositions applicables à
ce contrat.
Cette solution est tout à fait transposable, selon nous, aux AOT constitutives de droit
réel.
Ce n’est donc qu’à ces conditions que la Commune pourrait envisager de conclure le
BEA ou l’AOT constitutive de droit réel à intervenir sans avoir à procéder à des mesures
de publicité et de mise en concurrence préalables. Ce qui permettrait éventuellement à la
Commune, si tel est bien son souhait, d’attribuer le contrat en cause directement à la
société ATLANTIC PARK.
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Il y a lieu de souligner, par ailleurs, que la mise à disposition d’une personne privée
d’une dépendance du domaine public ne prive pas pour autant la personne publique
gestionnaire du domaine de tout droit de contrôle sur son bien. Au contraire, le contrat
(en l’espèce le BEA ou la convention d’occupation domaniale constitutive de droit réel)
doit organiser les modalités permettant à la collectivité propriétaire de s’assurer du
respect, par son cocontractant, à la fois de l’intégrité et de la destination de ladite
dépendance. Le Conseil d’Etat a ainsi jugé qu’il appartient à l’autorité chargée de la
gestion du domaine public de fixer, tant dans l’intérêt du domaine et de son affectation
que dans l’intérêt général, les conditions auxquelles elle entend subordonner les
autorisations d’occupation (CE, 8 juillet 1996, MERIE, req. n° 121520, Rec. p. 272).
Concrètement, les conventions d’occupation du domaine public doivent comporter des
clauses - d’information, de consultation ou d’approbation - qui encadrent l’utilisation du
domaine par l’occupant, qu’il s’agisse de sous-occupations ou de travaux, et qui
permettent à l’autorité publique d’exercer son contrôle sur cette utilisation. Clauses qui
se distinguent des clauses d’une convention de délégation de service public puisqu’elles
ont pour objet, non pas le contrôle de l’activité exercée par le cocontractant, mais
uniquement le contrôle de l’utilisation du domaine support des installations permettant
l’exercice de cette activité (v., par exemple, CE, 10 mars 2006, SOCIETE UNIBAIL
MANAGEMENT, req. n° 284802).
Ainsi, en l’occurrence, la Commune pourrait - et même devrait -, en sa qualité de
gestionnaire du domaine, insérer dans le contrat à intervenir des clauses lui permettant de
s’assurer que les dépendances du domaine public qu’elle mettrait à la disposition de
l’exploitant personne privée seront occupées et utilisées par lui tant dans l’intérêt du
domaine que de l’intérêt général.
Enfin, nous tenons à attirer votre attention ici sur le fait que, si la suppression d’un
service public n’a pas de conséquence, en tant que telle, sur l’appartenance d’un bien au
domaine public, dès lors que ledit bien n’a pas fait l’objet d’une mesure de déclassement,
la personne publique propriétaire de ce bien peut parfaitement décider, en cas de
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suppression d’un service public, de déclasser ce bien après que celui-ci aura été
expressément désaffecté de la mission de service public à laquelle il était jusque-là
affecté et qui justifiait son appartenance au domaine public.
Aussi, en l’espèce, la Commune pourrait envisager, si elle décidait de supprimer le
service public d’exploitation du parc aquatique, de désaffecter les ouvrages en cause,
puis procéder au déclassement des parcelles sur lesquelles lesdites ouvrages ont été
édifiés, et conclure ensuite, une fois cette désaffectation et ce déclassement opérés, un
bail emphytéotique de droit commun - et non pas un BEA -, dès lors qu’un tel bail peut
valablement être conclu sur le domaine privé des collectivités locales (v., pour un rappel
de la procédure de désaffectation et de déclassement d’une dépendance du domaine
public, le point 3 de notre note juridique du 10 avril dernier).