Montpellier totalement fou de danses

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Montpellier totalement fou de danses
29 juin 2015
Montpellier totalement fou de danses
Montpellier totalement fou de danses - ©« Belle d’hier » / Jean-Luc Beaujault
Coup d’envoi de la saison des festivals avec le rendezvous de Montpellier Danse. Premières sensations : la pièce
habile du Ballet National de Marseille, la glace exquise de
Phia Ménard et les folles arabesques de Bouchra Ouizguen.
Montpellier sait garder son calme la journée durant : ici pas de parades de rue, d’affiches
en désordre comme à Avignon. On jette plutôt un oeil sur la mer toute proche ou on se
retrouve pour une grande leçon de danse à ciel ouvert orchestrée par un chorégraphe de
renom, comme Israel Galvan. Le soir Montpellier Danse fait grimper la température et
réveille les afficionados du beau geste.
En ouverture du festival Le Ballet National de Marseille et sa nouvelle direction bicéphale –
Emio Greco et le dramaturge Pieter C. Scholten – ont séduit le public local.
« Extremalism » est une pièce astucieuse qui conjugue grands ensembles (une trentaine de
danseurs avec le renfort du ICKamsterdam) et maîtrise de la scènographie. Sous un lustre
composé de néons qui une fois actionné devient une cage ou une sculpture, Emio Greco
entend pousser le corps « en révolte ». On ne peut pas dire que son vocabulaire ait
beaucoup évolué depuis une vingtaine d’années. Danse étirée, gestuelle toute en énergie il
passe sur le plateau un souffle de tempête. Qu’ils soient affublés de masques tricotés ou en
simple sous-vêtements, les interprètes donnent beaucoup de leur personne. On se noie
parfois dans ce déluge de mouvements pas toujours inspirés. Surtout on effleure à peine
l’individu dans de brefs solos qui laissent un goût d’inachevé. Seule la voix de Jodie Landau
apaise.
Sublime « Belle »
Question degrés, Phia Ménard a su jouer avec les sensations fortes, donnant à l’Opéra
Comédie la première de « Belle d’hier ». L’artiste singulière manie la glace une fois de
plus, mais, à la différence de « P.P.P. », opus passé, elle en fait cette fois une matière
liquide. Le spectacle s’ouvre sur une paroi d’or qui dissimule trois caissons réfrigérés. Dans
une pénombre inquiétante, les cinq solistes vont créer un paysage de robes de toutes
tailles posées comme des totems. Que la vapeur rend peu à peu vivante. Une fois libéré de
son enveloppe de givre, ce vestiaire devient un étrange ballet à coup de seaux d’eau
maniés, de frappes répétées par ce quintette féminin.
Finalement mises à nu, les « belles » de Phia Ménard retournent à l’origine du monde dans
une séquence à la beauté soufflante, pas si loin des vision d’un Romeo Castellucci. En
brodant sur le conte de fées – les cinq protagonistes portent des robes de Cendrillon sous
leur combinaison –, Phia Ménard interroge aussi un monde où la représentation des
femmes reste sujet à confusion et à domination. Débarrassée de cette seconde peau, la
« Belle d’hier » peut enfin vivre sa vie.
Il y avait également de fortes femmes dans « Ottof » de la marocaine Bouchra Ouizguen.
Ses héroïnes, pour certaines des Aïtas, anciennes chanteuses de cabaret, sont des natures
incroyables capables de passer de la transe au chant. Sur le plateau elles se dépouillent de
plusieurs couches de vêtements, racontent des histoires en arabe où il est question
d’amour et de solitude. Et finissent par une folle danse sur l’air du tube de Nina Simone
« My Baby don’t care ». Que cet hymne fut un jour une publicité pour une parfum de luxe
n’en est que plus jouissif. Ces dames venues « du pays » ont mis Montpellier Danse à leurs
pieds.
Philippe Noisette
MONTPELLIER DANSE jusqu’au 9 juillet (0 800 600 740)