Discours à la communauté française - 2

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Discours à la communauté française - 2
Discours à la communauté française de Nouvelle-Zélande,
de M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de
la Défense, chargé des Anciens combattants
(à bord de la frégate Prairial, le 29 novembre 2013)
Seul le prononcé fait foi
Monsieur l’Ambassadeur,
Commandant,
Chers compatriotes de Nouvelle-Zélande,
Chers amis néo-zélandais,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout d’abord de vous remercier, commandant Daumas, pour la qualité de votre
accueil et pour les mots que vous avez prononcés.
Je suis très heureux d'être aujourd'hui parmi vous, à bord de la frégate Prairial, symbole des
échanges, riches et divers, entre la France et la Nouvelle-Zélande. Je souhaite profiter dès à
présent de cette occasion pour me féliciter du succès du grand exercice multinational Southern
Katipo qui se déroule au sud de votre pays.
Elle est le signe du caractère privilégié de la relation franco-néo-zélandaise dans cette région
Asie-Pacifique, où la France se situe par son histoire et sa géographie.
Je suis honoré et ravi d’avoir pu profiter de ces quelques jours pour découvrir la NouvelleZélande, à travers ses chemins de mémoire, à travers les lieux où s'inscrit le souvenir de
l'engagement néo-zélandais, aux côtés de la France, dans les deux guerres que le monde a
traversées au XXe siècle.
C’est la première fois que je me rends en Nouvelle-Zélande. Et pourtant, ce pays, je l’ai déjà
parcouru.
Je l’ai parcouru à travers la carrière de Wellington à Arras dans le Nord-Pas-De-Calais où je
me suis rendu il y a deux semaines. Là, 500 tunneliers néo-zélandais, à la veille de la bataille
d’Arras, en avril 1917, avaient creusé des galeries pour rejoindre la ligne de front allemande.
Ils donnaient alors des noms de villes néo-zélandaises aux différents tunnels de la carrière
pour se repérer et pour ne jamais oublier l’île d’où ils venaient, Wellington, Nelson,
Blenheim.
En visitant aujourd’hui ces galeries, c’est la Nouvelle-Zélande que l’on parcourt. Arras est
une ville qui nous raconte notre mémoire partagée…
C’est en se rendant sur des lieux de mémoire que l’on se fait une représentation précise de la
réalité de la Grande Guerre.
Cette réalité, ce sont les 128 000 Néo-Zélandais mobilisés, aux côtés des alliés, et débarqués à
l’autre bout du monde.
Cette réalité, ce sont les 18 150 soldats morts au combat dont 12 000 sur le front occidental,
morts sur nos terres, à des milliers de kilomètres de leur île et où ils avaient laissé leur
jeunesse et leur vie.
Cette réalité, c’est que plus de Néo-Zélandais sont morts en une seule journée lors de la
bataille de Passchendaele que lors de n’importe quelle autre journée dans leur histoire.
Cette réalité, c’est le cimetière de Caterpillar Valley tout près de Longueval et ses tombes
néo-zélandaises. Le mémorial que le site héberge est dédié aux 1 205 hommes de la New
Zealand Division qui ont disparu au cours des batailles de la Somme en 1916 et dont les corps
n’ont jamais été retrouvés.
Cette réalité, c’est ce jour emblématique que les Néo-zélandais et les Australiens nomment
l’Anzac Day, un jour qui commémore le débarquement du corps expéditionnaire australien et
néo-zélandais à Gallipoli le 25 avril 1915.
C’est là que naquit « l’esprit Anzac », qui symbolise aujourd’hui les liens étroits et privilégiés
qu’entretiennent la Nouvelle-Zélande et l’Australie, et leurs populations respectives, ce dont
j’ai pu me rendre compte à travers les échanges que j’ai eus ce début de semaine avec des
responsables australiens.
L’histoire commune de ces deux nations, jetées dans une guerre qui ne se jouait pas chez
elles, est à l’origine d’une relation unique et durable entre ces deux pays qui ont forgé au
cours du conflit leurs identités nationales.
C’est sur le perron du Parlement à Wellington, et devant une foule enthousiaste, que Lord
Liverpool, le Gouverneur-général, a annoncé l’engagement de la Nouvelle-Zélande dans la
guerre déclarée par le Roi George V contre l’Allemagne le 4 août 1914. La semaine suivante,
14 000 Néo-Zélandais se portaient volontaires.
Parmi eux, un soldat anonyme, tué dans les combats de la Somme en 1916, enterré tout près
de Longueval puis dont le corps a été transféré le 11 novembre 2004 au mémorial de
Wellington, en présence de plus de 100,000 Néo-Zélandais, une foule sans précédent se
recueillant devant lui.
Parmi eux aussi, Elise Margaret Kemp, seule infirmière néo-zélandaise parmi les 550
engagées, à être tuée au combat sur le front de l’Ouest, dans les Flandres. Elle avait été
rattachée à une station de triage des blessés britannique lorsque celle-ci fut bombardée par des
avions ennemis le 20 octobre 1917.
Je pense également au célèbre sous-lieutenant Averill, détenteur de la Croix militaire « pour
son exceptionnelle bravoure et pour son bon commandement », qui participa à la libération du
Quesnoy et fut le premier homme à gravir les remparts à l’aide d’une simple échelle.
Ces remparts dont la partie qui fait face au mémorial a été offerte aux Néo-Zélandais par la
ville française en signe de remerciement et de reconnaissance. Tout visiteur qui se rend sur le
mémorial se situe par la mémoire et par les actes de propriété en Nouvelle-Zélande.
Cette libération du Quesnoy est l’un des plus hauts faits d’armes des soldats néo-zélandais. Le
Lieutenant Harry Selwyn Henrick, de la New Zealand Rifle Brigade, nous a livré le récit de
cette bataille. Je le cite : « c’est le 4ème bataillon qui était entré le premier en ville... mais le
second bataillon marqua un point quand il vint avec son propre orchestre. Quand les
drapeaux tricolores apparurent et qu’on joua « La Marseillaise » dans le square, la plupart
des vieux pleurèrent sans retenue. Ainsi pris fin notre dernière intervention ».
Je pense enfin à Dave Gallaher, capitaine des All Blacks entre 1905 et 1906, et tué à
Paschendaele.
Car l’amitié franco-néo-zélandaise, fondée sur le souvenir de tous ces faits d’armes, est aussi
nourrie par une passion partagée de nos deux nations pour le rugby.
J’ai eu l'immense honneur de rencontrer le 6 novembre dernier les All Blacks avec qui j’ai
ravivé la flamme du soldat inconnu sous l’Arc de triomphe à Paris.
J’ai assisté trois jours plus tard au match entre nos deux belles équipes au Stade de France.
Quelle émotion de voir ainsi ces grands joueurs, que j’admire profondément, rendre hommage
à leurs aînés, ceux à qui nous devons de vivre aujourd’hui dans un monde de paix.
Et je sais que nombreux furent ici les Néo-Zélandais et les Français qui ont suivi la
retransmission en direct de cette rencontre sportive.
Cette belle image d’humanité et de courage dont nos équipes ont fait la démonstration sur le
terrain le 9 novembre dernier, au lendemain du lancement du Centenaire par le Président de la
République, fait écho aux liens qui unissaient il y a 100 ans nos soldats sur les champs de
bataille.
J’ai déjà parlé de rugby et c’est un sujet qui me tient à cœur à titre personnel. Né dans un autre
pays, pour moi, le rugby a été un sport, il m’a permis l’intégration et il m’a donné une famille.
Le rugby est une belle occasion de s’engager ensemble dans les commémorations à venir car
il partage avec la guerre plusieurs dimensions. Je sais les exigences de cette discipline, mais je
sais surtout les valeurs qui sont les siennes. C’est un ancien joueur passionné de rugby qui
vous parle.
Je me félicite que le rugby soit aussi le moyen d’associer des jeunes à ces grands moments de
mémoire ainsi que le montre l’association « Arras – Wellington » de la Région Nord – Pasde-Calais qui accueille chaque année plusieurs jeunes lycéens rugbymen néo-zélandais.
Ceux-ci suivent leur scolarité dans un lycée public d’Arras et son intégrés au centre de
formation du Rugby club d’Arras. En échange, des jeunes Arrageois se rendent en NouvelleZélande pour poursuivre leur scolarité et l’apprentissage du rugby.
Bien au-delà de la dimension sportive que je me plais à souligner, la Nouvelle-Zélande est
très impliquée dans les commémorations du Centenaire de la Grande Guerre. J’ai été frappé
par la richesse des manifestations envisagées par votre gouvernement, qui m’ont été
présentées hier par M. Christopher Finlayson, ministre de la culture et du patrimoine.
Je tiens aussi à saluer le travail admirable réalisé par M. Andrew Matheson, chargé des
programmes du Centenaire auprès de M. Finlayson. Je dois dire que je suis admiratif de
l’investissement et de l’attachement que ce pays porte à ces commémorations.
Permettez-moi d’évoquer un instant quelques-uns de ces projets. Sur le plan culturel tout
d’abord, je pense à la publication d’un ouvrage collectif, réalisé par un groupe d’auteurs
européens et néo-zélandais et intitulé « La fin d’une grande aventure : la Nouvelle-Zélande et
la France sur le front occidental » qui paraîtra en 2014.
Je pense aussi à l’engagement du ministère de la culture et du patrimoine dans le tourisme de
mémoire. Je sais combien la Nouvelle-Zélande est attachée à ce que soient mis en valeur les
sites et chemins de mémoire sur le front occidental, là où sont tombés tant de ses fils.
Nous y sommes aussi très attachés. C’est pourquoi j’ai souhaité dès cette année consacrer une
enveloppe au tourisme de mémoire en soutenant plusieurs projets de construction et de
rénovation de sites mémoriels afin que les régions de France accueillent comme il se doit ses
visiteurs français et étrangers.
C’est pourquoi aussi j’ai signé avec la ministre du tourisme, Mme Sylvia Pinel et plusieurs
représentants de régions et départements de France, un contrat de destination touristique afin
d’améliorer l’information et l’accueil des touristes mais aussi d’accroître l’attractivité de nos
lieux de mémoire.
J’ai aussi été particulièrement attentif au projet de numérisation d’archives qui m’a été
présenté tout à l’heure par le Directeur de la Bibliothèque Nationale, M. Bill McNaught, et
qui permettra à des familles de retrouver leurs ancêtres ayant participé à la Grande Guerre. Il
est essentiel que cette histoire puisse être rappelée et que cette mémoire puisse être ravivée au
sein de chaque famille.
Comme j’ai été impressionné par l’exceptionnel projet de création d’un parc mémoriel à
Wellington en prolongement de la Tombe du Soldat Inconnu néo-zélandais. La France
prendra toute sa part à cette réalisation.
Je reste enfin ému de voir les enfants de ce pays, qui n’ont jamais foulé le sol français, mettre
autant de cœur et d’énergie à rappeler le sacrifice, sur nos terres, de leurs aînés. J’ai été, très
sincèrement, touché par le travail réalisé par les élèves de l’école « Mount Roskill ».
Je suis très heureux de voir que cette mémoire partagée s’enracine au plus profond des
territoires, dans chacune des régions de l’île et s’invite dans les foyers de chacune des familles
néo-zélandaises.
Tous les Néo-Zélandais sont au rendez-vous de ces commémorations et je les en remercie. Je
compte aussi sur vous, chers compatriotes français, pour accompagner ces initiatives ici en
Nouvelle-Zélande.
Je souhaite saisir cette occasion pour vous remercier, très sincèrement, d’œuvrer chaque jour
au renforcement de ce lien et de nous rappeler, à tous, que la France doit aussi son histoire à
cet engagement commun.
Vous témoignez aujourd’hui par votre présence de l’amitié et de la fidélité qui sont au cœur
de la relation franco-néo-zélandaise. Cette fidélité, l’engagement des Néo-Zélandais dans la
deuxième guerre mondiale en témoigne. Je pense notamment aux soldats qui ont débarqué en
Normandie en juin 1944, parmi lesquels 8 reposent aujourd’hui au cimetière de Bayeux.
Je sais que le gouvernement néo-zélandais souhaite faire des commémorations du 70e
anniversaire du 6 juin 1944 un événement majeur.
Chers amis néo-zélandais, chers compatriotes français, permettez-moi de vous dire une chose
pour conclure : soyons fiers de cet héritage que nous avons en partage, celui forgé dans les
creusets de la Somme, des Flandres, de la Picardie et au Quesnoy, celui rappelé près de 30 ans
plus tard, sur les plages de Normandie…
Vive la Nouvelle-Zélande !
Vive la France !
Vive l'amitié franco-néo-zélandaise !