L` écriture et l`extase

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L` écriture et l`extase
L'écriture et l'extase
Colloque à la Sorbonne et à lʹENS 19, 20 et 21 octobre 2006 Organisé par : Crimic - Paris-IV
Centre de Recherches Interdisciplinaires sur les Mondes Ibériques Contemporains http://www.crimic.paris4.sorbonne.fr/
Savoirs et Clinique
Association de formation permanente en clinique psychanalytique http://www.savoirs‐et‐clinique.eu/
Informations pratiques Frais de participation : 50 € Tarif réduit, étudiants de moins de 26 ans : 20 € Gratuit pour les étudiants de Paris‐IV Formation permanente : 200 € Inscriptions par correspondance avant le 12 octobre Secrétariat : Crimic, Paris-IV Institut Hispanique, 31, rue Gay Lussac, 75005 Paris Sandrine Perez : [email protected] tel : 00 33 1 40 51 25 48 [email protected]
Savoirs et clinique 8 rue Basse, 59000 Lille Brigitte Lemonnier : [email protected] tél. 03 21 55 92 33 [email protected]
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Bulletin dʹinscription (pdf imprimable) Argument du colloque Programme Triptyque (pdf imprimable) Arguments des interventions et présentation des intervenants Lʹécriture et lʹextase Les écrivains témoignent à différents niveaux dʹexpériences bizarres. En théoricienne, Sainte Thérèse distinguait le ravissement, où lʹâme est violemment arrachée au corps, de lʹextase à laquelle elle consent dans ses fiançailles avec Dieu. Ces vertiges divins, dont on peut retrouver les accents dans lʹamour profane, semblent aux antipodes dʹautres émois, tels lʹembrasement cosmique du héros gidien par un furtif contact charnel dans la nature. Et pourtant, celui‐ci en souligne le caractère dʹ « illimitation ». On pourrait multiplier les exemples littéraires de ces expériences si diverses de lʹillimité, depuis les extases bachiques des Tragiques grecs jusquʹaux descriptions les plus crues des écrivains dʹaujourdʹhui.‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ À propos de lʹénigmatique Finnegans Wake de Joyce, Lacan note que si on le lit, cʹest parce quʹon sent présente la jouissance de celui qui lʹa écrit. Avec le terme ambigu et polysémantique de « jouissance », il reprend les phénomènes que Freud considère comme au‐delà du principe de plaisir : excès de satisfaction ou souffrances intenses qui résonnent dans le corps et y laissent des traces. Il en distingue une grande variété : sexuelle, phallique, de lʹidiot, de lʹAutre, de lʹobjet ou « plus‐de‐jouir », autre jouissance, « pastoute » ou illimitée (féminine), folle, fantasmatique, symptomatique, etc. Le sujet, qui les éprouve pourtant, a, dans la règle, le plus grand mal à en parler précisément. Or, dans leurs écrits, les poètes, les mystiques ou certains philosophes inspirés savent le faire. Ce savoir‐faire de lʹécrivain implique‐t‐il justement de se mettre au préalable dans ces états étranges et hors du commun quʹils décrivent parfois ?‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐
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‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ De lʹécrivain, nous attendons donc un savoir multiple. Dans ce colloque, nous essayerons, dʹune part, dʹétudier lʹécriture de ces états quʹon peut qualifier brièvement dʹextatiques, et, dʹautre part, de trouver des réponses à diverses questions dont voici quelques unes :‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Y a‐t‐il des états spécifiques qui prédisposent à lʹacte dʹécrire ? Sont‐ils noués aux autres satisfactions du sujet ? Par exemple, dans le cas de Gide, qui nomme Schaudern lʹétat qui a été pour lui décisif dans son destin dʹartiste, on peut établir un lien de construction voire un tissage serré, entre, dʹune part, ses correspondances et son journal où il raconte ses expériences sexuelles, amicales ou amoureuses et dʹautre part ses romans, comme si la fiction les magnifiait mais aussi, peut‐être, comme sʹil les vivait pour les écrire. De même pour les grands mystiques, leur expérience serait‐elle la même sʹils ne lʹécrivaient pas. ?‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐
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invisible dans leurs œuvres ? Quel statut donner aux descriptions et aux théories de certains auteurs comme Sade, Proust, Bataille, mais aussi Euripide ? Fictions littéraires, utopies politiques, témoignages personnels ou études de mœurs de leurs contemporains ?‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Le savoir‐faire de lʹartiste implique toujours lʹimaginaire. Que dire alors de lʹextase en images ? Comment, par exemple, certains cinéastes, vidéastes ou photographes ont‐il figuré la jouissance, souvent en sʹappuyant sur des écrivains ? Cela a‐t‐il un rapport avec la Darstellung dans le rêve freudien et avec sa difficulté, justement, à représenter le sexe ?‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Enfin, quels sont, sur le plan de la clinique et de la théorie psychanalytiques, les rapports de lʹécriture avec lʹextase, le ravissement et la folie ? Peut‐on la considérer comme un symptôme ou un sinthome, ainsi que Lacan lʹa nommé pour Joyce, ou comme une sublimation ? Jeudi 19 octobre 2006 ‐ Sorbonne Salle Louis Liard 17, rue de la Sorbonne 75005 Paris 8h45 ‐ Présentation : Jean‐Robert Pitte, Président de lʹUniversité Paris IV et Sadi Lakhdari 9h ‐10h30‐ Présidence : Geneviève Morel Sadi Lakhdari, professeur à la Sorbonne, (Paris IV), hispaniste «Hypnose, hystérie, extase. De Charcot à Freud » Pierre‐Henri Castel, psychanalyste, philosophe, CNRS «La Madeleine de Janet, ou comment objectiver lʹexpérience de lʹextase » ‐o‐ 10h45‐13h ‐ Présidence : Jacques Le Brun Catherine Millot, psychanalyste «Discours et expérience » Bernard Sesé, professeur‐émérite à Paris X «Poétique de lʹextase selon sainte Thérèse dʹAvila et saint Jean de la Croix » Mercedes Blanco, professeur à Lille III, hispaniste «Les raisons de la jouissance dans les écrits de Thérèse dʹAvila» ‐ Pause de midi ‐ 14h30‐16h ‐ Présidence : Mercedes Blanco Jacques Le Brun, directeur dʹétudes honoraires à lʹEPHE «Refus de lʹextase et assomption de lʹécriture dans la mystique moderne » Frédéric Cousinié, historien de lʹart «Lʹécriture de lʹextase, en effets. Quelques dispositifs de mise en œuvre de lʹextase dans la peinture du XVIIème siècle » ‐o‐ 16h15‐17h45 ‐ Présidence Marie Darrieussecq Maria‐Graciete Besse, professeur à Paris IV «Le texte fulgurant de Maria Gabriela Llansol, entre nomadisme et dépossession» Paul‐Henri Giraud, maître de conférences, Paris IV, hispaniste «Octavio Paz et le tantrisme. Le texte‐corps‐image comme tremplin vers lʹextase» ‐o‐ 18h‐19h30 Présidence : Frédéric Cousinié Gérald Larrieu, docteur de la Sorbonne «Lʹétatique mis à mâle par lʹextatique. The Buenos Aires Affair de Manuel Puig» Sylvie Blocher, artiste «Living pictures / Extase » Vendredi 20 octobre 2006 ‐ ENS Salle Jules Ferry, 29 rue dʹUlm 75005 Paris 9h‐10h30‐ Présidence : Pierre‐Henri Castel Daisuke Fukuda, doctorant en psychanalyse à Paris VIII «Lʹexpérience sadienne : un ratage de lʹexpérience mystique perverse ?» Rodolphe Adam, psychanalyste «Kierkegaard, amoureux de sa plume » ‐o‐ 10h45‐13h ‐ Présidence Régis Michel Philippe Sabot, maître de conférences à Lille III «Extase et transgression chez Georges Bataille» Florence Vatan, maître de conférences à lʹUniversité du Wisconsin‐Milwaukee «Robert Musil ou les voies de la mystique diurne» Sara Thornton, maître de conférences à Paris VII, angliciste «Ecriture et morsure : lʹextase de la ponctuation dans Dracula de Bram Stoker» ‐ Pause de midi ‐ 14h30‐16h ‐ Présidence : Sadi Lakhdari Jean Bollack, professeur de littérature grecque, Lille III «Les formes religieuses de lʹextase poétique » Renate Schlesier, professeur à lʹUniversité Libre de Berlin «Lʹextase dionysiaque dans lʹhistoire des religions » ‐o‐ 16h15‐17h45 ‐ Présidence : Franz Kaltenbeck Thomas Eder, professeur à lʹUniversité de Vienne «Le ʹCantique des créaturesʹ (François dʹAssise). Relecture et réécriture par Reinhard Priessnitz dans son poème ʹherbstʹ (ʹautomneʹ)» Jacques Aubert , professeur émérite à lʹUniversité de Lyon «Dʹune ou deux Femmes singulières » ‐o‐ 18h‐19h30 ‐ Présidence : Frédéric Yvan, architecte, philosophe Annie Tardits, psychanalyste «Le récit, le poème, la lettre » Nancy Berthier, professeur à Marne‐la ‐Vallée, hispaniste «Figures de lʹextase dans le cinéma de Luis Buñuel : des usages du visage » Samedi 21 octobre 2006 ‐ Sorbonne Amphi Milne‐Edwards, 17, rue de la Sorbonne 75005 Paris 9h‐11h15 ‐ Présidence : Darian Leader Eric Marty, professeur de littérature contemporaine à Paris VII «René Char : lʹamour réalisé du désir demeuré désir » Franz Kaltenbeck, psychanalyste «Lʹécriture de lʹindicible » Marie Darrieussecq, écrivain «Extase de lʹécriture » ‐o‐ 11h30‐13h ‐ Présidence : Luc de Heusch Léon Vandermeersch, directeur dʹétudes à lʹEPHE, sinologue «De lʹidéogramme à lʹécriture folle, la facette chinoise de lʹextase lettrée » Frédéric Girard, directeur dʹétudes à lʹEFEO «Stances en chinois et dénouements de crises dans les écoles Zen au Japon » ‐ Pause de midi ‐ 14h15‐15h45 ‐ Présidence : Brigitte Lemonnier, psychanalyste Darian Leader, psychanalyste, Londres «La seule chose qui dure : quelques fonctions de lʹécriture» Geneviève Morel, psychanalyste «Inspiration, extase, sinthome » ‐o‐ 15h45‐18h ‐ Présidence : Léon Vandermeersch Luc de Heusch, anthropologue, professeur‐émérite à lʹUniversité Libre de Bruxelles «La transe: la possession, le chamanisme, lʹextase mystique comme continuum » Gilbert Rouget, ethnomusicologue, CNRS «Musiquer en état second. Rituels initiatiques africains » Régis Michel, conservateur en chef au musée du Louvre « Trip hop chez Tricky ou lʹextase en studio. Corps noir et diable blond » Conclusion : Sadi Lakhdari Arguments des interventions et présentation des intervenants Rodolphe Adam « Kierkegaard, amoureux de sa plume » « Amoureux de ma plume », cʹest ainsi que Kierkegaard répondait à un de ses proches qui lui reprochait de ne faire quʹécrire des lettres sans jamais rendre visite. Graphomane dont la surproduction a sa cause dans la « chronique dʹune mort annoncée », Kierkegaard trouvait dans lʹécriture le corps à corps qui lui faisait défaut dans la rencontre. Si une fois, il témoigna dans son Journal dʹune expérience de « joie indescriptible », souvent comparée au Mémorial de Pascal, nous verrons, avec Lacan, que lʹacte dʹécrire relevait moins dʹun éprouvé ex‐tatique que du nouage sinthomatique dont le produit fut la découverte de lʹex‐sistence. « Ecrire a été ma vie », écrivit Kierkegaard… jusquʹà ce que Régine sʹen aille. Docteur en psychopathologie, Paris VII, psychanalyste à Bordeaux. Jacques Aubert « Dʹune ou deux Femmes singulières » Professeur émérite à lʹUniversité de Lyon et éditeur de Joyce dans la Pléiade, Jacques Aubert a écrit de nombreux ouvrages et articles sur Joyce et Virginia Woolf.‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Nancy Berthier « Figures de lʹextase dans le cinéma de Luis Buñuel : des usages du visage » Depuis Un chien andalou jusquʹà Cet obscur objet du désir, Luis Buñuel a mis en scène sans relâche, pendant une cinquantaine dʹannées, des personnages en proie à des « états extatiques » très variés (mais fondamentalement de nature sexuelle et mystique) dans des films ancrés dans des espaces de production cinématographique extrêmement diversifiés (cinéma expérimental surréaliste, cinéma populaire mexicain, co‐productions internationales, cinéma dʹauteur français …). Au‐delà des variations esthétiques et stylistiques de sa production cinématographique tout au long de cette période, les figures de lʹextase se présentent toujours dans le cadre dʹune mise en scène du visage qui fait de ce dernier le support par excellence de lʹ « état extatique » dans un jeu subtil entre le visible et lʹinvisible: le cinéaste met en oeuvre une catégorie tout à fait particulière du hors champ (non présent à lʹimage mais induit par les composantes de cette dernière) qui renvoie à une réalité qui, bien que non montrée et non montrable nʹen est pas moins fortement figurée. Nous nous interrogerons sur les fonctions et le sens de ces usages du visage dans la représentation buñuelienne de lʹextase. ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐
‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Professeur des universités à Marne‐la‐Vallée, spécialiste de lʹimage dans le monde hispanique contemporain. Auteur de Le franquisme et son image. Cinéma et propagande (PUM, 1998), De la guerre à lʹécran, Ay Carmela, (PUM, 1999), Tomás Gutiérrez et la Révolution cubaine (Cerf, septième art, 2005), co‐auteur de Le cinéma de Bigas Luna (PUM, 2000), a dirigé Penser le cinéma espagnol (1975‐2000), Grimh, 2001. Une soixantaine dʹarticles publiés sur le cinéma espagnol et cubain. Maria Graciete Besse « Le texte fulgurant de Maria Gabriela Llansol, entre nomadisme et dépossession » Dans la littérature portugaise contemporaine, lʹœuvre de Maria Gabriela Llansol (1931) dessine une cartographie hostile à toute forme de représentation et dʹorthodoxie générique. Produite sous le signe de la rupture et traversée par un certain nombre de figures mystiques (Maître Eckhart, saint Jean de la Croix, Al Hallâj), elle développe souvent des fulgurations (« cenas‐fulgor ») qui traduisent la discontinuité temporelle, la jubilation du fragmentaire et lʹexpérience nomade de lʹintranquillité, si chère à Fernando Pessoa. Par un mouvement de déterritorialisation, lʹinstance énonciative se déploie entre lʹintime et lʹextime, la fascination et la perte, pour créer une épiphanie du visible où se joue sans cesse la possibilité de lʹextase. ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Professeur de Portugais à lʹUniversité de Paris IV‐Sorbonne. Spécialiste de littérature portugaise, elle a fait paraître plusieurs ouvrages sur des auteurs portugais contemporains et sʹintéresse particulièrement à lʹécriture produite par les femmes. Guy Maddin image tirée de Cowards Bend the Knee (2002) Mercedes Blanco « Les raisons de la jouissance dans les écrits de Thérèse dʹAvila » Les écrits de Thérèse dʹAvila ont un retentissement auprès de nombreux lecteurs qui excède leur valeur de document auprès des historiens de la religion ou des anthropologues, leur rôle dʹédification auprès des fidèles, ou même leur portée doctrinale auprès des théologiens, sanctionnée par lʹélévation de lʹauteur au rang ‐honneur rarissime parmi les femmes‐ de docteur de lʹEglise. Ce retentissement, ses écrits le doivent à leurs très singulières qualités « littéraires » et au témoignage quʹils portent dʹune série dʹétranges expériences extrêmement riches et différenciées. Celles‐ci ont pour point commun une « jouissance » dont la nature, lʹobjet, la légitimité constituent le problème central qui motive le fait même dʹécrire. Lʹécriture apparaît comme une quête de solution pour ces problèmes, et donc au moins en partie comme une rationalisation. Cʹest ce que notre communication sʹattachera à montrer : non pas tellement en quoi décrire la jouissance est une entreprise formidable, mais aussi pourquoi la dire cʹest défendre, victorieusement dans le cas de Thérèse, les conditions qui la rendent possible. Professeur de littérature espagnole classique à lʹUniversité de Lille 3. Auteur dʹun livre sur les rhétoriques du mot dʹesprit au XVIIème siècle (Les rhétoriques de la pointe, Paris, Champion, 1992), dʹun livre sur la poésie amoureuse de Quevedo, et dʹune centaine dʹarticles dans des livres collectifs et revues spécialisées sur des questions de théorie poétique, de rhétorique et de littérature espagnole des XVIIème et XVIIème siècles. Sam Taylor‐Wood image tirée de Pietà (2001) Sylvie Blocher « Living Pictures / Extase » Installation vidéo 2004, 4 écrans : 4m x 3m, durée : 4 x 5minutes « …Le tournage est improbable et lʹexercice tient de lʹimpossible. Pourtant cela se passe. Parfois si fortement que mon visage succombe au mimétisme. Ils se présentent devant ma caméra. Seuls, ils convoquent, derrière leurs regards flottants, des pensées pour moi inconnues. Des hommes de tous les jours, des hommes célèbres, que rien ne rattache, sinon lʹacceptation de perdre tout contrôle sur eux‐mêmes le temps du tournage : leurs visages en extase, entre joie et douleur, comme dʹinfimes traces fugitives… »‐ Sylvie Blocher. Tournage de Living Pictures / Extase. Sept 2004.‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐
Suite au manifeste « Déçue, la mariée se rhabilla » (1991) (Collection MAM Centre Georges Pompidou), Sylvie Blocher lance en 1993 le concept : ULA [Universal Local Art] et commence la série vidéo des Living Pictures. Elle crée en 1997, avec lʹarchitecte urbaniste François Daune, le collectif « Campement Urbain » qui reçoit en 2002 le Prix international de la Fondation Evens : Art / Community / Collaboration. Elle participe régulièrement à des manifestations internationales comme les deux dernières Biennales de Venise 03‐05. Living Pictures / Extase © Sylvie Blocher 2004 ‐Installation vidéo ‐ 4 fois 5.10 minutes sur 4 écrans Jean Bollack « Les formes religieuses de lʹextase poétique » Le chamanisme a été prêté aux pythagoriciens, et, plus récemment encore, les poètes philosophes comme Parménide et Empédocle ont été élevés au rang dʹinitiateurs dʹune migration dʹoutre‐tombe. Il importe pourtant dʹapprécier et dʹapprofondir la transposition dʹétats seconds accomplie dans la poésie. Lʹanalyse des pratiques religieuses sʹest effectuée avant toute histoire dans les œuvres littéraires. Le rite est maîtrisé et reproduit. ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Professeur de littérature grecque et fondateur du Centre de recherches philologiques de lʹUniversité de Lille III. Pierre‐Henri Castel « La Madeleine de Janet, ou comment objectiver lʹexpérience de lʹextase ? » De lʹangoisse à lʹextase, de Pierre Janet, paru en 1926, sʹefforce de décrire objectivement une extatique, Madeleine Le Bouc, dont nous connaissons désormais la véritable identité : Pauline Lair Lamotte. Sa solution dépend du système psychopathologique où il inscrivit les expériences de son sujet de la Salpêtrière : Madeleine est un cas de « délire psychasthénique » chez une obsédée scrupuleuse. La discussion de ce cas est un des lieux où Janet sʹapproche le plus des thèses de Freud, ce quʹil sait et quʹil fuit, mais aussi de Melanie Klein, ce quʹil ignore, touchant lʹinconscient le plus archaïque et ses expressions symboliques. Des auteurs lacaniens ont voulu aussi exploiter ce cas pour marquer la différence entre le délire, qui est psychotique, et le delirium, qui est une potentialité de certaines névroses. Je me propose de revenir sur ces interprétations, qui se nourrissent du volume dʹécrits mystiques très considérable quʹa laissé Madeleine à Janet, en interrogeant le problème que pose la manifestation dʹune « folle jouissance » chez un sujet ‐ comme si, dans toute théorie du sujet ou de la psychè, ce devait être un problème, ou une limite extrême, ou une anomalie, ou une transgression. En somme, ce serait ici plutôt lʹextase qui interrogerait la fonction supposée de la raison dans la pensée. Comment se peut‐il quʹelle mette en cause sa fonction de limitation et de délimitation, sans toutefois lʹabolir ? ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Psychanalyste, philosophe, chercheur au CNRS Guy Maddin image tirée de Cowards Bend the Knee (2002) Frédéric Cousinié « Lʹécriture de lʹextase, en effets. Quelques dispositifs de mise en œuvre de lʹextase dans la peinture du XVIIème siècle. » Lʹécriture de lʹextase, comprise ici essentiellement dans sa dimension religieuse, sʹincarne dans trois champs « textuels » privilégiés à lʹépoque moderne (XVIe‐XVIIIe siècles) : lʹécrit testimonial du mystique, la théorisation du théologien qui tente de distinguer, clarifier et rationaliser un vocabulaire et des catégories toujours suspectes aux yeux de lʹorthodoxie chrétienne, mais aussi lʹimage qui tente de représenter une expérience parfois spectaculaire mais bien souvent aussi « secrète », ou discrète, car avant tout intérieure. Ces différentes expressions de lʹextase ne se contentent pas de témoigner, de théoriser ou de visualiser une expérience extatique déjà advenue. Par leurs propres dispositifs narratifs, stylistiques et poétiques, elles peuvent prétendre susciter, auprès du lecteur ou du spectateur, une expérience équivalente à celle dont elles témoignent. La communication proposée portera sur lʹanalyse dʹun tableau de Charles Le Brun, La Pentecôte (Musée du Louvre), dont un précieux témoignage, livré par le biographe de lʹartiste, évoque lʹeffet, dʹordre surnaturel, quʹil occasionna sur le commanditaire de lʹœuvre : Jean‐Jacques Olier, fondateur du Séminaire de Saint‐Sulpice. Lʹextase (mystique) est, faut‐il croire, le résultat dʹun événement dʹordre surnaturel, elle serait aussi, supposons‐nous, le résultat dʹune construction formelle productrice de ce type « dʹeffets ».‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐
‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Historien de lʹart. Conseiller scientifique à lʹInstitut national dʹhistoire de lʹart, maître de conférences à lʹUniversité de Provence. Auteur de : Le Peintre chrétien. Théories de la peinture religieuse dans la France du XVIIème siècle, Paris, Harmattan, 2000 ; Beautés fuyantes et passagères. La représentation et ses « objets‐limites » au XVIIème‐XVIIIème siècles, Paris, G. Monfort, 2005 ; Le Saint des Saints. Maîtres‐autels et retables parisiens du XVIIème siècle, Aix‐en‐Provence, PUP, 2006. Il prépare une étude intitulée Image, Méditation et contemplation au XVIIème siècle à paraître en 2007. Marie Darrieussecq « Extase de lʹécriture » « Préférences, goûts, zigzags : Woolf, Faulkner... Guibert, Ernaux, Modiano... et pourquoi pas Montaigne, et Rimbaud, et aussi Kafka... et pourquoi pas toute la littérature, pour dire lʹextase dans la jouissance du fait dʹécrire. On lira, dans lʹordre qui viendra. » ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Écrivain, ancienne élève de lʹENS. Vit à Paris. Thèse : Moments critiques dans lʹautobiographie contemporaine, 1997. Fictions : Truismes, Naissance des fantômes, Le mal de mer, Bref séjour chez les vivants, Le Bébé, White, Le Pays, Zoo… aux éditions POL. Félicien Rops, La Tentation de St‐Antoine, 1878, Bibliothèque Royale de Belgique Thomas Eder « Le ʹCantique des créaturesʹ (François dʹAssise). Relecture et réécriture par Reinhard Priessnitz dans son poème ʹherbstʹ (ʹautomneʹ) » Le « Cantique des créatures » de François dʹAssise (Assise, 1181‐1226) est considéré comme le début de la poésie italienne, mais il a aussi influencé Dante, Pétrarque et la poésie rhapsodique de la nature. François a écrit le cantique pendant une période dʹextase causée par une stigmatisation excessive et un ascétisme entretenu depuis longtemps. Le «Cantique» est lʹexpression dʹune joie de vivre et dʹune identification avec la création. Dans les années 1970, le poète autrichien Reinhard Priessnitz (Vienne, 1945‐1985) a réécrit le « Cantique » avec le titre « herbst » (« automne »). Priessnitz transfère dans les choses matérielles mêmes lʹhumilité et la glorification de lʹinconcevable, que célèbre François dans le concret. Jʹessaierai dʹexaminer les conditions différentes de lʹextase dans ces deux poèmes et pour ces deux poètes que séparent plusieurs siècles et dʹénormes différences esthétiques. ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Thomas Eder (PhD), né 1968 à Linz, Post‐Doc‐Fellow à lʹInstitut des études Germaniques à lʹuniversité de Vienne. Publications : « ʹUnterschiedenes ist / gutʹ. Reihard Priessnitz und die Repoetisierung der Avantgarde, München: Wilhelm Fink 2003, « Zur Metapher » (ed. Avec Franz Josef Czernin), München: Wilhelm Fink 2006. Daisuke Fukuda « Lʹexpérience sadienne : un ratage de lʹexpérience mystique perverse ? » Angelus Silesius écrit : « Lʹœil par où je vois Dieu est le même par où il me voit. » Les deux êtres sʹemboîtent réciproquement en un seul organe pur et fantasmatique. Lʹécriture de Silesius structure son expérience mystique. Étant matérialiste athée, Sade ne peut accepter lʹexpérience mystique. Néanmoins son fantasme, ignoré de lui‐même bien quʹil soit lisible à travers son écriture charnelle de la perversion, ne pourrait‐il sʹécrire sous la forme suivante : « Le corps par où le scélérat touche à lʹexpérience de la victime est le même corps par où la victime touche à lʹexpérience du scélérat ?» Toujours est‐il que la victime nʹest quʹun simulacre de Dieu et que lʹexpérience de perversion nʹest quʹune simulation de lʹexpérience extatique. ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Doctorant en psychanalyse à lʹuniversité Paris VIII. Frédéric Girard « Stances en chinois et dénouements de crises, dans les écoles Zen au Japon » Les moines japonais, en particulier des écoles Zen, ont composé de nombreuses stances en chinois en dépit des interdictions du Code disciplinaire à ce sujet. Une occasion privilégiée en était le moment où un disciple se voyait reconnaître la validité de son expérience de « lʹéveil» par un maître, après une période de « doute», parfois au terme de dialogues aporétiques (kôan). Bien que ces échanges aient pu revêtir un caractère obligé, pour des raisons sociologiques, ils correspondaient, dans le cas de cheminements authentiques, à la résolution de crises psychologiques dont nous nous proposons dʹexaminer quelques cas..‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Directeur dʹétudes à lʹEcole Française dʹExtrême‐Orient. Paul‐Henri Giraud « Octavio Paz et le tantrisme. Le texte‐corps‐image comme tremplin vers lʹextase » Lʹek‐stase, selon Paz, ne se situe pas dans lʹécriture ou la lecture, dans la contemplation des images ou dans lʹacte charnel : elle est un au‐delà des mots, des images et des corps, lesquels se trouvent abolis dans le silence, dans lʹillumination, dans la « Vacuité » du « non‐corps ». Cette communication sʹappuiera sur les essais et les poèmes écrits par Octavio Paz entre 1962 et 1973, à une époque où la philosophie et lʹart tantriques constituent lʹune de ses principales sources dʹinspiration. Maître de conférences, Université Paris‐Sorbonne (Paris IV), UFR dʹÉtudes Ibériques et Latino‐Américaines, auteur de Octavio Paz, Vers la transparence, Paris, PUF, 2002 Luc de Heusch « La transe : la possession, le chamanisme, lʹextase mystique comme continuum » Je développerai les thèses contenues dans mon ouvrage, paru aux éditions Complexe, Bruxelles, 2006 : La transe et ses entours. La sorcellerie, lʹamour fou, saint Jean de la Croix, etc. ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Anthropologue, professeur émérite à lʹUniversité libre de Bruxelles, membre du mouvement Cobra. Franz Kaltenbeck « Lʹécriture de lʹindicible » Dans son essai Proust déjà, Samuel Beckett est saisi par des œuvres témoignant dʹune jouissance qui suspend la volonté. Aussi compare‐t‐il le collapsus de la volonté, tant chez Keats, auteur de lʹ « Ode à un rossignol » que de Giorgione, peintre de « La tempête », à la stase contemplative de Proust dans À lʹombre des jeunes filles en fleurs. Cette stase est un « pur acte de compréhension dépourvu de volonté ». Beckett lui‐même entretenait un rapport contemplatif avec certaines peintures, comme le Saint Sébastien dʹAntonello de Messina, lʹEntremetteuse de Vermeer, dont la grâce lui paraît « impossible à décrire » ou La décapitation de Saint Jean Baptiste. Son affinité avec ses tableaux ne relève pas de lʹamateurisme. Il y admire plutôt ce qui échappe au langage et qui, pourtant, sʹy montre et lʹencourage à faire de son écriture un lieu de la rencontre avec le réel. ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Psychanalyste à Paris et à Lille, directeur de « Savoirs et clinique. Revue de psychanalyse », auteur de Reinhard Priessnitz. Der stille Rebell, Droschl, Wien 2006. Sadi Lakhdari « Hypnose, hystérie, extase. De Charcot à Freud » Les phénomènes dʹétats modifiés de la conscience connus depuis longtemps ont été différemment élaborés et théorisés au 19e siècle où le point de vue religieux est abandonné par la science médicale. Lʹextase est rattachée comme le mysticisme à lʹhystérie, liée étroitement à lʹhypnose dont on avait depuis longtemps souligné les aspects sexuels. Comment se fait le passage entre Charcot et Freud qui suivit pendant quelques mois ses cours et traduisit ses œuvres, cʹest ce que nous essaierons de préciser. Professeur à la Sorbonne, (Paris IV), hispaniste Gérald Larrieu « Lʹétatique mis à mâle par lʹextatique. The Buenos Aires Affair de Manuel Puig » Leo, le protagoniste apocopé de The Buenos Aires Affair nʹest que lʹune des faces janusiennes dʹune seule et même entité éclatée en deux personnages, lʹautre est Gladys à lʹétymologie phallacieuse‐ment prometteuse. Lʹénucléation de celle‐ci métaphorise ce monde du manque, névrotique ; la gigantophallie du premier celui de lʹen‐trop, pervers. Dans ce Buenos Aires de la dictature, lʹextase quʹéprouve ce personnage mâle à la suite dʹune séance de torture ébranle lʹimposition de la dure loi patrilinéaire et transcende lʹanecdotique : ce roman, immédiatement interdit par le régime en place, ne transgresse‐t‐il pas, précisément, lʹindicible du masculin ?‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Gascon, agrégé dʹespagnol, docteur de la Sorbonne, sʹintéresse à la littérature argentine en général et au genre en particulier. Darian Leader « La seule chose qui dure : quelques fonctions de lʹécriture » Dans la psychanalyse, écrire est souvent considéré à lʹopposé de lʹextase. Lʹécriture serait en effet une limite ou une barrière à lʹinvasion de lʹexcitation ou à lʹexpérience dʹune menace. Cependant, quelle jouissance spécifique peut‐on trouver dans lʹacte dʹécrire et quelles différentes fonctions peut‐il avoir ? À partir de vignettes cliniques, jʹexaminerai lʹécriture à la fois comme un mode de représentation et une technique dʹinscription. Nous verrons alors en quoi elle peut compter précisément en offrant une technique différente de la parole ou de lʹimage visuelle.‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐
‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Psychanalyste à Londres. Auteur de A quoi penses‐tu ?, Les promesses des amants, chez Odile Jacob, La question du genre et Faut‐il voler la Joconde: ce que lʹart nous empêche de voir chez Payot. Jacques Le Brun « Refus de lʹextase et assomption de lʹécriture dans la mystique moderne » La mystique moderne, de Jean de la Croix à Mme Guyon, se méfie de lʹextase, « phénomène » suspect de complaisance, dʹexaltation du moi et dʹ « enthousiasme ». Mais dans lʹacte dʹécrire un amour « pur » (en une écriture théorique et/ou poétique) se réalisent sortie de soi et désappropriation, non pas moyen pour « communiquer » une expérience, mais cette expérience même en tant quʹinstauratrice. Jacques Le Brun, directeur dʹétudes honoraire à lʹÉcole pratique des Hautes Études, Section des sciences religieuses, a édité les Œuvres de Fénelon dans la Bibliothèque de la Pléiade (2 vol., éd. Gallimard, 1983‐1997) et publié entre autres Le pur amour de Platon à Lacan (éd. du Seuil, 2002) et La jouissance et le trouble. Recherches sur la littérature chrétienne de lʹâge classique (éd. Droz, 2004). Éric Marty « René Char : lʹamour réalisé du désir demeuré désir » La question de lʹextase est centrale dans lʹoeuvre poétique de René Char : elle nʹest pas seulement associée à une présence obsédante dʹEros et de la femme, elle est la question même de la possibilité du poème.‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Éric Marty, professeur de littérature contemporaine à lʹUniversité de Paris 7, a publié un René Char dans la collection «les contemporains» au Seuil. Dernier livre paru : Roland Barthes, le métier dʹécrire, Seuil, 2006. Régis Michel « Trip hop chez Tricky ou lʹextase en studio. Corps noir et diable blond » Steve McQueen filme Tricky (le bad boy de la wild music) dans un studio de Londres où il enregistre un de ses albums. Tricky fait corps ‐ et même corps à corps ‐ avec sa musique. Dans le glossaire éculé du vieil Occident, on parlerait sans doute de possession. Trip hop au pays de lʹextase. Mais quelle extase ? McQueen se moque bien de ces postulats idéalistes qui ne sont quʹune ruse hégélienne (ruse coloniale) de la raison blanche ‐ la raison du plus fort : celle du diable blond. Il nʹy a plus ici que du rythme et du son, du spasme et de la pulsion, du désir et du sexe. Que du corps en un mot. Du corps mâle. Et du corps noir… Conservateur en chef au musée du Louvre, auteur (entre autres) de Posséder et détruire, RMN, 2000 et La peinture comme crime, RMN, 2001. Steve McQueen image tirée de Girls Tricky (2001). Catherine Millot « Discours et expérience » Quʹest‐ce que lʹexpérience mystique doit au discours dans lequel elle sʹinscrit ? En quoi en est‐elle cependant indépendante ? Comment le langage la traduit‐elle? La figure de lʹoxymore forme peut‐être le noeud de ses questions. ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Psychanalyste à Paris, écrivain, auteur de La vocation de lʹécrivain (1991), Gide, Genet, Mishima. Intelligence de la perversion (1996), Abîmes ordinaires (2001), La vie parfaite (2006), aux éditions Gallimard. Geneviève Morel « Inspiration, extase, sinthome » La question de lʹécriture traverse lʹœuvre de Lacan comme un fil rouge, mais qui serait en zig‐zag. Ses travaux de psychiatrie des années 30 ont pour objet des écrits « inspirés » de femmes folles. Dans les années 70, le rapport extatique à Dieu, décrit par les écrivains mystiques, devient une référence pour la jouissance féminine, dite avec Aristote « pas‐toute », et à la limite de lʹinconscient freudien. Enfin, lʹart de Joyce bouleverse in fine sa théorie du symptôme et donne consistance au paradigme du « sinthome », une autre modalité pas‐toute de la jouissance qui concerne cette fois les deux sexes. Mʹarrêtant aux points vifs de ce trajet, je mʹinterrogerai sur cette passion de lʹécriture tendue entre la folie, les femmes et, évidemment, le langage.‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Psychanalyste à Paris et à Lille, auteur de Ambiguïtés sexuelles. Sexuation et psychose, Anthropos, 2000, de Clinique du suicide, (dir.), Érès, 2002 et de Sinthome et ambiguïté sexuelle (à paraître chez Anthropos, 2007). Gilbert Rouget « Musiquer en état second. Rituels initiatiques africains » Tout au long de leur très longue initiation au culte des vôdoun (Bénin), les novices sont plongé(e)s dans un état très particulier que Pierre Verger, célèbre ethnologue spécialiste de ces cultes, a décrit, le premier (1954), sous le nom dʹ « hébétude ». Pour ma part, sans remettre en question sa description, je préfère, pour diverses raisons, parle dʹ« état de dépossession ». En cet état, les novices passent le meilleur de leur temps à chanter et à danser. Cʹest ce curieux aspect des choses, dont jʹai déjà parlé dans plusieurs publications, que je souhaiterais soumettre à la sagacité des participants à ce colloque. Question psycho‐
cognitive ?‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Ancien directeur de recherches au CNRS, a dirigé le département dʹethnomusicologie du Musée de lʹHomme (1965‐1985), auteur de La musique et la transe, Tel, Gallimard, 1990. Philippe Sabot « Extase et transgression chez Georges Bataille » Pour Bataille, lʹexpérience littéraire se trouve clairement associée à la dimension dʹune transgression qui vise à mettre en contact de façon originale et provocatrice la sexualité et le sacré. Nous voudrions montrer que ce contact entre le plus « bas » et le plus « haut » définit ici les conditions dʹune extase dʹordre quasi mystique dont les fictions « érotiques » (comme Histoire de lʹœil, Madame Edwarda) et les textes « théoriques » (comme Lʹérotisme ou Théorie de la religion) contribuent à décrire les effets et à analyser les causes.‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Maître de conférences en philosophie à Lille 3 (U.M.R. 8163 « Savoirs, textes, langage »). Rédacteur‐en‐chef de la revue Methodos. Auteur de Pratiques dʹécritures, pratiques de pensée. Figures du sujet chez Breton/Éluard, Bataille et Leiris, Villeneuve dʹAscq, PUS, «Problématiques philosophiques», 2001. Chen Chieh‐jen image tirée de Lingchi (2002) Photographie dʹun Lingchi prise vers 1904 à Pékin, publiée dans ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐Les Larmes dʹEros de Georges Bataille en 1962 Renate Schlesier « L’extase dionysiaque dans l’histoire des religions » Pour les historiens modernes de la religion en général et de la grecque en particulier, l’extase dionysiaque a servi de cas paradigmatique. Elle a permis de postuler la modernité d’un dieu grec, Dionysos, sa différence quasi‐ontologique avec la culture antique, et d’autre part de créer un concept anthropologique et psychologique, le dionysiaque, en tant que donnée universelle. Or ces constructions modernes se réfèrent notamment à un texte littéraire, Les Bacchantes d’Euripide. Il s’agira donc d’analyser les quiproquos qui surgissent de certaines lectures « réalistes ».‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐
‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Titulaire de la chaire de sciences religieuses à lʹUniversité Libre de Berlin. Professeur invité à lʹétranger à plusieurs reprises (États‐Unis, France, Israël, Italie, Japon, Suisse). Publications et projets de recherche sur la littérature, la philosophie et la religion grecque ancienne, sur lʹhistoire de la psychanalyse et sur des questions de méthode en philologie, anthropologie et histoire des religions. Auteur de Konstruktionen der Weiblichkeit bei Sigmund Freud. Zum Problem von Entmythologisierung und Remythologisierung in der psychoanalytischen Theorie (Frankfurt am Main 1981) ; 2e édition: Mythos und Weiblichkeit bei Freud (Frankfurt am Main 1990). Kulte, Mythen und Gelehrte. Anthropologie der Antike seit 1800 (Frankfurt am Main 1994). Die Subversivität der Inspiration (Volume 51/1 de la revue Zeitschrift für Ästhetik und Allgemeine Kunstwissenschaft, 2006, édité avec Roberto Sanchiño Martínez). Bernard Sesé « Poétique de lʹextase selon sainte Thérèse dʹAvila et saint Jean de la Croix » Depuis « lʹenvol » ou le « transpercement du cœur », lʹextase sʹexprime par divers états psychiques ou somatiques. Après en avoir esquissé la phénoménologie, et lʹavoir située dans le cours de lʹexpérience spirituelle, on rassemblera les principales images (les cris, lʹivresse, la blessure, le feu...) qui la suggèrent dans les écrits des deux mystiques espagnols du XVIème siècle.‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐
‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Professeur émérite à lʹUniversité de Paris X‐Nanterre, membre correspondant de la Real Academia Española. A traduit les Poésies complètes et Dits de lumière et dʹamour de Jean de la Croix (José Corti), et publié, dans la collection « Petite vie... » ( Desclée de Brouwer) des biographies de grandes figures de lʹhistoire du christianisme: Saint Augustin, Catherine de Sienne, Thérèse dʹAvila, Jean de la Croix, François de Sales, Élisabeth de la Trinité, Madame Acarie. Annie Tardits « Le récit, le poème, la lettre » Avec deux versions dʹun même épisode, Joyce rassemble les coordonnées qui encadrent et ordonnent un moment dʹ « extase » : rapporté à lʹirréductible étrangeté de la jouissance féminine, ce moment rend nécessaire lʹécriture, mais ouvre sur un choix dans lʹécriture même. ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Psychanalyste à Paris (École de psychanalyse Sigmund Freud), a contribué au volume Joyce avec Lacan (éd. Navarin, 1987) et publié entre autres Les formations du psychanalyste (éd. Érès, 2000). Guy Maddin image tirée de Dracula : Pages from a virgin ʹs diary (2002) Sara Thornton « Écriture et morsure : lʹextase de la ponctuation dans Dracula de Bram Stoker » Cette communication sʹattardera sur un des signes‐clef du roman de Bram Stoker (1897): les marques des crocs de Dracula dans la chair de ses victimes. Percer la peau (puncture en anglais) est une manière de ponctuer la chair (punctuate the flesh). Les marques que laisse Dracula ‐ minutieusement décrites comme deux petits trous ou « deux points » (montrés souvent dans les films) ‐ sont un signe de lʹextase que produit la rencontre avec le personnage de Dracula, marques de ponctuation qui ébranlent toute une hégémonie sociale et esthétique et refusent la clôture. Ces marques doubles doivent être à tout prix effacées par les chasseurs de vampire qui tentent de remplacer ce signe pluriel (signe de lʹinsubordination) par leur propre marque ou ʹpoint finalʹ singulier. Nous étudierons les stratégies qui visent à contrôler lʹextase que lʹécriture du vampire introduit dans les pages du roman. Maître de conférences à lʹuniversité de Paris VII, spécialiste de littérature et culture anglophones. Son livre ʹAdvertising, Subjectivity and the Nineteenth‐Century Novelʹ sera publié aux Etats‐Unis et en Grande Bretagne en 2007 chez Palgrave Macmillan. Léon Vandermeersch « De lʹidéogramme à lʹécriture folle, la facette chinoise de lʹextase lettrée » Sur la pensée chinoise, lʹemprise de lʹidéographie a été infiniment plus forte que celle de la lettre sur la pensée occidentale, parce que lʹidéogramme, sémantiquement bien plus prégnant que le mot transcrit alphabétiquement, rend évident le sens des choses. Cʹest ce qui porte à une conception mystique de la littérature, dont la fonction est dʹ « avérer la raison de la multitude des raisons des choses », cʹest‐à‐dire de dévoiler le Dao. Cependant, la désarticulation de Dao par le discours ne permet de le saisir quʹindirectement. Aussi les penseurs taoïstes, et après eux les bouddhistes zen, enseignent quʹil faut se départir du discours articulé pour saisir, au‐delà du sens des choses, le sens du sens. Cʹest à quoi tend la forme la plus extrême de la calligraphie de style cursif (qui fusionne les caractères dans un même mouvement de pinceau), celle de la cursive folle. Lʹidéogramme y est si détourné, à force dʹillisibilité délibérée, de sa fonction linguistique première, que, tout renvoi à ses référents signifiés ordinaires étant coupé, le flux idéographique se produit, détaché de ses significations discursives, comme image sublimée du sens du sens lui‐même. Les créateurs de la cursive folle, Zhang Xu (? ‐ 748?) et le moine Huaisu ( 725? ‐ 785?) ne pratiquaient celle‐ci quʹemportés dans une extase cultivée par lʹalcool. À moindre degré, quelque chose de cette extase est associé à toute création littéraire idéographique. Il est notoire que pour les plus grands poètes chinois lʹivresse de la composition se confondait avec celle du vin. Directeur dʹétudes à lʹÉcole Pratique des Hautes études. Professeur aux Lycées de Saigon (1951‐54) et de Hanoi (1955‐56), membre scientifique de lʹEcole Française dʹExtrême‐Orient en mission successivement à Hanoi (1956‐58), à Kyôto (1958‐60), à Hong‐Kong (1962‐63) et de nouveau à Kyôto (1964‐65), maître de conférence à lʹUniversité dʹAix‐en‐Provence (1966‐73), maître de conférence puis professeur à lʹUniversité de Paris VII (1973‐79), directeur dʹétudes de langue et civilisation chinoises à lʹEcole pratique des Hautes études (1979‐93). Travaux sur lʹhistoire de la culture chinoise en Chine et dans les pays sinisés (Japon, Vietnam, Corée). Florence Vatan «Robert Musil ou les voies de la mystique diurne » La question de lʹextase, et celle de sa représentation, est au coeur du projet musilien. Musil explore les multiples formes dʹextase ‐ passion amoureuse, transes, mouvements de foule, rencontre avec le divin ‐ selon une démarche conjugant le vécu personnel, les témoignages dʹextatiques, le savoir psychiatrique et la psychologie expérimentale. Sa quête dʹune « mystique diurne», dénuée dʹoccultisme, sʹinscrit en rupture avec le culte de lʹirrationnel qui se répand dans lʹAllemagne et lʹAutriche de lʹentre‐deux guerres. Loin de célébrer comme ses contemporains le naufrage de la raison, Musil relève le défi que lʹexpérience de lʹextase adresse à la pensée et à lʹécriture..‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐
‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Maître de conférences à lʹUniversité du Wisconsin‐Milwaukee. Auteur de Robert Musil et la question anthropologique (PUF, 2000). Travaux sur les relations entre science et littérature. 

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