LES CONSÉQUENCES DES DERNIÈRES MODIFICATIONS

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LES CONSÉQUENCES DES DERNIÈRES MODIFICATIONS
LES CONSÉQUENCES DES DERNIÈRES MODIFICATIONS À LA LOI SUR LE DROIT
D'AUTEUR DU CANADA
Hugues G. Richard*
LEGER ROBIC RICHARD, avocats
ROBIC, agents de brevets et de marques de commerce
Centre CDP Capital
1001 Square-Victoria – Bloc E - 8e étage
Montréal (Québec) H2Z 2B7
Tél: 514-987-6242 - Fax: 514-845-7874
[email protected] – www.robic.ca
INTRODUCTION
I.
RECOURS
A)
LES RECOURS CIVILS
i)
Injonction
ii)
Les dommages
iii)
Recouvrement de possession
B)
LES RECOURS PÉNAUX
II.
LES DROITS MORAUX
A)
LE CONTENU DU DROIT MORAL
i)
Le droit de paternité
ii)
Le droit au respect de l'intégrité de l'oeuvre
B)
VIOLATION DU DROIT MORAL DE L'AUTEUR ET RECOURS OFFERTS
III.
LES OEUVRES CRÉÉES À L'AIDE D'UN ORDINATEUR
IV.
LES BASES DE DONNÉES
i)
Premier problème
ii)
Deuxième problème
iii)
Troisième problème
V.
ÉQUIVALENTS FONCTIONNELS
CONCLUSION
INTRODUCTION
Dans le cadre de ce séminaire, on m'a demandé de vous entretenir de
certains faits nouveaux reliés aux droits d'auteur.
© LEGER ROBIC RICHARD / ROBIC, 1991.
* Avocat et agent de marques de commerce, Hugues G. Richard, est l'un des associés
principaux du cabinet d'avocats LÉGER ROBIC RICHARD, s.e.n.c. et du cabinet d'agents de
brevets et de marques de commerce ROBIC, s.e.n.c. Ce document a été préparé pour fins
d'information générale dans le cadre d'une conférence organisée à Montréal le 1991.03.21
par Insight et portant sur le thème général des droits d'auteur. Ce document ne prétend
donc pas exposer l'état complet du droit sur la question. Publication 21.
Comme nous en avons déjà vu beaucoup suite à la modification de la Loi sur
le droit d'auteur en 1988 ainsi que les dernières décisions de la Cour Suprême
du Canada en matière de programmes informatiques et de radiodiffusion et
comme nous allons en voir certainement davantage lorsque la phase 2 de la
modification de la Loi sur le droit d'auteur entrera en vigueur, il était
nécessaire de faire un choix. C'est pourquoi aujourd'hui je veux vous
entretenir sur des aspects aussi différents et diversifiés que les recours pénaux
et civils prévus à la Loi sur le droit d'auteur, les droits moraux, les équivalents
fonctionnels (ou objets fonctionnels), les oeuvres créées par ordinateurs et les
bases de données.
Chacun des sujets sur lesquels je dois vous entretenir aujourd'hui aurait pu
faire l'objet d'une seule conférence tellement ceux-ci sont vastes et
intéressants. Cependant, comme il ne m'est alloué que 45 minutes pour tous
les aborder, je n'aurai surtout pas l'occasion d'être exhaustif mais j'essaierai de
vous faire part, pour chacun d'eux, de l'essentiel.
C'est dans cet état d'esprit que j'ai rédigé cette conférence, en espérant que
mes propos permettront d'en avoir une idée plus précise.
Entrons donc dans le sujet et abordons dès maintenant le premier point, à
savoir les recours en matière de droits d'auteur.
I.
RECOURS
Le droit d'auteur est un droit mobilier incorporel. C'est un droit de propriété sur
une création de l'esprit. Il s'agit donc d'un droit de propriété particulier qui
peut porter aussi bien sur des oeuvres littéraires, musicales, artistiques,
dramatiques, voire même cinématographiques et dont la particularité est de
ne pas être unique mais de se subdiviser en un faisceau de droits distincts et
qui permet aux propriétaires de ces droits d'en disposer de façon
indépendante. À titre d'exemple, si l'on prend l'auteur d'une oeuvre littéraire,
il peut en permettre la traduction en différentes langues, l'adaptation pour le
théâtre ou le cinéma.
En outre, il n'est aucunement nécessaire d'accomplir de formalités pour être
titulaire de ces droits. En effet, ceux-ci existent dès que l'oeuvre a été créée.
L'article 13(1) de la Loi sur le droit d'auteur prévoit que l'auteur d'une oeuvre
est le premier titulaire du droit d'auteur sur cette oeuvre. Néanmoins certaines
exceptions existent. Mentionnons par exemple l'article 13(3) de la Loi qui
prévoit que lorsque l'auteur est employé par une autre personne en vertu d'un
contrat de louage de service ou d'apprentissage et que l'oeuvre est
exécutée dans l'exercice d'emploi, l'employeur est, à moins de stipulation
contraire, le premier titulaire du droit d'auteur. De plus, un droit d'auteur peut
faire l'objet d'une cession, ainsi, le titulaire du droit d'auteur n'est pas
nécessairement l'auteur.
La Loi sur le droit d'auteur, qui a un caractère exhaustif, prévoit
principalement deux types de recours: des recours civils et des recours
pénaux. Nous envisagerons ces deux cas.
A)
LES RECOURS CIVILS
C'est l'article 34 de la Loi sur le droit d'auteur qui prévoit que lorsque le droit
d'auteur sur une oeuvre a été violé, le titulaire du droit est admis, sous réserve
des autres dispositions de la présente loi, à exercer tous les recours par voie
d'injonction, dommages et intérêts, reddition de comptes ou autrement que
la loi accorde ou peut accorder pour la violation d'un droit.
Plusieurs recours sont donc ouverts - nous allons les étudier brièvement.
Soulignons toutefois que nous nous restreindrons à la seule violation du droit
d'auteur et non pas aux violations de droits connexes comme, par exemple,
le délit de concurrence déloyale et parasitaire ou délit de substitution
d'appropriation d'images ou de personnalités, etc.
i)
Injonction
La procédure en injonction est un recours ouvert aux propriétaires d'un droit
d'auteur lorsque leur droit a été violé.
L'injonction en matière de droit d'auteur est une ordonnance de la Cour
fédérale ou d'une Cour supérieure d'une province ou de l'un de ses juges
enjoignant à une personne de ne pas faire ou de cesser de faire un acte ou
une opération déterminée. Il faut donc dans ce cas, pour qu'une injonction
soit émise, que l'acte reproché soit susceptible de se reproduire. Ce sera
donc au niveau de la preuve de cette possible nouvelle violation de l'oeuvre
que le problème va se poser dans l'obtention d'une injonction.
Il est également possible dans une procédure en violation d'une oeuvre de
permettre au propriétaire du droit d'auteur de demander une injonction
interlocutoire dans certains cas. Il faut alors respecter les conditions requises
pour obtenir cette injonction interlocutoire, i.e., urgence, diligence, droit
apparent, préjudice irréparable et balance des inconvénients.
ii)
Les dommages
L'article 35(1) de la Loi sur le droit d'auteur permet l'allocation de dommages
dans le cas de violation d'un droit d'auteur. Cet article se lit comme suit:
"Quiconque viole le droit d'auteur sur une oeuvre protégée en vertu de
la présente loi est passible de payer, au titulaire du droit d'auteur qui a
été violé, les dommages et intérêts que ce titulaire a subis du fait de
cette violation, et en sus, telle proportion, que le tribunal peut juger
équitable, des profits que le contrefacteur a réalisés en commettant
cette violation du droit d'auteur."
L'octroi des dommages en responsabilité extra-contractuelle est régi par le
principe de la restitution intégrale. En droit civil, comme en common law, ces
dommages réels doivent avoir un caractère direct et certain et c'est à la
partie demanderesse de les prouver.
Ici, c'est la preuve de l'évaluation de ces dommages qui peut poser
problème, ce qui explique d'ailleurs les sommes modiques que se voient
allouées les propriétaires de droits d'auteur dans les actions en violation de
leurs droits. Cumulativement aux dommages, la partie demanderesse peut
réclamer telle portion des profits que le contrefacteur a réalisés en
commettant cette violation du droit d'auteur (voir article 35.1).
Outre l'injonction et les dommages ou les profits, la Loi sur le droit d'auteur
donne également ouverture à un recours que connaît la Common Law et qui
a pour nom de recouvrement de possession.
iii)
Recouvrement de possession
Ce recours peut être cumulatif avec la demande en dommages. L'article 38
de la Loi sur le droit d'auteur qui prévoit cette possibilité se lit comme suit:
"Tous les exemplaires contrefaits d'une oeuvre protégée ou d'une partie
importante de celle-ci, de même que toutes les planches qui ont servi
ou sont destinées à servir à la confection d'exemplaires contrefaits, sont
réputés être la propriété du titulaire du droit d'auteur; en conséquence,
celui-ci peut engager toute procédure en recouvrement de possession
ou concernant l'usurpation du droit de propriété."
Ce recours est fondé sur la détention illégitime qu'a un tiers d'un bien dont la
Loi, par la fiction de l'article 38, attribue la propriété au titulaire du droit
d'auteur, objet de la contrefaçon.
Alternativement à ce recours en recouvrement de possession, le titulaire du
droit d'auteur violé peut aussi exiger du contrefacteur, en sus des dommages
et profits qui pourraient lui être octroyés, le paiement de la valeur des objets
de la contre-façon au moment où celle-ci a eu lieu. C'est ce que l'on appelle
le paiement de la valeur de conversion. Enfin, le demandeur peut également
solliciter de la part du tribunal une demande d'injonc-tion visant la délivrance
des produits contrefaits aux fins de destruction.
Voici donc schématiquement représentées les possibilités de recours civils
offertes par la Loi sur le droit d'auteur en cas de violation du droit d'auteur et,
avant de voir les recours pénaux, signalons qu'au Québec, selon les
conclusions recherchées, la Cour fédérale du Canada, la Cour supérieure ou
la Cour provinciale ont une juridiction concurrente dans ces matières.
B)
LES RECOURS PÉNAUX
Ce sont les articles 42 et 43 de la Loi sur le droit d'auteur qui prévoient un
certain nombre de sanctions pénales à l'encontre de certaines violations du
droit d'auteur. Dans certains cas, et en addition aux recours civils, le
coupable de ces violations peut se voir imposer des peines d'amendes voire
même d'emprisonnement.
C'est par voie de recours sommaire ou par voie de mise en accusation que
l'article 42(1) de la Loi sur le droit d'auteur prévoit de sanctionner une
personne qui sciemment:
a) se livre en vue de la vente ou de la location, à la contrefaçon
d'une oeuvre encore protégée;
b) vend ou loue ou commercialement met en offre de vente ou
en location un exemplaire contrefait d'une telle oeuvre;
c) met en circulation des exemplaires contrefaits, soit dans un but
commercial soit de façon à porter préjudice au titulaire du droit
d'auteur;
d) expose commercialement au public un exemplaire contrefait;
e) importe pour la vente ou la location au Canada un
exemplaire contrefait d'une telle oeuvre.
L'article 42(2) sanctionne toute personne qui sciemment:
a) confectionne ou possède une planche destinée à la
contrefaçon d'une oeuvre protégée;
b) fait, dans un but de lucre, exécuter ou représenter
publiquement une telle oeuvre sans le consentement du titulaire
du droit d'auteur.
Comme il s'agit de mesures pénales, cet article doit donc être interprété
restrictivement et si un article peut recevoir deux interprétations raisonnables,
on doit appliquer celle qui est en faveur de l'accusé.
La connaissance qui est requise de la part de l'accusé et dont la Couronne
doit faire la preuve, est la connaissance de la violation ou la connaissance de
faits qui pourrait suggérer à un homme raisonnable que le droit d'auteur existe
dans une oeuvre particu-lière et qu'une violation de ce droit d'auteur a été
commise.
L'aveuglement volontaire de ces faits est équivalent à la
connaissance.
Lors des propositions successives de modifications de la Loi sur le droit d'auteur
avant que celles-ci n'interviennent en 1988, les auteurs étaient partagés sur la
question à savoir s'il était encore souhaitable d'inclure des dispositions de
nature criminelle dans la Loi sur le droit d'auteur. En 1977, la proposition faite
par A.A. Keyes et C. Brunet recommandait que la nouvelle législation sur le
droit d'auteur n'inclut pas ce type de recours sommaire. Cependant en 1984
dans le livre blanc intitulé De Gutenberg à Télidon, les auteurs de ce livre ont
considéré que, dans certains cas, des sanctions criminelles étaient parfois plus
appropriées que des sanctions civiles, et ce quand, par exemple,
l'importance de la violation rendait la poursuite trop coûteuse ou trop
complexe pour une partie privée ou que le caractère socialement
répréhensible de cette conduite appelait à une condamnation publique.
La décision qui fut prise lors de la réforme de la Loi en 1988 fut de maintenir les
sanctions pénales dans la Loi sur le droit d'auteur et de surcroît, d'augmenter
considérablement le maximum prévu pour les peines d'amendes et
d'emprisonnement. En outre, la réforme apportée à la Loi en 1988 abrogea
explicitement la possibilité de travaux forcés.
Pour en terminer avec cette partie, mentionnons enfin ce que risque
d'encourir une personne trouvée coupable d'une des infractions mentionnées
plus haut à savoir: sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire
une amende maximale de $25,000.00 et un empri-sonnement maximal de six
mois ou l'une de ces peines; et sur déclaration de culpabilité par voie de mise
en accusation, une amende maximale de $1,000,000.00 et un
emprisonnement maximal de cinq ans pour l'une de ces peines.
L'article 43 vise à sanctionner l'altération du titre ou de la signature d'une
oeuvre dramatique ou musicale. Cet article, contrairement au précédent,
n'exige pas l'élément de connaissance. Le consentement de l'auteur peut
constituer une défense en autant que ce consentement soit par écrit.
Il est à noter que l'article 42 vise à protéger les droits du titulaire du droit
d'auteur, alors que l'article 43 s'intéresse à la protection des droits moraux de
l'auteur, indépendamment qu'il soit encore titulaire du droit d'auteur.
La personne trouvée coupable de l'infraction prévue à l'article 43 est passible
d'une amende maximale de $500.00; la récidive est punie de la même
amende et d'un emprisonnement maximal de 4 mois, ou l'une de ces peines.
II.
LES DROITS MORAUX
Le droit d'auteur comporte deux types d'attributs: des attributs pécuniaires
visant essentiellement l'exploitation commerciale d'une oeuvre et des attributs
d'ordre intellectuel ou moral qui tendent d'abord à la protection de l'auteur
plutôt qu'à l'utilisation commerciale de son oeuvre.
Cet attribut moral s'attache à la personne de l'auteur dont l'oeuvre est,
philosophiquement, considérée comme une expression de sa personnalité,
sinon même une extension de sa personne.
À l'instar d'autres pays anglo-saxons comme la Grande-Bretagne, le Canada
a toujours reconnu l'existence du droit moral de l'auteur et ce, principalement
pour respecter les obligations contenues à l'article 6 bis de la Convention de
Berne révisée à Rome en 1928. C'est donc en 1931 que le droit moral fait son
apparition dans la Loi canadienne, mais jusqu'en 1988, il faut bien le
reconnaître, les causes canadiennes reconnaissant l'existence de cet attribut
ne font pas légion et il était donc souhaitable lors de la première réforme
apportée à la Loi sur le droit d'auteur de préciser les contours de cette notion
et de donner aux tribunaux canadiens les remèdes qui étaient nécessaires à
sa sanction.
Nous verrons donc dans un premier temps quels sont les attributs du droit
moral qui sont protégés au Canada et dans une deuxième partie nous
verrons quels sont à l'heure actuelle les recours disponibles aux auteurs pour
faire sanctionner ce point.
A)
LE CONTENU DU DROIT MORAL
Le contenu du droit moral dans la Loi sur le droit d'auteur se limite à deux
attributs qui sont le droit de paternité et le droit au respect de l'oeuvre.
Envisageons tout d'abord le droit de paternité:
i)
Le droit de paternité
Cet aspect de droit moral d'auteur vise à faire respecter les noms et qualités
d'un créateur. C'est l'article 14.1(1) de la Loi sur le droit d'auteur qui prévoit
cette possibilité. Cette facette du droit moral d'auteur regroupe divers
éléments comme:
-
le droit de revendiquer la qualité d'auteur d'une oeuvre sous son
nom propre,
-
le droit de revendiquer la qualité d'auteur d'une oeuvre sous
pseudonyme,
-
le droit de ne pas voir associé son nom (ou pseudonyme) à la
création d'une oeuvre, c'est-à-dire le droit à l'anonymat,
-
le droit de réprimer l'usurpation de cette qualité d'auteur et,
-
le droit de réprimer une mauvaise désignation de sa qualité
d'auteur (soit parce que les nom et titre sont inexacts, soit parce
que l'apport de l'auteur-créateur n'est pas celui qu'on présente).
Ce droit à la revendication de création comporte néanmoins deux limites à
savoir: qu'elle ne vise que les actes mentionnés au paragraphe 3(1) de la Loi
(définition du droit d'auteur), et qu'elle est assujettie aux usages raisonnables
(en anglais: where reasonable in the circumstances). L'autre principe
consacré à l'article 14.1(1) de la Loi sur le droit d'auteur concerne le droit au
respect de l'oeuvre.
ii)
Le droit au respect de l'intégrité de l'oeuvre
Une oeuvre étant considérée comme l'expression de la personnalité même
d'un créateur, la Loi pose le principe de l'inviolabilité de celle-ci.
Cependant ce droit ne peut être invoqué que sous certaines conditions
contenues à l'article 28.2(1) de la Loi et qui sont soit la déformation, mutilation
ou modification de l'oeuvre ou soit si l'oeuvre est utilisée avec un produit, une
cause, un service ou une institution et ce, d'une manière préjudiciable à
l'honneur de l'auteur ou à sa réputation.
Quant aux autres composantes du droit moral de l'auteur qui sont
classiquement reconnues à savoir le droit de divulgation, le droit de retrait ou
de repentir et le droit de refus de création, ne sont pas reconnus en droit
canadien, tout au moins les deux derniers, quant au droit de divulgation, il est
plutôt considéré, en droit canadien, comme relevant du droit patrimonial et
non pas du droit moral.
B)
VIOLATION DU DROIT MORAL DE L'AUTEUR ET RECOURS OFFERTS
L'article 28.1 de la Loi sur le droit d'auteur nous enseigne que l'atteinte au droit
moral d'un auteur peut résulter d'un acte ou d'une omission. Il doit s'agir d'un
fait non autorisé par l'auteur et qui, de surcroît, est contraire audit droit.
Il est utile de préciser à ce stade que seul l'auteur d'une oeuvre est la seule
personne autorisée à prendre des recours en cas de violation de ses droits
moraux puisque le droit moral est un attribut de la personnalité il est donc
incessible et inaliénable.
En tant que recours, un auteur a, sous réserve d'une renonciation, un droit de
revendiquer sa qualité de créateur, sous son nom ou sous un pseudonyme, ou
encore de présenter l'oeuvre anonymement. L'auteur a également le droit
de réprimer toute atteinte à l'inté-grité de son oeuvre à savoir la déformation,
mutilation, modifi-cation ou association qui serait prjudiciable à son honneur
ou à sa réputation.
Une controverse a longtemps subsisté sur la nature et l'existence même d'un
recours pour violation de droit moral depuis la modifi-cation apportée à la Loi
sur le droit d'auteur en 1988. L'article 34(1.1) prévoit que le tribunal, saisi d'un
recours en violation des droits moraux, peut accorder à l'auteur, les
réparations qu'il pourrait accorder par voie d'injonction de dommagesintérêts, de reddition de comptes, de restitution ou autrement et que la loi
prévoit ou peut prévoir pour la violation d'un droit.
On constate donc que depuis cette réforme la panoplie de recours civils
offerts en cas de violation des droits pécuniaires du titulaire du droit d'auteur
sont maintenant accessibles à l'auteur en cas de violation de son droit moral;
situation qui devrait certainement permettre une protection plus accrue des
droits moraux au Canada.
Comme nous avons pu le constater, la réforme de la Loi sur le droit d'auteur
en 1988 a permis d'apporter, en ce qui concerne le droit moral, les précisions
nécessaires à cette notion et à sa protection par la Loi. Il sera donc
intéressant dans cette perspective d'attendre ce qu'en feront les tribunaux.
III.
LES OEUVRES CRÉÉES À L'AIDE D'UN ORDINATEUR
L'avènement de nouvelles technologies dans le domaine de la création
assistée par ordinateur pose le problème de l'attribution du droit d'auteur sur
les oeuvres qui sont créées à l'aide de logiciels. On peut citer comme
exemples, dans le domaine de la musique (programmes complexes
permettant la reproduction de sons de multiples instruments) ou le domaine
de l'ingénierie (programmes qui permettent la création assistée de designs
(CAD)). La question qui se pose dès lors est de savoir à qui attribuer le droit
d'auteur? En effet, tant le créateur du logiciel que son utilisa-teur seraient tous
deux susceptibles d'obtenir un droit d'auteur sur l'oeuvre finale ou à tout le
moins d'en être co-auteurs.
Dans le présent cas, la seule chose dont on peut être sûr, c'est que l'auteur ne
peut pas être l'ordinateur puisque selon la Loi sur le droit d'auteur, seule une
personne physique ou morale peut être titulaire d'un droit d'auteur sur une
oeuvre.
Pour répondre à la question posée, deux approches sont concevables. On
peut considérer, comme le programme qui aide à la création d'une oeuvre
contient toutes les variables possibles pour la création de celle-ci, que c'est
dès lors au créateur du programme lui-même et non pas à l'utilisateur de ce
programme qu'il faut attribuer le droit d'auteur sur l'oeuvre finale.
Néanmoins, pour contrer cet argument, on pourrait faire référence par
analogie au peintre qui, pour créer son oeuvre, utilise une toile et dans ce
cas, il est bien évident que ce n'est pas le fabricant de la toile qui sera l'auteur
mais bien le peintre qui a créé, à l'aide de ce support, une oeuvre artistique.
Mais, si l'on considère que le programme d'ordinateur n'est qu'un support
permettant à l'usager final de créer une oeuvre, il n'en demeure pas moins
que, si ce dernier ne fait simplement qu'une utilisation du programme comme
tel, c'est-à-dire sans aucune créativité originale de sa part, il serait difficile
dans ce cas d'admettre que le droit d'auteur lui appartient.
La recommandation qui a été effectuée à ce sujet dans la Charte des droits
des créateurs/créatrices (Chambre des communes, rapport du sous-comité
sur la révision du droit d'auteur, 1985) nous semble une solution logique à ce
problème. Selon cette recommandation, pour que l'oeuvre soit protégée par
droit d'auteur, il faut que premièrement les exigences d'originalité et de fixité
soient respectées et qu'en plus, l'oeuvre, pour qu'elle appartienne à la
personne physique ou morale qui est responsable de sa réalisation, doit être
très différente du programme qui a été utilisé en vue de sa création. "En
d'autres mots, l'effort intellectuel que fait l'utilisateur du programme doit
produire un résultat qui ne soit pas uniquement le résultat du programme de
conception."
IV.
LES BASES DE DONNÉES
Les problèmes de droit d'auteur en relation avec les bases de données
peuvent être divisés en trois: (1) en amont de la base de données, à savoir les
problèmes d'obtention des données et du paiement éventuel de redevances
reliées à l'obtention de celles-ci; (2) la base de données elle-même et
l'éventuelle protection que peut lui accorder la Loi sur le droit d'auteur; (3) en
aval de la base de données, à savoir, les problèmes reliés à son utilisation et
aux éventuels problèmes de violation du droit d'auteur sur la base de
données par l'utilisateur de celle-ci.
i)
Premier problème
Nous ne nous étendrons pas longtemps sur le premier de ces problèmes
puisque dans ce cas la règle est simple. Si une information est protégée par
un droit d'auteur, pour pouvoir être reproduite à l'intérieur d'une base de
données, il sera nécessaire pour le propriétaire de cette dernière d'obtenir les
autorisations nécessaires des auteurs et de leur payer les droits qui se
rattachent à la reproduction de leurs oeuvres à l'intérieur de la base de
données.
ii)
Deuxième problème
La protection des bases de données par le droit d'auteur est quant à elle une
question un peu plus difficile à résoudre.
La Loi sur le droit d'auteur ne définit nulle part ce qu'est une base de données.
Cependant, si l'on se réfère à l'article 342.1(2) du Code criminel, on peut y lire
que le terme "données" signifie "représentation d'informations ou de concepts
qui sont préparés ou l'ont été de façon à pouvoir être utilisés dans un
ordinateur".
Quant à une définition de bases de données, référence peut être faite à G.F.
Mann dans son ouvrage Computer Technology and the Law in Canada
(Carswell, 1987) à la page 91:
"a computer data base is any collection or compilation of information
held in electronic or machine - readable form".
Selon cet auteur, une base de données peut donc être assimilée à une
compilation et donc être considérée comme une oeuvre littéraire au sens de
la Loi sur le droit d'auteur.
Pour remplir cette condition, il faut que la compilation soit originale.
L'originalité est ici entendue dans le sens où le travail, les efforts et l'habilité
nécessaires à la réalisation de la compilation par l'auteur ne sont pas
négligeables. Dès lors on peut dire que lorsque la compilation des données
est effectuée directement par l'ordinateur sans aucune intervention de la part
de l'auteur, cette dernière ne serait sans doute pas sujette à la protection de
la Loi sur le droit d'auteur. Il faut donc que l'auteur lui-même présente sous
une forme originale la compilation qui serait contenue à l'intérieur de
l'ordinateur.
Ici encore un problème se pose au niveau de la titularité du droit d'auteur sur
cette compilation. Étant donné le nombre d'informa-tions qui peuvent être, à
l'heure actuelle, enregistrées dans une base de données, il est sans doute
possible, voire même probable que plusieurs personnes aient contribué à
"l'entrée des informations" au sein de la base des données. Sur cette question
précise, la Charte des droits des créateurs et créatrices (citée plus haut)
apporte également un début de réponse dans sa recomman-dation No 57.
La Charte nous dit que: "La propriété du droit d'auteur sur les compilations
produites au moyen de systèmes de mise en mémoire et de récupération de
l'information devrait être attribuée à la personne physique ou morale qui est
principalement responsable des mesures prises en vue de la réalisation de la
compilation."
Encore faudrait-il sans doute attendre une décision des tribunaux sur cette
question pour en avoir le coeur net.
iii)
Troisième problème
Le troisième problème relié aux bases de données concerne l'utili-sation et les
possibles violations de son droit d'auteur (s'il existe) dont pourraient se rendre
responsables les différents utilisateurs.
Il ne fait aucun doute que si un utilisateur copie l'ensemble des données qui
se trouvent dans une base de données protégée par le droit d'auteur, celui-ci
sera sans doute condamné pour violation du droit d'auateur protégeant
cette base de données. À l'inverse, il est nettement moins certain qu'une
copie d'une partie seulement de cette base de données pourrait faire l'objet
d'une action en violation du droit d'auteur. Dans ce cas, tout dépendrait sans
doute de la taille de la base de données ainsi que de la quantité
d'informations qui auraient été copiées à l'intérieur de celle-ci.
Ici encore il sera intéressant de pouvoir analyser les décisions qui seront sans
doute rendues un jour par nos tribunaux dans ce domaine pour savoir de quoi
il en retourne exactement.
Dans un tout autre ordre d'idées, nous allons maintenant aborder le problème
des équivalents fonctionnels qui, comme vous le savez sans doute, ne sont
plus protégés par la Loi sur le droit d'auteur depuis la réforme de celle-ci en
juin 1988.
V.
ÉQUIVALENTS FONCTIONNELS (ou objets fonctionnels)
Depuis la modification de la Loi sur le droit d'auteur au mois de juin 1988, les
objets fonctionnels ne sont plus protégés au Canada ni par droit d'auteur ni
par la Loi sur les dessins industriels. Où en est dès lors la protection des objets
fonctionnels au Canada?
Avant de répondre à cette question, il semble souhaitable de revoir
brièvement quelle était la situation juridique des objets fonction-nels
antérieurement à la modification de la Loi sur le droit d'auteur le 8 juin 1988.
La définition que contenait l'article 2 de la Loi sur le droit d'auteur concernant
les oeuvres artistiques permettait aux dessins d'objets fonctionnels qui
n'avaient aucun aspect ornemental requis pour être enregistré sous la Loi sur
les dessins industriels, d'être protégés par la Loi sur le droit d'auteur.
Dans l'affaire Bayliner Marine Corporation c. Doral Boats Ltd., (1985) 15 C.P.R.
(3d) à la page 289, la Cour, franchissant une étape supplémentaire, allait
jusqu'à protéger non seulement la copie du dessin de l'objet fonctionnel mais
la copie de l'objet lui-même. Bien que la Cour d'Appel renversa le jugement
de première instance, la décision du Juge Walsh sur ce point ne fut pas
considérée et donc le problème de la protection des objets fonctionnels ne
fut pas réglé. Soulignons d'ailleurs qu'une décision ultérieure de la Cour
Suprême de Colombie-Britannique dans le jugement Spiro-Flex Industries Ltd.
et al. c. Progressive Sealing et al. Inc., (1986) 13 C.P.R. (3d) à la page 311,
confirma la décision du Juge Walsh pour une protection "élargie" des objets
fonctionnels par la Loi sur le droit d'auteur.
Par l'intermédiaire des articles 64 et 64.1 de la Loi sur le droit d'auteur introduits
par la réforme de juin 1988, le législateur adopta une attitude opposée à
celle retenue par les tribunaux, à savoir que la reproduction d'un objet
fonctionnel trimentionnel ne constituait pas une contrefaçon du plan de cet
objet. Il n'est donc plus possible au Canada de protéger des objets utilitaires
qui se caractérisent seulement par une fonction utilitaire lorsqu'ils sont produits
à plus de 50 exemplaires.
La question que l'on peut dès lors se poser est la suivante: Existe-il un vide
juridique en ce qui concerne la protection des objets fonctionnels au
Canada?
La protection par l'intermédiaire du droit des brevets reste toujours possible si
l'objet fonctionnel remplit les conditions de brevetabilité qui sont la
nouveauté, le caractère inventif et l'utilité. Certains objets fonctionnels
pourraient sans doute rencontrer sans aucun problème les conditions de
nouveauté et d'utilité; la problématique résidant essentiellement dans
l'absence ou l'existence du caractère inventif nécessaire à la brevetabilité de
l'objet fonctionnel.
La Loi sur les marques de commerce pourrait permettre la protection de
certains façonnements de marchandises à condition toutefois que ceux-ci
aient été utilisés pendant une longue période de temps permettant ainsi de
les distinguer des autres produits fabriqués par des personnes ou des sociétés
différentes. Il ne faudrait pas toutefois que cette protection ait pour effet de
restreindre de façon déraisonnable le développement d'un art ou d'une
industrie. En principe, ce qui est fonctionnel ne peut pas constituer une
marque de commerce.
L'article 7 de la Loi sur les marques de commerce prévoit aussi l'interdiction de
pratiques de concurrence déloyale. Les disposi-tions de cet article pourraient
être utiles pour empêcher dans certaines circonstances la reproduction
d'objets fonctionnels.
Reste toujours ouverte la protection par la Loi sur le droit d'auteur à condition
que les objets soient fabriqués à moins de 50 exemplaires ou même par la Loi
sur les dessins industriels si la configuration, le motif ou les éléments décoratifs
prévalent sur la fonctionalité de l'objet en cause.
Le moyen le plus efficace, à l'heure actuelle, pour protéger des objets
fonctionnels consiste en l'utilisation de l'action en concurrence déloyale
prévue essentiellement par l'article 1053 du Code Civil du Bas-Canada.
Encore faut-il bien sûr remplir les conditions prévues à cet article pour
engager la responsabilité du concurrent peu scrupuleux, à savoir la faute, le
dommage et le lien de causalité entre la faute et le dommage.
Comme on a pu le constater, il existe encore certains moyens de protection
en faveur des objets fonctionnels. Néanmoins, ces différents moyens sont de
nature très limitée et ne permettraient pas une protection générale de ces
objets.
Soulignons enfin que le Ministère de la Consommation et Corporations
Canada a demandé à Me Roger T. Hughes et au soussigné de préparer une
étude sur l'opportunité pour le Canada d'adopter une législation protégeant
les objets fonctionnels. Ce qui montre l'intérêt de ce Ministère à la situation
juridique dans laquelle sont plongés les objets fonctionnels à l'heure actuelle.
CONCLUSION
Comme vous avez pu le constater, le droit d'auteur n'est pas seulement
d'intérêt pour les poètes et les artistes. C'est une loi qui touche à tous les
domaines de création de l'esprit humain. Bien que notre Loi sur le droit
d'auteur n'avait pas été amendée depuis longtemps, nos tribunaux ont su
l'adapter à de nouvelles créations. Maintenant qu'elle fut amendée (phase I)
et qu'elle le sera encore bientôt (phase II), il ne faudrait pas croire que le
Parlement aura pu prévoir toutes les situations. Nos tribunaux devront donc
continuer de faire évoluer le droit afin qu'il ne soit pas trop en retard sur les
créations de l'esprit humain qui elles ne cessent d'accélérer.
ROBIC, un groupe d'avocats et d'agents de brevets et de marques de commerce voué
depuis 1892 à la protection et à la valorisation de la propriété intellectuelle dans tous les
domaines: brevets, dessins industriels et modèles utilitaires; marques de commerce, marques
de certification et appellations d'origine; droits d'auteur, propriété littéraire et artistique, droits
voisins et de l'artiste interprète; informatique, logiciels et circuits intégrés; biotechnologies,
pharmaceutiques et obtentions végétales; secrets de commerce, know-how et
concurrence; licences, franchises et transferts de technologies; commerce électronique,
distribution et droit des affaires; marquage, publicité et étiquetage; poursuite, litige et
arbitrage; vérification diligente et audit; et ce, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde. La
maîtrise des intangibles.
ROBIC, a group of lawyers and of patent and trademark agents dedicated since 1892 to the
protection and the valorization of all fields of intellectual property: patents, industrial designs
and utility patents; trademarks, certification marks and indications of origin; copyright and
entertainment law, artists and performers, neighbouring rights; computer, software and
integrated circuits; biotechnologies, pharmaceuticals and plant breeders; trade secrets,
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