Montpellier Danse : La révolte des femmes
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Montpellier Danse : La révolte des femmes
29 juin 2015 Montpellier Danse : La révolte des femmes Phia Ménard et Bouchra Ouizgen mettent en scène des actes libératoires Belle d'hier de Phia Ménard et Ottof de Bouchra Ouizgen font souffler sur Montpellier Danse un vent féministe rafraîchissant. Et Phia Ménard n'attend pas qu'on lui demande d'expliquer son titre, elle le fait : « Une Belle d'hier, c'est une voiture historique, généralement photographiée avec une femme en prime. » Cette association de deux fantasmes masculins de puissance, elle n'aime pas. On la comprend. Mais sa vraie cible est le mythe de l'homme protecteur, sauveur, directeur. Monsieur surhomme aime construire son auto-mythe par sa voiture, certes. Mais il tient tout autant à sa tenue. ©Laurent Philippe Pour bien montrer que tout ça appartient au passé, Ménard orchestre une image carrément muséale et moyenâgeuse. Les cavaliers du bal sont des sculptures faites de lourds manteaux et de capuches, le tout vide, sans cerveau donc, et gelées. Plongées dans une lumière dorée et argentée, elles restent figées devant un plan incliné plus que doré. Mais cette image se construit lentement. Il faut bien du temps pour sortir tous les éléments de la chambre froide à -25°C et pour les assembler. ll faut du temps pour monter cette quinzaine de personnages, symboles de pouvoir plus que d'un sexe particulier. Il faut du temps pour attendre et observer leur lent effondrement. Trop de temps, il faut bien le dire, même si on comprend les contraintes techniques. Pour limiter l'attente, des tuyaux d'eau sont mis à la disposition des performeuses. L'eau finit par accélérer le dégel. C'est un bon tuyau. ©Laurent Philippe Mais le vrai travail ne fait que commencer. Le plateau de l'Opéra-Comédie de Montpellier se transforme en lavoir! Toute la corvée de la lessive d'avant l'invention de la machine à laver resurgit. Les femmes travaillent comme en 14. Elles se passent les seaux en chaîne, frappent sur les manteaux (ou bien sur le mythe du prince charmant) avec d'énormes battes, agitent leurs jambes dans le seau etc. Si elles portent des tutus (ou presque), cela ne calme pas l'irritation d'une frange du public, venue en croyant que dans une salle pareille on verrait automatiquement de la "belle danse". ©Laurent Philippe Les images dans Belle d'hier sont pourtant de grande beauté, jusque dans la disparition finale dans un brouillard épais formant de véritables nuages qui avalent les performeuses, entretemps intégralement dévêtues et secouées par des fous rires. Pour la première fois, Phia Ménard a décidé de ne pas monter sur le plateau: « Je ne joue plus ma propre biographie, je suis en train de faire le deuil de mon histoire d'homme. » ©Laurent Philippe ©Laurent Philippe Le mythe battu en brèche Se débarrasser du mythe qu'on était soi-même censé incarner, c'est du travail. Phia doit aujourd'hui composer avec cette "femme en devenir" qu'elle dit être, et c'est du chaudfroid, assurément. Au cours de Belle d'hier, les quatre interprètes passent de -25° à +25°C ! Elles ont eu d'autant plus chaud que Phia a décidé, à dix jours de la première, de revoir tout le travail, ayant découvert que la version initiale reproduisait des schémas de violence masculins. Thomas Hahn Création à Montpellier Danse, du 25 au 27 juin 2015