Sous-location: le bailleur ne doit pas sous

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Sous-location: le bailleur ne doit pas sous
6 Immobilier
Tribune de Genève | Mardi 24 juin 2014
C’est votre droit
Mon locataire me refuse
l’entrée dans son logement!
Vous êtes locataire ou
propriétaire? Vous avez
une question en lien avec
votre logement? Posez-la
à [email protected].
Des avocats spécialisés
y répondent chaque mardi.
Sidonie
Morvan
Avocate, Etude
Morvan & Fabjan
Question de Célia K., à Veyrier: «Je suis
propriétaire d’un appartement que
je loue. Mon locataire m’a signalé des
traces d’humidité dans sa chambre
et menace de cesser de payer son
loyer. Il refuse de laisser l’accès à son
appartement aux entreprises spécialisées pour constater le problème. A-t-il
le droit de m’empêcher d’accéder à
l’appartement? Peut-il arrêter de verser son loyer?»
Le locataire qui constate l’existence
d’un défaut de la chose louée (un problème qui restreint l’usage du bien pris
à bail) doit respecter certains devoirs. Il
doit en premier lieu signaler «sans retard» au bailleur le défaut constaté. Le
locataire doit nécessairement tolérer
les travaux destinés à remédier aux défauts de la chose louée et autoriser, au
préalable, le bailleur à inspecter l’appartement dans la mesure où cet examen est nécessaire à son entretien, en
l’occurrence à la réparation du défaut.
L’obligation du locataire de tolérer
les visites du bailleur est prévue dans la
loi. Ce droit du bailleur d’inspecter la
chose louée n’est pas limité au cas dans
lequel il a été averti d’un défaut. Il peut
aussi, dans le souci de sauvegarder son
droit de propriété et d’entretenir son
bien, le visiter périodiquement, dans le
respect des règles de la bonne foi. Le
bailleur doit tenir compte des égards
dus au locataire en l’avertissant suffisamment à l’avance. Selon le contratcadre romand, applicable aux locaux
d’habitation, un préavis de cinq jours
doit être donné au locataire, sauf cas
urgent. En outre, ces visites peuvent
avoir lieu tous les jours, sauf le dimanche et les jours fériés.
Si le locataire s’oppose de manière
injustifiée à l’inspection de son appartement, empêchant ainsi le bailleur de
prendre les mesures utiles à l’élimination du défaut, il pourra être tenu de
verser des dommages-intérêts en cas
d’aggravation du défaut. En outre, si,
malgré la protestation écrite du bailleur,
le locataire persiste, sans motif, à refuser les visites du bailleur, il s’expose à
une résiliation anticipée de son contrat
de bail. Il convient toutefois de préciser
que, même en cas de refus injustifié du
locataire, le bailleur ne peut pas pénétrer de force dans l’appartement, sous
peine de s’exposer à une plainte pénale
pour violation de domicile.
Enfin, le locataire ne pourra pas valablement, de son propre chef, arrêter
de payer le loyer en raison du défaut
invoqué. Si celui-ci s’y hasardait, le
bailleur pourrait, après avoir respecté
les exigences légales préalables, résilier
le bail. En revanche, le locataire qui
exige en vain la réparation d’un défaut
peut, suivant une procédure formelle
et à des conditions légales strictes, consigner le loyer auprès d’un office désigné par le canton, ces loyers étant réputés payés. Il devra toutefois engager
ensuite une procédure dans un délai
fixé par la loi pour obtenir la validation
de cette démarche et faire valoir ses
prétentions en exécution de travaux.
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La chronique des régisseurs
Sous-location: le bailleur ne doit
pas sous-estimer les risques
Caroline
Pinatel
Directrice,
Régie du Rhône
La sous-location n’est pas sans risque
pour le locataire et le sous-locataire,
ni pour le bailleur.
Les abus de certains locataires
conduisent à priver le bailleur de la
maîtrise de son bien, à confisquer sa
faculté de choisir son locataire et à lui
refuser son droit à adapter le loyer
à ceux du marché à la relocation.
Le risque s’accroît en cas de litige.
Le bailleur, ayant obtenu l’évacuation du locataire, doit intenter une
nouvelle action pour obtenir le dé-
part du sous-locataire et supporter la
durée et les coûts de procédures qui
en résultent.
Le bailleur peut aussi avoir à pâtir,
financièrement ou en termes
d’image, des agissements du locataire. Si le bailleur professionnel s’applique à suivre les règles du droit du
bail, le locataire, en sous-louant, peut
s’en sentir exempté. Le bailleur peut
subir les effets de l’usage fait des locaux, que lui-même n’aurait pas autorisé car non conforme à l’objet concerné, voire contraire aux bonnes
mœurs. Si des nuisances au voisinage
sont causées par la sous-location, le
bailleur répond au premier chef de la
demande en réduction de loyer.
La loi protège la sous-location,
mais la Jurisprudence tend à limiter
ses abus, visant ainsi la recherche
d’un juste équilibre entre une solution qui est garante des intérêts du
locataire et qui sauvegarde les droits
du bailleur. En ce sens, la résiliation
anticipée du bail par le bailleur est
facilitée en cas de sous-location dissimulée et l’exigence du caractère provisoire de la sous-location renforcée.
Bien que le locataire ait l’obligation de l’annoncer, la difficulté essentielle réside dans la détection même
de la sous-location et la détermination de ses conditions réelles.
Elle peut être dissimulée ou ses
modalités déguisées par connivence
entre locataire et sous-locataire; ce
dernier n’ayant pas pu trouver de
solution de logement par la voie classique. L’intérêt du locataire est sou-
vent pécuniaire. Certains indélicats
tirent profit de cette institution aux
dépens du bailleur en jouant de la
position de faiblesse du sous-locataire. Le locataire pourrait aussi vouloir transférer son bail pour favoriser
un proche, prétextant alors d’un simple prêt.
La sous-location ne doit pas s’écarter de son but car ses dérives ne sont
pas admissibles socialement. Les pratiques abusives de certains locataires,
s’appropriant le bien d’autrui et s’immisçant dans une relation contractuelle dans laquelle ils n’ont plus d’intérêt digne de protection, réduisent
davantage les offres dans un marché
locatif déjà tendu.
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