PDF - 600Ko - Greenpeace France

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TRANSPORT DE PLUTONIUM
MILITAIRE AMERICAIN
SUR LES ROUTES DE FRANCE
PREAMBULE : RAPPEL DES FAITS
19 Février 2003 : action à Châlon-sur-Saône (71)
Rue de Paris, en plein centre-ville de Chalon-sur-Saône, 30 militants
de Greenpeace bloquent un camion transportant près de 150 kg de
plutonium (sous la forme de poudre de plutonium PuO2), soit
l’équivalent de 20 bombes atomiques de type Hiroshima.
L’organisation écologiste entendait ainsi révéler ce trafic bihebdomadaire de matières extrêmement dangereuses traversant des
dizaines de localités entre Cherbourg (Manche), Marcoule (Gard) et
Cadarache (Bouches-du-Rhône), mais bénéficiant d’une protection
très limitée lors de leur traversée de la France. Sur l’année, ce sont
près de 12 tonnes de plutonium (l’équivalent de 1500 bombes !) que
le groupe Areva/Cogema fait circuler en convois banalisés, sur les
autoroutes, près des écoles, sous les fenêtres de riverains ignorant
tout du danger auquel l’industrie nucléaire les expose de manière
totalement irresponsable.
« Greenpeace révèle aux citoyens les dangers auxquels l’industrie nucléaire les expose sans les en informer. Qui oserait
défendre qu’il faut taire qu’on peut en France facilement s’emparer de l’équivalent de dizaines de bombes atomiques ou
provoquer du fait d’un accident non prévu mais prévisible une véritable catastrophe humanitaire ? » s’insurge Frédéric
Marillier, chargé de campagne nucléaire à Greenpeace France
A l’occasion de cette action de dénonciation pacifique, Greenpeace a publié une étude traitant de l’ensemble des transports
générés par l’industrie du plutonium, réalisée par le cabinet Wise. L’association a également ouvert un site Internet
spécialisé « www.stop-plutonium.org ».
Printemps – Eté 2003 : Greenpeace met en place la C.C.C.I
Cellule Citoyenne de Contrôle d’Inspection des matières Fissiles
Face au développement sans précédent du trafic de produits nucléaires, Greenpeace a mis en place une Cellule Citoyenne de
Contrôle et d’Inspection des matières Fissiles (C.C.C.I), lors d’une conférence de presse sur le Viaduc de Calix (14), sur le trajet
habituel des convois ultra sensibles de plutonium. Cette cellule citoyenne a pour mission de contrôler et d’enquêter sur les
installations productrices ou utilisatrices de plutonium ou de combustible au plutonium (Mox), ainsi que sur leurs transports.
L’association a décidé de solliciter la population. En effet, que l’on soit chauffeur de camion, employé d’autoroute, élu local,
pompier ou simple citoyen, sur la route des vacances ou du travail, ces transports incessants concernent l’ensemble de la
population française.
« Nous soupçonnons un trafic à grande échelle de matériaux proliférants sur
le sol français pouvant servir à l’approvisionnement des armes de
destruction massive. Une grosse société française pourvoirait le réseau
international de plutonium à partir d’une unité de production située à
l’Ouest de la France » a ironisé Yannick Rousselet, chargé de la Campagne
nucléaire à Greenpeace France. « Des complicités au sein même de l’appareil
gouvernemental et des autorités de sûreté ne sont pas exclues, d’où l’utilité
de cette cellule spéciale citoyenne et indépendante »
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9 Août 2003 : L’ensemble du Nucléaire passe sous-secret défense !
Dans le journal officiel daté du 9 août 2003 figure un arrêté du 24 juillet relatif à « la protection du secret défense national dans
le domaine de la protection et du contrôle des matières nucléaires». Cet arrêté surréaliste signé du haut fonctionnaire de défense,
M. Lallemand stipule que toutes les matières nucléaires et leurs connexions, en l’occurrence les installations, les transports, les
plans d’exercices de crise sont maintenant affublés du sceau du secret défense. Il est désormais interdit de communiquer ou
d’informer sur la filière nucléaire française.
Comment en est-on arrivé là ?
Depuis des années, Greenpeace dénonce les dangers et
l’inutilité de l’industrie du plutonium, notamment à travers
son action de blocage pacifique de l’un de ses camions avec
une facilité déconcertante, en plein centre-ville de Châlonssur-Saône. Depuis cette date, l’organisation écologiste
multiplie les actions de sensibilisation aux problèmes et
dangers de ces transports, en particulier sur les aspects de la
sûreté (accidents, incendie, qualité des containers, etc.…),
mais aussi sur la sécurité et en particulier le risque
considérable d’une attaque terroriste contre l’un de ces
transports. Les services de l’Etat sont particulièrement
décontenancés devant la volonté de Greenpeace de faire la
transparence sur cette partie très obscure de la chaîne du
plutonium.
« En publiant cet arrêté, le gouvernement français rend impossible toutes communications de la part des exploitants – ce qui est
loin de les déranger - mais aussi et surtout interdit à la presse ou aux associations de communiquer simplement, même sur
l’activité d’une centrale nucléaire ou un transport de combustibles irradiés. Ce texte est une atteinte scandaleuse à la liberté
d’expression. De toute évidence, les autorités françaises n’apportent aucune réponse au grave problème de la sécurité des
transports de plutonium à travers la France. La seule solution est leur arrêt définitif » a ajouté le porte-parole de Greenpeace.
Le 7 octobre 2003, Greenpeace et la CRIIRAD saisissent le Conseil
d’Etat en déposant un recours juridique demandant l’annulation de cet
arrêté. L’arrêté stipule en effet que toutes les matières nucléaires et leurs
connexions, en l’occurrence les installations, les transports, les plans
d’exercices de crise, sont maintenant affublés du sceau du secret défense.
Il est désormais interdit de communiquer ou d’informer sur la filière
nucléaire française.
De leurs côtés, Reporters Sans Frontières, l’A.J.E (Associations des
Journalistes pour l’Environnement) ainsi que la J.N.E (Journalistes pour
la Nature et l’Environnement) déposent également un recours auprès du
Conseil d’Etat pour dénoncer les menaces qui pèsent sur la liberté de la
presse.
Janvier 2004 : Un deuxième arrêté tout aussi arbitraire
Le 29 janvier 2004, un nouvel arrêté concernant le « secret défense » est paru au Journal Officiel. M. Lallemand, Haut
Fonctionnaire de Défense, reconnaît de manière claire que Greenpeace et toutes les organisations qui ont attaqué le premier
arrêté avaient raison. Ce haut responsable revient lui-même sur ses premiers écrits, reconnaissant ainsi leur inapplicabilité et
l'atteinte qu'il porte aux libertés fondamentales. Il enrobe ainsi sa protection policière de l’industrie nucléaire d’un nouvel
emballage…« La vraie question aujourd’hui demeure bien celle du risque en matière de sûreté et de sécurité que font courir
l’utilisation et le transport des matières nucléaires aux populations. Ce n’est pas en interdisant d’en parler que le problème
sera résolu » a ajouté le porte-parole de Greenpeace.
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A suivre en automne 2004 : du Plutonium militaire en route vers la France….
LE PLUTONIUM ET LE COMBUSTIBLE MOX
Questions / Réponses
12345678910-
Qu’est-ce que le plutonium ?
Quel danger représente le plutonium ?
Pourquoi le plutonium est-il utilisé dans les armes nucléaires ?
Comment extrait-on le plutonium des réacteurs nucléaires ?
Qu’est-ce que le retraitement nucléaire ?
Qu’est-ce que le combustible MOX ?
Quels sont les problèmes liés au combustible MOX ?
Le transport de combustible MOX est-il sans danger ?
Le combustible MOX est-il économique ?
Pourquoi du Plutonium militaire américain en France ?
I - Qu’est-ce que le plutonium?
Lorsque l’uranium est introduit dans un
réacteur nucléaire comme combustible, les
réactions nucléaires qui en résultent produisent
un grand nombre de substances radioactives
dont le plutonium. Parmi celles-ci figurent
également le cesium, le ruthénium, l’iode, le
krypton et le strontium. Le plutonium n’existe
pas de façon naturelle dans l’environnement, il
nécessite une réaction nucléaire soutenue pour
exister. Les seules origines du plutonium
proviennent de la production d’électricité
nucléaire, de la production et les essais d’armes
nucléaires.
II - Quel danger représente le plutonium ?
Le plutonium n’est présent dans l’environnement que depuis l’explosion de la première bombe aux EtatsUnis en 1945. Par conséquent, on sait peu de choses sur le comportement du plutonium dans
l’environnement et dans le corps humain. Il est cependant avéré que le plutonium est une substance
hautement toxique et radioactive qui ne dispose pas de niveaux d’exposition sûrs pour le corps humain. Il
n’existe pas de niveau d’exposition sans danger pour le corps humain ou de dose inoffensive.
Le plutonium provoque le cancer chez les populations qui y sont exposées. L’inhalation d’un millième de
gramme de plutonium suffit à provoquer le développement d’une tumeur cancéreuse. Après avoir pénétré
le corps humain, le plutonium y restera logé pour une très longue période – dépassant la durée de vie
moyenne d’un être humain. Le plutonium se fixe dans le corps humain, exposant des parties très sensibles
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du corps à une radiation nuisible pouvant mener à des atteintes génétiques provoquant le cancer ou à
d’autres impacts sanitaires tels que des malformations à la naissance chez les nourrissons.
III - Pourquoi le plutonium est-il utilisé dans les armes nucléaires?
Le seul objectif de recherches des gouvernements sur l’énergie nucléaire au cours de années 1940 et 1950 était la
mise au point de bombes nucléaires. Si les bombes nucléaires peuvent être conçues à partir d’uranium hautement
enrichi, la plupart des pays en possession d’armes nucléaires ont décidé d’utiliser le plutonium. Ceci s’explique car
le plutonium est plus « réactif » dans son état normal. En d’autres termes, le plutonium demande moins d’extra
radiation pour être bombardé et causer une masse critique menant à une réaction nucléaire en chaîne qui explose en
une boule de feu nucléaire. Cela signifie qu’une bombe nucléaire peut être largement réduite – plus que l’uranium pour être logée dans un missile.
Du plutonium plus ou moins purifié peut être utilisé dans les armes nucléaires. A mesure que le niveau d’impureté
dans le plutonium diminue, la force explosive est augmentée. Cette forme pure du plutonium est dite de « qualité
militaire ». Cependant, même le plutonium ayant un niveau d’impureté relativement élevé, tel que celui utilisé dans
les centrales d’électricité nucléaire, peut être utilisé comme explosif nucléaire. Une telle bombe au plutonium de
« type réacteur » a été testée avec succès dans le cadre du programme d’essais d’armes nucléaires américain.
IV - Comment extrait-on le plutonium des réacteurs nucléaires?
Une fois que les crayons de combustible d’uranium des réacteurs nucléaires atteignent la fin de leur durée de vie
utile (en général autour de trois ans), le combustible est déchargé et traité comme un déchet nucléaire hautement
radioactif. Le combustible nucléaire irradié est si radioactif qu’il produit une grande quantité de chaleur et nécessite
un refroidissement permanent. Ce dernier est généralement effectué par submersion des crayons de combustible usé
dans d’immenses piscines de refroidissement au sein des centrales nucléaires.
Une minorité de pays - dont la France est le leader - utilisent le nucléaire comme source d’énergie, et ont donc
décidé d’utiliser un procédé nucléaire d’extraction du plutonium des crayons de combustible irradié. Ce procédé est
appelé le retraitement nucléaire. Tous les pays possédant des armes nucléaires à base de plutonium ont des usines
d’extraction de plutonium.
V - Qu’est-ce que le retraitement nucléaire?
Le retraitement s’effectue au sein de très grandes usines. Une fois que les crayons de combustibles irradiés ont un
peu refroidi - au bout de sept ans environ - les crayons sont cisaillés en morceaux, relâchant de la sorte tous les gaz
radioactifs présents à l’intérieur des crayons de combustibles métalliques. La plupart de ces gaz sont rejetés dans
l’atmosphère.
Les morceaux de crayons de combustibles usés sont ensuite plongés dans une grande cuve en acier remplie d’acide
nitrique bouillant. Ce dernier dissout le combustible nucléaire, mais laisse les morceaux de métal des crayons intacts
(appelés coques). Ce mélange est ensuite séparé par différents procédés physico-chimiques : le plutonium représente
environ 1 %, l’uranium appauvri de retraitement stocké comme déchets environ 96 % et 3 % de déchets de très haute
activité. Ces déchets restent extrêmement radioactifs et nécessitent une surveillance pendant plusieurs milliers
d’années.
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Le retraitement nucléaire génère un grand nombre de déchets issus des machines, des installations, des liquides et
produits chimiques utilisés, des filtres, des vêtements des travailleurs du nucléaire, etc. Ainsi, le retraitement créé un
volume de déchets irradiés jusqu’à 180 fois supérieur au volume du combustible nucléaire d’origine.
Les déchets liquides hautement radioactifs qui en découlent et qui exigent un refroidissement constant, contiennent
toujours autant de radioactivité que le combustible nucléaire usé : le retraitement ne réduit pas le niveau de
radioactivité du déchet.
Dans la plupart des usines de retraitement, les déchets liquides de faible activité sont déversés dans la mer par des
pipelines. Les deux plus grandes usines de retraitement d’Europe, Sellafield (dans le nord de la Grande-Bretagne) et
La Hague (dans le nord de la France) comptent le plus grand nombre de rejets radioactifs du monde en mer,
représentant 97 % de l’ensemble des rejets radioactifs de toutes les centrales nucléaires européennes.
VI - Qu’est-ce que le combustible au plutonium MOX ?
Le MOX est un combustible à base d’Oxydes d’uranium (naturel appauvri) et d’environ 7 % de plutonium. Le
plutonium utilisé est issu des opérations de retraitement. L’uranium utilisé, lui, est généralement récemment extrait
et il ne s’agit pas d’uranium récupéré après retraitement. En effet, l’uranium retraité contient encore de petites
quantités de déchets radioactifs et beaucoup d’exploitants de centrales nucléaires refusent de l’utiliser dans leurs
réacteurs.
L’uranium et le plutonium sont mélangés sous forme de poudre puis sont compactés pour former des pastilles de
combustible en céramique mesurant 2 cm de hauteur sur 1 cm de large. Ces pastilles de MOX sont ensuite chargées
les unes sur les autres dans de longues « barres » de combustible appelées crayons et mesurant de 3 à 4 mètres de
long.
Il y a environ 300 pastilles dans chaque crayon de combustibles. Chaque crayon est ensuite placé avec d’autres dans
ce que l’on appelle un « assemblage » combustible qui compte environ 289 crayons au total (17 crayons en hauteur
par 17 crayons en largeur). Et c’est l’assemblage complet de combustible MOX qui est finalement chargé dans le
réacteur nucléaire.
VII – Quels sont les problèmes liés au combustible MOX ?
La plupart des centrales d’électricité nucléaires furent conçues et construites pour recevoir uniquement du
combustible à l’uranium. Ainsi, lorsque l’on remplace le combustible par du MOX dans les réacteurs, la sûreté
globale du réacteur s’en voit réduite. En effet, le plutonium est plus « réactif » - et c’est pourquoi les fabricants de
bombes nucléaires préfèrent l’utiliser.
L’augmentation de la “réactivité” à l’intérieur du réacteur est supérieure à celle que peut normalement supporter le
réacteur tel qu’il est conçu à l’origine. Cela signifie qu’il faut procéder à des mesures et modifications
supplémentaires sur le réacteur, augmentant ainsi le risque d’accidents.
Le combustible au plutonium MOX devient plus chaud et plus radioactif que le combustible à l’uranium
normalement utilisé et ceci peut mener à une réduction des marges de sûreté du réacteur. Ainsi, dans n’importe quel
scénario de perte, lors d’un accident de refroidissement le combustible MOX plus chaud et plus radioactif peut
provoquer une fonte localisée accrue du combustible dans le réacteur. La fonte du combustible dans le cœur du
réacteur peut s’étendre à d’autres combustibles du réacteur et déclencher un accident de fusion du cœur du réacteur,
comme il s’est produit à la centrale nucléaire de Three Mile Island, en Pennsylvanie. Au delà des problèmes de
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sécurité au sein du réacteur, le combustible au plutonium MOX entraîne des dangers accrus pour les travailleurs
impliqués dans sa fabrication ou sa manipulation.
Le plutonium émet davantage de rayonnements que l’uranium. Par conséquent, les travailleurs se trouvent plus
exposés à la radiation. Par ailleurs, une fois que le combustible MOX est consumé dans un réacteur nucléaire, il est
beaucoup plus chaud et radioactif, aggravant les problèmes déjà très sérieux liés au traitement des combustibles
nucléaires irradiés hautement radioactifs.
VIII - Le transport du MOX est-il sans danger ?
Le rejet, ne serait-ce que d’une infime quantité de plutonium présent dans le Combustible MOX, à la suite d’un
accident durant le transport, pourrait engendrer des impacts généralisés sur l’environnement, la santé et l’économie
dans la zone autour de l’accident.
Les conteneurs utilisés pour le transport du combustible au plutonium MOX vers le Japon sont testés seulement pour
résister à un incendie de 800 degrés pendant 30 minutes. Selon les statistiques mondiales, un incendie sur un bateau
de transport dure en moyenne 23 heures et à des températures bien plus élevées.
Des tests menés sur du combustible MOX exposé à l’air ont montré qu’il être rompu au bout de quinze minutes sous
une température de 430°C seulement. Dès que le combustible au plutonium MOX commence à se rompre, des
particules inhalables de plutonium peuvent s’échapper dans l’air et s’éparpiller loin du site de l’accident selon les
conditions météorologiques du moment. De telles particules de plutonium représenteraient un véritable danger
sanitaire pour toute personne qui viendrait à les inhaler.
IX - Le combustible MOX est-il économique ?
Non. Le coût moyen de fabrication du combustible MOX est de 3 à 8 fois plus élevé que le combustible d’uranium
habituellement utilisé. Ceci est du au fait que le combustible doit être réduit pour éviter l’exposition aux
rayonnements radioactifs, ce qui engendre des coûts supplémentaires élevés.
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POURQUOI DU PLUTONIUM
MILITAIRE AMERICAIN EN FRANCE ?
Depuis les accords « Start » de désarmement, la Russie et les USA se sont engagés chacun à
« éliminer » 34 tonnes de plutonium de leurs stocks nucléaires militaires, dans un programme mené
parallèlement.
Pour cela, ces pays disposaient de plusieurs solutions, la moins mauvaise aux yeux de Greenpeace
consistant à « immobiliser » le plutonium en le noyant dans les déchets de haute activité (très
radioactifs pour des millénaires) ; ainsi, le plutonium devient inutilisable à des fins militaires. Cette
technologie est au point et c’est la moins chère. Cependant, dans son souci de développer l’industrie
du plutonium aux USA et en Russie et d’amorcer la pompe à plutonium, Areva propose une autre
solution, extrêmement dangereuse et beaucoup plus coûteuse, consistant à fabriquer du combustible
Mox. Ce combustible est fabriqué à partir d’uranium naturel neuf auquel on ajouterait environ 7 % de
ce plutonium militaire. Ainsi le plutonium reste en circulation et donne la possibilité à Areva de
continuer de s’enrichir, mais ne solutionne en rien les risques de prolifération nucléaire.
Dans cette logique, Areva propose de construire deux usines (copie de celle de Melox à Marcoule),
l’une à Savanha River aux USA, l’autre en Russie (financée par les deniers publics du G8).
Ce programme rencontre de nombreuses difficultés, en particulier de financement en Russie, mais
également aux USA, où certains sénateurs voient d’un mauvais œil le maintient à flot de l’industrie du
plutonium française moribonde.
Dans le cadre du processus d’autorisation pour la construction de l’usine de fabrication de Mox aux
USA, l’autorité de sûreté américaine, le NRC (National Regulatory Commissio n) a demandé que soit
d’abord réalisé un test avec quatre assemblages de combustibles Mox (LTA, Lead Test Assemblies)
selon le procédé de fabrication français. Ainsi, 150 kilogrammes de plutonium de qualité militaire,
actuellement stockés à Los Alamos au Nouveau Mexique, seront transportés vers la France, où ils
seront mélangés avec de l’uranium dans l’usine de Cadarache (Bouche du Rhône). Ensuite, ces
assemblages seront retournés vers les USA six mois plus tard.
Ces assemblages tests seront ensuite « brûlés » dans des réacteurs nucléaires américains afin de
vérifier leur comportement.
Greenpeace condamne fermement ce procédé qui fera courir d’importants risques de sûreté (chute ou
incendie des containers, naufrage du bateau, accident des camions, etc.) et de sécurité (risques
terroristes et de prolifération). Cette utilisation du plutonium dans le Mox ne résout rien. De plus, la
gestion de ce combustible usé posera d’énormes problèmes (actuellement, personne ne connaît de
bonne solution pour l’avenir de ce type de déchet hautement radioactif).
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Le Mythe MOX FOR PEACE*
Le projet d’AREVA :
une méthode dangereuse et coûteuse pour traiter le plutonium militaire
Le complexe industriel Cogéma/Areva de retraitement de déchets Nucléaires de La Hague en Normandie. Le bâtiment
marqué en bas à droite stocke actuellement entre 70 et 80 tonnes de plutonium. Chaque année, la Cogéma produit 7 à 8
tonnes de plutonium supplémentaires.
La cargaison de 140 kilos de plutonium partie à la fin du mois de septembre des Etats-Unis à destination de la
France est présentée au monde comme une contribution considérable à la réduction de la menace que représente le
plutonium. Selon Areva, il s’agit d’un projet “MOX pour la Paix”. Mais la réalité est tout autre, démontrée
simplement par le fait que pendant le temps nécessaire au transport de plutonium vers l’usine de fabrication de MOX
de Cadarache (4 semaines), AREVA produit 7 à 8000 kilos de plutonium supplémentaires dans son usine de La
Hague, où sont déjà stockés 70 à 80 tonnes de plutonium.
RESUME
La guerre froide est terminée depuis longtemps, et les Etats-Unis et la Russie annoncent pouvoir disposer de près de
70 tonnes de plutonium récupérés à partir du démantèlement de leurs ogives nucléaires. Le but est de promouvoir le
désarmement en transformant le plutonium des ogives nucléaires en un déchet difficilement reconvertible à des fins
d’armement nucléaire.
Mais les nucléocrates et les industriels des deux pays, dans la lignée de leurs confrères angla is, français et japonais,
se saisissent de l’opportunité de convertir ce plutonium en combustible commercial plutôt que de le considérer
comme un déchet.
*
MOX pour la paix
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Leur approche consiste à transformer le noyau de plutonium des armes (appelé “pits”) en poudre qui, mé langée à de
l’uranium, donne le combustible “MOX” – « Mixed plutonium and uranium oxide », soit mélange d’oxydes de
plutonium et d’uranium – pouvant être utilisé dans le civil, au sein des réacteurs nucléaires.
Le programme global d’utilisation du MOX a été conduit conjointement par le département américain de l’énergie,
le ministère fédéral russe de l’énergie atomique et la firme française Areva. Pour ces entités, le MOX est LA
solution que les pays du G8 doivent adopter sous la bannière d’un partenariat global visant à réduire la menace du
matériel nucléaire militaire.
Le projet MOX (impliquant la construction d’usines de fabrication du combustible et les infrastructures associées)
prendra des décennies à être opérationnel, et nécessitera des milliards de dollars venant des contribuables pour
subventionner Areva et les compagnies d’électricité publiques. Nettement plus long et coûteux que la méthode
alternative consistant à noyer le plutonium dans des déchets par vitrification.
Greenpeace préconise la méthode la moins coûteuse, la plus sûre et la plus rapide, c’est-à-dire l’immobilisation du
plutonium en le combinant avec des déchets de haute radioactivité sous la forme de glass logs, méthode appelée
« vitrification ». Les glass logs sont scellés dans des cylindres d’acier pur avant d’être entreposés dans des réserves
de stockage de longue durée. Cette technique appelée le “can in can” a été développée à l’origine par le département
américain de l’énergie, mais le lobbying de l’industrie du nucléaire en a eu raison il y a de ça quelques années et
l’idée a été abandonnée.
La raison pour laquelle la méthode de traitement du plutonium “can in can” n’a pas été retenue est simple : elle ne
fournirait pas les fonds suffisants pour assurer les intérêts à long terme d'Areva et de l’establishment du nucléaire
aux Etats-Unis et en Russie. Le gouvernement russe (le ministère fédéral de l’énergie atomique) prévoit d’investir
dans les infrastructures de l’industrie du nucléaire et d’établir un système de “retraitement” et de réinjection du
plutonium dans le commerce à travers des réacteurs adaptés et des sur-générateurs. Cela augmenterait la quantité
circulante de plutonium en la multipliant par dix ou cent. Une réaction en chaîne pourrait s’ensuivre, qui verrait
d’autres pays emboîter le pas aux Etats-Unis et à la Russie, en les encourageant à utiliser le combustible MOX, alors
que la prolifération de matières nucléaires dans le monde est déjà hors-contrôle.
Cette approche commerciale du problème de traitement du plutonium militaire augmenterait considérablement le
risque de prolifération en subventionnant le commerce de matériel nucléaire utilisable pour la fabrication de bombes,
plutôt que de considérer ce plutonium comme un déchet et de le traiter directement en tant que tel.
En d’autres termes, les efforts accomplis pour réduire la menace globale, constituée par les matériaux nucléaires
utilisables pour des bombes, ont été détournés par l’industrie mondiale du nucléaire avec à sa tête la compagnie
d’état française AREVA.
Pour plus d’informations, visitez www.Stop-plutonium.org
LES MYTHES DU MOX
1 - L’option MOX réduirait-elle la menace liée au plutonium ?
Les dangers augmenteraient, au contraire. Le transport de plutonium augmente le risque d’attaques délibérées, aussi
bien que les risques de contamination de l’environnement ou que les impacts sur la santé humaine. Les usines de
fabrication du combustible MOX ne peuvent pas être protégés à 100 % (du plutonium peut se perdre à l’intérieur
même de l’usine ou pire, être dérobé sans pouvoir être détecté). Le stockage de MOX constitue un danger sécuritaire
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supplémentaire. Le danger de prolifération est d’autant plus important que le plutonium est promu à des fins de
production civile d’électricité.
2 - Les transports
Le processus de fabrication de combustible MOX implique le transport de plutonium pur jusqu’aux usines de
fabrication de MOX et le retour du combustible aux réacteurs l’utilisant. Dans le cas du programme des Etats-Unis,
cela se passe sur une distance de plus d’une centaine de miles entre les équipement d’Areva/Cogéma sur la
Savannah River en Caroline du Sud, jusqu’à Catawba en Caroline du Nord. Dans le cas de la Russie, il s’agit d’une
distance encore plus importante séparant les installations en Sibérie des réacteurs MOX civils. Ces trajets sont
vulnérables, tant du point de vue d’un accident potentiel que d’une attaque délibérée. Greenpeace a démontré la
faisabilité du suivi des transports de plutonium en France, avec les positions précises et les horaires de passage des
camions. Si Greenpeace peut le faire, des groupes aux intentions moins nobles peuvent en faire autant.
Greenpeace a commandé l’année dernière des études relatives à la sécurité des transports de plutonium. Elles ont
d’ores et déjà démontré la vulnérabilité de ces transports à de potentiels accidents ou attaques. Les études réalisées
par le gouvernement français lui-même admettent que dans l’éventualité d’une attaque délibérée, du plutonium sous
forme de poudre risquait d’être libéré dans l’environnement.
Il n’existe à l’heure actuelle aucun plan d’urgence sérieux pour couvrir ce transport entre les Etats-Unis et la France,
ni d’ailleurs à l’intérieur des Etats-Unis ou en Russie, pour préserver les centaines de millions de personnes qui
seraient potentiellement exposées à la contamination au plutonium en cas de problème.
3 - La Sûreté
La production de MOX comprend des risques importants tant pour les travailleurs impliqués que pour
l’environnement. La production de MOX implique la manipulation de plutonium à différents stades de fabrication :
la transformation en oxyde de plutonium, la fabrication des pastilles, puis des crayons et des assemblages de MOX.
Tout ceci signifie plus d’étapes différentes et plus de manipulation directe de matières radioactive que
l’immobilisation du plutonium par vitrification. L’exposition au plutonium des travailleurs augmente. Au cours de
ces différentes étapes, les travailleurs risquent d’inhaler des particule s de plutonium qui causent des cancers. Ce
risque n’est pas théorique. Le 6 septembre de cette année, deux employés de l’usine Atpu de Cadarache ont été
contaminés par une fuite de plutonium. Et c’est précisément cette même usine, officiellement fermée depuis juillet
2003 à toute production industrielle pour raison sismique, qui accueillera le plutonium militaire américain pour le
transformer en MOX. Un autre accident survenu en 2002 dans la même usine avait provoqué la contamination d’un
travailleur et la poudre de plutonium avait même traversé les murs par les interstices, ce qui fait que les pièces
adjacentes à la fuite étaient contaminées également. En Allemagne, la seule usine de fabrication de MOX a fermé
pour cause de contaminations de ses travailleurs.
L’utilisation du MOX dans les réacteurs rabaisse encore le niveau de sécurité de centrales déjà dangereuses. Le
plutonium présent dans le réacteur affecte son mode de fonctionnement et rend les leviers de sécurité [security rods]
moins efficaces dans le cas d’un arrêt d’urgence. Le plutonium abîme également les tiges de combustibles [fuel
rods] plus sévèrement que l’uranium ordinaire au cours de son activité dans le réacteur, ce qui affaibli encore le
matériel et augmente le risque d’accident et ses conséquences.
La sécurité sera ainsi réduite dans tous les réacteurs, et plus particulièrement en Russie. Les réacteurs russes VVER1000, qui sont habilités à utiliser du MOX, ont un certain nombre de caractéristiques qui les rendent plus vulnérables
aux accidents avec fuites d’éléments radioactifs. C’est la principale raison pour laquelle il n’y a toujours pas à
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l’heure actuelle d’accord entre la Russie, les Etats-Unis et la France, sur la question de la responsabilité en cas
d’accident. Dans le cas d’un accident impliquant du MOX (par exemple dans le réacteur ou la centrale de
production), le gouvernement russe demande une prise en charge des responsabilités par les Etats-Unis et la France
(Areva) plus grande que ce que les fournisseurs occidentaux sont prêts à accepter. Ils savent en effet que produire et
utiliser du MOX au plutonium en Russie, rendra une situation difficile bien plus dangereuse encore et ils ne veulent
pas être tenus responsables d’accidents catastrophiques en Russie.
4 – La Protection
A cause du fait que la fabrication de MOX implique l’utilisation de poudre fine d’uranium et de plutonium à
l’intérieur de l’usine, il y a un risque de contamination et de propagation à grande échelle. Pour chaque quantité de
poudre de plutonium introduite dans le système, une petite fraction persistera à la fin du processus de fabrication.
L’AIEA et Euratom, organismes supposés assurer la sécurité autour du matériel nucléaire militaire en Europe, ne
disposent pas de la technologie suffisante pour estimer les quantités réelles de plutonium retrouvées dans les
centrales au MOX. En réalité, ce plutonium est comptabilisé en tant que « MUF » (Material Unaccounted For) –
matériel manquant - Ces organismes ne deviennent inquiets que lorsque le MUF dépasse un certain pourcentage du
plutonium total injecté.
Puisque cette « perte » peut atteindre 3 % pour chaque lot de plutonium, il est possible que plus de 4 kilos de
plutonium de qualité militaire provenant de la cargaison de Charleston manquent à leur arrivée dans l’usine de
Cadarache sans qu’Areva n’en soit inquiétée.
Il ne s’agit pas d’une théorie isolée. La Commission Européenne avait déjà remarqué, dans son rapport de 2002
concernant les problèmes liés aux systèmes de sécurité d’Euratom, que le site de Cadarache montrait un taux de
plutonium « MUF » inacceptable. Il n’y a à ce jour aucune évidence de prise en charge de ce problème.
L’ancienneté du site de Cadarache (« Atpu » date des années soixante), et le fait qu’il opère à la fois pour des
utilisations civiles et militaires, avec des accès limités aux inspections, constituent des raisons supplémentaires
d’inquiétude en terme de perte de matériel à usage d’armement. Les problèmes de sécurité en Russie sont encore
plus importants, avec des dispersions de matériel nucléaire élevées et des niveaux de sécurité faibles.
5 - La Sécurité
L’option MOX implique le transport de plutonium sur des milliers de kilomètres par bateau, par camion et, dans le
cas de la Russie, par rail. Tous ces moyens de transports sont vulnérables, certaines plus que d’autres.
Une fois dans le réacteur, un autre problème de sécurité apparaît, puisque le MOX est classé matériel radioactif de
catégorie 1 ce qui exige par conséquent les mêmes normes de sécurité que pour le plutonium pur. Stocker du MOX
dans une centrale nucléaire aurait donc pour effet de la rendre équivalente à un site d’armes nucléaires en termes de
sécurité. Des exercices et des études menés par le gouvernement des Etats-Unis (appelés « force on force ») ont
révélé une sécurité défaillante dans les centrales nucléaires et les entreprises d’armes nucléaires aux Etats-Unis.
Greenpeace doute que la sécurité soit meilleure en France ou en Russie. Greenpeace ne croit pas que l’on puisse
affirmer que la sécurité sera toujours adéquate aux différents stades de fabrication du MOX, si cette technologie était
développée.
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SUR LES ROUTES DE FRANCE
Le M OX et le Plutonium,
c’est la prolifération
I - Les stocks de plutonium d’Areva augmentent chaque année
Greenpeace est au moins d’accord sur un point avec l’entreprise publique nucléaire française Areva : le plutonium
représente un grand danger pour la paix et la sécurité mondiale ! Le problème, c’est que chaque année, dans son
usine de La Hague, près de Cherbourg, Areva produit 10 tonnes supplémentaires de cette matière pouvant servir à
faire des armes nucléaires. Ce nouveau plutonium va s’ajouter au stock existant qui s’élève déjà à 70-80 tonnes.
Cinq kilogrammes de cette matière suffisent pour préparer une arme nucléaire. Le slogan « MOX pour la paix » est
loin de refléter la réalité du fond de commerce d’Areva. De quoi s’agit-il donc ?
II - Les stocks de plutonium mondiaux s’accroissent
Les cinq puissances nucléaires officielles (Etats-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni) ont des réacteurs
nucléaires qui ont servi à produire du plutonium pour leurs arsenaux nucléaires. De 1945 à aujourd’hui, ces Etats ont
produit plus de 250 tonnes de plutonium dit « militaire », utilisable pour la fabrication d’armes. Actuellement, les
Etats-Unis possèdent environ 100 tonnes de plutonium militaire et la Russie environ 150 tonnes, bien que cette
dernière refuse de divulguer ces chiffres. En plus de ce plutonium militaire, il y a dans les stocks des industries
nucléaires commerciales plus de 220 tonnes de plutonium dit « civil », destiné à être chargé dans des réacteurs. Sur
ce total, 70 à 80 tonnes se trouvent en France, et un peu plus de 100 tonnes au Royaume-Uni, sur le site BNFL de
Sellafield. Le Ministère fédéral russe de l’énergie nucléaire fait tourner à Mayak une usine commerciale qui produit
1 à 1,5 tonnes supplémentaires chaque année (et 1 tonne de plutonium militaire en plus dans ses sites de retraitement
militaire). Le Japon possède un stock de plus de 38 tonnes et projette d’ouvrir une nouvelle usine de retraitement en
2006, qui accroîtrait les stocks de 6 à 7 tonnes par an.
Alors que la production militaire a quasiment cessé dans le monde entier, la production commerciale continue de
produire 12 à 16 tonnes de plutonium en plus chaque année. Au Japon, en France, au Royaume-Uni et en Russie, les
stocks de plutonium auront grossi de près de 125 tonnes d’ici 2015, ce qui équivaut à la moitié de tout le plutonium
qui a été produit par les puissances nucléaires durant un demi siècle de Guerre froide. Les principaux responsables
de cette menace mondiale que constitue le plutonium sont Areva, British Nuclear Fuels Ltd et le Japon. Pourtant,
l’actuel chargement de 140 kg de plutonium en partance de Charleston aux Etats-Unis est présenté comme le « MOX
pour la paix ».
III - Les raisons stratégiques d’Areva
Durant les 20 à 30 prochaines années, Areva escompte d’importantes rentrées d’argent grâce à l’activité de deux
usines de MOX, une aux Etats-Unis et une en Russie, dans le même temps où ses activités commerciales en Europe
et au Japon vont certainement connaître une diminution importante. Areva compte assurer son avenir à long terme
grâce à un financement de la communauté internationale, par le biais du G8. Cela constituerait un tremplin pour les
projets d’avenir de l’industrie nucléaire mondiale : faire tourner des réacteurs de génération IV et les installations de
retraitement qui vont avec. La majorité de ces projets de réacteur, dont le fonctionnement est envisagé pour après
2030, se fondent sur la technologie des réacteurs surgénérateurs rapides et sur l’utilisation de plutonium comme
combustible nucléaire. Areva œuvre également de plus en plus en Russie pour en faire le lieu mondial d’entreposage
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et de retraitement des combustibles nucléaires usés : une véritable décharge nucléaire. La Russie a collaboré avec
l’industrie nucléaire européenne pour que le financement d’une partie du programme de MOX ne provienne pas de
la vente mais de la location de combustible MOX aux entreprises faisant tourner des réacteurs nucléaires en Europe
de l’Ouest. Une fois le combustible utilisé, il serait renvoyé en Russie pour y être stocké. Un financement du G8
ferait avancer ce programme bien plus vite que ne pourrait le faire la Russie seule.
IV - Revirement dans la politique de non-prolifération des Etats-Unis
Le soutien au programme de production de MOX reflète un changement fondamental dans la politique de nonprolifération nucléaire des Etats-Unis, qui a été amorcé sous l’administration Clinton et est aujourd’hui poursuivi par
l’administration Bush. Il s’agit tout bonnement de l’abandon de deux décennies de politique bipartite des Etats-Unis
s’opposant au commerce de plutonium. Un lobbying fort d’Areva et BNFL, ainsi que de l’industrie nucléaire
japonaise au cours des années 90, a permis d’écarter les autres options de gestion du plutonium, c’est-à-dire son
immobilisation dans des déchets de haute activité. L’objectif de survie à long terme de l’industrie nucléaire aux
Etats-Unis comme en France, grâce à des projets de réacteur avancés, est également très attirant pour ceux qui font
tourner les installations nucléaires, notamment à Savannah River.
V - Les ambitions de la Russie en matière de plutonium
A moins d’interdire le retraitement du plutonium, comme le réclame Greenpeace depuis plusieurs décennies, les
stocks de plutonium vont continuer à grossir. D’autant plus que le gouvernement russe et l’industrie nucléaire ont
particulièrement intérêt à voir la communauté internationale financer ses infrastructures. La raison ? L’Agence
fédérale russe pour l’énergie nucléaire (anciennement Minatom) a modifié la loi atomique en juillet 2001 pour
pouvoir importer les combustibles usés des réacteurs nucléaires étrangers. Elle projette de faire venir 20 000 tonnes
de combustibles usés à Krasnoyarsk en Sibérie, pour les retraiter et en séparer le plutonium (environ 200 tonnes), qui
pourraient servir à produire du combustible MOX qui serait ensuite renvoyé à ses clients d’Europe et d’Asie.
L’investissement du G8 dans le programme « MOX pour la paix » va aider la Russie à concrétiser son ambition de
devenir l’usine de retraitement nucléaire de la planète. Les implications en matière de sécurité, d’environnement, de
sûreté et de santé humaine sont véritablement terrifiantes.
La raison pour laquelle l’option MOX est soutenue aux Etats-Unis, en France et en Russie est très claire et découle
de la volonté de créer une économie mondiale du plutonium. Critiqués chez eux pour leurs programmes
commerciaux, les tenants du nucléaire cherchent à redorer leur blason en prétendant œuvrer à l’objectif hautement
moral de « non-prolifération », alors qu’en réalité leur existence même constitue une menace directe pour la nonprolifération.
Ce que demande GREENPEACE
Si elle se concrétise, l’option MOX va accroître les risques d’accidents catastrophiques dans les réacteurs, de
contamination de l’environnement, de prolifération et de terrorisme. Au cours des 8 dernières années,
Greenpeace a proposé aux pays du G8 de faire parvenir les gouvernements russes et étasuniens à un accord dans
le cadre duquel la communauté internationale achèterait les excédents de plutonium militaire russes, qui seraient
ensuite stockés et immobilisés en Russie. Pour montrer à la Russie que le plutonium n’est pas une ressource, il
faut que le gouvernement étasunien renonce à son programme de production de MOX et opte pour
l’immobilisation dans des déchets nucléaires. Il est évident que la menace que constitue ce chargement de 140
kilogrammes de plutonium est importante, mais la menace actuelle et future d’une continuation des activités
d’Areva liées au plutonium est encore plus grande. Loin d’atténuer la menace du plutonium, le « MOX pour la
paix » est en réalité un « MOX pour la prolifération ».
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Note d’information – Juillet 2003
ELIMINATION DES STOCKS DE PLUTONIUM MILITAIRE RUSSES ET ETASUNIENS :
OU
COMMENT COGEMA ET LA FRANCE JOUENT UN ROLE MAJEUR
DANS LA CREATION DE FILIERES PLUTONIUM AUX ETATS-UNIS ET EN RUSSIE
!
Introduction
Le 1er septembre 2000, les Etats-Unis et la Russie signaient un accord commun stipulant l’engagement « d’éliminer »
parallèlement chacun 34 tonnes de plutonium de qualité militaire. Deux options furent étudiées : l’immobilisation dans des
déchets nucléaires de très haute activité ou la fabrication de MOX. Suite à un travail de pression constante, les tenants de
l’industrie nucléaire sont parvenus à imposer la fabrication de MOX (pour la quasi-totalité du stock).
Les deux parties russe et étasunienne de cet accord présentent deux projets étroitement liés, qui doivent être développés
parallèlement dans chacun des pays. La France via Areva/Cogema, joue un rôle primordial dans la conduite de ces deux
programmes. En effet, la clé du projet n’est autre que la technologie du procédé utilisé, et seules la France et la Belgique ont
développé un procédé commun de fabrication de MOX utilisant la technologie MIMAS1. C’est par conséquent Cogema qui a été
retenu pour construire une usine de MOX (copie de MELOX) aux Etats-Unis. L’industriel français mène également un travail de
lobbying permanent pour vendre une usine similaire à la Russie.
Cette note d’information décrit le contexte dans lequel s’inscrit le programme d’élimination du « surplus » des stocks de
plutonium militaire russe et étasunien. Greenpeace est fondamentalement opposée au choix de la seconde option, l’option MOX,
qui ne ferait qu’augmenter les menaces qui pèsent sur l’environnement et la sécurité mondiale. Greenpeace dénonce aussi les
pressions qu’exerce l’industrie nucléaire de l’Ouest, notamment de l’industrie française à travers Areva/Cogema, qui vise à
généraliser l’élaboration de la filière plutonium sous couvert de participation à un programme de désarmement.
1. Le plutonium, dangereux fruit de l’Age nucléaire
Le plutonium, métal artificiel généré lors du fonctionnement des réacteurs nucléaires, est l’une des matières les plus dangereuses.
Le plutonium fût produit pour la première fois lors de la seconde guerre mondiale afin de fabriquer la bombe lâchée sur
Nagasaki. 3 à 4 kilos de plutonium suffirent pour confectionner une bombe atomique2. Au-delà de son rôle dans la fabrication de
bombes atomiques, le plutonium, en particulier les isotopes Plutonium-238, -240 et –242, s’avère extrêmement radiotoxique.
L’inhalation d’un millionième de gramme de plutonium peut provoquer un cancer.
Les cinq détenteurs officiels de l’arme nucléaire (les Etats-Unis, la Russie/ex-URSS, la Chine, la France et le Royaume-Uni) ont
utilisé des réacteurs nucléaires dans le but de produire le plutonium de leurs arsenaux nucléaires. De 1945 à nos jours, ces Etats
ont produit plus de 250 tonnes de plutonium de qualité militaire. Actuellement, les Etats-Unis détiennent environ 100 tonnes de
plutonium militaire et la Russie environ 150 tonnes (cette dernière refuse toutefois de déclassifier ses chiffres). Depuis la fin de la
guerre froide, la production de plutonium militaire a quasiment cessé. Parmi les cinq puissances nucléaires officielles, seule la
Russie utilise encore ses trois vieux réacteurs de production de plutonium militaire – deux à Tomsk et un à Krasnoyarsk
(Zheleznogorsk). Ainsi que lors de toute production de plutonium, les combustibles nucléaires usés sont chimiquement retraités
pour en séparer le plutonium de l’uranium et des autres déchets nucléaires. En raison du fonctionnement de ces installations, les
stocks de plutonium de qualité militaire augmentent d’environ 1,5 tonnes chaque année en Russie.
En 1954, les réacteurs nucléaires, à l’origine élaborés pour la production de plutonium, furent adaptés pour produire de
l’électricité. Cependant, ces réacteurs nucléaires dits « commerciaux » produisent encore du plutonium utilisable pour la
fabrication d’armes nucléaires. Les combustibles nucléaires usés et irradiés, qui sont les déchets issus des réacteurs en
fonctionnement, contiennent environ 1% de plutonium. Il existe 424 réacteurs de centrale en état de marche dans le monde, qui
consomment environ6 000 tonnes de combustible à l’uranium chaque année. Ces réacteurs génèrent annuellement environ 60
tonnes de plutonium commercial, qui se trouve également utilisable à des fins militaires. Depuis le milieu des années 80, la
quantité de plutonium produite dans les réacteurs civils est plus importante que celle produite dans les réacteurs militaires et
connaît une croissance rapide. Les stocks actuels de plutonium « commercial », séparés dans les usines de retraitement de
1
Cogema utilise le procédé MIMAS/A-MIMAS (MIcronized MASter mix/Advanced MIcronized MASter mix)
2
Chiffres du Département américain de l’Energie (DoE, 1999). D’autres sources avancent qu’il peut suffire de seulement 1kg de
plutonium de qualité supérieure pour préparer une bombe atomique (Dr Frank Barnaby, communication personnelle, mai 2000).
Greenpeace France, 22 rue des Rasselins, 75020 Paris – tél. : 01 44 64 02 02 / Fax : 01 44 64 02 00
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1
Note d’information – Juillet 2003
combustibles usés, augmentent de plus de 20 tonnes par an. Avec le développement de la production civile d’électricité nucléaire,
les stocks totaux de plutonium dans le monde s’élèvent à 1 361 tonnes. La majeure partie de ce plutonium reste contenu dans les
combustibles usés. Les principales entreprises impliquées dans le retraitement sont la Cogéma en France, British Nuclear Fuels
Limited (BNFL) au Royaume-Uni (deux entreprises publiques possédant environ 70 tonnes de plutonium chacune), et le Minatom
en Russie, qui exploite l’usine de retraitement RT-1 de Mayak et possède un stock d’environ 30 tonnes de plutonium commercial.
Compte tenu du risque phénoménal des applications militaires du plutonium, la perte d’une infime fraction des stocks mondiaux
de plutonium (les 4 kg de plutonium permettant de fabriquer une bombe atomique ne représente que 0,00029% des stocks
mondiaux de plutonium) pourrait déclencher une catastrophe nucléaire. Alors que le plutonium contenu dans les combustibles
nucléaires usés est relativement bien protégé par les fortes radiations des matières fissiles qu’ils contiennent (du moins sur le
court terme), les stocks de plutonium séparé militaire et commercial constituent un important risque de prolifération. Il y a
urgence à cesser l’accroissement des quantités de plutonium et leur stockage sous forme de déchets nucléaires.
2. Elimination des « surplus » de plutonium et options techniques
Lors du sommet russo-américain de septembre 1998, les présidents Clinton et Eltsine ont signé un accord de principe visant
l’élimination de 50 tonnes de plutonium de leurs stocks nationaux respectifs ; ces quantités avaient été déclarées excédentaires par
rapport à leurs besoins militaires. Les deux chefs d’Etats décidèrent également de finaliser d’ici fin 1998, un accord plus
spécifique et contraignant entre leur gouvernement ; cet accord devait préciser les modalités de l’élimination de ces matières. Le
1er septembre 2000, les deux pays signèrent l’Accord russo-américain d’élimination du plutonium, qui stipulaient que 34 tonnes
de plutonium de qualité militaire en surplus serait éliminées des deux côtés. Si les deux pays ne sont pas parvenus à se fixer
l’élimination de 50 tonnes comme objectif, ils ont toutefois reconnu dans l’accord la possibilité d’inclure des quantités de
plutonium supplémentaires dans le processus, au fil de l’avancée de la réduction des armements nucléaires. Dans le cadre de cet
accord, le coût de l’élimination du plutonium russe doit être couvert par des contributions des autres pays du G8 (Etats-Unis,
France, Japon, Allemagne, Italie, Canada et Royaume-Uni). Si les financements adéquats n’aboutissent pas, les parties ne seront
plus dans l’obligation de procéder à l’élimination des 34 tonnes de plutonium.
L’objectif technique du programme d’élimination du plutonium est de convertir le plutonium sous une forme correspondant à la
« norme pour les combustibles usés » fixée par l’Académie nationale des sciences (NAS) des Etats-Unis3. Pour respecter cette
norme, le plutonium militaire doit être converti sous une forme « à peu près aussi inaccessible à l’usage militaire que les stocks
civils croissants et bien plus importants de combustible au plutonium ». A la demande des présidents Clinton et Eltsine, une étude
commune des Etats-Unis et de la Russie sur les options pour l’élimination du plutonium a été préparée et présentée en 19964.
Cette étude identifiait deux options pour l’élimination du plutonium :
1) l’élimination du plutonium en le brûlant dans du combustible MOX ;
2) l’immobilisation du plutonium.
A l’origine, l’accord prévoyait que 25 tonnes du surplus américain et l’ensemble des 34 tonnes du surplus russe devaient être
brûlées dans des réacteurs nucléaires sous forme de MOX, 9 tonnes du plutonium américain devant être « immobilisées » dans
des déchets nucléaires de haute activité5. Depuis la signature de cet accord, les Etats-Unis ont cédé à la pression de l’industrie du
plutonium et ont abandonné tout projet d’immobilisation du plutonium. L’intégralité des 34 tonnes américaines doit ainsi être
convertie en combustible MOX.
2.1. L’option MOX
Le MOX est un mélange d’oxyde d’uranium et d’oxyde de plutonium, compressé dans des pastilles de combustibles. Les
installations de fabrication de MOX existent aujourd’hui en France, en Belgique et au Royaume-Uni. La composition est
généralement de 93 à 95% d’uranium et 5 à 7% de plutonium. Lorsque le MOX fut originellement mis au point et utilisé, il était
considéré comme un élément crucial du « cycle fermé des combustibles nucléaires ». Selon ce concept, les réacteurs
conventionnels à eau légère seraient alimentés avec du combustible à l’uranium, puis, le plutonium nouvellement produit serait
séparé des combustibles usés et utilisé pour la production de combustible MOX qui serait brûlé dans une nouvelle génération de
réacteurs, les fameux réacteurs surgénérateurs rapides. Les surgénérateurs ont la capacité de créer, ou « générer », davantage de
plutonium, constituant (en théorie) une ressource énergétique illimitée.
Mais les réalités économiques, les dangers et les problèmes de gestion des déchets liés au retraitement, les inquiétudes quant à la
prolifération nucléaire, de gros problèmes techniques et des risques d’accidents catastrophiques se sont combinés pour mettre fin
3
Académie nationale des sciences des Etats-Unis (NAS), Management and Disposition of Excess Weapons Plutonium, [« NAS
1994 »], 1994.
4
Etude commune des Etats-Unis et de la Russie sur l’élimination du plutonium, Washington, septembre 1996.
5
BUNN Matthew, The Next Wave: Urgently Needed New Steps to Control Warheads and Fissile Material, Harvard, mars 2000,
pp. 67-71.
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2
Note d’information – Juillet 2003
à la mise au point et à la construction de surgénérateurs à vocation commerciale. Actuellement, le seul surgénérateur à vocation
commerciale en fonctionnement dans le monde est le surgénérateur BN-600 de Beloyarsk en Russie. Le surgénérateur japonais
« Monju » a été fermé à la suite d’un accident en 1995 et n’a pas été rouvert depuis. L’Inde n’utilise son surgénérateur
expérimental de Kalpakkam que par intermittence.
Ainsi le combustible MOX ne peut plus justifier son existence par les réacteurs surgénérateurs. Confrontée aux stocks croissants
de plutonium commercial produit dans les usines de retraitement -destiné à l’origine à l’alimentation des surgénérateurs qui ne se
sont jamais concrétisés-, l’industrie nucléaire a élaboré une nouvelle justification pour la production de combustible MOX : le
combustible MOX sera utilisé dans les réacteurs conventionnels à eau légère, réduisant ainsi les stocks croissants de plutonium et
justifiant la poursuite du retraitement des combustibles usés … une industrie qui se cherche une raison d’exister. Ce n’est pas une
coïncidence si les pays à l’origine du problème de grande échelle des stocks de plutonium commercial – la France, le RoyaumeUni, le Japon, l’Allemagne et la Belgique – sont également ceux qui cherchent à financer le développement de nouvelles
installations utilisant du plutonium et du MOX en Russie. Créer une industrie du MOX en prétextant l’élimination du plutonium
militaire justifie non seulement ces programmes mais offre également la possibilité de faire des affaires dans les domaines de la
construction, du transport et de l’irradiation.
L’idée d’utiliser du plutonium militaire pour produire du MOX est récente et n’a jamais été expérimentée. Le MOX est
actuellement produit à partir de plutonium issu de réacteurs « commerciaux ». La Russie ne possède aucune usine de MOX en état
de fonctionnement, uniquement deux petites installations pilotes de production. Un financement gigantesque sera ainsi nécessaire
pour y construire une usine de MOX tel que le prévoit l’accord russo-américain pour l’élimination du plutonium. Cet accord
envisageait initialement, une fois le MOX fabriqué, son utilisation dans quatre réacteurs à eau légère de conception soviétique
VVER 1000 à Balakova, dans le surgénérateur BN-600 et dans le petit réacteur rapide BOR-60. Ces réacteurs n’ont jamais utilisé
de MOX. Pour des raisons de sécurité, de coûteuses modifications des réacteurs seront nécessaires, avant de pouvoir y charger du
MOX.
2.2. L’option de l’immobilisation
Dans l’accord originel entre les Etats-Unis et la Russie, trois options étaient envisagées pour l’immobilisation du plutonium :
- la technologie « can-in-canister » ;
- la vitrification directe (du plutonium dans des déchets de haute activité) ;
- la technologie des barres de stockage.
Comment les barres de plutonium seraient chargées dans une boîte métallique
contenant des déchets de haute activité vitrifiés.
L’Etude commune des Etats-Unis et de la Russie sur l’élimination du plutonium a identifié la technologie « can-in-canister »
comme la meilleure option pour l’immobilisation. La technique « can-in-canister » consiste à incorporer le plutonium dans une
matrice de céramique cristalline, de la mettre dans de petites boîtes, de placer ces petites boîtes dans une plus grosse boîte et de
remplir enfin cette grosse boîte avec des déchets radioactifs fondus contenant du verre.
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3
Note d’information – Juillet 2003
Début 2001, le DoE (Département de l’Energie) a suspendu sa recherche (pourtant fructueuse) sur l’immobilisation. Le 19 avril
2002, il abandonnait officiellement l’option de l’immobilisation, revenant ainsi sur la politique américaine pour qui les deux
options d’élimination étaient nécessaires au cas où l’une d’entre elles échouait. Le développement de cette technologie
d’immobilisation s’avérait très prometteur..
3. Tractations et avancées du programme
Le financement international du programme russe, supposé se conduire en parallèle au programme américain, ne s’est pas
concrétisé. Bien que l’élimination du plutonium ait été un thème au cœur des débats lors des récents sommets du G8, la question
du financement du programme russe, dont le Département américain de l’Énergie (DoE) estime le coût à environ 2 milliards de
dollars, a peu avancé. Pour accélérer ce financement, une proposition pour la moins dangereuse a été avancée : la « Western
option ».
Le programme étasunien se heurte lui aussi à des difficultés politique, technique et financière, notamment pour la fabrication des
assemblages test LTA, étape préalable importante au lancement de la construction d’une usine MOX aux Etats-Unis.
3.1. La fabrication d’assemblages test étasuniens en Europe
En avril 2002, le gouvernement américain décidait d’abandonner l’option d’immobilisation et ne misait que sur une approche
unique c’est-à-dire l’option MOX. Ce choix fruit de la pression du lobby plutonium, est pour le moins insensé.
Selon des estimations du DoE de juillet 2002, en charge du programme américain, le MOX va coûter environ 3,8 milliards de
dollars aux Etats-Unis, soit au moins 600 millions de plus que l’immobilisation des 34 tonnes dans des déchets. Le DoE estime
que l’usine américaine de MOX coûtera à elle seule environ 1,7 milliard de dollars entre 2003 et 2008. Il n’est pas certain que le
Congrès fournisse une somme d’argent aussi considérable en l’absence totale d’avancée parallèle en Russie.
De plus, l’industrie étasunienne n’a aucune expérience industrielle dans la fabrication de MOX. Le DoE doit donc se retourner
vers l’Europe où le savoir-faire pour la technologie MIMAS choisie a été réuni notamment par la Cogéma (France) et
Belgonucléaire (Belgique) . C’est la Cogema qui a emporté le marché pour la mise en chantier d’une usine jumelle de celle de
MELOX (Marcoule dans le Gard) sur le site de Savannah River (SRS) en Caroline du Sud.
Mais avant de valider l’autorisation de construire cette usine de MOX, l’administration des Etats-Unis exige la fabrication de
« LTA, Lead Test Assemblies » (assemblages combustibles tests). Ces assemblages tests doivent d’abord être utilisés dans un
réacteur américain afin d’étudier le comportement du MOX. Suite au retard prolongé que prenait la mise en route de l’option
MOX, l’administration a commencé à envisager une piste européenne pour la fabrication d’assemblages LTA. Dans le cadre de
l’option « Eurofab », le plutonium militaire traverserait les Etats-Unis jusqu’à un port de la côte Est avant d’être transporté par
voie maritime jusqu’en Europe, sous la garde d’un navire d’escorte armé. Les assemblages LTA seraient produits dans des
installations européennes de fabrication de MOX à partir du plutonium militaire, puis renvoyés aux Etats-Unis où serait effectué
un essai d’irradiation dans l’un des réacteurs de Duke Power conçus pour une utilisation commerciale de MOX.
Pour des raisons politiques, techniques et réglementaires, le programme s’est tout d’abord tourné vers l’usine P0 de
Belgonucléaire, à Dessel en Belgique. En juillet 2002, le report à une date indéterminée de la décision du gouvernement belge sur
la question a fait se tourner l’attention vers l’usine ATPu de Cadarache, en France, présentée comme la seconde meilleure option.
Cependant dans le même temps, le gouvernement français et la Cogéma, l’opérateur d’ATPu, décidaient de la fermeture définitive
de cette vieille usine (fixée au 31 juillet 2003), notamment en raison de l’insuffisance de ses normes antisismiques. Lire à ce sujet,
la note de Wise-Paris pour Greenpeace : La controverse des assemblages LTA de MOX étasunien : La fabrication en France à
Cadarache.
3.2. La « western option »
Côté russe, compte tenu des énormes besoins financiers du programme russe et des obstacles politiques auxquels il est confronté,
une tentative pour accélérer son démarrage et rattraper le programme américain a été initiée :
« The western option » (l’option de l’Ouest ) est le nom d’un plan publié par une organisation peu connue, dénommée « Nuclear
Forum Desarmament AG»6 (NDF, Forum pour le désarmement).
6
Le «Nuclear Disarmament Forum» (NDF) a été fondé par l’industrie atomique suisse – 98% du capital de départ ont été fournis par Franz
Hoop, ancien acheteur de combustible à la Elektrizitätsgesellschaft Laufenburg (l’EGL exploite la CN de Leibstadt). M. Hoop a signé une
déclaration d’intention au nom de l’industrie atomique en vue d’exporter tous les déchets hautement radioactifs suisses vers la Russie. «Nuclear
Disarmament Forum» distribue des prix pour des performances exceptionnelles en faveur de la paix dans le monde. Le choix de nombreux
lauréats ne peut qu’étonner; en font ainsi partie Vladimir Poutine, président de la Russie, et la société OKG, propriétaire de centrales nucléaires
(CN) en Suède.
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4
Note d’information – Juillet 2003
Ce projet propose de construire une usine de fabrication de MOX en Russie, de transporter le combustible vers les réacteurs
d’Europe de l’Ouest et de retourner les combustibles après irradiation vers la Sibérie où ils seraient stockés en attendant un
hypothétique retraitement ou un stockage en grande profondeur.
Si elle se concrétisait, cette proposition favoriserait la mise en place d’une dangereuse infrastructure de traitement du plutonium
en Russie, amorcerait le transport risqué entre l’Est et l’Ouest de matières nucléaires pouvant servir à fabriquer des armes
nucléaires, et aurait pour conséquence finale le stockage de grandes quantités de combustibles nucléaires usés en Russie.
Le NDF propose le chargement dans des réacteurs nucléaires d’Europe de l’Ouest du MOX produit dans une nouvelle installation
de fabrication située à Krasnoyarsk. Au total, les 34 tonnes de plutonium militaire, ainsi que 4 tonnes de plutonium issu de
réacteurs nucléaires, seraient transformées en 800 tonnes de MOX. Pour le NDF, la meilleure option d’acheminement de ces 800
tonnes de MOX fraîchement produit serait le transport ferroviaire de Krasnoyarsk au port de Mourmansk, au nord de la Russie,
puis le transport par voie maritime jusqu’à un ou plusieurs ports d’Europe de l’Ouest, et enfin le transport en camion blindé vers
des centrales nucléaires. Le MOX usé serait renvoyé en Russie par la même voie. Les premiers transports vers l’Europe
pourraient débuter aux alentours de 2009 si un financement est trouvé pour la construction de l’installation de fabrication de
MOX et que les autres permis et autorisations sont obtenus.
Les pays cités par le NDF comme des clients possibles sont la Belgique, la Suisse, l’Allemagne, ainsi que la France, l’Espagne et
la Suède. Les opérateurs des centrales ne seraient pas propriétaires du plutonium, mais locataires du combustible pour une période
correspondant au temps nécessaire pour le brûler dans leurs réacteurs. D’après les calculs du NDF, la location générerait un
revenu de 800 millions de dollars, qui pourraient servir à couvrir une partie des frais de fonctionnement des installations russes
liées au plutonium.
Après le déchargement du MOX des réacteurs (après 18 mois en principe), la « Western Option » prévoit le retour des déchets
nucléaires en Russie. Le stockage en Europe de l’Ouest est également cité comme une alternative possible. Les déchets seraient
d’abord entreposés dans les bassins de stockage des combustibles usés de Krasnoyarsk, pour être finalement enfouis dans un site
international de stockage géologique en profondeur. Le NDF estime également que le gouvernement russe pourrait envisager de
retraiter le MOX usé pour séparer le plutonium, le stockage de combustibles usés n’étant actuellement pas techniquement autorisé
par la législation russe.
Il serait possible d’étendre la « Western Option » au-delà de 800 tonnes de MOX si davantage de plutonium est mis sur le marché
à la suite de nouvelles mesures de désarmement.
Dans un contexte stratégique plus général la « Western Option » constitue un premier pas vers l’entreposage de longue durée des
déchets nucléaires de l’Ouest en Fédération de Russie. La législation atomique russe, modifiée officiellement en juillet 2001, tout
en permettant l’importation de déchets pour retraitement, ne permet pas encore leur stockage définitif. Le combustible loué
resterait la propriété de la Fédération de Russie, ce qui permettrait de contourner la législation actuelle qui stipule que les déchets
nucléaires importés en Russie pour retraitement doivent être renvoyés dans leur pays étranger d’origine. C’est la manière dont le
NDF et Minatom interprètent cette législation.
Le NDF ne cache pas que la « Western option » pourrait contribuer à la mise en place d’un plus vaste projet de stockage nucléaire
en Russie. Elle « pourrait encourager une coopération similaire dans la gestion des déchets nucléaires conforme aux contrôles et
réglementations internationales. » Les stocks mondiaux de combustibles vont sans doute atteindre environ 200 000 tonnes d’ici
2010. Le Minatom (Ministère russe à l’Énergie atomique) s’est fixé comme objectif d’en importer jusqu’à 10% d’ici 2020. Le
soutien international par le G8, l’Union européenne et d’autres forums au stockage russe du plutonium par le biais de la « Western
Option » serait une légitimation à la fois des projets de Minatom et de l’industrie nucléaire de mise en place d’un site international
de stockage nucléaire en Fédération de Russie.
4. Pourquoi Greenpeace s’oppose à l’option MOX
Les arguments contre le combustible MOX et le stockage des combustibles usés en Russie concernent les domaines de
l’environnement, de la santé des travailleurs et des citoyens, de la sécurité des transports et des réacteurs, et de la nonprolifération nucléaire. Les preuves qui peuvent être fournies sont fort nombreuses, et sont trop détaillées pour être incluses dans
leur intégralité dans le présent document. Ci-dessous, nous résumons certains des principaux arguments contre le choix de
l’option MOX et des projets associés comme la « western option ».
4.1. Fabriquer du MOX accroît les risques de prolifération
En plus de nombreuses possibilités de vol et de détournement créés par le traitement du plutonium et les installations de
fabrication de MOX, le MOX lui-même constitue un risque en matière d’armement nucléaire. Le combustible MOX « frais »
(non-irradié) est classé comme « matière utilisable en armement ».
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5
Note d’information – Juillet 2003
Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), 4 à 5 fois moins de temps sont nécessaires pour transformer le
plutonium contenu dans du MOX frais en composant pour arme nucléaire que le plutonium sous une forme correspondant aux
normes pour les combustibles usés (voir Tableau 1). L’utilisation du MOX dans des réacteurs nucléaires nécessite le transport de
MOX frais sur de longues distances.
Dans le cadre de la « western option », Greenpeace estime entre 30 et 100 transports maritimes de combustible MOX entre la
Russie et l’Europe seraient nécessaires pour livrer l’intégralité des 800 tonnes. Le transport hautement dangereux de combustible
MOX vers les centrales nucléaires d’Europe de l’Ouest augmenterait la distance à parcourir et la durée du transport, par
conséquent les possibilités de vol ou de détournement. Il en résulterait de plus grands risques de prolifération. En particulier, le
transport de MOX en mer de Norvège lors du trajet de Mourmansk à l’Europe de l’Ouest implique un mouvement transfrontière
maritime le long des côtes de la Norvège et des pays riverains de la mer du Nord. Ces transports constitueraient un danger
extrême pour tous ces pays. Le retour des combustibles MOX usés hautement radioactifs le long de la même route depuis
l’Europe (ou peut-être une route en mer du Nord en direction du port russe de Dudinka) augmenterait énormément les risque de
catastrophe.
Il est à noter qu’en 2002, plus de 90 gouvernements à travers le monde ont condamné le Japon et le Royaume-Uni pour
l’organisation d’un transport maritime de MOX entre ces deux pays, contenant presque 5 tonnes de matières nucléaires.
Tableau 1 – Temps estimé nécessaire pour convertir diverses formes de plutonium en composants métalliques pouvant servir à la
préparation d’armes nucléaires
Matière d’origine
Temps de conversion
Plutonium métallique
7 à 10 jours
PuO2, Pu(NO3)4 ou autre composé de plutonium pur
1 semaine
Mélanges purs non-irradiés avec du plutonium (MOX par ex.)
2 semaines
Plutonium dans les déchets ou dans divers composés non-purs
3 semaines
Plutonium dans les combustibles nucléaires usés
1 à 3 mois
Source: AIEA : Glossaire du contrôle des matières nucléaires de l’AIEA, Vienne 1987
4.2. Contrôles de sécurité et protection physique du plutonium
Pour la Russie, l’option MOX accroîtra les risques de prolifération de matières pouvant servir à la fabrication d’armes nucléaires.
La fabrication de combustible MOX implique la manipulation de tonnes de plutonium. Dans le cas de la future usine russe de
MOX, au minimum 2 tonnes seraient transformées chaque année. La mesure précise des quantités des matières utilisables en
armement présentes dans les installations de fabrication de combustible MOX fonctionnant en Europe et au Japon s’est avérée
impossible. Les programmes de fabrication de MOX comportent des risques et des incertitudes inacceptables qui ne permettent
pas de vérifier si la totalité du plutonium provenant d’ogives nucléaires est utilisée. De telles incertitudes risquent de limiter
considérablement la confiance des pays dans les régimes internationaux de réduction et de non-prolifération des armements
nucléaires impliquant le recyclage du plutonium des ogives en combustible pour réacteurs. Ainsi, l’inefficacité réelle des
contrôles de sûreté dans les usines de fabrication de MOX anéantit l’un des principaux objectifs du processus d’élimination :
éviter l’éventuelle inversion du processus de désarmement7. Ainsi que l’a conclu l’Académie nationale des sciences (NAS) des
Etats-Unis dans son étude sur les options d’élimination du plutonium, la fabrication de barres de déchets de haute activité serait :
« … plus facile quant au contrôle de la sécurité que la fabrication d’assemblages de combustible MOX. Les contrôles auraient
uniquement à confirmer l’étape du mélange du plutonium avec les DHA. Une fois que cette étape aurait eu lieu, le plutonium se
trouverait dans un mélange intensément radioactif et très difficile à détourner. Il n’y aurait pas dans l’installation de vitrification
de moyen permettant de reséparer le plutonium des DHA. La fabrication de MOX, au contraire, comprend de nombreuses étapes
impliquant la manipulation de grandes quantités de plutonium, avec une comptabilisation intrinsèquement incertaine, et à chaque
étape du processus le plutonium reste sous une forme à partir de laquelle il peut facilement être reséparé. »8
Les problèmes rencontrés en matière de contrôles de sécurité et de protection physique du plutonium en Russie sont accentués par
le manque de supervision internationale de son programme. En tant que puissance nucléaire, la Russie est exempte des contrôles
de sécurité internationaux effectués par l’AIEA. Même le Département américain de l’Énergie qui soutient l’option du MOX
russe, reconnaît que les contrôles de sécurité qui seront effectués seront équivalent à ceux de l’AIEA mais pas exactement
identiques.9
7
Pour une évaluation complète des risques de prolifération liés au MOX, voir le site web du Nuclear Control Institute
(www.nci.org).
8
Op. cit, NAS, p.192.
9
« Les deux parties ont l’intention de faire en sorte que certaines inspections bilatérales soient autorisées et que le droit de
contrôle soit satisfait par des mesures de vérification équivalentes à celles de l’AIEA, dans la mesure du faisable. » Déclaration
conjointe de Rose E. Gottemoeller, Secrétaire assistante à la Nonproliferation et à la Sécurité nationale, et Laura S. H. Holgate,
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Note d’information – Juillet 2003
En fait, six ans après des accords d’inspection mutuelle des matières fissiles entre les Etats-Unis et la Russie, les inspections
doivent encore se concrétiser. L’Agence internationale de l’énergie atomique est loin d’être exempte de reproches sur la question
de la vérification des stocks de matières fissiles : il a été convenu en septembre 1996 de mettre en place une initiative trilatérale
plaçant les matières fissiles « excédentaires » sous la surveillance de l’AIEA. Elle reste encore à mettre en œuvre.
En plus de l’incapacité actuelle à mettre en place des contrôles de sécurité internationaux pour vérifier le non-détournement du
plutonium, il existe un problème politique plus large lié au contrôle et à la surveillance du plutonium russe. Plus le nombre de
transformations et d’étapes est grand dans une option d’élimination donnée, plus il existe de possibilités de détournement. Le
temps nécessaire pour détourner du combustible MOX frais, c’est-à-dire le temps qu’il faudrait pour prendre du plutonium et le
mettre sous une forme utilisable dans des armes nucléaires, telle que définie par l’AIEA, est de deux semaines. Le programme de
production de MOX s’il est mis en œuvre s’étendra sur des décennies dans une Fédération de Russie qui est aujourd’hui
intérieurement instable, et qui risque probablement de le rester dans les années à venir. La principale préoccupation en Russie
devrait donc être de rassembler correctement les matières fissiles dans un nombre de sites aussi restreint que possible, et sous des
formes non-classées. L’allocation du peu de ressources disponibles devrait aller en priorité vers un tel programme et non vers la
mise en place d’un stockage et de manipulations encore moins sûrs.
4.4. L’immobilisation est plus rapide et moins coûteuse que le MOX
Selon des estimations du Département américain de l’Énergie datant de juillet 2002, l’immobilisation de 34 tonnes de plutonium
aux Etats-Unis coûterait au moins 600 millions de dollars de moins que le programme de MOX, et pourrait se réaliser selon un
calendrier similaire. La grande majorité des projets nucléaires de grande échelle ont nécessité plus de temps qu’initialement
prévu. Ainsi si le temps est un facteur crucial pour le choix de l’option d’élimination, l’immobilisation est préférable à l’option
MOX.
4.5. La fabrication de MOX comporte de grands risques pour les travailleurs et pour l’environnement
La fabrication de MOX nécessite la manipulation de plutonium à diverses étapes : conversion en oxyde de plutonium, fabrication
des pastilles, des barres et des assemblages de combustible. Lors de chacune de ces étapes, les ouvriers sont exposés à des risques
d’inhalation de plutonium. Il est notable que l’usine de Hanau a été fermée entre autres à cause de la contamination accidentelle
de travailleurs.
4.6. Le MOX réduit la sûreté des réacteurs et aggrave les conséquences sanitaires d’un accident nucléaire
L’utilisation de MOX dans un réacteur nucléaire représente un important problème de sûreté. Le combustible MOX réduit
l’efficacité des barres de contrôle et accroît l’instabilité des réacteurs ainsi qu’il augmente les risques qu’un accident d’une
ampleur catastrophique. Des preuves récentes confirment que la technologie de production du MOX n’est pas capable de produire
du combustible MOX de qualité invariablement élevée, ce qui réduit encore un peu plus la marge de sécurité10. Selon une étude
récente du Nuclear Control Institute, un accident grave dans une centrale nucléaire causerait deux fois plus de morts par cancer si
les réacteurs utilisaient un quart de cœur de MOX plutôt qu’un cœur uniquement composé de combustible à l’uranium faiblement
enrichi11. Le dernier service à rendre aux centrales nucléaires est de diminuer leur niveau de sûreté ! Le programme nucléaire
japonais qui devait se fonder sur le chargement de combustible MOX dans 16 à 18 réacteurs a été stoppé en grande partie pour
des raisons de sûreté, des politiciens et des ONG faisant valoir avec raison que les risques étaient trop grands.
4.7. Le programme de MOX va créer une économie russe du plutonium
C’est l’intérêt particulier de la nucléocratie russe que de trouver une solution au problème du plutonium qui étende son
programme nucléaire plutôt que de le réduire. L’option MOX permettra cela. Le financement et le transfert de technologie MOX
des pays de l’Ouest vers la Russie ne va pas « fermer le cycle des combustibles » comme cela est proclamé mais créer encore
davantage de problèmes. Jusqu’à présent, le programme de plutonium de la Russie n’a quasiment jamais fourni d’électricité, les
stocks de plutonium commercial séparé ont simplement continué à être entreposés. La croyance selon laquelle le plutonium est
une ressource, et non un déchet, est sûrement profondément ancrée dans les esprits des hauts fonctionnaires du Minatom.
Directrice, du Office of Fissile Materials Disposition, FY 2001 Fissile Materials Disposition Budget Request Senate Armed
Services Committee Strategic Subcommittee, 25 février 2000.
10
« Fundamental Deficiencies in the Quality Control of Mixed Oxide Nuclear Fuel », Dr Frank Barnaby / Shaun Burnie,
Greenpeace International, Fukushima City, Japon, 27 mars 2000.
11
LYMAN Edwin S., « Comments on the criteria for the storage and disposal of immobilized plutonium ». Intervention lors de la
Conférence ISIS sur les stocks civils de plutonium séparé (« Civil Separated Plutonium Stocks – Planning for the Future »), 14-15
mars 2000.
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Note d’information – Juillet 2003
Le fait que les gouvernements de l’Ouest soient prêts à payer pour la mise en place d’une économie russe du plutonium rend
l’option MOX très attractive pour Minatom, qui a de nombreux projets pour le plutonium. Le revenu tiré de l’importation des
combustibles usés étrangers servira à construire de nouvelles installations pour le plutonium, dont des réacteurs surgénérateurs
rapides. Le Minatom a de grands projets de lancement d’un nouveau programme de réacteurs surgénérateurs rapides basés sur le
nouveau modèle BN-800 (conçu pour être alimenté avec du combustible MOX). Deux réacteurs BN-800, South Urals-1 et –2 sont
« prévus avec certitude », deux autres réacteurs BN-800 – South Urals-3 et Beloyarsk-4 sont « proposés » 12. Le Minatom prévoit
d’utiliser son BN-600 (Beloyarsk-3) pour éliminer du plutonium et de construire au moins un BN-800 dans le cadre du
programme d’élimination du plutonium13. Le BN-600 en fonctionnement comporte des problèmes graves et continuels de sûreté :
environ 30 fuites de sodium se sont produites durant ses 14 premières années de fonctionnement, provoquant parfois des
incendies14.
La seule chose qui bloque encore les plans de Minatom (en dehors de l’opposition des écologistes russes) est l’absence de fonds.
Certains pensent que ce problème de financement est en passe de se régler grâce à la « bonne volonté » de la communauté
internationale. En fait, une fois que l’on aura analysé les dangers inhérents à l’ensemble de ce programme, un tel financement va
probablement s’évaporer.
4.8 La « Western option » est un mécanisme permettant le stockage à grande échelle des combustibles
nucléaires usés en Russie
Il est évident que la principale motivation pour de nombreuses personnes impliquées dans la proposition du NDF est simplement
de trouver un moyen d’éviter d’avoir à s’occuper de leurs propres combustibles usés hautement radioactifs. Mais si la partie du
programme sur le MOX ne va pas plus loin, certaines entreprises vont continuer à se battre pour une option russe pour le stockage
des combustibles nucléaires usés. L’opinion publique russe est fortement opposée à cette idée car les citoyens russes ne
connaissent que trop bien l’héritage laissé par l’industrie nucléaire en Russie. Le Minatom a auprès d’eux une réputation
douteuse. Ils savent qu’on ne peut tout simplement pas lui faire confiance pour gérer les matières nucléaires mortelles qui sont
aujourd’hui sous sa responsabilité, encore des milliers de tonnes supplémentaires importées. Les propositions d’option russe du
NDF doivent être abandonnées. Chaque entreprise et chaque pays doivent assumer la responsabilité des problèmes de
combustibles usés qu’il s’est créé.
5. Conclusion
L’option MOX est activement soutenue par les industries européennes et japonaises du plutonium, et au premier plan par
Areva/Cogema. Se déclarant mues par un engagement à réduire la menace de prolifération que constituent les stocks de
plutonium, ces entreprises sont soutenues par leurs gouvernements et ceux des pays clients qui pourtant font croître chaque année
les stocks de plutonium soit disant commercial de plus de 20 000 kg. La Russie continue actuellement de produire 1 à 3 tonnes de
plutonium de qualité militaire chaque année qui viennent s’ajouter à ses stocks et 1,5 tonnes de plutonium pour réacteurs. Le
motif pour la promotion de l’option MOX, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Russie est tout à fait évident : elle est poussée par le
désir de mettre en place une économie mondiale du plutonium. Attaqués chez eux pour leurs programmes commerciaux, ils
cherchent à se draper dans le dessein hautement moral de la « non-prolifération », alors qu’en réalité, ils constituent eux-mêmes
une menace directe pour la non-prolifération.
Les mêmes défenseurs qui dans le domaine du contrôle des armements ont toujours refusé d’admettre ou même de reconnaître le
lien direct entre les programmes nucléaires militaires et civils, sont ceux qui présentent l’option MOX comme une solution au
problème du plutonium militaire. Si elle se concrétisait, l’option MOX ne fera qu’accroître les risques d’accidents nucléaires
catastrophiques, de contamination de l’environnement, de prolifération nucléaire et de terrorisme.
Depuis des années Greenpeace propose aux gouvernements des pays du G8 de pousser les Etats-Unis et la Russie à conclure un
accord dans le cadre duquel la communauté internationale achèterait le plutonium militaire russe en surplus pour le stocker et
l’immobiliser en Russie. Pour montrer à la Russie que le plutonium n’est pas une ressource, le gouvernement américain devrait
abandonner son propre programme de MOX, et opter pour l’immobilisation dans des déchets.
12
World Nuclear Industry Handbook 2000.
CHEBASKOV Alexander, principes de base de son intervention « Concept of the Russian Federation: Management of
Plutonium withdrawn in the course of nuclear disarmament » lors de la Conférence ISIS sur les stocks civils de plutonium séparé
(« Civil Separated Plutonium Stocks – Planning for the Future »), 14-15 mars 2000.
14
Etude commune des Etats-Unis et de la Russie sur l’élimination du plutonium, Washington, septembre 1996.
13
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Rapport
LE TRANSPORT DE PLUTONIUM MILITAIRE AMÉRICAIN
Problèmes de sûreté et de sécurité liés à l’opération “Eurofab” en France
Yves MARIGNAC1, Xavier COEYTAUX2
27 septembre 2004
Résumé et principales conclusions
Ce rapport est une mise à jour basée sur un briefing consacré par WISE-Paris en juillet 2003 au plan
américain, dit “Eurofab”, de fabrication d’assemblages tests (LTA) de combustibles MOX dans l’usine
(1)
française ATPu de Cadarache . Il analyse, à la lumière d’éléments récents, les risques spécifiques
liés à cette opération, sans précédent, en particuler aux étapes du transport et de la fabrication. Cette
(2)
analyse inclut la réponse conjointe de WISE-Paris et Large & Associates aux critiques de l’Institut de
radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur les études indépendantes qu’ils ont publiées sur la
(3)
sûreté et la sécurité des transports routiers de plutonium .
L’option “Eurofab”
Le plan “Eurofab”, dans lequel s’inscrit le transport de plutonium qui a quitté les Etats-Unis le
20 septembre 2004 pour la France, consiste à fabriquer, à partir de ce plutonium de qualité militaire
issu de l’arsenal nucléaire américain, quatre assemblages de combustible dit MOX (pour “mélange
d’oxydes” d’uranium et de plutonium), qui seront retournés aux Etats-Unis pour y être testés
en réacteur.
Si cette opération sans précédent s’inscrit aujourd’hui dans le cadre de l’accord conclu en
septembre 2000 entre la Russie et les Etats-Unis pour l’élimination de stocks de plutonium militaire en
“surplus”, elle n’y figurait pas à l’origine. Elle souligne les obstacles et difficultés auxquelles se heurte
le programme américain. La décision clé est de ce point de vue le choix, en avril 2002, de ne retenir
que l’option MOX pour l’immobilisation de l’ensemble des 34 tonnes de plutonium américain
concerné. Le gouvernement américain abandonnait ainsi le projet initial de développer parallèlement –
pour se prémunir contre le risque d’échec d’une des options – une filière d’élimination en déchets
vitrifiés (céramiques) portant sur 8,4 tonnes, alors même qu’une évaluation du Département d’Etat à
l’énergie, en février 2002, concluait en particulier que cette option était la moins coûteuse.
En l’absence d’expérience américaine dans ce domaine, le développement de l’option MOX aux
Etats-Unis repose sur le soutien de l’industrie du plutonium européenne, en particulier COGEMA qui
participe au consortium chargé de construire la future usine de MOX américaine, en cours de
1
2
Directeur, WISE-Paris. Contact: [email protected]
Chargé d’étude, WISE-Paris. Contact: [email protected]
Rapport commandité par
WISE-Paris
International
Réf. BriefLTA2-v2 • Résumé • 27 Sept. 2004 • 5 pages
1
REPORT BriefLTA2-v2
Le transport de plutonium militaire américain
processus d’autorisation. C’est au motif d’accélérer la fabrication de quatre assemblages tests, destinés
à qualifier l’emploi de ce combustible sans équivalent, que le gouvernement américain a décidé en
mai-juin 2000 de réaliser cette opération dans l’une des usines de MOX européennes plutôt que
d’attendre l’achèvement de l’usine américaine, actuellement prévu pour 2008.
Le choix de l’usine ATPu de Cadarache, rendu officiel en août 2003, témoigne là encore des
difficultés rencontrées : sur les cinq usines possibles, les deux usines britanniques (MDF et la plus
récente, SMP, à Sellafield), qui de toutes façons utilisent un procédé différent, sont disqualifiées par
leur mauvais résultats ; l’usine belge (P0, à Dessel), d’abord préférée par les Etats-Unis, n’a pu être
retenue suite au blocage politique suscité par ce plan au sein du gouvernement belge en juillet 2002 ;
en France, enfin, l’ATPu, beaucoup plus ancienne, constitue la seule option du fait de l’absence
d’autorisation de l’usine plus récente, MELOX à Marcoule, pour manipuler un plutonium de ce type.
Le choix de l’ATPu maximalise les risques liés à l’opération. Ainsi, cette expérience inédite de
fabrication de combustible MOX à partir de plutonium militaire va être tentée dans une usine qui, au
vu de sa vétusté en termes de standards de sûreté, en particulier pour la tenue sismique, est depuis
juillet 2003 interdite de production de combustible MOX standard. De plus, cette usine est la plus
éloignée en Europe des ports envisageables pour le débarquement, en l’occurrence Cherbourg où le
plutonium américain doit arriver aux alentours de fin septembre-début octobre 2004, avant d’être
transféré à La Hague pour reconditionnement ; c’est ainsi près de 1.000 km qui seront parcourus par
route par le plutonium militaire dans un sens puis par les assemblages tests au retour. Enfin, l’ATPu
présente la particularité de ne pas être équipé pour assembler les crayons de combustible, ce qui
nécessitera une étape supplémentaire, de transfert à MELOX pour réaliser cette dernière étape de la
fabrication des LTAs. Au total, ces opérations devraient prendre 4 à 6 mois.
La prise en compte des problèmes de sûreté et de sécurité
Face aux enjeux industriels et politiques, l’évaluation des risques n’a donc pas été le critère principal
de décision. L’opération “Eurofab”, du fait de la nature très spécifique de la matière concernée et des
quantités en jeu – 140 kg de poudre d’oxyde de plutonium de qualité militaire –, renforce pourtant
considérablement les problèmes de sûreté et de sécurité traditionnellement posés par les opérations
prévues, qu’il s’agisse du transport ou de la fabrication. Bien que les équipements impliqués dans ces
opérations (containers, machines, etc.) soient couramment utilisés avec des quantités importantes de
plutonium, la démonstration de faisabilité de leur utilisation pour ce matériau nouveau requiert une
évaluation spécifique à chaque étape du processus.
Au regard de cette exigence, alors même que la cargaison de plutonium a quitté les Etats-Unis, des
questions essentielles restent sans réponse concernant le processus, l’étendue et les résultats des
évaluations de sûreté et de sécurité sur la base desquelles les autorités américaines et françaises ont
autorisé l’opération “Eurofab”.
Aux Etats-Unis, le Département d’Etat à l’énergie (DOE) n’a pris en compte, pour comparer l’option
“Eurofab” et la fabrication initialement prévue des LTA en Amérique, que les impacts sur le territoire
national ou sur les biens communs (transport maritime), à l’exclusion des impacts potentiels des
opérations prévues en France. En ce sens, les conséquences potentielles en France du projet n’ont pas
été spécifiquement évaluées par les autorités américaines, pour lesquelles elles ne constituaient pas un
élément d’appréciation du programme.
L’autorisation d’exportation accordée le 16 juin 2004 par la Nuclear Regulatory Commission (NRC) a
été contestée, sans succès, par les associations environnementales qui dénonçaient l’application de
doubles standards, entre les mesures très strictes exigées par la NRC pour la sûreté et la sécurité du
plutonium militaire sur le territoire américain et les conditions envisagées pour le transport maritime,
assuré par une compagnie britannique, et les opérations en France. Suite à une enquête du
Gouvernment Accountancy Office (GAO), des parlementaires américains ont accusé en août 2004 le
gouvernement américain de n’avoir pas mené sa propre analyse des mesures envisagées en Europe, se
contentant des garanties offertes par les autorités britanniques et françaises – ce que le gouvernement
fédéral n’a à ce jour pas démenti.
WISE-Paris
27 sept. 2004
2
REPORT BriefLTA2-v2
Le transport de plutonium militaire américain
Les conditions d’autorisation des opérations requises par “Eurofab” en France soulèvent pourtant des
doutes sur la qualité des garanties données. Tout d’abord, COGEMA semble avoir signé un accord
commercial pour la fabrication des LTAs à l’ATPu, en août 2003, avant l’obtention formelle du feuvert du gouvernement français, et en tous cas avant même d’avoir soumis une demande aux autorités
compétentes pour cette opération très particulière. Ces demandes n’ont fait l’objet d’aucune procédure
publique.
La demande d’autorisation des opérations à l’ATPu n’a été remise à l’autorité de sûreté, la Direction
générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (DGSNR), qu’en novembre 2003. Bien que la
production de MOX standard ait été arrêtée en juillet 2003 pour des raisons de sûreté, c’est
apparemment sur un calcul enveloppe par rapport à cette production passée que se base le dossier de
sûreté pour les LTAs, en lieu et place d’une évaluation spécifique des risques liés à cette opération. De
même, pour les opérations de transport, aucune indication n’a été donnée d’une analyse spécifique des
conditions de sûreté et de sécurité de ces transferts par rapport aux opérations routinières de transport
de plutonium de l’industrie du retraitement française, qui pourtant ne répondent pas aux exigences
appliquées sur leur territoire par les autorités américaines.
Les risques liés au transport routier du plutonium
Pour la sûreté et la sécurité des transports de plutonium, l’approche française repose implicitement sur
la combinaison de deux principes : d’une part, les exigences applicables à la sûreté des transports (le
risque de relâchement de radioactivité en cas d’accident) doivent garantir le confinement dans les
situations d’actes de malveillance ; d’autre part, ceci est rendu possible par l’application aux transports
d’une politique de secret, censée prévenir les actions malveillantes les plus pénalisantes.
Les exigences de sûreté sont basées sur l’application de la norme internationale TS-R-1 de l’Agence
internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur la résistance aux chocs, au feu et à l’immersion. Les
autorités françaises considèrent que le container utilisé pour le transport de la poudre de plutonium,
le FS47, présente une grande marge de sûreté par rapport à ces critères. Dans le domaine de la
sécurité, en revanche, il n’existe aucune exigence réglementaire de démonstration de la tenue du
container face à des situations d’agression définies. Ceci est contraire aux recommandations
INFCIRC/225/Rev.4 de l’AIEA pour la protection physique des matières nucléaires, que les autorités
françaises se sont pourtant engagées à respecter auprès du gouvernement américain.
L’arrivée du plutonium américain s’inscrit dans un contexte de controverse croissante sur la sûreté et
la sécurité des transports de plutonium en France. Des rapports publiés début 2003 et début 2004 par
WISE-Paris et par Large & Associates ont largement remis en cause la sûreté et la sécurité appliquées
à ces transports, illustrant les conséquences potentielles terribles d’accidents et d’actes de terrorisme.
De plus, les actions de Greenpeace, basées sur la collecte d’information sur le terrain concernant les
horaires et les itinéraires des transports, ont clairement montré l’échec de la politique du secret, même
après son renforcement brutal par un arrêté “secret-défense” fortement controversé.
L’organisme d’appui technique nucléaire français, l’Institut de radioprotection et de sûreté
nucléaire (IRSN) a publié en mars-avril 2004 une courte réponse aux deux rapports ci-dessus. L’IRSN
rejette en bloc leurs conclusions, et confirme, avec une certitude absolue, que le FS47 ne peut se
rompre en cas d’accident, et que le relâchement maximum de plutonium dans le pire scénario
envisageable d’accident d’un transport de plutonium en France est de 0,07 g – valeur sur laquelle se
fonde la préparation des plans d’urgence.
L’analyse menée par WISE-Paris et Large & Associates de cette démonstration de l’IRSN conclut
qu’elle soulève en réalité plus de questions qu’elle n’apporte de réponses, et que rien dans le
programme d’essais et de simulations présenté par l’IRSN à l’appui de ses conclusions n’autorise la
confiance dont elles témoignent. Leur évaluation conjointe pointe en premier lieu l’incertitude liée à la
méthode expérimentale, essentiellement basée sur l’extrapolation par simulation numérique des
situations les plus pénalisantes à partir de tests réels moins sévères. Ensuite, les tests pratiqués par
l’IRSN sont en grande partie inadaptés, en particulier tous les tests de choc mécanique qui simulent
des incidents de manutention (chute verticale, choc longitudinal amorti par le capot de protection
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Le transport de plutonium militaire américain
du FS47) et non de transport (choc transversal sans capot d’amortissement). Enfin, l’IRSN n’apporte
aucune démonstration de la transposition des conditions de ces tests à des scénarios réalistes
d’accident (succession des contraintes mécaniques et thermiques, interaction avec le râtelier),
y compris dans sa conclusion implicite qu’un seul container produirait un relâchement dans un
véhicule où jusqu’à 10 containers sont transportés. Dans ces conditions, l’IRSN n’apparaît pas fondé à
nier, comme il le fait sans explication, la pertinence de la valeur retenue aux Etats-Unis, dans ses
évaluations les plus récentes, par le DOE pour le même type de scénario, soit 595 g par FS47,
ou 8.500 fois plus environ que l’IRSN.
Enfin, l’IRSN n’apporte dans sa note aucun commentaire sur la sécurité, passant sous silence les
résultats d’expériences récemment menées dans le domaine de la protection physique du FS47 par
l’institut, publiés quelques mois auparavant dans une conférence aux Etats-Unis. Or ces résultats, qui
portent sur des tests et des simulations de détonation de charges explosives à proximité du container et
de tir à l’arme lourde (roquette), démontrent sans ambigüité la possibilité de détournement (après
destruction de l’enveloppe externe du FS47) ou de dispersion importante du plutonium. En particulier,
les tests concluent clairement que l’intégrité du FS47 ne résiste pas à un tir de roquette. Cette
conclusion est contraire au principe fixé par les autorités françaises elles-mêmes pour l’acceptabilité
du risque, selon lequel les conséquences radiologiques d’actes de malveillance ne doivent en aucun
cas dépasser celles prises en compte pour les situations accidentelles.
Les risques liés à la fabrication du combustible MOX à l’ATPu
L’autre étape extrêmement problématique, en termes de risque, est la fabrication des crayons de
combustible MOX dans l’usine vétuste de Cadarache, l’ATPu. Cette production s’inscrit dans un
contexte réglementaire extrêmement flou, qui voit l’usine bénéficier d’une série assez unique de passedroits, anciens ou récents, vis-à-vis du cadre réglementaire applicable aux installations nucléaires de
base (fixé notamment par le décret n° 63-1228 du 11 décembre 1963).
L’autorisation de l’ATPu, construit et mis en service avant la mise en place de ce cadre, repose
uniquement sur une déclaration, par lettre du CEA, en 1964, de son existence. Celle-ci n’apporte
aucune précision sur la nature et les quantités de matières nucléaires traitées ni sur les processus qui
leur sont appliquées, dont la définition est ainsi à la discrétion des autorités de sûreté en l’absence de
toute procédure publique. L’ATPu a ainsi pu passer de la production expérimentale de combustible à
une production industrielle, d’abord pour les surgénérateurs puis pour les réacteurs à eau légère, ou
adopter le procédé MIMAS (Miccronized Master Blend) en 1996. Surtout, l’installation, dont
l’opérateur “réglementaire”, donc responsable en matière de sûreté, reste le CEA, est exploitée depuis
1991 par un opérateur “industriel”, la COGEMA, sans que cette situation n’ait aucune base légale.
Enfin, l’ATPu est depuis juillet 2003 “arrêté”, au sens où il a mis fin à sa production “commerciale”,
alors que cette situation ne correspond à aucune disposition du cadre réglementaire, où la procédure,
dite de “mise à l’arrêt définitif”, passe par le retrait de l’ensemble des matières nucléaires et
l’approbation d’un dossier de sûreté sur le démantèlement de l’installation, que la COGEMA n’a
pas présenté.
Or, cette “fermeture” de l’ATPu, demandée depuis 1995 par l’autorité de sûreté, est motivée par la
mauvaise tenue au séisme de l’installation, située sur un zone particulière active, la faille de la
Durance. L’autorisation donnée pour la fabrication des assemblages LTA est justifiée par COGEMA
et les autorités d’une part par le fait que l’installation continue de toutes façons à manipuler du
plutonium – l’ATPu est depuis un an, et pour au moins un an encore, consacré à conditionner sous
forme de rebuts MOX du plutonium non seulement accumulé dans l’installation, mais sur l’ensemble
du site de Cadarache voire dans d’autres centres du CEA –, et d’autre part que le “terme source” est au
moins 10 fois inférieur à l’époque de la production industrielle.
Ce raisonnement est quantitativement et qualitativement inacceptable. Sur un plan quantitatif, le terme
source, c’est-à-dire la quantité de matière radioactive dont on considère qu’elle pourrait, dans le
scénario d’accident le plus extrême envisagé, être relâchée, ne serait que un dixième d’un terme source
totalement inacceptable pendant la production industrielle (où un volant de 1,5 tonne environ de
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REPORT BriefLTA2-v2
Le transport de plutonium militaire américain
plutonium était contenu en permanence dans l’installation), évalué à 13,8 kg par la DGSNR : ainsi le
risque considéré aujourd’hui est le relâchement de 1,4 kg environ de plutonium au cours des
opérations prévues, susceptible de conduire à des contaminations importantes du personnel, des
populations voisines et d’une zone étendue autour de l’installation (même s’il faut noter que le
plutonium militaire en jeu est sur un plan radiologique moins toxique que le plutonium de qualité
réacteur actuellement manipulé). Mais surtout, l’opération projetée vient s’ajouter au programme
d’évacuation de l’ATPu, et se traduit donc non par une division du risque mais par son augmentation,
d’une part par accroissement de l’inventaire radioactif réel de l’installation pendant les deux à quatre
mois prévus pour cette fabrication, d’autre part par l’allongement d’autant du délai nécessaire à
l’évacuation finale de l’ensemble des matières, qui seule mettra un terme au risque.
Le risque sismique n’est du reste pas le seul à prendre en compte en matière de sûreté et de sécurité
d’une opération mettant en jeu du plutonium de qualité militaire, qui présente un risque de criticité et
un intérêt stratégique (vis-à-vis du risque de détournement) beaucoup plus élevés que d’ordinaire. Au
fait que ces risques ne semblent pas avoir fait l’objet d’une évaluation spécifique suffisamment
approfondie s’ajoutent des doutes sur la qualité de la sûreté et de la sécurité de l’installation au vu
d’évènements récents.
D’une part, des accidents de contamination, notamment en avril 2002 puis beaucoup plus récemment,
le 6 septembre 2004 (où un opérateur semble avoir été exposé à une contamination significative) ont
mis en évidence des problèmes importants pour la sûreté liés à l’application des procédures, au
système d’alarme radiologique, à la vétusté des installations (contamination d’une cellule aux cellules
voisines par des fissures du mur) et à la qualité de l’information du public.
D’autre part, l’ATPu est confronté à des problèmes de comptabilité des matières nucléaires qui
prennent, en vue de l’introduction dans l’installation de plutonium de qualité militaire, une importance
cruciale. En particulier, un rapport de la Commission européenne, au nom des vérifications dont elle a
la charge dans le cadre d’Euratom, a conclu en décembre 2003 qu’une quantité “inacceptable” de
plutonium s’avèrait manquante dans la comptabilité matières de l’ATPu pour l’année 2002. Si, selon
ce rapport, l’opérateur a identifié des causes possibles et réévalué la précision de son système de
mesure, il n’en demeure pas moins qu’aucune explication définitive ne semble, en l’état des
informations disponibles à ce jour, avoir été apportée à ce problème fondamental.
Ce rapport s’appuie en particulier sur les publications suivantes :
(a)
Briefing antérieur de WISE-Paris sur les assemblages LTA et le choix de l’ATPu
X. Coeytaux, V. Legrand, Y. Marignac & M. Schneider, U.S. MOX ‘Lead Test Assembly’ Controversy: Fabrication at
Cadarache, France – If too dangerous for European fuel, why just right for U.S. weapons plutonium, WISE-Paris
Briefing, juillet 2003.
http://www.wise-paris.org/english/ourbriefings_pdf/030729BriefLTA.env1b.pdf
(b)
Réponse conjointe à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) :
Y. Marignac, X. Coeytaux, J. H. Large, Plutonium Transports in France – Safety and Security Concerns over the FS47
Transportation Cask, Joint Assessment, WISE-Paris / Large & Associates, 21 septembre 2004.
http://www.wise-paris.org/english/reports/040921JointAssessmentFS47.pdf
Voir également une note commune adressée à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) :
J. H. Large, Y. Marignac, IAEA Requirements on Design Basis Threat Assessment - Non Compliance of Eurofab Shipment
from US to France on UK Vessel: Security and Physical Protection Issues, Submission to the International Atomic Energy
Agency, 20 septembre 2004.
(c)
Rapports de WISE-Paris et de Large & Associates sur les transports de plutonium en France :
Y. Marignac (Dir.), X. Coeytaux, M. Schneider & al., Les transports de l’industrie du plutonium en France: une activité
à haut risque, WISE-Paris, février 2003.
Résumé en anglais : http://www.wise-paris.org/english/reports/030219TransPuMAJ-Summary.pdf
Rapport, en français : http://www.wise-paris.org/francais/rapports/transportpu/030219TransPuRapport.pdf
Annexes : http://www.wise-paris.org/francais/rapports/transportpu/030219TransPuRapport_Annexes.pdf
Large & Associates, Potential Radiological Impact and Consequences Arising from Incidents Involving a Consignment of
Plutonium Dioxide under Transit from COGEMA La Hague to Marcoule/Cadarache, R3108-A6, 2 mars 2004.
http://www.greenpeace.org/international_en/multimedia/download/1/424600/0/Large_report.pdf
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