Le petit botaniste
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Le petit botaniste Groupe Solabia Clin d’œil ethnobotanique Mai 01 – N° 32 Dans sa collection “Découvertes et invitation aux voyages”, Le petit botaniste vous invite sur la Route des Epices : “Il était une fois la Maniguette du Golfe de Guinée...” Jusqu'à présent, nous vous avions accoutumé à suivre les traces de Marco Polo à travers l'Asie et le Moyen Orient pour y découvrir bon nombre d'épices, ces fameuses "denrées spéciales rares et exotiques". Vous seriez donc bien en droit de vous demander ce que nous venons faire en Afrique occidentale ? Pourquoi "graines du paradis" ? Cette épice rare d'Afrique aurait elle eu un lien quelconque avec l'histoire du Paradis perdu ? Nenni, nenni ! C'est plutôt au mystère (qui n'en était pas vraiment un) planant sur sa provenance et à sa préciosité que l'on doit ce si joli sobriquet.… Les épices sont de grandes voyageuses et il était parfois difficile pour le quidam de la rue d'identifier leur origine. L'explication est purement historique ! Rappelez vous, la Route des Epices doit son nom légitime aux portugais qui souhaitaient plus que tout s'affranchir de la domination italienne et arabe en rejoignant les Indes par un nouvel itinéraire. C'est pour cette raison qu'en 1434, le Portugal, encouragé par son souverain Henri le Navigateur, coureur des mers invétéré, décida d'occuper des places stratégiques sur la partie occidentale du continent africain. Contourner la barrière du Levant afin d'ouvrir une voie maritime par l'Atlantique plutôt que par la Méditerranée était la seule solution pour entrer dans la course aux épices. Quelques années plus tard, en 1498, le Capitaine Vasco de Gama réussit à passer le dangereux Cap de Bonne Espérance et offrait ainsi au monde entier la Route des Indes, alias Route des Epices… Transportée d'Afrique occidentale à dos de chameaux jusqu'en Tunisie ou en Libye, la maniguette conquit l'Europe entière par sa saveur acidulée et son goût puissant. Bien moins chère que le poivre des Indes, elle le détrôna au 15ème siècle et entraîna la ruine de nombreux négociants. Elle devint alors à cette époque l'une des épices les plus convoitées. Tout mets, toute boisson alcoolisée ou non, gagnaient à ce qu'on leur ajoute quelques onces de maniguette. Vinaigre, condiments, confiseries, liqueurs, et limonades ("la fameuse ginger beer anglaise") n'échappèrent pas à cette mode de la maniguette. Cette graine de Paradis faisait des ravages et ravissait le palais des apprentis gastronomes. C'est au cours d'une escale sur les côtes du Golfe de Guinée qu'Henri le Navigateur ramena une épice dont la forme est très proche de celle de la cardamome et dont le goût rappelle celui du poivre : la maniguette ou malaguette (Aframomum melegueta). Comme la plupart de ses consœurs, la maniguette fut longtemps utilisée pour ses propriétés carminatives et digestives. Sa richesse en huiles essentielles et en composés phénoliques (paradol, gingérol), lui confère des propriétés tonifiantes, antiseptiques. Ses notes parfumées entrent encore aujourd'hui dans la partition aromatique de parfums. Plante herbacée de l'illustre famille des Zingibéracées tout comme la cardamome, le gingembre ou le galanga, la maniguette doit sa popularité à ses fruits rouges ovoïdes contenant une pulpe blanche enrobant de très nombreuses graines pyramidales, les "graines du Paradis" ! Enfin, la maniguette est utilisée en Afrique occidentale pour ses propriétés diurétiques, et constitue un traitement décongestionnant antiœdèmes. À très bientôt sur la Route des Epices, une dernière fois encore avant que nous ne nous lancions dans de nouvelles aventures en septembre… De nombreuses surprises sont à venir… Le petit botaniste