Viticulteurs, pourquoi et comment protéger vos marques à l

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Viticulteurs, pourquoi et comment protéger vos marques à l
Viticulteurs, pourquoi et comment protéger
vos marques à l’export ?
L’enregistrement d’une marque en France confère à son titulaire une protection sur
l’ensemble du territoire national. Une telle protection est-elle suffisante pour les
opérateurs de la filière viticole ? Certainement pas !
La spécificité de la filière viticole et de ses réseaux de distribution sont autant de facteurs
qui plaident en faveur de l’élargissement de la protection de la marque au-delà du
territoire national.
A défaut de sécuriser les marchés d’exportation, l’opérateur s’expose non seulement au
risque de contrefaçon ou de dépôt frauduleux de la part des tiers, mais également au
danger de devenir lui-même contrefacteur d’une marque déposée antérieurement et de
bonne foi par un concurrent.
En effet, le droit qui s’attache à la marque est régi par le principe de territorialité, selon
lequel une marque n’est protégée sur un territoire que pour autant qu’elle y ait été
enregistrée, l’usage n’étant, en principe, générateur d’aucun droit privatif sur celle-ci.
De plus, le phénomène de la globalisation, le principe de la libre circulation des
marchandises au sein de l’Union européenne, ainsi que l’importance grandissante du
commerce électronique viticole accentuent davantage, si besoin était, l’impérieuse
nécessité d’étendre les droits nationaux d’une marque sur l’ensemble des marchés
stratégiques d’exportation.
Compte tenu du budget que requièrent de telles extensions de protection à l‘international
(dont les frais ne se limitent pas, rappelons-le, aux simples opérations de dépôt), il est
vivement conseillé d’établir un ordre de priorité au vu des impératifs commerciaux et,
dans une certaine mesure, eu égard aux pays à haut risque de contrefaçon (Chine,
Fédération de Russie, Brésil, etc.).
Une fois la stratégie de dépôts déterminée, trois voies de protection sont généralement
disponibles, à savoir : la voie nationale, la voie régionale et la voie internationale.
La voie nationale
Il est possible de déposer une marque directement auprès des autorités nationales des
pays choisis. La plupart requièrent la constitution d’un mandataire local. Si la marque
n’est destinée qu’à un seul pays, un dépôt national peut apparaître, dès lors, opportun
(par exemple, en cas de dépôt d’une marque dans les caractères correspondant à la
langue du pays ciblé – caractères chinois, cyrilliques, etc.).
La voie régionale
Des dépôts peuvent aussi être effectués auprès d’Offices régionaux qui permettent
d’obtenir la protection d’une marque simultanément dans plusieurs pays, comme par
exemple auprès de l'Office d'Harmonisation du Marché Intérieur (OHMI) pour tous les
Etats membres de l'Union européenne ou encore de l'Organisation Africaine de la
Propriété Intellectuelle (OAPI) pour tous les pays de l’Afrique francophone
subsaharienne.
Philippe Rodhain – Conseil en propriété industrielle
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Les dépôts régionaux permettent d’obtenir une protection uniforme sur un vaste
territoire régional pour un coût sensiblement inférieur à celui induit par des dépôts
nationaux successifs.
La voie internationale
L’enregistrement international des marques (dénommé Système de Madrid) permet
d’étendre la protection d’une marque déposée ou enregistrée, dans plusieurs pays
simultanément, moyennant le dépôt d’une demande d’enregistrement unique auprès de
l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).
Outre l’avantage financier notable qu’il procure par rapport à des dépôts nationaux
étrangers, le Système de Madrid permet aux titulaires d’étendre la portée géographique
de la protection de leurs enregistrements internationaux de marques au fur et à mesure
de la conquête de nouveaux marchés étrangers.
Pour le cas où la marque sur laquelle reposera la future demande d’enregistrement
international (marque de base) n'aurait pas été préalablement déposée, il convient de
garder à l’esprit les recommandations suivantes.
En premier lieu, il est préconisé de retirer de la représentation du signe de la marque de
base toutes les mentions obligatoires et facultatives en matière de règlementation
d’étiquetage sur lesquelles le déposant ne peut prétendre à aucun droit exclusif
(appellation d’origine, mention valorisante, type ou couleur du vin, millésime, etc.).
En effet, la présence de ces éléments peut non seulement venir encombrer la protection
juridique de la marque ainsi déposée, mais également constituer des motifs de refus
d’enregistrement selon certaines législations étrangères dans le cadre de la validation
ultérieure de l’enregistrement international par les Offices des pays concernés.
En second lieu, il est toujours préférable de privilégier, à titre de marque, la protection
de la dénomination avant d’envisager celle de l’étiquette intégrant des éléments
graphiques (représentation domaniale, blasons, couleurs, etc.).
En effet, les étiquettes, logos, couleurs évoluent nécessairement avec le temps, au point
de s’éloigner parfois notablement de la forme graphique de la marque telle que déposée.
Aussi, l’intérêt de la protection de la marque portant uniquement sur la dénomination est
de conserver une antériorité, et ce quelle que soit l’évolution de l’étiquette dans laquelle
elle s’intègre.
En outre, le dépôt sous forme verbale permet d’optimiser la portée de la protection
juridique, en focalisant le droit privatif sur le nom de la marque. En effet, la contrefaçon
porte généralement davantage sur le nom d’une marque que sur son aspect figuratif,
dans la mesure où seul le nom permet d’identifier le vin en question.
Quelle que soit la voie de protection retenue, il est toujours conseillé de vérifier, avant
les opérations de dépôt et/ou les premiers actes d’exploitation, la disponibilité juridique
de la marque sur les territoires étrangers visés.
Enfin, la réflexion sur la protection d’une marque à l’étranger doit intervenir au plus tôt.
En effet, à compter du jour du premier dépôt de marque, le titulaire bénéficie d’un droit
de priorité qui lui permet, durant une période de six mois, d’effectuer à l’étranger
d’autres extensions de la même marque, sans que des tiers puissent s’y opposer en
invoquant des droits postérieurs au premier dépôt.
Philippe Rodhain – Conseil en propriété industrielle
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Ces démarches de protection visant à la sécurisation d’une marque sur les marchés
d’exportation s’avèrent nécessaires, pour ne pas dire incontournables. En effet, il n'est
pas rare qu'un opérateur s’aperçoive que sa marque a d’ores et déjà été déposée par un
tiers malintentionné, voire par un ancien partenaire, ce qui est susceptible de mettre en
péril toute collaboration avec un nouveau distributeur local, lequel demandera
fréquemment les justificatifs de protection de la marque afin de s'assurer une paisible
exploitation de celle-ci sur son territoire.
Philippe Rodhain, Conseil en Propriété Industrielle,
Cabinet IP Sphère
Chargé d’Enseignement Université Montesquieu Bordeaux IV
Président de la Commission Marques de la CNCPI
Philippe Rodhain – Conseil en propriété industrielle
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