Logistique Management
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& Logistique Management Perspectives logistiques vol 18 n°1 - 2010 L’impact des technologies de l’information sur les structures de gestion des achats : des leçons pour la gestion de la chaîne logistique Jean NOLLET, HEC Montréal Martin BEAULIEU, HEC Montréal Logistique de distribution : quand la variété de l’offre et la variété des tâches expliquent l’organisation - une proposition de grille de lecture Marie-Laure BARON, ISEL-CERENE, programme PETREL, Université du Havre Frank GUERIN, ISEL-CERENE, programme PETREL, Université du Havre Logistique, Supply Chain Management et stratégie orientée développement durable : une revue de la littérature Christine BELIN-MUNIER, Université de Bourgogne, Laboratoire ThéMA Comment rendre l'e-logistique plus verte ? Bruno DURAND, Université de Nantes, LEMNA Evaluation de la flexibilité des postes de travail dans une usine terminale automobile Aymeric LESERT, Gülgün ALPAN , Yannick FREIN, Laboratoire G-SCOP Grenoble INP-UJF-CNRS Stéphane NOIRE, PSA Peugeot Citroën, Poissy Logistique totalement intégrée lors de la conception d’équipements pour les pays en développement Yaovi Ouézou AZOUMA, Université de Lomé, École Supérieure d’Agronomie Diane RIOPEL, École Polytechnique de Montréal, Département de mathématiques et de génie industriel et CIRRELTH Simulation et gestion des chaînes logistiques globales dans l’incertain : application à une filière agro-alimentaire face à la crise sanitaire Thi Le Hoa VO, IGR-IAE de Rennes Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:12 1 1 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management 2 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:12 Vol. 18 – N°1, 2010 2 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management L’impact des technologies de l’information sur les structures de gestion des achats : des leçons pour la gestion de la chaîne logistique Jean NOLLET Professeur titulaire, titulaire de la Chaire de gestion des approvisionnements, HEC Montréal [email protected] Martin BEAULIEU Professionnel de recherche, HEC Montréal [email protected] Le déploiement d’une chaîne logistique performante exige une adéquation appropriée avec les structures organisationnelles. Le domaine des achats a justement produit des études sur le sujet qui peuvent inspirer les réflexions des gestionnaires de la chaîne logistique. Souvent, les études dans ce dernier domaine tendent à classifier les structures comme étant centralisées ou décentralisées. Cependant, la réalité est plus complexe. D’abord, entre ces deux options extrêmes, il existe une variété de structures hybrides. Ensuite, d’autres dimensions doivent être intégrées à la configuration d’une structure, notamment la formalisation et la spécialisation. Par ailleurs, les technologies de l’information (TI) peuvent contribuer au déploiement de structures plus complexes. Leur apport a été étudié dans une multitude de contextes, mais très peu dans le domaine de la gestion des achats. Une étude de cas retraçant une expérience de mise en œuvre d’une structure de gestion des achats dans une société internationale de services financiers permet de dégager des observations intéressantes à ce sujet. Les résultats de cette étude indiquent que dans ce cas : 1) la structure est nettement le fruit d’une stratégie délibérée permettant de rehausser la contribution de la fonction achats ; 2) les TI facilitent un découpage entre les décisions d’exécution et les décisions de contrôle, ce qui peut favoriser simultanément la centralisation et la décentralisation de la structure ; 3) avec l’apport des TI, la centralisation d’une activité ne signifie pas nécessairement sa déconnection de la base opérationnelle ; 4) les TI renforcent le formalisme de l’organisation. Nos travaux indiquent aux gestionnaires des achats et de la logistique qu’au-delà des schémas traditionnellement analysés, ils peuvent maintenant envisager de nouvelles structures qui leur permettront de tenir compte des objectifs à atteindre, tout en visant une plus grande efficacité. Introduction La structure organisationnelle est une dimension majeure dans l’articulation d’une entre- prise. D’ailleurs, cette dimension est d’un intérêt tel dans le milieu académique que depuis une trentaine d’années des revues de littérature sont réalisées périodiquement (voir entre Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:12 3 3 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management autres les travaux de Dalton et al., 1980 ; Fassoula, 2006 ; James et Jones, 1976 ; Kimberly, 1976). Aussi, chacune des grandes fonctions d’une entreprise a fait l’objet d’études spécifiques sur ce sujet, à titre d’exemple, celles de : Tannenbaum et Dupuree-Bruno (1994) en gestion des ressources humaines ; Nonaka et Nicosia (1979) en marketing ; Johne et Snelson (1988) pour le développement de produits ; Chen (2007) pour les technologies de l’information; Nahm et al. (2003) en gestion de la production. Naturellement, de telles études ont également été menées en gestion de la chaîne logistique (supply chain management) ; justement, Dornier et Fender (2001), Kim (2007) et Samii (2001) indiquaient que la structure organisationnelle y joue un rôle majeur dans la performance logistique. Cependant, dans le domaine de la logistique, ce sont habituellement les mêmes cinq modèles de structure qui sont étudiés (Kim, 2007; Tixier et al., 1998) : la structure décentralisée sans orientation en logistique (non supply chain management-oriented organization), la structure fonctionnelle, la structure matricielle, la structure conseil et la structure intégrée. Ces structures sont relativement génériques, mais nous sommes d’avis que la réalité en offre une plus grande variété. Justement, les technologies de l’information (TI) peuvent libérer les gestionnaires des schémas organisationnels classiques, ouvrant ainsi la porte à d’autres configurations. La gestion des achats nous apparaît comme un domaine d’étude approprié pour saisir l’apport des technologies de l’information sur la variété des structures pouvant s’offrir à la gestion de la chaîne logistique. D’abord, la gestion des achats est une composante majeure du succès de la chaîne logistique, mais surtout la nature des structures organisationnelles y est une thématique importante de recherche depuis plus de 40 ans. De plus, les gestionnaires en chaîne logistique peuvent en tirer des enseignements intéressants. Par exemple, les enquêtes tendent à démontrer que la majorité des organisations adoptent une structure hybride de gestion des achats, conciliant ainsi simultanément les avantages d’une structure centralisée et ceux d’une structure décentralisée. Cependant, une structure hybride n’est pas clairement définie, puisqu’elle renvoie à une multitude de possibilités, soit toutes les combinaisons entre la centralisation et la décentralisation. À ce jour, plusieurs enquêtes intégrant les technologies de l’information (TI) à la gestion 4 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:12 des achats ou de la logistique ont cherché à mesurer l’impact de cette variable sur la nature des relations avec les fournisseurs (par exemple, voir l’étude de Boulay et de Faultrier, 2005). Cependant, comme le soulignent Cuganesan et Lee (2006), l’influence des TI sur la gestion des achats ne se limite pas aux échanges inter-organisationnels, mais comprend aussi ceux ayant un caractère intra-organisationnel. En fait, à l’exception de l’étude de Johnson et Leenders (2004) qui évoquait les technologies de l’information, nous n’avons pas retrouvé d’analyse ciblant spécifiquement l’apport des TI sur les structures de gestion des achats. Bien que notre recherche porte principalement sur la fonction de gestion des achats, nous sommes d’avis que, pour les raisons mentionnées un peu plus haut, les observations que nous mettrons en valeur pourront être également utiles dans la définition d’une structure organisationnelle de gestion de la chaîne logistique. Notre étude démarre par une recension des écrits qui offre un portrait des courants de recherche dans le domaine des structures de gestion des achats et de la logistique, ainsi que des impacts des TI sur les structures organisationnelles en général. Par la suite, en recourant à une étude de cas portant sur la révision des structures de gestion des achats d’une grande société internationale du secteur des services financiers, cet article permet d’analyser le sens de la relation entre les TI et la structure organisationnelle. En adoptant les paramètres d’analyse de Stanley (1993), soit la centralisation, la formalisation et la spécialisation, l’article étudie l’impact des TI sur ces paramètres. Ces derniers permettent d’enrichir l’analyse ultérieure du cas qui verra aussi à formuler des observations plus spécifiques à la gestion de la chaîne logistique. Recension des écrits Pour beaucoup d’organisations, la gestion des achats est la fonction autour de laquelle s’articule la gestion de la chaîne logistique (Andersen et Rask, 2003 ; Chandra et Kumar, 2000 ; Durand et de Faultrier, 2007 ; Fung, 1999). Pour lui permettre de bien jouer ce rôle, la fonction achats doit dépasser sa focalisation historique sur la réduction des prix pour rechercher des sources d’approvisionnement répondant mieux aux besoins de l’organisation (Fung, 1999). Dans ce contexte, l’adoption d’une perspective plus stratégique est essentielle, tel que souligné tant récemment (Durand et de Faultrier, 2007), que depuis Vol. 18 – N°1, 2010 4 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management plusieurs années (Spekman et al., 1994). Ce passage vers une orientation plus stratégique, qui prendrait en compte des enjeux de la chaîne logistique, exige une adaptation des structures du service des achats (Leenders et al., 1994). L’atteinte d’un niveau stratégique d’un service des achats s’inscrit d’ailleurs dans une démarche évolutive. Par exemple, Keough (1993) identifie cinq niveaux de maturité d’un service des achats. Le niveau inférieur se caractérise par une intervention très opérationnelle des acheteurs où la structure est décentralisée (ce que Keough nomme serve the factory). Le second niveau voit la constitution d’un service des achats (lowest unit cost) qui effectue des analyses de coûts. Le troisième niveau est celui des achats coordonnés où la centralisation des achats est plus poussée. Le quatrième niveau se caractérise par une structure transfonctionnelle (cross-functional purchasing) où il y a des travaux faits en équipes pour solutionner des problèmes liés aux achats. Enfin, le dernier niveau est celui d’une structure de classe mondiale (world-class supply management). Un tel modèle aide les organisations à se positionner, mais également à déterminer la direction à prendre pour apporter les changements stratégiques requis (Dubois et Wynstra, 2005). Cette évolution de la stratégie impliquera inévitablement une transformation de la structure organisationnelle. Le concept de structure organisationnelle est un thème de recherche majeur dans le domaine de la gestion des achats. Dès 1968, Fearon étudiait les structures de cette fonction en retraçant des citations remontant au début du 20e siècle. Depuis, il y a eu une première vague de travaux qui ont décrit des structures de gestion des achats par l’ampleur des responsabilités de cette fonction, le niveau hiérarchique ou le service auquel est rattaché la fonction achats (Cavinato, 1992 ; Farmer, 1981 ; Zemansky, 1970; Zenz, 1981). Naturellement, des enquêtes empiriques ont émergé à la suite de ces premiers travaux. Depuis la fin des années 1980, aux États-Unis, le Center for Advanced Purchasing Studies (CAPS) mène périodiquement des sondages sur la nature des structures de gestion des achats (Fearon, 1988 ; Johnson et al., 1998, 2006). Cependant, une attention particulière est accordée à la dimension de centralisation/décentralisation. Cette dimension réfère à la concentration ou à la dispersion du processus décisionnel (Dewett et Jones, 2001; Kim, 2007). Pour Kim (2007), la centralisation impliquerait que les décisions seraient prises par un cadre supérieur qui se trouve près de la haute direction (Kim, 2007). Kirkwood et al. (2005) identifient trois niveaux de décision : 1) la définition des politiques, des orientations et des objectifs stratégiques, 2) la configuration des processus et le choix des moyens et 3) l’exécution au quotidien. Les deux premiers niveaux ont un caractère stratégique par l’impact à long terme qu’ils auront sur l’organisation, alors que le dernier niveau renvoie à des décisions opérationnelles. Le fait que la fonction de gestion des achats soit à l’interface entre les besoins des requérants internes et l’offre des marchés fournisseurs externes (Fung, 1999) explique que les chercheurs étudient fréquemment la dimension de centralisation. En effet, c’est dans ce contexte que le concept de centralisation/décentralisation prend toute son importance : la centralisation afin d’établir un rapport de force favorable avec les fournisseurs potentiels (Carter et Carter, 2007; Dubois et Wynstra, 2005) et la décentralisation afin de bien saisir les besoins des requérants (Fearon, 1988). Carter et Carter (2007) ajoutent qu’une fois les bénéfices de la centralisation obtenus, l’organisation peut souhaiter une décentralisation pour que les achats soient effectués au niveau des unités administratives afin de gagner en réactivité. Justement, Krishnamurthy et Yauch (2007) indiquent que la décentralisation serait une option à privilégier pour une organisation qui souhaite mettre en œuvre un système lean, la décentralisation offrant plus de souplesse. Dubois et Wynstra (2005) vont dans le même sens lorsqu’ils affirment que la décentralisation est une réponse au contexte d’affaires turbulent et incertain. Cependant, en retenant cette formule, il y a alors un danger de perdre les bénéfices de la standardisation (Carter et Carter, 2007). La perception qu’ont les dirigeants de l’organisation quant aux avantages et inconvénients de l’une et l’autre des deux grandes options peut expliquer le mouvement de balancier entre une structure centralisée et décentralisée (Tchokogué et Nollet, 1998). En matière de gestion des achats, tant les premières enquêtes de Fearon (1988) que les plus récentes de Johnson et al. (2006) démontrent qu’une majorité d’organisations tendent à retenir une structure hybride. Naturellement, les organisations ne sont pas statiques. Des chercheurs ont souhaité comprendre les facteurs expliquant le passage d’une forme centralisée/décentralisée à une autre forme (voir Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:12 5 5 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management par exemple Johnson et Leenders, 2004 ; Tchokogué et Nollet, 1998). Cependant, dans ces analyses, l’apport des technologies de l’information (TI) est à peine évoqué. Baglieri et al. (2007), Banerjee et Sriram (1995), ainsi que Boulay et de Faultrier (2005) traitent de l’impact des TI, mais principalement en fonction des rapports qui s’établissent avec les acteurs externes de la chaîne logistique. Ces études s’intéressent surtout aux changements pouvant survenir dans la relation entre un acheteur et ses fournisseurs à la suite de l’implantation des TI, mais sans observer les transformations à l’interne. Garrido Samaniego et al. (2006) identifient pour leur part les facteurs expliquant le déploiement de certaines technologies facilitant les processus d’achat et, encore une fois, l’impact des structures internes n’est pas pris en compte. Ces observations nous ramènent aux propos de Cuganesan et Lee (2006) qui constataient le peu d’analyses traitant des impacts des TI sur les réseaux internes de l’organisation des achats. Ce constat pour le domaine des achats peut sembler étonnant, puisque l’impact des TI sur les structures organisationnelles a fait l’objet de multiples travaux (Heintze et Bretschneider, 2000). D’ailleurs, Lau et al. (2001) indiquent que les structures organisationnelles se développent pour générer et traiter de l’information. Par leur capacité de traitement, les TI améliorent la coordination et la communication à l’intérieur de la firme (Hitt et Brynjolfsson, 1997), ouvrant la porte à de nouvelles structures organisationnelles qui auraient été inimaginables auparavant sans ces technologies. Il y a déjà plusieurs années, Foster et Flynn (1984) évoquaient la même idée. Naturellement, la dimension de centralisation a fait l’objet d’analyses nombreuses. Cependant, ces études ne dégagent pas de véritable consensus à savoir si les TI favorisent la concentration ou la dispersion du processus décisionnel (Dewett et Jones, 2001 ; Wang, 2001). Les propos de Nault (1998) offrent cette explication : la centralisation et la décentralisation poursuivraient des objectifs distincts, la centralisation favorisant le respect et la continuité des règles organisationnelles, alors que la décentralisation encouragerait les innovations, ou comme nous le disions plus tôt une plus grande souplesse de réaction face aux mutations de l’environnement d’affaires. Toutefois, Bloomfield et Coombs (1992) ainsi que Wang (2001) nuancent le fait que la centralisation viserait à contrer la possibilité de dispersion du processus de décision. Ces 6 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:12 chercheurs soulignent que les décisions (stratégiques et opérationnelles) exercées par des gestionnaires et le contrôle de ces mêmes décisions constituent deux considérations distinctes. Justement, Lau et al. (2001) estiment que les TI peuvent favoriser une décentralisation des décisions, mais parallèlement mener à une centralisation du contrôle. Par ailleurs, Dalton et al. (1980) ajoutent deux autres dimensions à la configuration d’une structure organisationnelle : la spécialisation et la formalisation. La spécialisation réfère au nombre de différentes spécialités ou des types d’emplois dans une organisation. La formalisation est le développement de routines afin de répondre à des problèmes récurrents; elle permet de formuler explicitement les rôles et leurs relations. Elle normalise également les tâches, les politiques et les procédures et cela, indépendamment des individus. Ces deux dernières dimensions peuvent, elles aussi, être remodelées par les TI. Justement, Dewett et Jones (2001) constatent que la spécialisation peut mener à une multiplication des sous-unités administratives qui répondront à des problèmes très pointus, mais avec le danger de perdre de vue la performance globale du système. Les TI peuvent atténuer cet effet d’isolement administratif, en rendant plus aisément accessibles aux différents spécialistes des informations qui leur permettent de situer leurs actions dans le contexte général de leur organisation. Les spécialistes peuvent ainsi avoir une rétroaction plus rapide sur les impacts de leurs décisions sur les autres composantes de l’organisation. Dewett et Jones (2001) avaient aussi précisé que les TI favorisaient la formalisation en enregistrant des données sur les événements se déroulant dans les organisations, facilitant ainsi le contrôle des comportements. À l’inverse, Lau et al. (2001) croient que les TI réduisent la formalisation en laissant plus de liberté aux individus, ce qui aide à briser les anciennes règles organisationnelles et à créer de nouveaux environnements de travail. De la recension des écrits, nous dégageons quelques constats utiles pour cette recherche. Les études dans le domaine des structures organisationnelles encadrant la gestion des achats sont abondantes. Ces études accordent une grande attention à la dimension de centralisation/décentralisation. Entre ces deux options, la réalité s’avère souvent différente, puisque de nombreuses organisations adoptent des structures hybrides. L’apport des technologies de l’information pourrait expli- Vol. 18 – N°1, 2010 6 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management quer l’engouement pour des structures plus complexes et plus novatrices, mais cette avenue n’a pas fait l’objet de recherche spécifique dans le domaine de la gestion des achats. Enfin, l’étude des structures devrait s’attarder à d’autres dimensions (spécialisation et formalisation) (Stanley, 1993 ; Kim, 2007) afin de mieux tenir compte de la complexité du terrain. Dans ce contexte, cet article poursuit deux objectifs qui prennent la forme de deux questions pour cette recherche exploratoire : 1. Quel est le sens de la relation entre la configuration de la structure organisationnelle et les choix de technologies de l’information ? Autrement dit, les technologies utilisées par une organisation ouvrent-elles de nouvelles possibilités quant aux structures organisationnelles ou, à l’inverse, les choix de structure se reflètent-ils dans les choix de TI ? 2. Comment les technologies de l’information modifient-elles les trois paramètres (centralisation, formalisation et spécialisation) des structures en gestion des achats ? Méthodologie Compte tenu de l’état des connaissances sur ce sujet et des deux questions de recherche, une étude de cas exploratoire est une méthodologie appropriée (McCutcheon et Meredith, 1993 ; Voss et al., 2002). Aussi, un seul cas est alors suffisant, compte tenu du caractère de la recherche (Yin, 1994). À cet effet, nous adoptons la même stratégie de collecte de données que celle retenue par Krishnamurthy et Yauch (2007) qui analysent, entre autres, la structure organisationnelle d’une entreprise qui déploie une chaîne logistique agile. Précisons que la sélection du site analysé relève d’une approche opportuniste, puisqu’en étudiant une entreprise, nous avons constaté la présence du phénomène, soit l’interaction étroite et en plusieurs vagues d’une structure complexe de gestion des achats et de TI, le tout révélant un potentiel de recherche intéressant. L’étude de cas offre justement cette flexibilité permettant de capturer des phénomènes contemporains (Seuring, 2008). Bien que la tendance récente soit au recours à des études de cas multiples, nous croyons qu’un cas approfondi présente un intérêt évident dans une situation comme celle-ci. À cet effet, nous reprenons les propos de Dubois et Araujo (2007, p. 173) : “We regard strong exemplars as both necessary for the development of a discipline as well as providing templates against which different theoretical and methodological positions may sharpen their differences.” La firme étudiée est une grande entreprise internationale du secteur financier, œuvrant dans plus d’une quinzaine de pays. Les informations présentées ici proviennent d’entrevues réalisées auprès de cadres de la gestion des achats d’une filiale nord-américaine de cette entreprise. Ces entrevues, totalisant plusieurs heures, ont permis d’avoir une vue d’ensemble de la démarche de réorganisation des activités d’achat de cette filiale. Les entrevues ont été codées et analysées selon le système de matrice suggéré par Huberman et Miles (1991). Cette stratégie a été appliquée avec succès dans les études de Nollet et Beaulieu (2003, 2005). Par ailleurs, les renseignements amassés lors des entretiens ont été complétés par la consultation d’artefacts : articles de presse, livres, documents internes, etc. D’ailleurs, la diversité des sources et des personnes interviewées enrichit la compréhension du phénomène et évite de réinterpréter des événements à partir d’un seul point de vue (Voss et al., 2002). Précisons que nous avons préservé l’anonymat de l’entreprise afin de ne pas divulguer des informations qu’elle pourrait juger sensibles. Par conséquent, nous n’avons pas présenté les dates exactes de tous les événements afin de limiter la capacité du lecteur à retracer l’entreprise étudiée. Par ailleurs, les délais entre les événements sont relativement exacts. Nous soutenons que ce choix n’entrave ni les objectifs poursuivis par l’étude, ni la qualité des analyses qui en découlent. Étude de cas de la société XYZ La présentation de cette étude de cas s’articule autour de trois volets. D’abord, nous présentons la gestion des achats à la fin des années 1990 dans la firme XYZ. Ensuite, nous décrivons ce que nous appelons « l’encadrement global » de la gestion des achats, soit les interactions entre le groupe d’achat situé au siège social et les services des achats dans les différentes filiales. Par la suite, nous dépeignons l’encadrement local, soit les relations entre le service des achats dans une filiale et les relations avec les services requérants. La situation initiale Vers l’année 2000, la haute direction de l’entreprise XYZ avait réalisé que les possibilités Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:12 7 7 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management de croissance demeuraient limitées, malgré l’expansion économique de la décennie précédente. Donc, si elle souhaitait maintenir des rendements intéressants pour ses actionnaires, elle devait chercher à contrôler davantage les coûts, dont naturellement les achats. Malgré que l’entreprise soit une firme internationale avec un chiffre d’affaires de plusieurs milliards de dollars, la gestion des achats était beaucoup moins développée qu’on ne serait porté à le croire sur la base de la taille. Les différentes divisions poursuivaient leurs propres pratiques de gestion. À l’intérieur d’une même filiale, il pouvait y avoir une diversité de pratiques entre les différents services. Ceci faisait en sorte qu’une même filiale pouvait communiquer par différents moyens avec un même fournisseur dépendamment du service qui lançait une commande. Un fournisseur pouvait recevoir des requêtes par télécopieur, par courriel ou même par la poste. Souvent aussi, ces requêtes comportaient des clauses différentes. Dans ce contexte, il n’y avait pas vraiment de politique de gestion des achats, le tout étant très souvent laissé à la discrétion des services. Les rares acheteurs que l’on retrouvait dans l’entreprise intervenaient à des degrés divers dans le processus d’achat selon la nature des contrats et des requérants. Dans certains cas, le fournisseur aidait le requérant, qui n’avait souvent pas d’expertise en matière de gestion des achats, à préciser ses spécifications. Enfin, il n’y avait aucune consolidation des besoins similaires entre les différentes filiales de XYZ. Selon les critères de la grille de Keough (1993), la structure de gestion des achats de XYZ était donc très embryonnaire, vu l’absence de politique d’achats et de procédures Figure 1 : Chronologie de la mise en œuvre de la structure des achats dans la société XYZ normalisées, de même que la décentralisation très prononcée qui menait à des interventions variables des acheteurs alors en poste. Outre les coûts de ces façons de faire (absence de consolidation pouvant générer des économies et mauvaise utilisation des ressources qui, de plus, n’étaient pas des professionnels en achats), des cadres constatèrent que l’entreprise était peu protégée en cas de litige avec ses fournisseurs. L’encadrement global Suite au diagnostic sur le contrôle des coûts, la haute direction de l’entreprise déploya différentes mesures tant au niveau du siège social qu’à celui des filiales. La figure 1 présente les principaux changements chronologiquement. Comme première mesure, la haute direction constitua un Groupe Achat dirigé par un vice-président. Ce service fut doté d’une équipe et il était localisé au siège social international de la société. Ce Groupe s’appuyait aussi sur un réseau d’achat local centralisé dans les filiales qui serait déployé dans les mois suivant la création du Groupe Achat. Une des premières mesures prises par le Groupe Achat avait été de produire un document décrivant les tâches de chaque poste associé à la gestion des achats, mais aussi les procédures et les mesures de contrôle existantes. Ceci visait à permettre une uniformisation des façons de faire pour chacune des filiales de la société. Pour soutenir cet effort de normalisation, un Bureau d’orientation stratégique (BOS) avait été mis sur pied. Ce dernier réunissait les responsables des services des achats de chacune des filiales et voyait au développement d’une base de données centralisée sur les contrats signés localement et au suivi des économies réalisées. Il a également vu à la sélection des logiciels de gestion des achats qui seraient déployés dans les filiales : le système Ariba Buyer pour le lancement des commandes des requérants vers les fournisseurs pour les articles courants et le système PeopleSoft Purchasing pour le paiement électronique aux fournisseurs. Les discussions au niveau du BOS visaient aussi à identifier des mandats qui pourraient être négociés globalement par les gestionnaires du Groupe Achat du siège social. Cependant, la base de données centralisée pourrait permettre de déterminer la filiale la plus performante dans la négociation de dossier. À terme, cette filiale pourrait obtenir le mandat de conclure un contrat pour toutes les unités à travers le monde. Cette comparaison entre les filiales serait d’autant facilitée que les proces- 8 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:13 Vol. 18 – N°1, 2010 8 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management sus seraient normalisés. Ainsi, une filiale se démarquerait parce qu’elle aurait su développer une connaissance étroite du marché fournisseur et une approche lui permettant de générer des gains supérieurs. Pour ces raisons, le service des achats de cette filiale deviendrait alors en quelque sorte une référence mondiale pour les autres sites de l’entreprise. L’objectif à long terme n’était pas de répartir tous les dossiers d’achat entre les services des achats, car des achats locaux allaient demeurer, ne serait-ce que parce que les offres régionales étaient plus compétitives ou parce qu’il n’existait aucun fournisseur en mesure de répondre à tous les marchés simultanément. Cependant, la base de données centralisée permettrait de contrôler les résultats des négociations faites dans les filiales. Par exemple, si l’une d’elles décidait de se soustraire à un contrat global, elle aurait alors à démontrer le bien-fondé de cette décision par un meilleur résultat lors des négociations. L’encadrement local Pour illustrer ce second niveau d’encadrement, nous utilisons la situation d’une filiale nord-américaine. Les achats ont été attribués spécifiquement à une Direction. Les acheteurs, jusqu’alors dispersés dans différents services, furent rapatriés sous cette Direction. Au fil des ans, des acheteurs qualifiés furent embauchés. Ces individus présentaient des profils variés d’expérience professionnelle et de formation académique, ce qui permettait à la Direction de disposer de compétences diversifiées pouvant être allouées selon la complexité des dossiers à gérer. Par la suite, il avait été prévu que la définition des processus par le Groupe d’Achat amènerait le service des achats de chacune des filiales à veiller à la négociation et à la résolution des litiges avec les fournisseurs, alors que les services requérants se chargeraient des tâches plus opérationnelles, soit le lancement des commandes par l’entremise du progiciel Ariba Buyer. Les services requérants verraient au suivi du service avec des fournisseurs. Une fois la négociation conclue, le contrat serait signé par deux responsables locaux : un du service des achats et un du service demandeur. Cette procédure permettrait ainsi d’éviter un isolement entre les acheteurs et les requérants. Pour cette filiale nord-américaine, la mise en œuvre de ce découpage n’avait pas été spontanée, ayant consisté en une démarche sur plusieurs mois quant à la réappropriation à l’intérieur du service des achats des contrats signés avec des fournisseurs par les différentes unités administratives. La présence du système Ariba Buyer à l’intérieur de la filiale visait à uniformiser les approches de transmission des commandes aux fournisseurs. Pour la filiale nord-américaine étudiée, le transfert vers ce système d’information ne s’effectua pas sans heurts. Il fut nécessaire de créer des catalogues électroniques des différents articles afin que les requérants puissent les repérer facilement dans le système. Les articles furent regroupés en une trentaine de familles constituant autant de catalogues. L’objectif était d’implanter au minimum deux douzaines de catalogues sur une période de deux ans. Outre la constitution des catalogues, la détermination des seuils monétaires à partir desquels une commande pourrait être lancée sans exiger l’autorisation d’un supérieur hiérarchique fut nécessaire. Cet exercice exigea des discussions sur plusieurs mois avec les différents services requérants. Le système PeopleSoft Purchasing était vu comme un outil de contrôle supplémentaire afin de s’assurer que les achats traités manuellement seraient réalisés auprès de fournisseurs mis sous contrat. Pour assurer ce rôle de contrôle, à terme, une entente administrative serait conclue entre le service des achats et le service des comptes à payer afin d’empêcher le paiement de toute facture qui ne serait pas adressée à un fournisseur sous contrat avec cette filiale. Cette mesure découragerait les requérants d’opter pour d’autres fournisseurs que ceux sous contrats cadres. Analyse du cas Dès le départ, le cas est une illustration du concept de maturité d’une fonction de gestion des achats. Selon la grille de Keough (1993), la société XYZ est passée d’une structure de premier niveau où la gestion des achats était très décentralisée, à une gestion des achats de troisième niveau, car il y a maintenant une structure centralisée. Il y a également des comités d’achats (dans ce cas-ci le BOS), la construction d’une base de données de gestion des achats et le développement de politiques corporatives. Nous ne pouvons naturellement pas attribuer ce déplacement uniquement à l’apport des TI, car la volonté de la haute direction de se doter d’un service des achats appliquant des pratiques de gestion largement reconnues avait été un facteur déterminant. Par ailleurs, cette Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:13 9 9 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management volonté a créé une impulsion, mais il était nécessaire d’obtenir une adhésion de l’organisation au changement, par exemple, par le biais du système à double signature. L’existence de plusieurs facteurs d’impulsion va dans le sens des travaux de Tchokogué et Nollet (1998), ainsi que ceux de Johnson et Leenders (2004) qui avaient déjà identifié plusieurs des facteurs expliquant l’évolution d’un service des achats. Notre analyse vise à cerner comment les TI ont soutenu ces efforts de reconfiguration de la gestion des achats, mais aussi comment les TI peuvent aider à dégager de nouvelles configurations organisationnelles sortant de l’ornière centralisation ou décentralisation. À partir de la grille de Keough (1993), on réalise que la progression d’un service en termes de maturité peut prendre plusieurs années, ce qui est normal, puisque cette évolution s’accompagne de plusieurs changements (définition de politiques et procédures, embauche de personnel, etc.). Dans ce cas-ci, les dirigeants de la société XYZ ont initié des changements à la structure organisationnelle entre autres par le développement d’un service des achats davantage centralisé. C’est à l’intérieur de ces nouvelles structures que les gestionnaires responsables des achats ont décidé, conjointement à l’intérieur du BOS, des technologies qui soutiendraient leurs actions. Bien que tous les chercheurs ne s’accordent pas sur ce point (Boschken, 1990 ; Krishnamurthy et Yauch, 2007), en soi, ce résultat rejoint la vision classique de Chandler (1962) voulant que la structure découle de la stratégie. Dans ce contexte-ci, les technologies d’information deviennent donc un outil pour concrétiser la stratégie (enabler) et, dans le cas de la société XYZ, une façon de gérer plus efficacement les achats. Dans le cas de l’encadrement local, il est toutefois intéressant de noter le délai de deux ans entre le moment où la structure de gestion des achats fut mise sur pied et le moment où les technologies d’information furent déployées. Bien que notre étude ne s’attarde pas à l’analyse de la durée des différentes étapes, ce délai fut jugé long par quelques-uns des gestionnaires en place. En fait, ces derniers avaient sous-estimé l’impact des facteurs autres que la technologie qui peuvent avoir une incidence sur la structuration d’un service des achats. Par ailleurs, notre deuxième question de recherche vise à mesurer l’impact des TI sur les grands paramètres d’une structure organisationnelle. Pour répondre à cette question de recherche, nous avons déjà précisé que notre analyse adoptait les trois dimensions d’une structure organisationnelle, qui sont par ailleurs souvent reconnues comme les plus importantes (Dalton et al., 1980) : centralisation, formalisation et spécialisation. Stanley (1993) avait retenu ces mêmes dimensions pour étudier la performance des structures de gestion des achats. Plus récemment, Kim (2007) avait traité lui aussi sensiblement des mêmes variables pour analyser les configurations organisationnelles de la gestion de la chaîne logistique. Le tableau 1 présente les grandes conclusions de nos observations, détaillées dans les prochaines sections. La centralisation Le cas fait nettement ressortir le caractère multiforme de cette première dimension, alors que l’on retrouve différents niveaux de centralisation. Il tend à supporter les propos de Foster et Flynn (1984) qui concluaient que grâce aux TI, les gestionnaires n’avaient plus à limiter leur choix de structure organisationnelle entre les deux options traditionnelles de centralisation et décentralisation, de nouvel- Tableau 1 : Impacts des TI sur trois des dimensions des structures organisationnelles Centralisation - Les TI permettent de scinder les décisions d’exécution et celles de contrôle. - Les décisions d’exécution peuvent êtres mieux réparties entre les différents paliers (opérationnels, direction locale, direction générale) et éclatées dans différentes zones géographiques. - Cette répartition est possible et préserve la cohérence d’action de l’organisation, car les TI peuvent centraliser le contrôle. Formalisation - Les TI renforcent le formalisme, car un contrôle plus étroit assure le respect des règles organisationnelles. - Ce formalisme est rendu possible par la centralisation des décisions d’acquisition des TI, ce qui assure une normalisation des systèmes d’information et permet d’éviter la multiplication des pratiques. Spécialisation - Les TI renforcent quelque peu la spécialisation, car les décideurs peuvent se concentrer sur les décisions d’exécution ou de contrôle, puisque les TI permettent de scinder les deux volets. 10 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:13 Vol. 18 – N°1, 2010 10 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management les possibilités s’ouvrant à eux. La recherche de nouvelles options semble nécessaire puisque dans l’environnement d’affaires turbulent des dernières années, une organisation a intérêt à tirer profit des bénéfices de la centralisation (le contrôle des coûts) et de la décentralisation (vitesse de réaction) (Dubois et Wynstra, 2005). En reprenant les propos de Kirkwood et al. (2005), le cas dégage deux niveaux de centralisation, un premier qui est global pour l’ensemble de l’entreprise et un second, local (figure 2). La centralisation globale s’articule autour du Groupe Achat du siège social ou encore, par l’entremise du BOS, qui définit les tâches, les processus et les solutions technologiques qui seront adoptés par les unités locales. En soi, ces choix concordent avec les deux premiers niveaux de décisions identifiés par Kirkwood et al. (2005), la définition des politiques, des orientations et des objectifs stratégiques, ainsi que la configuration des processus et le choix des moyens. Comme nous le verrons, la centralisation de ces décisions renforce les deux autres dimensions organisationnelles (formalisation et spécialisation), ce qui rejoint les observations de Stanley (1993). Le second niveau de centralisation est local, la négociation des contrats étant faite par un service unique. Parallèlement, il y a une décentralisation des activités de lancement des commandes et de suivi auprès des services requérants. L’opérationnalisation quotidienne est scindée entre une unité administrative centralisée et des services décentralisés. Toutefois, même cette dernière affirmation doit être nuancée. En effet, le Groupe Achat ou le BOS peuvent négocier des contrats pour l’ensemble des filiales de l’entreprise. Donc, une part des opérations quotidiennes peut être réalisée au niveau d’une unité centrale globale. Cette répartition des responsabilités de gestion des achats entre différents niveaux administratifs est rendue possible grâce aux TI, car cette répartition ne doit pas conduire à des actions désordonnées où chaque palier prendrait des décisions isolées sans se soucier des impacts aux autres niveaux de l’organisation. Les systèmes comme Ariba Buyer, Peoplesoft Purchasing ou la base de données centralisée des contrats du BOS sont des outils technologiques permettant de contrôler les décisions prises par différents acteurs. De tels bénéfices avaient été mis en évidence par Boulianne (2005) lorsqu’il traitait des cartes d’approvisionnement (p-cards) comme outils de con- Figure 2 : Les niveaux de centralisation des achats chez XYZ trôle. En soi, ce cas illustre les propos de Lau et al. (2001) qui précisaient que les TI permettaient une décentralisation de la prise de décisions et une centralisation du contrôle. Précisons toutefois que dans le cas de la société XYZ, les décisions décentralisées ont un caractère très opérationnel. Par ailleurs, l’expérience de la société XYZ permet d’apporter une autre nuance à la notion de centralisation. Cette dernière est souvent associée à l’idée qu’un service des achats soit localisé au siège social (Kim, 2007) et, par conséquent, éloigné physiquement des services requérants. Vu que la décentralisation évoque le contraire, les acheteurs sont dans ce second cas mieux à même de saisir différentes nuances associées à l’utilisation d’un article (saisonnalité, problèmes de qualité, enjeu de formation, etc.), considérations qui pourront être intégrées lors des discussions avec les fournisseurs. Mais la proximité peut aussi l’être avec les sources d’approvisionnement, ce qui permet alors aux acheteurs de mieux saisir l’évolution du marché fournisseur et ainsi d’adapter les stratégies d’achat en conséquence. À cet effet, le cas XYZ met en évidence une centralisation de certains mandats de négociation, parallèlement à une déconcentration où certains de ces mandats globaux sont gérés par des services locaux des achats. Huguet (2003) décrit ce concept de déconcentration, soit une localisation physique des acheteurs près des requérants au lieu de les localiser dans un seul site. Il y a donc une différence entre l’unité qui prend une décision et sa localisation géographique. Ainsi, certains dossiers peuvent être centralisés entre les mains d’un acheteur sans qu’il ne soit localisé au siège social. Les TI permettent donc de profiter simultanément des bénéfices de la centralisation et de la décentralisation. Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:14 11 11 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management La formalisation Comme nous l’avons évoqué précédemment, la formalisation est une seconde dimension fortement mise en évidence à l’intérieur du cas; après tout, il y a eu une normalisation des descriptions de tâches, des indicateurs de performance et des logiciels de gestion. Dewett et Jones (2001) avaient précisé que les TI favorisaient la formalisation en enregistrant des données sur les événements se déroulant dans les organisations, ce qui facilitait le contrôle des comportements, rendant ainsi plus aisé le respect des règles organisationnelles et l’identification des comportements déviants. À la société XYZ, le déploiement des logiciels de gestion des achats va dans le sens des observations recensées dans les écrits : il renforce la formalisation des processus d’achat au niveau local en diminuant les occasions pour les requérants de retenir un fournisseur qui n’est pas lié par un contrat cadre. De plus, les logiciels imposent des procédures de travail, balisant donc ainsi les pratiques et accentuant la formalisation. La formalisation du choix de logiciels peut également être associée à un effort d’intégration. Giachetti (2004) avait relevé que l’intégration des systèmes était l’un des défis les plus significatifs des entreprises, puisque le fractionnement de l’organisation en de multiples sous-unités possédant leur propre système d’information pouvait complexifier les efforts de coordination. En centralisant le choix des logiciels de gestion des achats et des indicateurs de performance, la haute direction de XYZ facilite les comparaisons entre les différentes filiales, ce qui permet d’identifier les acteurs les plus performants dans certains domaines, facilitant du même coup la spécialisation des dossiers. La spécialisation Bien que la réorganisation des activités d’achat de la société XYZ se déroule à des vitesses variables selon les filiales et que le rôle du BOS se raffinera au cours des prochaines années, il demeure que l’approche utilisée vise une division du travail, afin que l’exécution des principales tâches de gestion des achats soit confiée à des experts dans le domaine, retirant donc des mains des requérants la réalisation de la grande majorité des activités liées aux achats. À l’intérieur des services des achats des différentes filiales, il existe aussi une certaine forme de spécialisation, car les acheteurs sont 12 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:14 en charge de dossiers spécifiques. On constate également une spécialisation globale, car certaines filiales se verraient attribuer la gestion de mandats pour l’ensemble du groupe et cela, sur la base de leur performance antérieure. Donc, les mécanismes de contrôle des TI peuvent prévenir des problèmes ou des comportements déviants. La nature préventive de ces contrôles évite les investissements dans des mesures correctives (Boulianne, 2005). Dans ce contexte, les acheteurs peuvent concentrer leurs efforts sur la gestion des achats et éviter d’être des auditeurs internes des comportements d’achat des requérants. Synthèse des observations et impacts sur la chaîne logistique Les conclusions que nous venons de formuler sont-elles similaires pour la gestion de la chaîne logistique ? Pour répondre à cette question, il nous semble pertinent de relater l’expérience de la société IBM au niveau des structures des achats et de la logistique. En 2002, Sam Palmisano prend la direction d’IBM et il souhaite que l’entreprise soit davantage orientée sur la demande. Une des solutions à cette stratégie a été de constituer une vice-présidence exécutive en supply chain qui regroupait entre autres les activités de logistique, de production, de gestion des commandes (order fulfillment) et de gestion des achats (Radjou, 2005). Ce mouvement de centralisation était le point culminant d’initiatives prises dans d’autres fonctions. Ainsi, au milieu des années 1990, un effort important de réorganisation de la fonction « achats » avait mené à une centralisation de cette dernière et à un déploiement de différentes solutions technologiques. Quelques années plus tard, la fonction logistique connut le même processus de centralisation (Anonyme, 2006). Par le fait même, nous voyons bien que lorsque les fonctions « achats » et « logistique » sont distinctes, elles ne sont pas nécessairement centralisées ou décentralisées au même moment. Ceci rend d’autant plus pertinents nos propos relatifs quant à la maturité d’un service et au fait que le domaine de la logistique puisse s’appuyer sur des leçons vécues en achats. À l’intérieur d’un service intégré de gestion de la chaîne logistique, il y aura des fonctions spécialisées (achat, production, distribution) qui vont émerger. Le fait que les principales fonctions de la chaîne logistique soient regroupées sous une seule entité administrative n’offre aucune garantie d’une plus grande efficacité, chacune des fonctions pouvant agir Vol. 18 – N°1, 2010 12 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management dans son meilleur intérêt au détriment d’une finalité d’ensemble (Dewitt et Jones, 2001). Cependant, nous sommes d’avis que la dimension de spécialisation prend une plus grande importance dans le cas des structures de la chaîne logistique. Hitt et Brynjolfsson (1997) avaient déjà précisé que les TI améliorent la coordination et la communication à l’intérieur de la firme. Les gestionnaires d’IBM ne se sont pas contentés de ce rôle traditionnel des TI. Ils ont reconnu les dangers de la spécialisation. Ils croient que IBM a pu éviter un tel piège en développant une série d’indicateurs de performance qui étaient communs à chacune des fonctions (Anonyme, 2006). Ces indicateurs communs étaient liés aux paramètres stratégiques de l’entreprise, entre autres à la satisfaction des clients et aux économies (Radjou, 2005). Conclusion Selon Wang (2001), les technologies de l’information jouent un rôle considérable en appuyant une structure organisationnelle pour qu’elle puisse traiter efficacement une masse de données. Le cas étudié supporte justement ce point de vue en mettant en plus l’accent sur le fait que les TI soutiennent la mise en œuvre de la stratégie d’achat. En soi, cette constatation offre une réponse à notre première question de recherche. Il demeure qu’au cours des dernières décennies, ce rôle des TI s’est accentué entre autres grâce à l’accélération des innovations technologiques, mais également à une utilisation plus éclairée du potentiel des TI. Notre étude portait aussi sur les impacts des décisions associés au déploiement des systèmes d’information sur les trois dimensions de la configuration organisationnelle des achats. En retenant une organisation qui réorganise ses activités d’achat, nous avons été à même d’étudier les impacts des décisions reliées aux systèmes d’information sur trois des dimensions les plus importantes de la configuration organisationnelle des achats (Stanley, 1993). Notre propos, à l’exemple de ceux de Bloomfield et Coombs (1992), de Lau et al. (2001) ainsi que de Wang (2001), met en évidence que la centralisation/décentralisation implique deux grands processus : l’exécution, soit la prise de décisions stratégiques ou opérationnelles et le contrôle, afin de prévenir ou corriger des actions déficientes. Tyndall et al. (1998) suggéraient de scinder les achats entre les activités opérationnelles et celles stratégiques. Ce que notre étude tend à démontrer est que cette réflexion devrait se faire entre les activités d’exécution et celles de contrôle. Les TI favorisent se type de découpage. Dans ce contexte, la formalisation devient importante puisqu’elle conduira à une question majeure : quelles sont les règles organisationnelles qui devront être respectées (et contrôlées)? Notre cas réaffirme l’importance de ces aspects tout en démontrant que la structure de gestion des achats ne se limite pas à la seule dimension de centralisation/décentralisation. À cet effet, notre description de l’expérience d’IBM illustre que le contrôle est une dimension d’un intérêt majeur dans la mise en œuvre d’un service intégré de gestion la chaîne logistique qui se composera inévitablement de plusieurs unités administratives spécialisées. Nos observations peuvent être reliées à celles de Kim (2007), qui souligne qu’une formalisation et une centralisation d’un service de gestion de la chaîne logistique peut freiner les efforts d’intégration de la chaîne logistique avec les fournisseurs et les clients externes. L’auteur convient qu’une formalisation et une centralisation plus poussées sont nécessaires pour parvenir à une intégration interne, mais qu’accentuer ces caractéristiques peut devenir contreproductif avec les partenaires d’affaires externes. Nous croyons que l’expérience de XYZ illustre qu’il est possible d’éviter les excès identifiés par Kim (2007). Une forme d’autonomie pourrait être accordée aux acteurs à l’interface avec les partenaires externes, une autonomie leur permettant de réagir rapidement aux demandes ou aux changements de l’environnement. Les technologies de l’information pourraient assurer un contrôle centralisé, assurant ainsi une cohérence globale aux actions de l’entreprise. Naturellement, l’étude est basée sur un seul cas. Par exemple, malgré l’analyse faite pour cette situation, cette situation s’ajoute aux autres déjà connues et supportant la thèse que la structure est la résultante d’une stratégie. Aussi, des enquêtes futures pourraient reproduire la présente analyse afin de valider les conclusions auxquelles nous en sommes arrivés. De nouvelles études pourraient également analyser plus spécifiquement les structures de la chaîne logistique. En terminant, nous ne voulons pas donner l’impression de surestimer le rôle des TI dans le déploiement d’une structure de gestion des achats. Comme le soulignent Buttermann et al. (2008), il demeure que les TI constituent l’une des variables permettant au gestionnaire de maintenir l’équilibre entre les différentes Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:14 13 13 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management forces d’impulsion de l’organisation. Cependant, tant le fait d’accorder une importance excessive que trop restreinte à l’une de ces variables peut avoir des conséquences graves sur la capacité d’une organisation à réaliser une performance supérieure. Par ailleurs, ce cas a mis en lumière la recherche d’une contribution appropriée des TI au succès du service des achats d’une grande organisation. Une réflexion similaire doit être réalisée quant aux structures de gestion de la chaîne logistique de l’entreprise, car les différentes tensions s’exerçant (contrôle vs autonomie, besoins locaux vs économie d’échelle) sont présentes dans toute la chaîne et les TI pourraient permettre de réaliser un juste équilibre. Bibliographie Andersen P.H., Rask M. (2003), Supply chain management: New organisational practices for changing procurement realities, Journal of Purchasing & Supply Management, Vol. 9, N° 2, pp. 83-95. Anonyme. (2006), IBM reinvents the supply chain for the era of global enterprise, World Trade, Vol. 19, N° 5, pp. 20-28. Baglieri E., Secchi R., Croom S. (2007), Exploring the impact of a supplier portal on the buyer-supplier relationship: The case of Ferrari Auto, Industrial Marketing Management, Vol. 36, N° 7, pp.1010-1017. Banerjee S., Sriram V. 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La proposition est discutée ensuite notamment au regard des apports récents de Volle et al (2008) et Badot et Paché (2007). L’évolution convergente de l’organisation des distributeurs dans les années récentes vers une rationalisation croissante et la mise en place d’équipements similaires a pu être attribuée à un parallélisme de comportement pour faire face à des problématiques sectorielles (Paché et Colin, 2001, Colin 2005). Cette convergence, quelle qu’en soit la source, ne doit pas cependant nous conduire à faire l’économie d’une analyse valorisant la différenciation des modèles logistiques. Une différenciation qui pourrait s’accroître dans la construction de stratégies logistiques plus volontaristes aujourd’hui. Plusieurs travaux récents le soulignent : la logistique de distribution ne peut plus être abordée de manière univoque, sans considération des stratégies poursuivies par les distributeurs, ni de la manière dont s’exerce la concurrence (Badot et Paché, 2007), de la configuration du territoire (de Carvalho et Paché, 2002) ou du mode d’appropriation des services logistiques (Colin 2005 envisageait la virtualisation des relations des distributeurs avec leur environnement, ceux-ci créant des relations de court terme en fonction de leurs besoins). Il faut donc considérer que les distributeurs peuvent évoluer de manière différenciée en fonction de leur positionnement ou de leurs choix en termes de management et que le modèle du juste à temps par exemple, n’est pas nécessairement adapté à chacun d’entre eux. Récemment, ce besoin de caractérisation plus fine de « modèles de distribution » s’est révélé à travers deux articles, celui de Badot Paché (2007), dans une logique plutôt marketing et celui de Volle et al (2008), dans une logique stratégique. Notre intention est ici, en nous référant à ces apports, de proposer une grille d’analyse dont la vocation est plutôt d’expliquer les organisations logistiques adoptées par les distributeurs. L’idée qui est défendue est que l’organisation de la logistique est liée à la fois à la stratégie d’offre du distributeur et à l’autonomie du point de vente. Cette approche orga- Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:14 17 17 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management nisationnelle, qui intègre le point de vente comme suggéré par Aube et al (2005) et le niveau entrepôt, rejoint finalement et complète les modèles proposés par Badot et Paché et Volle et al. Notre démarche est d’abord de présenter le modèle et ses variables explicatives, puis la grille d’analyse que nous proposons à partir de différentes interviews réalisées sur le terrain, enfin de confronter notre apport aux apports précédents dans une discussion. Entre variété des produits et variations des opérations, une proposition de grille de lecture des organisations logistiques Le lien entre variété offerte et coût logistique est établi : il existe un nombre optimal de références réalisant l’équilibre entre la satisfaction clients et les coûts logistiques. L’augmentation du nombre de produits vendus par le distributeur au-delà de cet optimum entraîne un accroissement de la satisfaction client, mais aussi une augmentation des coûts logistiques : augmentation du nombre de fournisseurs à gérer, augmentation des emplacements de surface stockage nécessaires au niveau du centre de distribution et du magasin, multiplication des coûts de passation de commande, temps consacré par les managers et les employés à la gestion de cette variété. La multiplication du nombre de références limite également la possibilité pour le distributeur d’optimiser les conditions d’achat auprès de ses fournisseurs, dès lors que pour un même volume vendu, ces ventes sont réparties sur une plus grande variété de fournisseurs (voir le CA/référence Tableau 1 ci-après). La variété, caractérisée à la fois par la largeur et la profondeur de l’assortiment (l’ampleur de l’assortiment), a donc un coût. Parmi les coûts logistiques qui augmentent lorsque la variété augmente, il en est un qui est peu mis avant : le coût lié au travail à réaliser. Ce coût est une donnée lisible dans les comptes d’une entreprise ou le tableau de bord d’un chef de rayon. Les charges de personnel représentent le deuxième poste de charges en valeur dans le compte de résultats des magasins ou des enseignes après les achats. Si ce coût est fonction du nombre de produits offerts, il augmente plus rapidement que le nombre de produits. Varilla et al (2007), par exemple, présentent le cas d’un grossiste en produits électroniques, un cas dans lequel la 18 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:15 variété offerte est particulièrement élevée. Ils s’intéressent aux opérations de picking et cherchent à évaluer les inducteurs de l’augmentation du temps opératoire. En distinguant différentes catégories de produits et en observant les sous-tâches, ils expliquent que le temps de travail augmente notamment avec le nombre de produits et les différentes manières employées pour les manipuler, c’est-à-dire la variation dans les opérations. Globalement, une partie des tâches augmente de manière linéaire avec le nombre de produits (changements de prix, temps de mise en rayon de produits homogènes), une autre partie des tâches nécessite un temps opératoire qui augmente plus vite que l’augmentation du nombre de références (hétérogénéité des tâches). Il faut alors s’interroger sur les vecteurs de variété opérationnelle dans la chaîne logistique. De notre point de vue, il existe deux vecteurs de la variété essentiels que nous présentons ci-après. Critères de différenciation proposés des modèles d’organisation logistique Certains formats de point de vente offrent une variété relativement faible : il s’agit de points de vente très spécialisés tels que Picard par exemple, ou encore des hard discounters. Mais, à l’intérieur d’un même segment spécialisé, des acteurs peuvent offrir des assortiments plus ou moins larges. Kiabi, qui s’adresse aux hommes, femmes et enfants, offre ainsi une plus grande variété que Jennyfer ou Orchestra qui ne s’adressent qu’à un segment. D’autres points de vente offrent encore une plus grande variété : on pense immédiatement aux hypermarchés, connus pour l’ampleur de leur assortiment, mais parmi ces hypermarchés, certains offrent davantage de variété que d’autres. L’enseigne Auchan par exemple, en dehors de son lancement récent de l’hypermarché à prix bas (Priba), s’est depuis longtemps positionnée comme offrant une variété particulièrement large. La complexité logistique cependant, et donc les coûts, quelle que soit la variété offerte, est également liée à l’autonomie qui est laissée en magasin pour les opérations de constitution de l’assortiment, de sélection des fournisseurs et de passation de commande. Les points de vente qui ont une telle latitude sont généralement ceux désignés par Badot et Paché comme offrant la meilleure expérience aux consommateurs, le plus d’enchantement, ceux qui s’éloignent de la performance pure- Vol. 18 – N°1, 2010 18 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management ment comptable, pour construire une offre adaptée aux besoins locaux. Cette autonomie des points de vente entraîne cependant une multiplication des flux. L’ampleur de l’assortiment est telle d’abord, qu’il est plus difficile de centraliser et de suivre informatiquement la totalité de l’assortiment, ce qui entraîne une multiplication des flux. Plus l’assortiment est large et profond, plus il y a de variations également dans l’assortiment avec des produits qui sont arrêtés et d’autres qui sont lancés, ce qui nécessite un suivi spécifique et crée des perturbations. Un assortiment ample correspondra également à une plus grande variété de fournisseurs. Les points de vente qui offrent beaucoup de variété sont souvent ceux chez qui l’on trouvera en premier les dernières nouveautés et l’activité promotionnelle la plus intense, avec, là encore, des flux spécifiques qui imposent une forte réactivité. L’autonomie du point de vente autorise enfin souvent la passation de commandes en direct, initiées par le chef de rayon qui complète ainsi l’assortiment de la centrale pour mieux s’adapter localement. L’ampleur de l’assortiment, associée à la variété des flux liée au mode de gouvernance des points de vente, complexifie singulièrement le travail des chefs de rayon et des employés du point de vente qui doivent faire face à une plus grande variété de tâches pour une même fonction. Cette variété se traduit au plan opérationnel par une variété de modes de commande, une variété de dates de réception, une variété de procédures et une variété de localisation des stocks. La variété a donc un impact sur la productivité du travail : tandis que le chiffre d’affaires au m² est 3 fois supérieur chez Auchan que chez ED (avant passage sous enseigne Dia), le CA par salarié est seulement 1,5 fois supérieur chez Auchan ; tandis qu’un salarié gère 1500 références et plus en PGC chez Auchan, il en gère 700 seulement chez ED. Les surfaces d’entrepôt nécessaires par magasin ou par référence sont également proportionnellement supérieures chez Auchan. La variété offerte, associée à son mode de management, crée donc un déséquilibre dans l’affectation des ressources qui peut devenir coûteux dans un contexte de concurrence forte. Au contraire, en dépit d’une organisation bien rodée, presque routinière, ED semble faire face à un défaut d’attractivité (voir Tableau 1). Dans l’ampleur de l’assortiment, il convient sans doute de distinguer ce qui tient de la profondeur de l’assortiment et ce qui tient de sa largeur. La profondeur de l’assortiment multiplie les flux et les variations des opérations à effectuer, ce qui nécessite une adaptation permanente. La largeur de l’assortiment agit plutôt comme une contrainte dès lors qu’elle limite les possibilités de bénéficier de la polyvalence des équipements ou des salariés. Ainsi, plus l’assortiment est large, plus les catégories distribuées sont hétérogènes, plus la division horizontale du travail est forte tant au niveau du point de vente que des équipements centralisés. Cette division réduit la flexibilité logistique dans la mesure où les ressources (hommes, équipements) ne peuvent pas être affectées indifféremment en fonction des besoins. Cette contrainte explique le mouvement de différents distributeurs vers des modes d’organisation permettant de regrouper différentes catégories (commandes pré-alloties, utilisation de plates-formes), voire différentes enseignes sur un même équipement. La distinction faite par Wal-Mart ou Carrefour entre les produits à forte rotation et les produits à rotation lente va dans ce sens : 1 - Source : données grand hypermarché Auchan et entrepôt ED, nombre de lignes actives sur une semaine donnée. 2 - Source : nbre d’employés d’un rayon PGC/nbre de références (Auchan) et nbre de références/nbre moyen d’employés par magasin (ED). 3 - Les variations dans le CA par référence sont affichées ainsi pour tenir compte de l’assortiment officiel annoncé (1800 références minimum par exemple chez ED) par rapport à l’assortiment possible (4500 références déclarées en entrepôt). Même chose chez Auchan avec 100 000 références déclarées officiellement et 180 000 lignes de produits identifiées dans un point de vente à une date donnée. Pour Tesco, 80 000 est le nombre de réfs en hyper, le CA/ référence est donc sous évalué puisque compte tenu de l’importance des supermarchés, il doit être supérieur. Tableau 1: Eléments caractéristiques d’ED, Auchan France, Tesco tous formats (données sites web retraitées, 2008 et données d’entretiens –nombre de références-). Nombre de points de vente Nombre de salariés CA TTC CA TTC/ salarié CATTC/point de vente Nombre de références à l’instant « t » (semaine) Nombre de références par salarié CATTC/m² CA par référence Surface d’entrepôt /magasin CATTC/m² d’entrepôt ED Tesco tous formats Royaume Uni Auchan hypermarchés 900 10600 2831000 K € 177,6K € 3145K € 4500 700 5475 € 235 à 950K €/réf 222m² 14155 € 2115 193 917 57Mds € 270K € 26914K € 80 000 Nd 20 735 € 711 K €/réf Nd Nd 122 51000 18000000K 267K € 147541K € Jusqu’à 180 000 (1) 1500 (2) 15000 € 100 à 200K €/réf (3) 4687,5 m² 30000 € 1£=1,5 € pour les conversions Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:15 19 19 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management celui où le distributeur s’affranchit de la contrainte de catégorie par la mise en place d’une organisation générique. Les technologies actuellement disponibles doivent permettre de gérer une grande variété de produits sans nécessairement supporter la totalité des surcoûts observés initialement. La passation de commande peut-être automatisée par exemple, ou bien encore un meilleur suivi des ventes, par le biais d’un outil informatique intégré, permet de réduire le niveau de stock par produit, de limiter l’extension des surfaces de stockage lorsque l’on augmente le nombre de produits vendus. Il est possible aussi d’affecter des produits différents à différents magasin par un système de codage et donc de développer du micro-merchandising. Les bénéfices de ces nouvelles technologies sont perceptibles pour ce dernier argument par exemple dans la réduction du nombre d’entrepôts et de plates-formes observée depuis plusieurs années, alors même que le nombre de références était encore en augmentation. La mise en place de ces nouvelles technologies s’accompagne cependant d’une centralisation de différentes opérations et d’une relative perte d’autonomie des points de vente. Par ailleurs, elle peut s’accompagner d’une restructuration de l’assortiment autour d’un nombre plus faible de références pour faciliter la gestion informatique et peut alors remettre en question un modèle d’offre très variée du type de celui d’Auchan. Nous proposons ainsi d’analyser les modèles logistiques de la distribution à partir de ces deux critères clé que sont l’ampleur de l’assortiment et l’autonomie des points de vente. Proposition de grille de lecture L’hypothèse est que suivant la configuration dans laquelle se trouve une enseigne, l’organisation logistique, du point de vente à l’entrepôt ou la plate-forme, variera : conditions de travail, organisation du travail, niveau d’investissement dans les systèmes d’information, niveau d’intégration global. La vision que nous adoptons ici est intégrée en ce sens qu’elle couvre à la fois la logistique magasin et la logistique d’entrepôt. Les enseignes sont regroupées dans notre analyse en fonction des deux critères développés précédemment, l’offre et la standardisation de l’assortiment. L’offre peut-être variée ou réduite, tandis que l’assortiment peut-être normé (par la centrale d’achat) ou construit (par le magasin) en fonction du degré d’auto- 20 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:15 nomie du point de vente. A partir de ces deux critères, notre grille de lecture distingue quatre modèles d’organisation de la logistique. Afin de construire cette grille d’analyse des distributeurs en fonction des modèles identifiés, nous avons procédé à différents entretiens auprès de chefs de rayon en point de vente, de responsables logistiques et de responsables d’entrepôt (Auchan, ED avant passage DIA, Système U). Ces entretiens nous ont permis d’inscrire a priori les modèles Auchan et ED dans les deux cadrans opposés ci-dessous à partir des informations obtenues (pour les autres enseignes, le placement est plus intuitif). Les éléments chez Système U étaient moins clairs et nous n’en avons pas tenu compte. Les entretiens ont été conduits en face à face après prise de rendez-vous. Chacun a duré près d’une demi-journée. Il s’agissait effectuer une première évaluation des différenciations dans les systèmes logistiques : vérification des données des sites internet des entreprises (assortiment effectif/assortiment annoncé, nombre de magasins/entrepôt), évaluation du nombre de flux entrepôts et magasins, évaluation de la polyvalence, des tâches effectuées par les employés et responsables, mode d’évaluation des responsables (performance commerciale vs productivité), critères de performance valorisés dans chaque structure, degré d’externalisation, support aux points de vente, nature, et intégration des systèmes d’information utilisés. Les données issues de ces entretiens, croisées avec des informations secondaires (sites internet de l’ensemble des distributeurs, connaissances sur l’organisation de différents distributeurs, données presse sur l’évolution des enseignes) ont permis d’établir la grille du Tableau 2. Le modèle de l’offre construite/variée (C/V) Le modèle C/V est fondamentalement celui des enseignes multi-spécialistes du type Auchan (jusqu’à 180 000 références en magasin) ou celui d’une enseigne type Leclerc ou Système U, c’est-à-dire de la distribution indépendante. Il correspond au modèle BM-Y chez Volle et al, ou au modèle contingent et spectaculaire chez Badot et Paché, mais nous y intégrons la dimension organisationnelle. L’élément clef est le client. Le modèle se caractérise à la fois par une offre très variée incluant des produits à plus ou moins forte rotation, par un dynamisme promotionnel important et par un ancrage local prononcé. Le succès économique d’un tel modèle repose Vol. 18 – N°1, 2010 20 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management sur la conquête de nouveaux clients toujours plus satisfaits grâce à la compréhension fine de leurs besoins. Dans ce type de modèle, l’organisation du travail est empreinte de la culture commerçante. Elle est davantage préoccupée par le merchandising et le conseil que par l’optimisation des processus. « Dans nos points de vente, il y a quatre fois plus d’employés au m² que chez les hard-discounters », dit Arnaud Mulliez dans une interview au Nouvel Economiste le 08/07/2009. « La grande force d’Auchan, est de pouvoir s’appuyer sur son personnel en contact avec la clientèle ». Lorsque le point de vente est de grande taille, la division verticale et horizontale du travail forte nuit cependant à la bonne prise en charge du client. En effet, la satisfaction client et donc le cœur de métier, se trouvent fragilisés par les failles dans l’organisation du travail et du schéma logistique lorsque la variété et l’autonomie s’accroissent. Ces failles finissent par avoir des conséquences sur la satisfaction des clients et donc sur le cœur du modèle économique. Au niveau des flux logistiques, ils sont variés : livraisons directes en magasin dans le cadre de l’adaptation locale, commandes automatisées, commandes du magasin à l’entrepôt, promotions. Cette variété de flux à gérer est liée à la variété distribuée et génère une complexité de gestion des approvisionnements. L’automatisation des processus y est plus limitée que dans le modèle d’offre « normée/variée » en raison de la liberté d’action laissée au point de vente qui est contradictoire avec la standardisation des processus. L’automatisation dans ce modèle ne sera que partielle. Ainsi, chez Auchan, 12% des flux PGC sont automatisés. Le modèle de l’offre normée/variée (N/V) Le modèle N/V (Tesco, 80 000 références en hyper) fait référence à un distributeur généraliste ou spécialiste dont l’offre est structurée par zone de chalandise ou par pays/zone dans lequel le magasin se situe. C’est le modèle anglo-saxon, qui s’éloigne à la fois des modèles de Volle et al. et de ceux proposés par Badot et Paché. L’offre, plus centralisée, est également réduite aux produits à forte rotation de telle sorte que le CA au mètre-linéaire est très élevé (voir Tableau 1 données Tesco). Les MDD y sont fortement représentées. La surface du magasin est relativement faible et exclue toute réserve importante si bien que le succès d’un tel concept repose sur un système d’approvisionnement et d’organisation du travail en magasin performants ; le modèle est par ailleurs peu tolérant aux ruptures dans la mesure où l’assortiment est construit « au plus juste » : la recherche de l’optimisation de la rentabilité au mètre carré conduit à la suppression des doublons et limite donc les possibilités de report d’achat pour le consommateur. Ainsi, en hypermarché, pour des raisons historiques peut-être, le nombre de références chez Tesco est très inférieur au nombre de références chez Auchan. Si l’offre observée reste élevée, le nombre des flux est faible. Ainsi, l’organisation du travail peut être davantage structurée autour de tâches cohérentes. Les approvisionnements sont aussi plus rationnels puisque les flux sont moins nombreux et les tâches moins variées. C’est dans ce modèle que l’opportunité d’automatisation des approvisionnements sera la plus forte. L’offre, variée et complexe (offre large et profonde), justifie le recours à l’automatisation pour réaliser des gains de productivité. L’offre étant normée, cette automatisation est plus facile à mettre en place. Enfin, cela s’accompagne nécessairement de la concentration des équipes sur des tâches de gestion commerciale (mise en rayon, mise en place) davantage que sur des actions autonomes de développement commercial. Le travail en magasin est davantage standardisé. Bien que les magasins Intermarché soient des indépendants, nous les avons classés dans cette catégorie (figure 1) en raison de la forte rationalisation des approvisionnements menée de longue date dans cette enseigne qui tend à normer la variété. Le modèle de l’offre normée /réduite (N/R) Le modèle N/R est a priori celui des hard-discounters mais il peut s’appliquer aux spécialistes à l’offre homogène (Picard). Il a la particularité de proposer une offre normée et réduite dans la mesure où le point de vente ne choisit pas son assortiment, n’a pas d’autonomie de décision en l’espèce et que le nombre de produits offerts est limité. Le modèle économique repose d’une part sur l’attractivité du prix du panier moyen et d’autre part, sur le contrôle des coûts du concept. Ce modèle est moins sensible aux ruptures en magasin et se caractérise par une organisation des approvisionnements rationalisée et centralisée (chargement du camion dans l’ordre de l’implantation standard des points de vente par exemple, un seul type de flux- livraison d’un seul entrepôt-, camions complets) ; un système d’information interne réduit en raison de la difficulté à justifier des investissements sophistiqués compte tenu de Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:15 21 21 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management la simplicité de la structure, du faible nombre de produits et de la faiblesse de l’activité promotionnelle ou du service à la clientèle ; une organisation du travail qui repose sur la polyvalence du personnel : l’hôtesse de caisse est aussi chargée de remplir les rayons, de faire du « facing », de renseigner les clients. Dans ces points de vente, la faiblesse de la taille de l’assortiment et sa faible variation dans le temps (faible renouvellement des gammes, activité promotionnelle très structurée) et l’espace ne justifient pas le recours à des moyens sophistiqués de gestion. Le modèle de l’offre construite/réduite (C/R) Le modèle de l’offre C/R correspond à celui du point de vente indépendant et relativement isolé qui sélectionne lui-même son assortiment en s’approvisionnant auprès de grossistes ou de cash and carry. L’offre est réduite en raison de la taille du point de vente, et de la dimension artisanale de l’activité. Si la différenciation se perçoit peu dans l’alimentaire où la consommation est normée, elle est plus visible dans les points de vente de vêtements par exemple. Ici, la logistique est heurtée, segmentée, les flux sont variables et dépendent des décisions du « patron » du point de vente qui n’obéit qu’à sa propre logique. L’ensemble de ces quatre propositions prend alors la forme d’un graphe à quatre cadrans ainsi que présenté en figure 1. Intuitivement, quelques enseignes ont été positionnées dans les différents cadrans afin d’illustrer un résultat possible de la démarche. Ces différents positionnements doivent cependant encore être validés. Figure 1 : Positionnement de différentes enseignes en fonction des caractéristiques de construction de l’offre Au total, les hypothèses concernant l’offre devraient trouver une traduction dans l’organisation du travail adoptée et les choix d’investissements. L’intégration des fonctions concerne le degré d’intégration de l’enseigne. Plus la variété est grande, plus il est difficile d’intégrer l’ensemble des fonctions logistiques : entreposage, transport, magasin (réserve déportée, franchise). Au contraire, lorsque l’assortiment se réduit, les groupes de distribution seront davantage intégrés. Comme dans le modèle BM-Y de Volle et al (2008), l’externalisation est plus forte lorsque la variété est plus grande. L’organisation du travail varie d’un modèle à l’autre. La polyvalence présente l’intérêt de mieux adapter les capacités à la demande et de permettre de faire face aux aléas (absences, surcharge de travail). Elle est d’autant plus facile à mettre en place que le point de vente a un assortiment réduit. Lorsque l’assortiment est ample (large surtout ici), la division horizontale du travail entraîne l’apparition d’une structuration telle que la polyvalence est difficile à mettre en place. La variété des flux gérés par le personnel du point de vente est plus grande lorsque l’assortiment augmente. Nous appelons flux ici, ceux qui entraînent une (des) tâche(s) distincte (s) pour les employés et le responsable de l’assortiment. Certains acteurs parviennent à générer de la polyvalence en dépit d’une grande variété (Tesco). L’automatisation des processus étant plus justifiée dans le cas d’un assortiment normé/varié, l’on devrait trouver chez les distributeurs relevant de cette catégorie davantage d’investissements en technologies de l’information localisés dans la coordination magasin/entrepôt/centrale. Dans le modèle construit/varié, les investissements devraient être davantage localisés dans le point de vente lui-même, source de l’attractivité commerciale. Enfin, les investissements dans le système d’information devraient être faibles à nouveau lorsque l’enseigne a un assortiment réduit, quel que soit le mode de construction. Bayle-Tourtoulou et al. (2006), réalisant une étude des taux de rupture à partir des données de sorties de caisse sur plusieurs points de vente, trouvent que plus le point de vente a un assortiment large, moins le taux de rupture est élevé. Ce résultat est cohérent avec l’idée que les points de vente ayant un assortiment large sont davantage focalisés sur la satisfaction client. Ainsi, la recherche de la qualité, 22 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:15 Vol. 18 – N°1, 2010 22 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management mesurée par le taux de rupture, devrait conduire à trouver un taux de rupture plus faible dans les points de vente offrant moins de variété. Apports de la proposition et discussion L’une des difficultés récurrentes dans la logistique de distribution réside dans la capacité à expliquer les choix organisationnels effectués par les distributeurs à travers des modèles applicables à un grand nombre de cas. Bien souvent, l’on recourt à la description pour palier l’absence de modèle explicatif. Les apports déjà longuement cités sont intéressants de ce point de vue. Le travail ici s’inscrit dans la lignée du travail d’Estelle Morcello (1999), mais il doit expliquer à la fois la situation actuelle et les évolutions possibles des distributeurs, quel que soit leur domaine d’activité, en France et ailleurs. Des perspectives derrière ces modèles Une première hypothèse derrière ces propositions : la variété et l’autonomie du point de vente engendrent une complexité accrue de l’organisation et expliquent l’organisation des entreprises. Une première attente dans notre analyse concerne la traduction du modèle « normé/varié » présenté ci-dessus. Selon nous, les technologies disponibles et la maturité du secteur permettent l’apparition d’un nouveau modèle d’organisation de la distribution qui permet de gérer une grande variété, sans accroître les coûts logistiques, tant au niveau du point de vente qu’au niveau des entrepôts et plates-formes. Cette organisation permettrait alors de concilier attractivité et performance comptable. Ce modèle se caractérise par sa capacité à uniformiser les processus d’une grande variété de produits. Les plates-formes sont l’élément caractéristique de cette nouvelle organisation où elles fonctionnent dans un contexte idéal. L’allotissement des commandes par magasin chez le fournisseur ou dans un site dédié, permet de simplifier et d’accélérer les flux au niveau de la plate-forme. Les processus sont uniformisés quel que soit le produit concerné ; par ailleurs, la disparition de la fonction de stockage déléguée aux fournisseurs permet d’uniformiser le traitement des produits et de réduire la variété des types de flux et de manipulation. L’organisation récemment déployée par Carrefour dans le cadre de son plan de transformation est dans cet esprit, tout comme la segmentation des flux chez Wal-Mart, par Tableau 2 : Données à collecter pour construire les cadrans du modèle Elément analysé Critères utilisés Résultats attendus - Nombre de références - Degré de liberté du point de vente dans la structure (interviews, identification des décisions prises par les magasins/ superstructure) - CA/m², CA/ salarié - CA/ référence - % des ventes en promotion Cartographie des distributeurs selon les critères d’autonomie et de variété. Complexité Nombre de flux différents gérés en magasin Nombre d’entrepôts livrant un même magasin Nombre de références gérées par salarié en magasin. Les points de vente gérant le plus de flux sont ceux dans lesquels la variété et l’autonomie sont plus grands Intégration de l’enseigne % d’externalisation de la logistique Externalisation du transport et ou de l’entreposage. Part du personnel logistique propre % franchisés dans le réseau Validation de l’externalisation comme critère de caractérisation des modèles Organisation du travail - Centralisation des processus - Polyvalence en magasin et en entrepôt (interviews, observations, magasin et entrepôt) - Division du travail (interviews, observations) - Rationalisation des fonctions logistiques, facilitation des tâches des opérationnels (id) - Automatisation des processus (idem) - % de plates-formes/entrepôts - % de livraisons alloties Apprécier le mode de fonctionnement du modèle, Investissements - Investissements globaux, % du CA, type d’investissement - Part des investissements en magasin, investissements clients/ invests productivité - Niveau d’intégration du système d’information observé (interview) Davantage d’investissements dans la structure dans le modèle normé/varié, investissements de séduction dans le modèle construit/ varié. Peu d’investissements dans les autres modèles. Recherche de la qualité - Mesure ou non du taux de rupture magasin, - Taux de rupture effectif Evaluer l’attention portée au service client, la rigueur logistique. Affectation du distributeur à un cadran du modèle Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:16 Productivité caractéristique d’un concept, caractérisation du concept 23 23 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management exemple, entre rotations fortes et lentes. La standardisation des opérations en magasin est elle aussi en développement au travers notamment du « prêt-à-vendre » développé par Carrefour par exemple dès 2004 pour être déployé en 2006 mais qui existe depuis de nombreuses années chez Tesco au Royaume Uni ou chez les hard discounters. Le prêt à vendre consiste à présenter les produits, suivant leurs caractéristiques, en cartons, ¼ de palettes, ½ palettes ou palettes, facilitant ainsi le chargement des produits par les opérateurs et idéalement, leur circulation dans la chaîne d’approvisionnement. Bénéfices attendus de cette évolution ? La réduction des coûts de la supply chain, une exposition des promotions facilitée, une maintenance des assortiments permanents plus aisée, une meilleure visibilité de l’offre et une amélioration des processus en magasin pour le contrôle de la péremption, le suivi des ruptures, la maîtrise du niveau de stock rayon (ECR 2006). Cette démarche, même si elle ne peut s’appliquer à tous les produits, vise ainsi à la fois l’augmentation de la productivité à tous les niveaux de manutention logistique et celle de l’attractivité de l’offre auprès des consommateurs. Tesco a vu son chiffre d’affaires continuer de progresser à nombre de points de vente constant en dépit de la crise ; le CATTC/m² a ainsi évolué de £12420/m² en 2004 à £13824/m² en 2008. La productivité est sans cesse améliorée et le groupe a réalisé près de 550 millions de £ d’économies en 2009/2010 (prêt-à-vendre, transport, énergie) et en prévoit autant pour la prochaine année. Le centre de Bangalore, enfin, dédié au développement des technologies de l’information au sein du groupe, est une démonstration des investissements consentis dans ces activités (3100 employés y travaillent). Cette recherche d’une meilleure efficacité du travail aux différents niveaux logistiques s’accompagne d’une réduction du nombre de références, avec un recentrage notable sur les marques de distributeur. Cette réduction du nombre de références est liée entre autres à la sélectivité des critères d’insertion dans le système logistique : allotissement des commandes, adhésion au prêt-à-vendre, généralisation de l’usage de la RFID pour accélérer les flux. Elle est également due à une structuration très normée de l’offre, par exemple en termes de MDD, 1er prix, marque fabricant. Même si l’offre reste ample, la productivité du système de distribution s’accompagne d’une rationalisation de l’offre et, vraisemblablement, de sa normalisation. C’est là, sans doute une fragilité du modèle : risquer de se priver de variété, 24 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:16 les gains de productivité ne compensant pas la perte de chiffre d’affaires. Le modèle que nous avons désigné par « normé/varié » est émergent. Il reste à en valider les caractéristiques précises afin de faire apparaître les différences par rapport aux autres modèles autrement qu’intuitivement, selon la méthodologie proposée ci-dessus. Plasticité des modèles à différents contextes Une enseigne peut évoluer et circuler entre les différents cadrans proposés ci-dessus (figure 1). Cette évolution peut-être interprétée comme une évolution historique, comme suggéré chez Colin et Paché (2001). Le passage des distributeurs d’un cadran à l’autre serait alors seulement lié à un degré de maturité du secteur de la distribution. On retrouve alors nécessairement une convergence des comportements des distributeurs vers un même modèle faisant figure de référent à un moment donné. Mais l’évolution des distributeurs d’un modèle à l’autre peut-être liée aussi à un choix stratégique du distributeur en termes de management de ses équipes et de son offre. En effet, s’il nous semble a priori que Carrefour et Tesco figureront dans le cadran du modèle émergent « normé/varié », d’autres distributeurs peuvent ne jamais se situer tout à fait dans ce modèle référent. Le maintien d’un fort degré d’autonomie en magasin et d’une offre très large rend difficile la mise en place de la nouvelle organisation. La proportion de l’assortiment qui pourra être normée, automatisée, ou en prêt-à-vendre, sera inférieure à ce qui pourra être rencontré dans le modèle « normé-varié », ce qui réduit l’intérêt de l’organisation. En revanche, la dynamique commerciale, la mobilisation des équipes animées par le zéro ennui de la responsabilité de l’activité et des résultats restent le bénéfice propre au modèle « construit/varié ». La question peut-être abordée différemment en prenant, par exemple, la formule du retour sur investissement dans la distribution ainsi que proposée entre autres par Martin Christopher (2000, p. 51) (voir encadré p. 25). Le distributeur peut ainsi mettre l’accent sur la marge (1), sur les ventes/linéaire développé (2), c’est-à dire la productivité du linéaire, ou sur les deux à la fois. Dans le cadran « normé/varié », s’il est possible de maîtriser les coûts en conservant une offre variée, le modèle pourrait se traduire financièrement à la fois par un taux de marge élevé (maîtrise des coûts) et par une productivité du linéaire élevée du fait de l’attractivité de l’offre. Vol. 18 – N°1, 2010 24 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Dans le modèle construit/varié, l’accent est mis sur l’attractivité et donc le chiffre d’affaires au mètre linéaire, tandis que dans le modèle normé réduit, l’accent est mis sur le taux de marge (maîtrise des coûts). Mais la grille d’analyse que nous proposons doit également pouvoir rendre compte des structures logistiques dans différents contextes : différents types de distributeurs, y compris les spécialistes, mais aussi différentes régions du monde. Ainsi, la distribution de produits électriques aux industriels, la quincaillerie industrielle ou encore la distribution de produits pharmaceutiques, pourraient relever du modèle « construit/ varié » ou « normé/varié » suivant l’autonomie laissée aux points de vente. C’est d’ailleurs dans ces secteurs, avec le textile, que l’on trouve les plus importants investissements en automatisation du picking compte tenu de la variété. Chez ces distributeurs, l’évolution actuelle vers des développements d’enseignes, regroupements et restructurations logistiques (Moinier, 2009), la distribution s’organise autour de concepts variés. Au niveau international en France, l’essentiel des travaux est dû à Colla (2001, 2008) et concerne l’Europe. Il y aurait pourtant à apprendre de comparaisons plus nombreuses en intégrant les facteurs règlementaires, historiques et culturels. Le cadran « construit/réduit », par exemple, caractéristique du commerce isolé indépendant, correspond au modèle d’organisation logistique où la fonction de gros garde tout son sens ; on le trouve dans de nombreux pays, qu’ils soient développés (Asie) ou en voie de développement. Des écarts par rapport aux modèles de référence permettraient également de comprendre les facteurs de développement d’un modèle plutôt que d’un autre. L’évolution à l’intérieur de la figure 1 ci-dessus se fait à notre sens suivant les étapes ci-après. D’abord le commerce indépendant isolé est majoritaire, avec une fonction de gros prédominante, ensuite, la distribution se développant, elle se différencie en évoluant soit vers le modèle « construit/varié », avec l’intégration par les distributeurs de la fonction de gros, soit vers le modèle « normé/réduit » ; enfin, ces deux modèles peuvent évoluer vers le modèle « normé/varié », mais pas nécessairement, ce qui peut accroître la variété des modèles en présence. Il faut alors étudier les facteurs qui favorisent l’évolution d’un modèle à l’autre. Il serait possible alors de mieux comprendre pourquoi, en Asie, le com- merce de proximité du type « convenience store » reste majoritaire en dépit du développement des hypermarchés et supermarchés. Discussion sur les propositions et confrontation avec d’autres propositions Les différents arguments développés ci-dessus rejoignent les propositions de Badot et Paché (2007) ainsi que celles de Volle et al sur plusieurs points. Volle et al distinguent deux business modèles, le BM-X, centré sur les coûts et le BM-Y centré sur la proposition de valeur au client. Le modèle BM-X consiste à simplifier la proposition de valeur tout en diminuant les coûts pour gagner en efficience ; il faut alors alléger les coûts d’exploitation, externaliser les coûts et générer des économies d’échelle sur le retailing mix (standardisation, développement de la franchise). Les développements précédents montrent que cette standardisation passe par une centralisation, une faible autonomie au niveau du point de vente, une forte polyvalence, de faibles investissements notamment dans le système d’information qui reste rudimentaire, et une forte intégration de l’ensemble des fonctions dans la logique de la réduction des coûts. Ces caractéristiques ne nous semblent cependant pas propres aux modèles à bas coûts. Elles sont aussi liées à la normalisation de l’assortiment qui justifie et rend possible la polyvalence, l’intégration, ainsi que la faiblesse des investissements. L’entreprise Picard, par exemple, n’investit pas davantage dans les systèmes d’information et est intégrée. Cela n’est pas dû à son positionnement prix, mais plutôt à la taille réduite d’un assortiment par ailleurs très homogène. Autrement dit, les caractéristiques logistiques d’un modèle type BM-X peuvent être étendues à des distributeurs ne poursuivant pas nécessairement une stratégie de domination par les coûts. Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:16 25 25 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Dans le modèle BM-Y, le distributeur recherche l’attractivité de sa proposition de valeur. « Il cherche à créer de la marge non pas à partir de la rationalisation des ressources et compétences, mais à partir de l’offre. » Auchan est représentatif de ce modèle BM-Y, du moins dans la version traditionnelle de ses hypermarchés. Notre analyse conforte l’analyse faite par Volle et al sur le modèle BM-Y. En effet, Auchan, qui génère un fort chiffre d’affaires/m² caractéristique de l’attractivité forte, connaît une forte externalisation logistique comme proposé par ces auteurs et une forte activité promotionnelle. Néanmoins, le troisième modèle que nous proposons, qui combine de notre point de vue à la fois l’attractivité et la maîtrise des coûts n’apparaît pas dans l’analyse de ces auteurs. Le dernier modèle, correspondant à l’indépendant isolé n’apparaît pas non plus. Or, les caractéristiques logistiques de ce type de point de vente, même si elles semblent peu intéressantes pour être rudimentaires, mériteraient davantage d’attention. Badot et Paché (2007), suggèrent quant à eux que la mesure comptable de la performance logistique n’est pas nécessairement justifiée dès lors que le concept de point de vente valorise plutôt l’expérience vécue. Du point de vue de ces auteurs, pour certains concepts, il peut être plus valorisant de jouer la désorganisation logistique, à la limite la rupture, pour faire vivre une expérience unique au visiteur en magasin y compris pour lui donner l’impression qu’il bénéficie d’un prix vraiment bas. Le texte de Badot et Paché invite certains distributeurs à être contre-performants, à jouer le « zéro ennui » contre le « zéro défaut » pour gagner en parts de marché. Leur approche reste contingente cependant et ils proposent un outil, la roue de la logistique, pour expliquer l’évolution de la focalisation de la logistique sur la performance comptable ou commerciale. La « roue de la logistique » s’apparenterait à la « roue de la distribution » : au début de l’existence du format, la logistique serait peu importante ; tandis que le format se développe, l’attraction de la clientèle se fait par un plus grand service à la clientèle avec une importance accrue accordée à la logistique ; enfin, lorsque la concurrence s’intensifie, l’importance de la logistique est réduite à nouveau en raison de la concurrence par les prix qui s’établit. L’approche est ainsi double. D’une part, l’accent est mis sur l’importance de la relation entre le degré d’enchantement du consommateur et l’importance de la logistique : lorsque l’offre est spectacu- 26 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:16 laire, attractive, l’importance de la logistique est moindre : la cohérence de l’offre, la qualité de l’expérience vécue l’emportent sur la rupture observée en magasin. D’autre part, l’accent est mis sur la dépendance de l’organisation logistique par rapport à des facteurs extérieurs, tels que la manière dont la concurrence s’exerce. Autrement dit, ce que soulignent Badot et Paché finalement, c’est la vraisemblable contingence des modèles logistiques dans la distribution, en fonction de l’offre relativement à la demande et en fonction du degré de concurrence. Cela suggère également qu’il puisse y avoir convergence des modèles notamment lorsque la concurrence est plus forte : dans ce cas, les ruptures en point de vente auraient moins d’importance. Or, ce que l’on observe en cette période de concurrence forte et de crise, est plutôt un accroissement des efforts de rationalisation logistique chez la plupart des acteurs et une plus grande attention portée aux ruptures : chez Auchan, qui passe d’une mesure hebdomadaire à une mesure quotidienne en PGC ; chez ED qui évolue vers l’enseigne DIA, plus qualitative ; chez Carrefour, le plan de rationalisation concerne largement la logistique. De la même manière, le niveau de stock, relativement élevé en France jusqu’à présent, fait l’objet de davantage d’attention : les chefs de rayon sont incités à suivre cet indicateur et les enseignes se sont fixé des objectifs de réduction du nombre de jours de stocks. Pourtant, le stock fait partie intégrante du concept du discount en France comme en témoignent les chiffres (LSA 25 mai 2010). Or, la présentation massive et le stock faisaient partie intégrante du concept du discount. Le nouveau cadre de développement de la logistique de distribution ne s’oppose pas cependant, comme nous l’avons indiqué précédemment, à ce que les coûts soient réduits en même temps que l’attractivité accrue. Tesco ou Carrefour ont pu sortir rapidement des produits discount pour répondre au nouveau contexte, ce qui témoigne aussi d’une bonne réactivité. Ces enseignes, par une combinaison habile au niveau régional, parviennent à offrir des produits locaux ou régionaux sans complexifier les tâches des points de vente. L’enchantement ne s’oppose donc pas nécessairement à la vision comptable qui passe désormais par une organisation scientifique de la distribution. Ce qui doit évoluer cependant, c’est le mode de management des équipes : la responsabili- Vol. 18 – N°1, 2010 26 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management sation et l’autonomie en magasin est dans certains cas un élément de la culture d’entreprise et un vecteur de motivation du personnel. Plutôt que le zéro ennui des consommateurs évoqué par Badot et Paché, les enseignes peuvent rechercher le zéro ennui des équipes commerciales. Le défi que recèle le modèle « normé/varié » est alors celui de maintenir un bon niveau de motivation au sein du personnel par l’enrichissement de tâches qui pourraient devenir routinières. De nombreux travaux portant sur le turnover des employés (Lum et al, 1998, Griffeth et al. 2000) montrent que ce dernier est d’autant moins élevé que les personnels sont impliqués dans l’organisation et satisfaits au travail. Il existe également un lien entre chiffre d’affaires et implication dans l’organisation, le lien avec la satisfaction au travail étant moins clair. Cependant, lorsque les activités sont très standardisées, les emplois faiblement qualifiés, ce lien s’étiole et l’impact du turnover des employés sur le chiffre d’affaires est nul (Arthur 1994, Guthrie 2001, Siebert et al 2006). Ce n’est donc pas tant l’ennui des consommateurs qu’il faut craindre dans la focalisation comptable et la rationalisation. Celui-ci sera combattu par la capacité des systèmes à offrir davantage de variété à moindre coût à l’instant t comme sur une période plus longue avec l’accélération de l’introduction de nouvelles variétés. C’est plutôt l’ennui des personnels en magasin dont les compétences risquent d’être uniformisées et simplifiées pour devenir indépendantes finalement du chiffre d’affaires du point de vente. « Etre directeur de magasin, c’est fantastique ! 600 employés, 15 000 à 30 000 clients par semaine –l’équivalent d’une petite ville qui vous rend visite-, et vous êtes aux manettes ! ». Ainsi s’exprime Arnaud Mulliez dans l’interview au Nouvel Economiste en 2009, précisant aussitôt que le turnover ne dépasse pas 8 % chez Auchan. La différenciation des modes de management du personnel est peut-être la clé de la différenciation des modes d’organisation des distributeurs. Conclusion Partis de l’idée que, en dépit de convergences évidentes, les organisations logistiques des distributeurs peuvent varier en fonction de leur offre et de l’autonomie des points de vente, nous avons proposé un modèle à quatre cadrans susceptible de regrouper l’ensemble des distributeurs, quels que soient leur domaine d’activité et leur localisation. Ce modèle permet d’étudier l’organisation du distributeur en intégrant les entrepôts/plates-formes aussi bien que les points de vente. Nous proposons une grille d’analyse de ces différents modèles qui suppose une collecte de données et une analyse pour valider la crédibilité de notre proposition. Un certain nombre de données seront difficiles à obtenir sous forme chiffrée chez l’ensemble des distributeurs et il faudra alors recourir à des observations pour la validation (investissement dans les systèmes d’information par exemple). Cette contribution, s’appuyant sur des critères anciens tels que l’ampleur de l’assortiment et l’autonomie des points de vente, a le mérite de nous permettre de revenir à des fondamentaux. Bien qu’ayant un parfum de « déjà vu », notre approche revitalise l’analyse en mettant en évidence le développement d’un nouveau modèle de distribution et en proposant d’autres critères d’analyse des distributeurs. Elle complète également utilement les modèles récemment proposés par Volle et al (2008) et Badot et Paché (2007) en nuançant les apports de ces auteurs au plan logistique. L’attractivité et la vision comptable ne s’opposent alors pas nécessairement, de même que les caractéristiques identifiées par Volle et al dans leurs modèles peuvent être étendues à d’autres distributeurs que ceux qu’ils envisageaient. Références bibliographiques et sources Arthur J. B. (1994), « Effects of human resource systems on manufacturing performance and turnover», Academy of Management Journal, 37, pp. 670-687. 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Entretiens conduits en 2009 Responsable logistique de deux hypermarchés Auchan Responsable logistique d’un magasin Leroy Merlin Responsables de rayon PGC d’un hypermarché Auchan Responsables d’entrepôt (et visites) Auchan, Système U, ED. Exploitation des données des sites internet des entreprises citées (rapports d’activité annuels) sur l’année 2008 (avant crise pour la France). Vol. 18 – N°1, 2010 28 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Logistique, Supply Chain Management et stratégie orientée développement durable : une revue de la littérature Christine BELIN-MUNIER Université de Bourgogne, Laboratoire ThéMA [email protected] La présente étude repose sur l’analyse de 111 articles parus entre 2004 et 2009 sur l’intégration d’objectifs à la fois économiques, écologiques et/ou sociaux dans la chaîne logistique. L’examen de l’origine disciplinaire et géographique des auteurs montre l’intérêt croissant de cette recherche pour le monde scientifique, mais le nombre de tests reste limité et beaucoup d’études sont encore exploratoires. Une analyse synthétique des travaux les plus récents paraît donc pertinente. Après avoir identifié et défini les différents concepts utilisés par les chercheurs comme la responsabilité environnementale et sociale de la logistique, le management vert de la chaîne logistique, le management de la chaîne logistique inversée et le management durable de la chaîne logistique, l’étude recherchera les principaux leviers du développement durable dans la chaîne logistique et les répercussions des pratiques durables sur les performances de ces chaînes. Le développement durable fait l’objet d’une recherche abondante. Selon Linton et al (2007) plus de 700 articles sur le thème du développement durable ont été publiés en 2005 en sciences de gestion. Le développement durable est par ailleurs étudié dans de nombreuses disciplines. Toujours selon Linton et al (2007) le développement durable concerne des disciplines très diverses comme les sciences de la terre et de l’environnement, la médecine, les sciences des matériaux, l’agriculture et la biologie, l’économie, les sciences sociales et les sciences de gestion. Pour le Supply Chain Management (SCM), l’examen de 8 revues logistiques sur 10 ans de Abukhader et Jönsen (2004) montre que l’environnement est un domaine relativement moins traité, quelque soit la revue, en comparaison avec le marketing, le management ou encore les technologies, techniques et concepts, mais qu’il est bel et bien présent. L’appel à communications sur le thème du Supply Chain Management dans un environnement durable par le Journal of Operations Management en 2007 a donné lieu à 50 propositions dont 7 ont été retenues pour une publication dans un numéro spécial (n°25). L’appel à communication sur le thème de la durabilité et du SCM par l’International Journal of Production Economics a donné lieu à 37 propositions pour 10 publications en 2008 (volume 111) ; celle par le Journal of Cleaner Production a donné lieu à 42 propositions dont 15 ont fait l’objet d’une publication en 2008 (dans le volume 116). Pour Pagell et Wu (2009) l’intérêt pour les SC vertes et maintenant durables croît depuis une dizaine d’années. Face à cette abondance, une revue de la littérature trouve aujourd’hui sa place. Le travail présenté ici a un double objectif : faire un Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:16 29 29 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management état des lieux de la recherche en SCM et en Logistique sur le développement durable et mettre cette recherche en perspective avec la recherche sur le même thème en sciences de gestion qui lui est antérieure. Les axes de recherche utilisés par les spécialistes du SCM et de la logistique permettent-ils d’enrichir les concepts de développement durable appliqués à l’entreprise par les gestionnaires et de mieux comprendre les pratiques d’entreprises et leurs répercussions sur les performances? Le présent article est donc susceptible d’un double apport, conceptuel et managérial. ronnement se retrouvent donc pour plus de la moitié d’entre elles dans des revues non logistiques. La difficulté qui en découle tient à la diversité des axes de recherche, des concepts utilisés et du langage. L’analyse en termes de cycle de vie est par exemple plus présente dans les revues spécialisées en environnement. Il est de notre point de vue cependant important de tenir compte des deux types de travaux pour garder toute la richesse de ce thème de recherche, la multi disciplinarité étant un point fort de la recherche en SCM (Boyer, 2007)3. Un travail de ce type se heurte cependant à une difficulté liée à l’origine des travaux de recherche sur la logistique, le SCM et le développement durable. La revue de la littérature de Seuring et Müller (2008) sur le SCM durable pour la période 1990 à 2007 (hors SC fermées, achats publics et demande éthique) les a conduit à analyser 191 articles dont 81 issus de revues sur le management durable ou environnemental1 et 83 de revues traditionnelles sur les opérations ou le SC2 ; les articles restant proviennent soit de revues éthiques (11) soit de revues plus techniques (16). Des études sur la logistique et l’envi- Le présent article repose donc sur une revue de la littérature pour une période allant de 2004 à début 2009 visant à faire un point sur l’état de la recherche sur le lien entre le développement durable et la logistique et le Supply Chain management. Les articles ont été sélectionnés après un examen systématique des sommaires de plusieurs revues de logistique, de revues généralistes en gestion et de revues centrées sur la gestion environnementale ou le développement durable disponibles sur la base documentaire des revues en ligne de l’Université de Bourgogne. La démarche nous a conduits à sélectionner 111 articles. Tableau 1 : Origine et date de parution des travaux autres que les modélisations : 2004 Revue 2005 2006 International Journal of Production Economics Journal of Operations Management 1 1 Production and Operations Management 1 International Journal of Operations and Production Management 2 2007 2008 1 9 5 1 1 4 3 3 1 1 1 1 5 International Journal of Physical Distribution and Logistics Management 1 1 2 Journal of Purchasing and Supply Management 1 Journal of Business Logistics 1 5 2 3 2 3 Total 4 Journal of Cleaner Production 1 Greener Management International 1 Journal of Business Ethic 9 3 4 15 12 1 45 1 10 1 13 2 3 1 1 1 Journal of Environmental Management 7 1 Total 2 1 Autres Total 6 1 8 2 Logistique & Management 30 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:17 10 3 Journal of Supply Chain Management International Journal of Logistics : Research and Applications Total 1 International Journal of Production Research 1 - Principalement le Journal of Cleaner Production et Greener Management International 2 - 2 - Principalement SCM, an International Journal et le Journal of Operations Management 3 - K Boyer (2007), Editorial : Empirical Elephants –Why Multiple Methods are Essential to Quality Research in Operations and Supply Chain Management, Journal of Operations Management, doi :10.1016/j.jom.2008.03.001 2009 10 1 1 4 13 4 1 4 9 20 29 1 22 9 2 76 Vol. 18 – N°1, 2010 30 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Sur la période, plusieurs revues ont consacré un numéro spécial au thème de la durabilité : le numéro 25 du Journal of Operations Management (2007, sur le SCM dans un environnement durable), le numéro 16 du Journal of Cleaner Production (2008, sur la durabilité et le SCM), le numéro 111 de l’International Journal of Production Economics (2008, sur le SCM durable), le numéro 13.1 de Logistique & Management (2005, sur le développement durable). Sur les 111 articles, 35 sont des modélisations de problèmes assez techniques. Sur les 35 articles, 26 sont consacrés à une problématique liée à la logistique inversée (« reverse logistics ») qui apparaît clairement comme la problématique dominante. Concernant la provenance des travaux, 11 proviennent de l’International Journal of Production Economics, 4 de l’International Journal of Physical Distribution & Logistics Management, et 8 du Journal of Cleaner Production. Nous retrouvons donc ici les deux origines logistique et environnementale des travaux. Pour la suite de l’étude nous avons écarté ces modèles techniques qui constituent un domaine de recherche à part entière, pour nous concentrer sur les autres approches plus stratégiques (76 articles) permettant de mieux comprendre les concepts (conformément à notre premier objectif), les pratiques et leurs incidences sur les performances (conformément à notre second objectif). Le tableau 1 donne la revue d’origine et l’année de publication des 76 articles retenus pour notre étude. Il montre l’intérêt croissant pour la question, la grande variété des revues et les deux sources possibles : revue logistique ou revue liée au développement durable. L’origine géographique des chercheurs est par ailleurs très diverse4 ce qui montre l’intérêt général pour la question. Pour la suite de l’étude, nous allons tout d’abord rechercher dans ces articles les différents concepts et pratiques liés au développement durable décrits par les chercheurs en les mettant en relation avec ceux développés plus généralement en gestion pour tenter d’évaluer la pertinence des recherches liant logistique, SCM et développement durable d’un point de vue conceptuel et théorique ; dans un second temps, nous examinerons les facteurs explicatifs de ces pratiques et le lien entre ces dernières et les différentes performances de l’organisation, pour appréhender la pertinence managériale de ces recherches. Les concepts et les pratiques Les concepts de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) et de développement durable appliqués à la logistique Les concepts de responsabilité sociale et de développement durable sont depuis longtemps intégrés par les gestionnaires pour analyser les stratégies des entreprises. Le problème de la responsabilité des entreprises, notamment en matière sociale, n’est pas nouveau. Les auteurs utilisent les notions de Corporate Social Responsability (CSR) ou de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). Pour Ciliberti et al (2008a) les premières formalisations peuvent être attribuées à Bowen, en 1953. Selon Bowen, intégrer l’intérêt général dans les décisions des entreprises permet à ces entreprises de préserver leur liberté en écartant le contrôle de la société. A la même époque, pour Druker5 (1954) la responsabilité sociale des entreprises découle de leur pouvoir économique. Vingt ans plus tard, la notion est à nouveau développée par Davis6 (1973) et Caroll7 (1979) et se précise : la responsabilité sociale des entreprises apparaît comme une démarche volontaire allant au-delà des contraintes économiques, techniques et légales de l’entreprise. Dans les années 1980, la responsabilité sociale des entreprises s’enrichit du concept de parties prenantes développé par Friedman8 (1984) : les « stakeholders ». Les parties prenantes d’une société qui ne détiennent pas forcément des titres de cette société sont néanmoins concernées par les décisions qu’elle prend ou ont une influence sur elle. La responsabilité sociale de l’entreprise consiste à intégrer leurs attentes dans les décisions de l’entreprise. A partir de la fin des années 1980, la notion de responsabilité sociale de l’entreprise inclut la notion de développement durable9 ; les décisions de l’entreprise doivent intégrer trois dimensions : une dimension économique (condition nécessaire à sa viabilité), une dimension environnementale et une dimension sociale. Le développement de l’entreprise doit concilier ces trois orientations. Cet élargissement progressif du sens de la responsabilité sociale en rend les frontières de plus en plus floues et la transforme en un concept évolutif et non figé10. Dans ce contexte, quelle est la part de la responsabilité de la fonction logistique dans la responsabilité sociale de l’entreprise ? Pour Wu et Dunn (1995) il y a déjà 15 ans, beaucoup de décisions logistiques ont des répercussions sur l’environnement. Les sché- Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:17 4 - USA : 26 articles, Canada : 8, Chine : 8, Thaïlande, Taïwan, Singapour, Indonésie, Nouvelle Zélande, Philippines : 1, Hong-Kong : 4, Inde : 1, Royaumes Unis :11, France : 9 dont 3 dans des revues anglo-saxonnes, Allemagne, Espagne, Italie : 3, Pays-Bas : 2, Hollande, Grèce : 1, Suède : 5, Norvège : 1, Finlande : 1 , Brésil, Philippines, Emirats Arabes Unis, Australie :1 5 - Cité par Acquier, 2008, Développement durable et management stratégiques : piloter un processus de transformation de la valeur, actes de l’AIMS. 6 - cité par Ciliberti et al, 2008a et Acquier, 2008 7 - cité par deHond et Bakker, 2007, Ideologically motivated activism : how activist groups influence corporate social changes activities, Academy of Management Review, vol 32, n°3, pp 901-924. 8 - cité entre autres par Dupuis, 2007 ; Ciliberti et al, 2008a. 9 - De Brito et al, 2008 ; Lauriol, 2004, le développement durable à la recherche d’un corps de doctrine, Revue Française de Gestion, n°152, pp 137-150 ; Rubinstein, 2006, Le développement de la responsabilité sociale de l’entreprise, une analyse en termes d’isomorphisme institutionnel, Revue d’Economie Industrielle, n°113, pp 83-105 ; Weber, 2008 ; Reynaud et al, 2007,La responsabilité sociale de l’entreprise à l’épreuve de l’Europe, Revue Française de Gestion, n°180, pp 109-130 ; Szekely et Knirsch, 2005, Responsible Leadership and Corporate Social Responsibility: metrics for Sustainable Performance, European Management Journal, vol 23, n°6, pp 628-647 10 - Dupuis, 2007, La RSE, de la gouvernance de la firme à la gouvernance de réseau, Revue Française de Gestion, n°180, pp 159-175 ; Bensebaa et Béji-bécheur, 2007, Pragmatisme et responsabilité sociale de l’entreprise, Revue Française de Gestion, n°180, pp 177-198 ; Sjöström, 2008, Shareholders Activism for Corporate Social Social Responsibility : what do we know?, Sustainable Development, n°16, pp 141-154 ; Scherer et Palazzo, 2007, Toward a political conception of corporate responsibility : business and society seen from a Habermasian perspective, Academy of Management Review, vol 32, n°4, pp 1096-1120 ; Hull, 2008, Sustainable Development: premises, understanding and prospects, Sustainable Development, vol 16, pp 73-80 ; Matten et Moon, 2008, « Implicit » and « explicit » CSR : a conceptual framework for a comparative understanding of corporate social responsibility, Academy of Management Review, vol 33, n°2, pp 404-424 . 31 31 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management mas d’approvisionnement et de distribution par exemple ont des répercussions sur le taux de remplissage des véhicules et le mode de transport utilisé. D’autres décisions comme le choix des emballages de transport, le choix du transporteur, la logistique de retour des produits ont également des répercussions sur l’environnement. Il est donc important pour ces auteurs d’intégrer la logistique dans l’analyse environnementale. Par ailleurs, les techniques logistiques traditionnelles comme le juste à temps ou le cross-docking ont des répercussions sur la performance économique mais aussi sur l’environnement ; il convient donc d’approfondir l’analyse de ces techniques en ajoutant à la dimension économique une dimension plus écologique11. La contrainte environnementale passe progressivement du produit au processus. Aujourd’hui, pour Ciliberti et al (2008a), la logistique représentant la moitié de la valeur ajoutée industrielle, l’étude de la responsabilité sociale de la logistique est tout à fait pertinente. La responsabilité de la logistique peut soit se limiter à une responsabilité environnementale soit s’étendre et inclure des composantes plus sociales, mais la plupart des travaux portent sur l’environnement. Achats verts, logistique inversée et conception du produit sont pour Vachon et Klassen (2008) les composantes du management environnemental. La prise en compte des problèmes de responsabilité sociale et de durabilité par la logistique (« Responsabilité Sociale de le Logistique », RSL) induit différentes pratiques dans l’entreprise. L’analyse de 36 articles permet à Ciliberty et al (2008a) d’identifier des pratiques pouvant être regroupées en 5 domaines : les achats socialement responsables (16 articles), le transport durable (8 articles), l’emballage (2 articles), l’entreposage (2 articles) et la Reverse Logistics (8 articles). Le moindre intérêt actuel pour l’emballage peut s’expliquer par l’antériorité de cette question. 11 - Wu HJ, Dunn, SC, 1995, Environmentally responsible logistics systems, International journal of Physical Distribution & logistics Management, vol 25, issue 2, pp 20-39 Pour les achats socialement responsables, les décisions d’achat sont prises en tenant compte des conséquences sociales dont se préoccupent les parties prenantes. Pour Carter et Jennings (2004) les achats responsables incluent les achats environnementaux (appelés aussi achats « verts » par certains auteurs), et les achats incluant des critères sociaux et éthiques. Les transports durables remplissent les besoins de mobilité en préservant et amélio- 32 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:17 rant la santé des hommes et l’écosystème, en assurant progrès économique et justice sociale, maintenant et dans le futur. Le développement du transport dépend du nombre moyen de maillons de la chaîne logistique, de la longueur moyenne de ces maillons, du coefficient de chargement et des éventuels transferts modaux (Allievi Dorosz, 2005). Pour Quack et Koster (2007), le transport routier dans les aires urbaines génère en particulier l’émission de polluants, l’utilisation de fuel fossile, des accidents corporels, du bruit, la congestion des centres villes, des vibrations, une diminution des espaces verts ; il nuit à la vue, aux infrastructures et aux édifices en partie historiques. Browne et al (2006) quant à eux, montrent l’importance du transport point de vente/consommateur pour la consommation d’énergie liée au transport, à travers deux exemples. L’emballage durable ajoute une valeur en contenant efficacement le produit et en le protégeant quand il bouge le long de la Supply Chain. Il sert de support à une consommation responsable et informée. Il utilise avec le plus d’efficience les matériaux et les énergies, des matériaux recyclés, ou encore des matériaux non dangereux pour la santé et les écosystèmes. Pour l’entreposage durable, les structures, les outils de manutention et la gestion des ressources humaines doivent être conformes au développement durable. Enfin, la gestion du produit en fin de vie doit être intégrée à la logistique. Pour Kocabasoglu (2007), la logistique « inversée » (“Reverse Logistics”) est une série d’activités necessaires pour récupérer le produit chez le consommateur pour le détruire ou lui redonner de la valeur. De plus en plus la chaîne logistique traditionnelle se double d’une chaîne logistique « inversée » (“Reverse Supply Chain”, RSC). Cette extension a été par ailleurs renforcée par la législation rendant les entreprises en partie responsables des produits en fin de vie (notamment en Europe pour les D3E). Si les retours sont ré-intégrés dans le processus de production, le circuit devient fermé (“closed loop”) ; sinon il reste ouvert (“open loop”). La logistique et le SCM inversés font l’objet d’une recherche abondante, tant sur le plan technique (26 articles sur 35 pour notre revue de la littérature), que sur le plan stratégique (21 sur 76). La logistique inversée n’est pas une image symétrique de la logistique « aller ». Pour Srivastava (2008), l’examen de la littérature et 84 interviews de Vol. 18 – N°1, 2010 32 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management parties prenantes laisse supposer que la logistique inversée est plus complexe que la logistique traditionnelle : elle doit être plus réactive, elle est conduite par l’offre et est tributaire du rythme des retours. Elle doit donc faire l’objet d’une analyse bien spécifique. Pour French et la Forge (2006), les flux caractérisant la logistique des retours sont très divers. Les intervenants de la chaîne logistique inversée peuvent être les mêmes que ceux de la chaîne logistique traditionnelle ou être des intervenants dédiés à cette nouvelle chaîne. Pour Gou et al (2008), la collecte des retours peut s’appuyer sur les structures de la chaîne « aller » en passant par les centres de distribution de la chaîne « aller » ou sur des structures spécifiques de la chaîne « retour ». La réutilisation des produits passe par le « remanufacturing » qui est une stratégie de production dont l’objectif est la revalorisation de produits usés à travers l’utilisation de composants fonctionnant correctement (Qu, 2008). L’étude des rapports non financiers de Ciliberti et al (2008a) de 83 sociétés italiennes (certifiées AA 1000, GRI, GC ou EMAS) permet d’isoler 47 pratiques sur lesquelles les sociétés communiquent : • les Achats responsables (24 pratiques) : cités dans 56% des rapports • les Transports durables (13 pratiques) : cités dans 20% des rapports • les Emballages durables (2 pratiques) : cités dans 6% des rapports • l’Entreposage durable (2 pratiques) : cité dans 1% des rapports • la Reverse Logistics (6 pratiques) : citée dans 17% des rapports Les achats responsables apparaissent donc comme la pratique dominante, devant les transports et la logistique inversée. L’entreposage n’est que très rarement cité en 2008. La recherche sur le lien entre la fonction logistique dans l’entreprise et la durabilité permet donc d’identifier et de définir des pratiques spécifiques pour les entreprises. Ces pratiques sont mises en avant par les entreprises, notamment par le biais des rapports non financiers. L’étude du lien entre logistique et durabilité paraît donc pertinente. Mais la logistique n’est pas limitée aux frontières des entreprises. Elle est de plus en plus inter organisationnelle. La question que l’on peut alors se poser concerne les répercussions des liens logistiques sur les pratiques et les stratégies des entreprises en faveur d’un développement plus durable. L’existence de ces liens permet de passer de la notion de Responsabilité Sociale de la Logistique (RSL) à celle de responsabilité étendue à la Supply Chain ou à la chaîne logistique. La responsabilité étendue à la chaîne logistique La concurrence aujourd’hui est de moins en moins entre des sociétés isolées et de plus en plus entre des réseaux d’entreprises, financiers (les groupes de sociétés) et/ou logistiques (« Supply Chains »), le plus souvent trans-frontaliers (groupes de sociétés internationaux et « global supply chains »). Il n’est pas étonnant dans ce contexte que la responsabilité sociale de l’entreprise se soit étendue progressivement aux réseaux logistiques notamment par le biais des pressions exercées par les parties prenantes (Rao et Holt, 2005). Pour Jayaraman, Klassen et Linton (2007)12, on est progressivement passé d’approches locales à une approche plus globale du management de l’environnement grâce à la prise en compte de l’ensemble de la chaîne logistique. Pour Simpson et al (2008) c’est tout d’abord l’extension des objectifs de production en amont qui a fait l’objet de recherche depuis une quinzaine d’années, mais plus récemment, les chercheurs se sont intéressés à la remontée d’objectifs tournés vers le développement durable. Ainsi, la responsabilité sociale ne se limite pas à l’usine de production, mais s’étend à l’ensemble du processus de la Supply Chain (Schmidt et Schwegler, 2008). Les organisations subissent une pression pour la performance économique tout en étant considérées comme responsables des performances environnementales et sociales de leurs fournisseurs et partenaires (Seuring S, Sarkis J, Müller M, Rao P, 2008). Une société peut être tenue socialement responsable de la gestion d’employés d’une autre société (Cruz et Wakolbinger, 2008). L’efficacité de l’engagement responsable d’une entreprise dépend de celle de toutes les autres entreprises appartenant à la même chaîne logistique (Ciliberti et al, 2008b). Dans le cadre de la gestion de leur chaîne d’approvisionnement et de distribution, les dirigeants doivent donc étendre leurs objectifs sociaux et environnementaux à l’ensemble de leurs partenaires de la chaîne logistique (Vachon et Klassen, 2006). Des critères à la fois environnementaux et sociaux déterminent en partie la participation des membres à une Supply Chain (Seuring et Müller, 2008). La pression en faveur du développement durable se diffuse le long de la chaîne logis- Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:17 12 - Editorial du numéro spécial « supply chain management in a sustainable environment » du Journal of Operations Management, n° 25 33 33 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management tique dans les deux sens : vers l’amont et vers l’aval à partir d’une entreprise focale qui peut être l’entreprise qui gouverne la chaîne logistique ou l’entreprise en contact direct avec le client ou encore l’entreprise qui décide du produit offert (Seuring et Müller, 2008). La revue de la littérature de Seuring et Müller (2008) leur permet de conclure que la pression en faveur d’un développement durable remonte le long de la chaîne d’approvisionnement. La responsabilité se diffuse aussi en aval pour Cruz et Wakolbinger (2008) et Kovacs (2008). Pour une marque, la chaîne logistique est un moyen d’exercer la pression en faveur du développement durable (Amaeshi et al, 2007). Toutefois, la réputation ne se diffuse pas de façon symétrique vers l’amont et vers l’aval. La responsabilité en aval revient clairement à une société focale mais pas l’inverse : la responsabilité et la mauvaise réputation descendent plus facilement qu’elles ne remontent. La demande environnementale diminue au fur et à mesure que l’on remonte le long de la Supply Chain (Kovacs, 2008). L’observation de la diffusion des codes de conduite en Chine de Krueger (2007) va dans le même sens puisqu’elle fait apparaître une pression croissante sur les entreprises au fur et à mesure que l’on se rapproche de l’aval. Les études de cas de Ciliberti et al (2008b) et Walker et Preuss (2008) soulignent par ailleurs le pouvoir limité des PME pour transférer les attentes du client final sur leurs propres fournisseurs. Les liens commerciaux supportés par les liens logistiques existant entre les entreprises ont donc conduit à une responsabilité étendue des entreprises et à la diffusion de certaines exigences environnementales et/ou sociales. La diffusion de la responsabilité le long de la chaîne logistique dépend de plusieurs facteurs comme la taille des entreprises et leur position plus ou moins en aval, dans la chaîne logistique. On ne peut donc réellement appréhender la responsabilité sociale des entreprises aujourd’hui sans intégrer la chaîne logistique dans le raisonnement. Cette diffusion résulte-t-elle d’un simple effet domino (Schmidt, 2005) ou a-t-elle entraîné un changement dans la gestion de la chaîne logistique (Supply Chain Management, SCM)? C’est ce que nous allons étudier maintenant. Les différentes formes de collaboration et de SCM orientés développement durable La logistique, non seulement par ses pratiques, mais aussi comme outil d’analyse transversale et globale peut servir de support à une 34 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:17 stratégie orientée vers plus de durabilité. Elle permet de mieux cerner les interdépendances. La collaboration entre partenaires logistiques peut s’appuyer sur les connaissances qu’elle apporte. Cette collaboration peut être plus ou moins étendue. La question de la gestion globale de la chaîne logistique multi-acteurs fait l’objet de travaux de plus en plus nombreux depuis une quinzaine d’années (Colin, 2005 ; Paché et Spalanzani, 2007 ; Belin-Munier, 2008). L’étude du lien entre la responsabilité sociale et le SCM est encore plus récente (Ciliberti et al, 2008b). Les auteurs distinguent aujourd’hui trois niveaux de collaboration : la collaboration environnementale, le “Green Supply Chain Management” (GSCM) et le “Sustainable Supply Chain Management” (SSCM) avec la gestion intégrée de la chaîne logistique qui en découle (“Integrated Chain Management”). Pour Vachon et Klassen (2008), la collaboration environnementale est composée d’activités communes et de coopérations visant à trouver des solutions aux problèmes environnementaux ; cette collaboration concerne les fournisseurs et les clients et peut avoir des répercussions sur les performances opérationnelles et environnementales. Comme toute collaboration, la relation peut s’appuyer sur la confiance ou le contrôle. Le contrôle environnemental peut utiliser comme outil un système d’information spécifique : le système de management de la responsabilité sociale de l’entreprise (“Corporate Social Responsibility Management Systems”). Le système de management de la responsabilité sociale de l’entreprise permet de transférer les comportements socialement responsables d’un partenaire à l’autre d’une chaîne logistique et donne les grandes lignes des principes environnementaux (et sociaux) à respecter (Ciliberti et al, 2008b). Ces systèmes peuvent reposer sur des standards. Pour Castka et Balzarora (2008), les SC sont de plus en plus difficiles à contrôler car les réseaux sont de plus en plus décentralisés et indépendants ; le développement de normes et de standards est un moyen de diminuer les asymétries informationnelles et de réduire la complexité de la gestion des SC. Les multinationales jouent un rôle dans la diffusion internationale de ces standards. D’une façon moins formelle, le dialogue, comme support de la collaboration fournisseur/client, facilite également la compréhension de l’impact environnemental de la chaîne logistique (Simpson et al 2007). Lorsque la collaboration environnementale se diffuse le long de la chaîne logistique et ne se Vol. 18 – N°1, 2010 34 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management limite plus à des dyades localisées, elle change de dimension. Les auteurs utilisent alors la notion de “Green Supply Chain Management” (GSCM). Le GSCM inclut les initiatives dans la logistique interne et/ou externe, prises conjointement par les fournisseurs, les distributeurs et les utilisateurs, qui permettent de réduire voire d’éliminer les impacts négatifs sur l’environnement de leur activité (Rao et Holt, 2005). Le GSCM consiste à tenir compte d’objectifs environnementaux dans les décisions d’approvisionnement, de conception et de fabrication du produit et dans les décisions relatives à sa distribution. Le SCM doit en particulier intégrer les problèmes environnementaux liés à la fin de vie du produit (Srivastava, 2008). Il peut reposer ou non sur le contrôle (Vachon et Klassen, 2006). Il vise à améliorer la performance des organisations par rapport à leur responsabilité sociale, à diminuer le risque lié à la réputation des organisations, à diminuer les gaspillages et à améliorer la réactivité des organisations en cas de changement de réglementation (Simpson et al, 2007). D’autres auteurs préfèrent parler de management environnemental de la SC (“Environmental SCM”). Le management environnemental inclut les relations, les pratiques et les décisions liées à l’environnement et qui concernent la conception, l’acquisition, la production, la distribution, l’utilisation, la réutilisation et le retrait des produits et services des entreprises (Zsidisin et Siferd, 2001, cités par Hagelaar et van der Vorst, 2004). Les deux concepts sont très proches. Si l’on ajoute à la dimension environnementale, la dimension sociale le SCM devient durable (“Sustainable Supply Chain Management”). Seuring, Sarkis, Müller et Rao (2008) définissent le Sustainable Supply Chain Management dans leur éditorial comme la gestion du flux d’informations et de la coopération intégrant des objectifs économiques, environnementaux et sociaux et les attentes des parties prenantes. On retrouve également ces trois dimensions de la gestion durable chez Ciliberti et al (2008b). Pour Pagell et Wu (2009), une SSC doit être efficace sur les trois dimensions de la performance : la supply chain doit être performante par rapport aux mesures traditionnelles des profits et des pertes, mais aussi par rapport à des conceptions plus étendues de la performance incluant des dimensions sociales et environnementales. Pour Seuring et Müller (2008) le SSCM, comme le SCM classique, comprend la gestion des trois flux traditionnels de la logistique (flux physique, flux d’information et flux financier) ainsi que celle de la coopération le long de la chaîne logistique. Mais pour être durable, ce SCM doit en plus tenir compte d’objectifs par rapport aux trois dimensions du développement durable, découlant des attentes des clients et des parties prenantes. Pour que les entreprises puissent rester dans la chaîne logistique, elles doivent respecter des critères sociaux et environnementaux. La prise en compte de contraintes environnementales modifie les objectifs du SCM mais aussi sa mise en œuvre. La gestion de la chaîne logistique devient de plus en plus intégrée. Le management intégré de la chaîne (“Integrated Chain Management”) inclut en plus du flux allant vers le consommateur le flux repartant de lui ; il intègre les parties prenantes et n’est pas seulement centré sur la collaboration le long de la SC ; il intègre le cycle de vie et est plus centré sur les flux physiques (Seuring, 2004, Hagelaar et van der Vorst, 2004). Si le SSCM, pour tous les auteurs cherchant à le définir, suppose la prise en compte des impacts sociaux et environnementaux du SCM, de notre revue de la littérature, il ressort cependant que les problématiques des recherches restent très centrées sur la dimension environnementale. La dimension sociale semble toutefois en développement (Tableau 2). Ces différents concepts théoriques correspondent-ils à des pratiques réelles dans les entreprises ? Seuring et Müller (2008) montrent à partir de 191 articles que les études empiriques ne mettent pas en évidence de réelle coordination globale. Pour notre échantillon, Man et Burns (2006) observent l’impact et le rôle limité des coopérations pour le développement durable dans les SC dans le cas particulier de la chaîne logistique du papier. Selon leurs travaux, les efforts sont souvent à court terme et modestes. Ils dépendent de la perception du public et du poids des partenaires. L’étude de cas de Harwood et Humby (2008) révèle que la plupart des organisations se Tableau 2 : Orientation des problématiques 2004 2005 2006 2007 2008 2009 total environnement 5 5 5 14 16 1 46 Dont Reverse Logistics 1 1 2 10 7 21 social 1 2 1 2 7 13 3 3 4 6 Orientation Développement durable Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:17 1 17 35 35 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management focalisent sur un composant de la responsabilité (social, environnemental ou éthique) et que les organisations effectuent peu de mesures et partagent peu leurs données. Dix études de cas d’organisations américaines exemplaires sur le plan environnemental ou social de Pagell et Wu (2009) mettent en évidence des pratiques pour une SC durable pour moitié issues des bonnes pratiques logistiques dans la SC traditionnelle, et donc, non spécifiques. Strand (2008) met en lumière l’importance de la confiance dans la relation avec le fournisseur pour plusieurs entreprises scandinaves réputées pour leur engagement social. Cette dernière étude est cependant centrée non sur le SSCM mais sur la relation entre le fournisseur et le client. Dans tous les cas, les études empiriques, reposant notamment sur des questionnaires, restent assez peu nombreuses et mériteraient d’être généralisées pour tester la validité empirique de ces concepts théoriques. Les recherches sur le SCM et le développement durable sont récentes ce qui explique le petit nombre de tests empiriques ; la revue de la littérature de Seuring et Müller (2008) met en évidence que sur 191 articles parus entre 1994 et 2007, 70 sont des études de cas (dont beaucoup de cas « réussis »), 40 des théories non testées, 7 des revues de la littérature, 21 des modélisations mathématiques et seulement 53 des études basées sur des questionnaires. Par ailleurs seuls 31 articles ont un sujet à la fois environnemental et social ; 140 ne traitent que l’aspect environnemental. Pour notre revue de la littérature, la répartition est donnée dans le Tableau 3. Les approches exploratoires et les études de cas sont les types de travaux dominants, mais les analyses de questionnaires semblent progresser. Facteurs et performances Peut-on mettre empiriquement en évidence des facteurs explicatifs à l’intégration de préoccupations sociales et/ou environnemen- Tableau 3 : Types de travaux Nature de travail Revue de la littérature 2004 2005 2006 1 1 1 5 6 5 6 1 1 6 12 3 1 Descriptif/exploratoire Etude de cas 1 Théorique non testé 1 Analyse de questionnaires 3 6 2008 2009 Total 4 1 8 22 1 22 2 éditorial total 2007 10 9 3 6 5 18 1 2 3 20 29 2 76 36 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:17 tales dans la stratégie logistique individuelle et/ou collective? Cette intégration a-t-elle des répercussions validées empiriquement sur la performance et sur quelles dimensions de cette performance? Nous allons chercher à répondre à ces deux questions à partir des recherches visant à déterminer les leviers (et dans une moindre mesure les freins) de l’intégration d’objectifs environnementaux et sociaux dans la logistique d’entreprise et les SC, et les répercussions des pratiques en découlant sur les performances. Les leviers des stratégies orientées développement durable Existent-ils des leviers spécifiques pour la logistique? La revue de la littérature de Seuring et Müller (2008) sur le SCM durable fait apparaître comme facteurs déclencheurs les pressions de la réglementation (99 articles), la demande du consommateur (96 articles), les parties prenantes (90 articles), les groupes de pression (38 articles), la perte de réputation (30 articles) ; la recherche d’un avantage concurrentiel apparaît dans 90 articles soit moins de la moitié des articles. Pour Seuring, Sarkis, Müller et Rao (2008), les organisations réagissent en réaction à des pressions qui ont un grand nombre de sources à la fois internes (employés, direction) et externes (organisations, communautés). Pour les articles sélectionnés dans la présente étude, les principaux facteurs explicatifs sont également la réglementation, la recherche d’un avantage concurrentiel, la pression des parties prenantes mais aussi les valeurs du dirigeant et l’innovation. La réglementation est citée par Srivastava et al (2008), Alvarez-Gil (2007), Walker et al (2008b). La recherche d’un avantage concurrentiel et/ou d’un processus plus efficient est un facteur important pour Markley et Davis (2007), Vachon et Klassen (2007), Côté et al (2008), Srivastava (2008), Alavarez –Gil et al (2007). Pour Ijomah et al (2007), l’étude de 11 cas montre que la profitabilité est un facteur explicatif important dans le cas particulier du remanufacturing (avec la réponse aux réglementations environnementales). Le rôle des valeurs du dirigeant a été vérifié par Alavarez-Gil et al (2007) et mis en lumière dans les études de cas de Mamic (2005), Ciliberti et al (2008b) et Pagell et Wu (2009). Si la recherche de performance opérationnelle est un facteur, pour Pagell et Wu (2009, étude de cas) la performance opérationnelle sert également de fondement au développement durable : une pauvre performance opération- Vol. 18 – N°1, 2010 36 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management nelle inhibe le développement durable. Il semble par ailleurs qu’il y ait un lien entre innovation et développement durable mais le sens du lien n’est pas clairement identifié (Walker et Preuss, 2008 ; Pagell et Wu, 2009). La pression des parties prenantes et le risque lié à leurs réactions négatives en cas de comportement inadéquat de l’organisation est largement évoqué par les auteurs: Pagell et al (2007), Kosabasoglu et al (2007), Alavrez-Gil et al (2007), Vachon et Klassen (2008), Ciliberti et al (2008b), Kovacs (2008), Walker et Preuss (2008), Srivasta (2008), Tulder et al (2009). Ces parties prenantes peuvent être très diverses et inclure par exemple le gouvernement, les voisins, les travailleurs, les organismes à buts non-lucratifs (Vachon et Klassen, 2006). Les études de cas de Walker et al (2008 a et b) et de Simpson et al(2007) font ressortir l’importance des clients et celles de Pagell et Wu (2009) le partage des valeurs avec les employés. Les parties prenantes n’ont pas toutes le même poids : l’étude de 118 questionnaires adressés à des industriels espagnols liés à l’automobile d’Alvarez-Gil et al (2007) montre que pour l’implantation d’une logistique « inversée », les clients, les employés et le gouvernement ont plus d’impact que les actionnaires mais les études de cas de Kovacs (2008) révèlent un impact limité de la pression du client final sur le choix des fournisseurs critiques. Les parties prenantes influentes varient donc en fonction des études : clients, salariés, encadrement intermédiaire, organisations diverses, actionnaires, concurrents. Concernant le rôle des fournisseurs, le test de Simpson et al (2007) sur 56 questionnaires issus de l’industrie automobile australienne ne met pas en évidence de lien significatif entre l’implication du fournisseur et la performance environnementale par rapport aux attentes du client mais l’investissement peut modifier ce lien. Des facteurs peuvent jouer un rôle d’intermédiation de l’influence de ces parties prenantes, comme la formation, la capacité d’apprentissage (Mamic, 2005). Des études empiriques de notre échantillon il ressort donc que les parties prenantes sont diverses, plus ou moins influentes et que cette influence peut dépendre de variables médiatrices. La plupart du temps, un seul facteur ne déclenche pas à lui seul de changement stratégique. Les facteurs sont généralement combinés, mais leur assemblage varie d’une étude à une autre. Harwood et Humby (2008), par le biais d’études de cas, mettent en avant la réputation, les pressions politiques et la motivation du personnel. Wlaker et al (2008) citent comme facteurs possibles du SCM environnemental l’engagement personnel des individus (dont les propriétaires et les fondateurs), l’implication des cadres, des employés, la volonté de réduire les coûts, d’améliorer la qualité, la législation (même si la recherche de conformité ne garantit pas une meilleure performance), la pression des clients, des concurrents et de leurs éventuelles innovations, de la société. Les fournisseurs ne sont en général pas une force directe. A côté de ces facteurs, ils citent des freins comme les coûts, le manque de légitimité, le faible engagement des fournisseurs, la réglementation, des barrières spécifiques à l’industrie concernée. Leurs études de cas confirment la variété des facteurs et des barrières. Carter et Jennings (2004) montrent à partir de 201 questionnaires que les achats responsables (par rapport à l’environnement, la diversité, le respect des droits de l’homme, la sécurité et la philanthropie) s’expliquent directement et indirectement via la culture organisationnelle par le leadership de la direction, par les valeurs des employés (via leurs initiatives) et par la pression du client. L’impact de la réglementation et de la taille n’est pas significatif. Le test a été répété en 2008 par Salam sur 197 questionnaires à des sociétés Thaïlandaises. Selon cette dernière étude, les achats socialement responsables sont liés positivement au leadership de la direction, à la culture organisationnelle, aux valeurs des employés, à leurs initiatives mais aussi à la réglementation et aux pressions des clients. Ces facteurs peuvent non seulement expliquer l’orientation stratégique mais aussi déterminer sa réussite. Ainsi pour Miemczyk (2008) les facteurs de succès d’une logistique inversée sont les facteurs externes (réglementation, pression des clients) et internes ( ils dépendent alors de la politique des entrepreneurs) ; à ces facteurs on peut ajouter l’implication des parties prenantes, le soutien de la direction, la pro-activité. Dans le cas particulier de la logistique inversée, il faut ajouter le rôle joué par la qualité des inputs, le degré de coordination verticale ; enfin l’auteur ajoute des capacités spécifiques (comme le démontage, la refabrication), le mimétisme en cas d’incertitude. Les pressions peuvent apparaître également comme sources de contraintes en limitant les processus et passent alors du statut de facilitateur à celui de barrière. Pour Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:18 37 37 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management 13 - Rubinstein, 2006, Le développement de la responsabilité sociale de l’entreprise, une analyse en termes d’isomorphisme institutionnel, Revue d’Economie Industrielle, n°113, pp 83-105; Scholtens et Zhou, 2008, Stakeholder Relations and Financial Performance, Sustainable Development, n°16, pp 213-232 ;Weber, 2008, The Business case for Corporate Social Responsibility : a Company-Level Measurement Approach for CSR, European Management Journal, n° 26, pp 1123-1140 ; Semenova et Hassel, 2008, Financial Outcomes of Environmental Risk and Opportunity for US Companies, Sustainable Development, n° 16, pp 195-212 14 - Barnett, 2007, Stakeholder Influence Capacity and the Variability of Financial Returns to Corporate Social Responsibility, Academy of Management Review, vol 32, n°3, pp 794-816 ; Boiral, 2005, Concilier environnement et compétitivité, ou la quête de l’éco-efficience, Revue Française de Gestion, n° 158, pp 163-186 ; Campbell, 2007, Why would corporations behave in socially responsible ways? 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L’intégration de la chaîne logistique et le SCM peuvent également faire levier ou barrage à l’orientation vers un développement plus durable de la stratégie des entreprises. La structure de la SC influence les pratiques orientées développement durable. Si l’on prend le cas du management environnemental, des SC différentes (en fonction notamment de la différenciation des liens structurels et de la complexité de l’alliance) combinées à des stratégies environnementales différentes (stratégie orientée crise, ou processus ou marché) induisent des besoins d’informations différents pour le management environnemental et donc des formes différentes de SCM environnemental (Hagelaar et van der Vorst, 2004). L’intégration fonctionnelle et l’orientation de la supply chain ont des répercussions sur le processus de gestion des retours (Mollenkopf et al, 2007). L’étude de 84 questionnaires (dans le secteur de l’imprimerie) de Vachon et Klassen (2006) montre un lien positif entre l’intégration logistique et la collaboration environnementale en amont, un lien positif entre l’intégration technologique et la collaboration environnementale en amont et en aval ; une base fournisseur plus restreinte accroît également la collaboration environnementale. Inversement, pour Ellram et al (2008), l’avantage concurrentiel découlant d’une orientation stratégique plus responsable est conditionné par l’intégration de la chaîne logistique. Une production responsable par rapport à l’environnement passe par la double intégration des produits et des processus ; l’intégration supplémentaire de la chaîne logistique permet d’obtenir un avantage concurrentiel. Pour les SC inversées, la gestion de la relation est un facteur encore plus important que pour les SC traditionnelles (Ostlin et al, 2008). La modularité des processus a également une influence sur la pertinence de la logistique inversée (Fernadez et Kekäle, 2005). Les leviers sont donc en partie les mêmes que ceux mis en évidence par les autres recherches en sciences de gestion. On retrouve l’importance de la réglementation, la recherche d’une meilleure performance opérationnelle par la diminution entre autres des gaspillages, l’im- 38 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:18 portance des parties prenantes, mais aussi les valeurs du dirigeant. Mais l’intégration et le SCM peuvent eux-mêmes faire office de leviers. Il conviendrait cependant de continuer les tests empiriques, les résultats étant pour l’instant difficilement comparables d’une étude à une autre du fait de la diversité des variables prises en compte. L’impact sur les performances En sciences de gestion, trois théories expliquent le lien entre responsabilité sociale et performances : la responsabilité sociale de l’entreprise se limite à faire des profits (Friedman, 1970) ; la responsabilité sociale améliore les processus de l’entreprise et/ou permet d’obtenir un avantage concurrentiel ; la responsabilité sociale de l’entreprise améliore l’évaluation faite par les parties prenantes et diminue le risque de réactions négatives. Même si le lien paraît être le plus souvent positif, les résultats empiriques varient beaucoup d’une étude à une autre13 ; cette variation peut s’expliquer par la complexité du lien14 ou sa non linéarité qui est en partie vérifié15. Pour d’autres auteurs la Responsabilité Sociale de l’Entreprise est un mode de coordination alternatif au marché et à la hiérarchie qui se justifie en fonction du degré d’incertitude, et qui résulte d’un isomorphisme institutionnel16. Qu’en est-il du lien entre une logistique ou une SC orientée développement durable et les différentes performances de la chaîne logistique ? Des études de notre échantillon il ressort que, comme pour la revue de la littérature de Seuring et Müller (2008), le lien entre un SCM orienté vers un développement plus durable et la performance est le plus souvent positif, mais que la plupart des études sont partielles. La dimension sociale est souvent ignorée au profit de la seule dimension environnementale. L’étude se limite généralement aux dyades. La performance est une performance perçue (Rao et Holt, 2005 ; Pagell et al, 2007 ; Markley et Davis, 2007 ; Philipp, 2007 ; Matos et Hall, 2007 ; Kovacs, 2008 ; Harwood et Humby, 2008 ; Pagell et Wu, 2009). La significativité des modèles augmente lorsque sont introduites des variables intermédiaires, comme le temps, la capacité d’apprentissage organisationnelle, l’environnement, le sens amont ou aval du SSCM. Richey et al (2004) ont étudié l’impact de la logistique inversée sur la réactivité, la qualité et la performance économique à partir de 118 questionnaires. L’impact est positif pour les premières entreprises d’une industrie à Vol. 18 – N°1, 2010 38 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management implanter une logistique inversée et négatif ou nul pour les dernières. L’avantage concurrentiel semble donc limité aux pionniers. Carter (2005) a montré l’impact indirect de la responsabilité sociale des achats sur la performance, via l’apprentissage organisationnel, à partir de 201 questionnaires adressés à des responsables des achats de sociétés américaines de production de bien de consommation. L’avantage concurrentiel apparaît donc également conditionné par la capacité d’apprentissage organisationnelle. Pagell et al (2007) ont montré à partir de 103 questionnaires de sociétés taïwannaises ou américaines qu’un environnement dynamique favorisait l’investissement dans le management environnemental source de performance (surtout pour la réactivité) et de développement durable alors qu’un environnement hostile favorisait plus l’investissement dans la relation fournisseur source également de performance et de développement durable. La nature de l’environnement induit donc la forme du SSCM la plus profitable. L’étude de 84 questionnaires de Vachon et Klassen (2008) auprès de sociétés canadiennes et américaines imprimant des emballages montre que la collaboration environnementale améliore la qualité, la flexibilité et diminue les délais. Ils n’ont cependant pas trouvé d’impact significatif sur les coûts. En amont l’incidence se fait plus ressentir sur les processus et en aval sur les produits. L’impact dépend donc de la dimension de la performance prise en compte et de l’orientation amont ou aval du SCM. Rao et Holt (2005) ont montré à partir de 52 questionnaires (de sociétés des Philippines, d’Indonésie, de Malaisie, de Thaïlande, ou de Singapour) le lien direct entre la logistique amont verte (greening inbound) et la performance économique augmenté d’un lien indirect via la logistique aval (greening outbound) et la compétitivité, plus un lien indirect pour un processus de production vert (greening production).Le lien entre logistique verte et performance est donc bien un lien complexe et asymétrique. Pour la Chine, Zhu et Sarkis (2004) ont montré à partir de 186 questionnaires l’impact positif des pratiques vertes du SCM sur la performance écologique et de façon plus nuancée sur la performance économique. Ce lien est d’autant plus fort qu’il existe un système de management de la qualité. Le JAT a un effet négatif sur ce lien. L’orientation du SCM a donc bien des répercussions sur les performances du SSCM. L’analyse de 314 questionnaires par Zhu, Sarkis et Geng (2005) montre des disparités sectorielles. L’examen de 286 questionnaires pour quatre secteurs (Chimie/pétrôle, électricité/électronique, automobile, énergie) fait apparaître des différences de pratiques et des différences de performance en partie expliquées par des niveaux d’implantation différents de GSCM (Zhu, Sarkis et Lai, 2007). Le secteur automobile a fait l’objet d’une étude particulière (89 questionnaires) montrant une implantation relativement faible du GSCM induisant une amélioration de la performance environnementale et opérationnelle mais pas d’amélioration significative de la performance économique. On retrouve ici l’écart entre les pionniers et les suiveurs, mais uniquement pour les performances environnementales et opérationnelles. L’étude de cas montre par ailleurs un lien entre GSCM et innovation. La disparité sectorielle apparaît de nouveau lors de l’analyse de 314 questionnaires par Zhu, Sarkis et Lai (2008a). L’étude de Zhu et al (2008c) des mêmes questionnaires montre l’impact positif de l’apprentissage organisationnel, du soutien de la direction et de la pression sectorielle des coûts sur les pratiques GSCM. On retrouve donc l’impact de l’apprentissage organisationnel mis en évidence par Carter(2005) et le rôle de l’environnement de Pagell et al (2007). Il semble donc qu’une logistique ou un SCM orienté développement durable, surtout pour la composante environnementale, améliore la performance environnementale et en partie la performance opérationnelle (délais, qualité, flexibilité, réactivité), mais l’incidence sur la performance économique est plus complexe et dépend entre autres de facteurs comme le temps, l’environnement, l’orientation et le sens du SCM. Conclusion La présente revue de la littérature confirme la pertinence de la recherche en logistique appliquée au développement durable et la pertinence de la recherche sur le développement durable, appliquée en logistique. L’intégration d’objectifs à la fois environnementaux et sociaux aux objectifs économiques traditionnels des entreprises, l’intégration des parties prenantes et des flux retours change profondément la nature de la chaîne logistique, qui devient plus complexe et intégrée. L’approche logistique du développement durable permet de mieux comprendre la responsabilité étendue de l’entreprise avec sa diffusion le long de la chaîne logistique et la logistique inversée permet l’intégration de l’analyse du Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:18 39 39 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management cycle de vie dans les prises de décisions. Il conviendrait néanmoins de poursuivre les études empiriques pour mieux cerner les caractéristiques de cette diffusion qui ne semble pas obéir aux mêmes règles vers l’amont et vers l’aval. Même si globalement la recherche de durabilité est compatible avec l’amélioration de certains indicateurs de performances, la recherche doit encore être approfondie pour comprendre les écarts entre les résultats pour l’instant observés. Il manque encore une analyse globale de la performance tenant compte de la chaîne logistique, et des analyses basées sur des critères objectifs de performance. De Brito MP, V Carbone, C Meunier Blanquart, (2008), Towards a Sustainable Fashion Retail Supply Chain in Europe : Organisation and Performance, International journal of production Economics, vol 114, pp 534-553. 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Ainsi, après avoir rappelé la mutation récente du modèle logistique de base de la cyber-épicerie française, nous élargirons notre analyse à d’autres secteurs d’activité de la vente en ligne (le floral et l’éditorial), secteurs au sein desquels les prestataires de services logistiques (PSL) jouent un rôle majeur. Cette démarche nous permettra, au final, de présenter les conditions que la livraison des commandes en ligne doit progressivement remplir si elle souhaite demain s’inscrire dans une perspective plus verte. Le dernier rapport de la GCI (Global Commerce Initiative), institution internationale qui rassemble à la fois de grands distributeurs (comme Auchan, Carrefour, Tesco…) et des industriels reconnus (tels que Coca-Cola, Nestlé, Procter & Gamble…), montre que la livraison à domicile (LAD) et que les commerces de proximité sont appelés à progresser sensiblement dans un univers où le commerce en ligne devrait s’affirmer (Georget et al, 2008). La LAD pourrait ainsi représenter entre 15 et 25% du commerce total en 2016. C’est donc sur ce point précis que nous avons choisi de centrer notre article, en nous intéressant plus précisément aux conditions qui devraient permettre à la livraison des commandes en ligne de s’inscrire dans une démarche écologique. En effet, ne risque-t-on pas d’assister, si rien n’est entrepris, à un développement anarchique et, peut-être dans ce cas, éphémère de la LAD ? N’a-t-on pas intérêt à favoriser des scénarios qui garantiraient l’optimisation de la distribution finale (c’est-à-dire celle du dernier kilomètre) à travers des opérations de mutualisation confiées à des prestataires de services logistiques (PSL) ? Notre article se fixe donc comme objectif de mettre en évidence les stratégies et les scénarios logistiques que le développement du BtoC impose. Nous avons délibérément fait le choix de nous concentrer sur le volet transport, dans la mesure où ce dernier est le principal facteur d’émission de gaz à effet de serre (GES). Il s’agit ainsi, pour nous, d’esquisser une vision prospective ancrée dans des réalités opérationnelles et de poser les bases de nouvelles formes d’e-supply chains, plus vertes, ouvrant des perspectives au-delà du « fac- Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:18 45 45 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management teur 2,5 » de réduction des émissions de carbone. L’objectif visé tient en effet dans l’amélioration de la performance écologique, c’est-à-dire clairement dans la réduction de l’écart par rapport au « facteur 4 ». Au cours de l’article, nous souhaitons tout d’abord souligner le développement significatif de l’épicerie électronique en France. Nous rappellerons également, dans cette première partie, les caractéristiques des deux modèles de base de la logistique du BtoC : la préparation de commandes sur site dédié (entrepôt ou dépôt) et la préparation en magasin. Nous y mentionnerons bien sûr les choix stratégiques effectués par les cyber-épiciers français. Puis, au cours d’une deuxième partie, nous élargirons notre regard à d’autres secteurs d’activité de la vente en ligne, celui des produits floraux et celui des produits éditoriaux. Nous serons ainsi amené à montrer le rôle joué par les PSL : absents de certains scénarios de la cyber-épicerie, les PSL occupent pourtant, et généralement, une place de choix au sein des alternatives logistiques du BtoC. La performance logistique du commerce électronique, en particulier celle de la livraison des commandes, est en effet plus à mettre au crédit des PSL choisis, il est vrai, par le commerçant en ligne que sur le compte de ce dernier. Du fait des difficultés rencontrées lors des opérations classiques de LAD, nous nous intéresserons en priorité aux acteurs clés de la LHD (livraison hors domicile), une alternative qui connaît un très fort développement à l’heure actuelle. Nous serons enfin amené à préciser conditions qui devraient permettre à l’e-logistique de s’inscrire demain dans une démarche plus respectueuse de l’environnement. Quand la cyber-épicerie tente les plus hésitants… Après des débuts hésitants, la croissance du BtoC connaît désormais un rythme soutenu en France : son chiffre d’affaires devrait dépasser, selon la Fevad (Fédération de la vente à distance), les 45 milliards d’euros en 2012. Sur certains segments de marché (culture, voyages, informatique, habillement…), près de 50% des achats se font déjà en ligne, et sur d’autres (hygiène, équipement de la maison…), le e-commerce enregistre une progression régulière, y compris dans le secteur délicat de la cyber-épicerie. La cyber-épicerie française : l’arrivée des groupements d’associés Commençons par rappeler que les premiers cybermarchés français ont été créés, dès la fin 46 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:19 des années 90, sous l’impulsion des enseignes du commerce intégré : Auchandirect pour Auchan, Ooshop pour Carrefour, Houra pour Cora, Cmescourses pour Casino et Telemarket pour les Galeries Lafayette. Le démarrage de l’épicerie en ligne fut, cependant, relativement difficile en France : cela ne fait finalement que quelques mois que les taux de rentabilité des pionniers de la cyber-épicerie sont en effet devenus positifs. En 2008, le résultat net d’Ooshop se situait encore à – 14 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 73 millions, quand celui d’Houra était proche de zéro pour un chiffre d’affaires de 80 millions (Ranvier et Sury, 2009). Toutes les initiatives ne furent donc pas couronnées de succès, bien au contraire, ce qui amena certains distributeurs, comme le stéphanois Casino, à renoncer prématurément à leur projet. Aujourd’hui, l’épicerie en ligne semble être entrée dans une nouvelle ère, comme le pressentait Chétochine (2005). Toutes les enseignes de la grande distribution française même les plus hésitantes, c’est-à-dire celles du commerce associé, ont finalement hoisi de s’y positionner. C’est ainsi le cas d’Intermarché avec son site Expressmarché et de Système U via CoursesU. C’est même le cas, de manière plus mesurée cependant, du mouvement Leclerc avec son cybermarché Expressdrive. D’autres, encore, font leur retour comme Casino qui a complètement revu sa stratégie logistique, point sur lequel nous reviendrons. La cyber-épicerie connaît, par conséquent, un certain développement : en décembre 2008, une enquête conduite par Médiamétrie et la Fevad estimait à 10% la proportion de consonautes ayant fréquenté le « Top 5 » des cybermarchés français, « Top 5 » composé d’Ooshop, d’Auchandirect, d’Houra, de Télémarket et d’Expressmarché. Quelle explication pouvons-nous donner à cette progression de la cyber-épicerie française ? Revenons, pour cela, à la place que tient la logistique dans la stratégie des sites marchands. Pour Dornier et Fender (2001), la logistique est vraiment clé dans le succès (ou l’échec) des ventes en ligne : elle fait partie de la transaction. Pourtant, son statut reste secondaire : quand le consonaute reçoit sa commande en ligne dans les conditions prévues, il n’y a en effet aucune raison de s’y attarder. En revanche, quand la performance logistique laisse à désirer, cela peut être rédhibitoire quant à la poursuite des achats sur le site fréquenté. En même temps, comme le soulignent Baglin et al (2005), il y a quasiment autant d’e-logistique que de familles de Vol. 18 – N°1, 2010 46 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management produits. Dans le cadre de l’épicerie en ligne par exemple, la préparation et la livraison des produits, aux marges faibles et aux contraintes fortes (encombrement, poids…), nécessite la mise en œuvre de solutions relativement performantes. Ainsi, concernant plus précisément la préparation des commandes en ligne, deux modèles principaux se détachent aujourd’hui : (1) celui de la préparation sur un site dédié, soit en amont, sur un entrepôt régional, ou soit en aval, sur un dépôt de proximité ; (2) celui de la préparation en magasin. Détaillons ces alternatives logistiques majeures en prenant soin d’y préciser les choix stratégiques effectués par les cyber-épiciers français. La préparation des commandes sur entrepôt ou sur dépôt Le stockage sur un site dédié au BtoC, qu’il s’agisse d’un entrepôt ou d’un dépôt, paraît une nécessité dès quele nombre de références du catalogue électronique est élevé et/ou dès que l’activité en ligne n’est plus marginale (De Koster, 2002). Trois alternatives sont envisageables : (1) le stockage de produits à faible rotation en amont du canal de distribution, sur un entrepôt de fournisseur ; (2) le stockage d’articles à forte rotation plus en aval, sur un entrepôt régional dédié à l’épicerie en ligne et piloté par un distributeur ou bien par un PSL (Abbad et Boissinot, 2009) ; (3) le stockage d’articles à forte rotation très en aval, sur un dépôt de proximité dédié à la cyber-épicerie et géré par le distributeur. Précisons que la première alternative, celle de la préparation sur un entrepôt « producteur », comporte plusieurs variantes (Durand, 2009). Limitons nous à celle qui permet de minimiser le nombre de LAD. L’internaute passe une commande de plusieurs lignes sur un site marchand. Le cybercommerçant, qui ne joue alors qu’un rôle d’infomédiaire, la fait suivre aux producteurs concernés. Ces derniers en effectuent la préparation avant de remettre leurs colis à un PSL dans le but d’éviter des livraisons multiples. Un regroupement des colis par client est ensuite réalisé. fois assemblée, la commande part immédiatement pour être livrée au cybernaute. La recherche de l’unicité de la LAD fait incontestablement de cette variante la plus économique et la plus écologique. Ajoutons que cette première alternative n’est pas développée en cyber-épicerie. L’une des raisons tient dans la caractéristique majeure des catalogues électroniques des cybermarchés : l’offre y est particulièrement réduite (quelques milliers d’articles en ligne contre quelques millions dans l’éditorial). Ainsi, les produits d’épicerie, qui sont essentiellement des produits à forte rotation, sont stockés en aval du canal de distribution sur des sites dédiés au distributeur, gérés en propre (comme les dépôts de proximité) ou bien délégués (comme certains entrepôts à vocation régionale). Concernant la livraison finale, on note également deux variantes, selon que la LAD est déléguée ou internalisée (cf. figure 1). Dans un premier temps, les enseignes de la distribution intégrée ont toutes fait le choix, en ce qui concerne la préparation de leurs commandes en ligne, de s’appuyer sur des entrepôts dédiés (warehouse-picking), nationaux ou régionaux, et donc de s’engager dans des investissements spécifiques, souvent lourds. A cette première difficulté financière s’en est ajoutée une deuxième : les sites de préparation étant peu nombreux, une couverture nationale n’était pas très aisée à mettre en œuvre. Cora a ainsi réduit celle d’Houra, ne conservant qu’un département sur quatre. A l’inverse, Télémarket, le cybermarché initialement francilien, a choisi de se déployer sur une bonne partie du territoire national par le biais de Chronopost. De son côté et dans le cadre de son extension territoriale, Auchan qui s’appuie pour son site Auchandirect sur six entrepôts régionaux, implantés dans de grandes agglomérations, a opté pour la différenciation de ses circuits de distribution. Auchan a ainsi développé un concept, unique et original, celui du Chronodrive. Il s’agit de dépôts de proximité, dédiés uniquement au stockage et à la préparation d’articles référencés au catalogue électronique, d’où le nom de depot-picking par analogie au warehouse-picking. Les internautes viennent y retirer et Figure 1 : Stockage et préparation en aval sur des dépôts de proximité dédiés, la LAD étant assurée par le distributeur Source : adapté de Chopra et Meindl (2004) Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:19 47 47 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management régler leurs commandes (se reporter à l’encadré 1), sans pour autant y pénétrer. A ce jour, une vingtaine de sites fonctionnent en France. Cette alternative permet de contourner le très délicat problème de la LAD et c’est sans doute pour cela qu’Auchan s’est fixé de parvenir à 100 sites d’ici peu (Silly, 2008). La préparation des commandes en magasin (ou store-picking) Ce n’est que depuis peu de temps (depuis 2004), que le store-picking se développe en France. Dans ce deuxième modèle, les produits sont toujours stockés chez des distributeurs mais, en revanche, tout en aval du canal de distribution. Les cybercommerçants, qui optent pour l’adossement à un réseau de magasins, font le choix d’un processus rapidement opérationnel. Ce modèle repose sur le fait que la commande en ligne est transmise au magasin de l’enseigne le plus proche d’un lieu de vie du consonaute : nous sommes d’emblée dans les derniers kilomètres. Un préparateur y prélève ensuite les articles en rayons et, une fois le panier constitué, la livraison est réalisée par le commerçant lui-même ou par un PSL (Hiesse, 2009). Utilisant des infrastructures déjà existantes, la préparation en magasin se caractérise par un ROI rapide. Le store-picking possède un autre atout : l’internaute peut opter pour le retrait de son papier directement en magasin. Ce modèle comporte un inconvénient quand le volume des commandes est respectable : celui de la perturbation des clients traditionnels par des préparateurs en activité. Face à un risque éventuel de fuite de clientèle, Ogawara et al (2003) suggèrent d’adopter alors la préparation en entrepôt ou en dépôt. 1 - http://www.expressdrive.fr Revenons sur l’alternative du retrait qui n’en finit plus de séduire. Comment parvenir effectivement à une maîtrise des coûts logistiques alors même que le développement de la LAD devrait entraîner une hausse des coûts de Encadré 1 : Chronodrive, l’alternative du depot-picking Le site permet de passer commande parmi 5.000 produits alimentaires courants. La commande peut se faire plusieurs jours à l’avance mais il est également possible de retirer ses achats sans passer commande au préalable, grâce à des bornes interactives présentes sur le parking. La possibilité de passer commande immédiatement réduit cependant le choix de produits. La zone de préparation et de retrait des commandes (intégrant l’accès des véhicules) s’étend sur environ 4.000 m². Elle comprend un dépôt et une aire de préparation de 1.500 m². Au moment du retrait, le client valide sur une borne interactive sa référence client correspondante au compte créé sur le site et à la commande à retirer. Un ticket de caisse est alors imprimé. Il indique au client à quelle place de parking se stationner. Un livreur charge le coffre du véhicule quelques minutes plus tard. La clientèle-type est familiale, motorisée et elle réside à environ dix minutes du site. Source : actualisé de Durand et Senkel (2007) 48 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:19 transport ? L’équation ne semble vraiment pas simple à résoudre. De plus, la généralisation de la LAD ne risque-t-elle pas d’accroître l’émission des GES ? Un certain nombre de distributeurs, dubitatifs face à la rentabilité du modèle de l’entrepôt et face, plus encore, aux contraintes de la LAD qu’il impose, a ainsi préféré attendre pour finalement adopter le store-picking dans la mesure où ils pouvaient s’adosser sur des réseaux existants de magasins. Il n’est sans doute pas inutile de rappeler ici que la LAD des produits alimentaires constitue une réelle difficulté pour peu que ces derniers soient frais ou surgelés, difficulté qui s’aggrave bien entendu quand le consonaute est absent au moment de la livraison. L’option du retrait en magasin, rendue possible par le deuxième modèle, a convaincu les distributeurs les plus hésitants, et en particulier les trois groupements français du commerce associé. Intermarché en constitue incontestablement le meilleur exemple. C’est en effet sur 400 supermarchés implantés dans 70 départements qu’Expressmarché, le site d’épicerie en ligne du Groupement des Mousquetaires, peut désormais s’appuyer. Intermarché semble ainsi vouloir tirer parti du maillage de son réseau de supermarchés : un magasin tous les 18 km. Si la prestation offerte autorise la LAD, Expressmarché propose également deux alternatives de retrait : le retrait en magasin et le drive, cette dernière formule dispensant l’internaute de descendre de son véhicule (la commande est directement chargée dans le coffre). Du côté de Système U, le site d’épicerie électronique Coursesu s’appuie sur environ 250 points de vente. La stratégie du distributeur vendéen reste, cependant, avant tout axée sur la fréquentation de ses magasins par les consommateurs. La formule du retrait y est donc, de loin, privilégiée à celle de la LAD. Quant au mouvement Leclerc, l’épicerie en ligne semble s’y développer plus par résignation que par réelle conviction : une vingtaine d’hypermarchés1 s’est lancée, mais la LAD ne fait pas partie de la prestation proposée (le drive est la seule alternative). Les commerçants associés ne sont plus les seuls, désormais, à miser sur le modèle de la préparation en magasin. Fervent partisan du warehouse-picking, Carrefour a ainsi choisi de s’adosser à des magasins de Nantes ou de Bordeaux dans le cadre du développement de son cybermarché sur l’Ouest de la France. Carrefour expérimente également, en région parisienne, des points de « prêt-à-emporter » distincts de ses magasins. Monoprix (filiale Vol. 18 – N°1, 2010 48 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management des Galeries Lafayette), Franprix-Leader Price et Casino, dont c’est le grand retour, ont eux aussi choisi de s’adosser à leurs réseaux de magasins : Monoprix pourrait, de ce fait, s’appuyer sur un réseau de 300 supermarchés de centre ville ; Coursengo, le cybermarché de Franprix-Leader Price, se cantonne à ce jour uniquement sur Paris (50 points de vente) ; Monsupercasino, le cybermarché de Casino, devrait quant à lui bénéficier à terme de l’entropie relative du réseau le plus capillaire des distributeurs français (3000 magasins). Force est donc de constater que le store-picking, longtemps dénigré par les cyber-épiciers français, constitue désormais une alternative bien présente qui semble d’ailleurs accélérer le développement de la cyber-épicerie en France. A cela, deux raisons : si la première est financière (ROI plus rapide qu’en warehouse-picking), la deuxième raison se veut plus pratique. La LAD se heurte, en effet, en France au fait que les consonautes ne sont pas équipés de boîtes de réception inattendue2, concept plus répandu au Royaume-Uni et dans le nord de l’Europe. La conséquence est sans appel : 30% des LAD échouent parce qu’il n’y a personne au moment du passage du livreur (Botella, 2008). Aussi, quand la LAD peut tenir de l’exploit, inciter l’internaute à pratiquer le retrait en magasin présente un avantage économique certain pour le cyber-épicier. Le store-picking constitue donc bien la preuve s’il en était besoin, que le commerce en ligne ne signe pas la mort du point de vente. Au contraire, la mobilisation des magasins peut constituer un précieux support à la Net-logistique. Les cyber-épiciers semblent l’avoir tous compris, rejoignant en cela l’étude du CREDOC qui montre que les magasins de proximitésemblent les mieux placés pour l’épicerie en ligne (Pouquet, 2001). Soulignons encore à travers ces deux modèles de base, modèles qui font d’ailleurs toujours l’objet de travaux académiques (Marouseau, 2007), le cheminement croisé des acteurs britanniques et français. La préparation sur site dédié ne s’est ainsi imposée aux distributeurs anglais, et en particulier à Tesco, qu’au moment où les cyber-épiciers français, qui l’avaient initialement adoptée, commençaient à l’inverse à recourir au store-picking. La tendance à l’hybridation des modèles est de ce fait aujourd’hui très perceptible. Pas d’e-logistique verte sans mutualisation Au cours de la première partie, nous nous sommes concentré sur les modèles de préparation de commandes mobilisés par les cyber-épiciers français. Nous y avons notamment évoqué les alternatives de remise des commandes en ligne : la LAD et les deux formes dédiées de retrait, en magasin et en dépôt de proximité. En fait, notre recherche exploratoire s’inscrit dans une démarche beaucoup plus large, qui englobe également le secteur floral et le secteur éditorial. C’est pourquoi, dans la suite de l’article, nous ne nous limiterons plus au seul domaine de l’épicerie en ligne, un domaine pourtant très riche du point de vue logistique mais qui ne permet pas, malgré tout, d’apprécier à sa juste mesure le rôle croissant que les PSL sont amenés à jouer dans la logistique du B to C. Les PSL : une implication variable au sein des logistiques du BtoC Afin de dresser un état de l’art partiel de l’e-logistique française, nous avons adopté une méthodologie de recherche (se reporter à l’encadré 2), au cours de laquelle nous nous sommes donc intéressé à trois secteurs d’activités de la vente en ligne : le floral, l’éditorial et la cyber-épicerie. Cette revue logistique nous a permis de constater que les e-supply chains étudiées s’appuient bien souvent sur des organisations issues de l’ancienne économie, initiées dans certains cas par la VPC (Vente Par Correspondance), qui intègrent déjà un certain nombre de préoccupations actuelles en matière de logistique urbaine. Nous y avons noté que l’implication des PSL y est vraiment très variable : d’inexistante Encadré 2 : Méthodologie de recherche La démarche mobilisée est de nature qualitative. Elle s’est déroulée en deux temps forts. Lors d’une première étape, nous avons entrepris une recherche documentaire, à la fois académique à travers des articles de référence tirés principalement de Logistique & Management, de la Revue Française de Gestion Industrielle et de Décisions Marketing, mais aussi managériale grâce à des témoignages d’acteurs de premier plan parus dans Logistiques Magazine ou dans Stratégie Logistique. Cela nous a permis de dégager les premières caractéristiques logistiques des cybercommerces français. Puis, au cours d’une deuxième étape, nous avons conduit 16 entretiens semi-directifs auprès d’acteurs de la vente en ligne (cybercommerçants et e-PSL). Ces entretiens, menés en face à face et d’une durée moyenne d’une heure trente, se sont déroulés avec des responsables logistiques ou des supply chain managers : 3 ont eu lieu dans le secteur floral (Interflora, Aquarelle et Bebloom), 2 dans l’éditorial (Fnac et Alapage), 9 dans l’alimentaire auprès des 7 grands distributeurs (Carrefour, Auchan, Cora, Les Galeries Lafayette, Intermarché, Système U et Leclerc). Les deux derniers entretiens se sont déroulés en compagnie de directeurs de La Poste et du PDG de Kiala. Matériau de base de notre recherche, ces entretiens ont fait l’objet d’une analyse méticuleuse du discours, au sens de Paillé et Mucchielli (2003), qui a permis de mettre en perspective 12 e-supply chains. Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:19 2 - Une boîte de réception inattendue désigne une unité de dépôt tri-température (sec, frais, surgelé) munie de deux portes : une du côté de l’habitation à laquelle le consonaute accède et une du côté de la rue utile au livreur. Un foyer ainsi équipé peut donc être absent au moment de la livraison. 49 49 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management chez les cyber-épiciers du commerce associé à très développée chez les pure-players. Nous venons de dresser un état de l’art partiel des alternatives logistiques mobilisées par les cyber-commerçants français. Force est de noter que la comparaison des deux processus de préparation de commandes, le store-picking et le warehouse-picking, n’est pas des plus aisées. Nous pouvons cependant souligner un niveau de performance plus élevé du premier processus, quant aux coûts de transport et aux délais de livraison : les distances à parcourir sont, en effet, généralement faibles en raison du fort maillage des réseaux existants (par exemple celui d’Intermarché). En même temps, nous ne pouvons pas nous limiter à ce seul constat : nous avons bien relevé que des alternatives existaient du côté des commerçants possédant déjà des magasins, mais qu’en est-il pour les pure-players et les VADistes ? Comment parviennent-ils en effet à livrer leurs clients alors qu’ils ne possèdent aucun point de vente ? Leur e-logistique impose un nécessaire recours aux PSL. C’est pourquoi, il nous paraît primordial d’examiner, maintenant, les solutions logistiques clés, mobilisables par les « sans magasin ». Une forte émulation entre les PSL Comme nous l’avons précédemment mis en évidence, les acteurs du BtoC sont actuellement attirés par les livraisons hors domicile. Trois alternatives s’offrent à eux : (1) soit ils possèdent un réseau de magasins et ils s’y adossent (par exemple Interflora) ; (2) soit ils possèdent des magasins mais ils préfèrent utiliser des infrastructures dédiées au retrait (Auchan via sa solution Chronodrive) ; (3) soit ils ne possèdent aucun magasin (ou pas suffisamment) et font dans ce cas appel aux e-PSL, dans le cadre de démarches volontaires de mutualisation. Intéressons nous à cette troisième alternative, et plus particulièrement aux offres de Kiala et de La Poste. Le savoir-faire de la VAD : l’exemple de Kiala La livraison en dehors du domicile (LHD) doit en fait beaucoup au savoir-faire des acteurs de la VAD, notamment à La Redoute et aux 3 Suisses, à l’origine des premiers réseaux de points relais. Mondial Relay, filiale du Groupe 3 Suisses International, en constitue certainement l’exemple emblématique. Créé en 1997, Mondial Relay dispose de centres de tri et de plates-formes régionales, qui garantissent aux VADistes comme aux pure-players une distribution domestique sécurisée via un réseau de près de 4000 commerçants de quartier. Ce maillage de proximité fait de Mondial Relay un e-logisticien urbain incontournable : il permet à l’internaute de disposer de ses commandes sous 24 heures, commandes qu’il vient retirer dans un magasin proche de l’un de ses lieux de vie (épicerie, station service, pressing, fleuriste…). Ces points de retrait offrent des plages horaires d’ouverture plus larges que celles des bureaux de poste : certains sont même Tableau 1 : Etat de l’art partiel de l’e-logistique en France Type d’e-supply chain Offre Limitée Produits floraux Quelques dizaines de références Très importante Produits éditoriaux Plusieurs millions de références Pilotage des flux Modèle logistique Implication des P.S.L. Tiré Préparation en magasin pour le brick-and-mortar Interflora Inexistante Internalisation des livraisons Assemblage du bouquet à la demande (built-to-order process) Préparation sur entrepôt dédié pour les pure-players Aquarelle et Bebloom Délégation du transport à des PSL (Chronopost…) Stocks importants en amont chez les fournisseurs Poussé Produits alimentaires (cyber-marchés) Importante Plusieurs milliers de références Préparation sur entrepôt dédié - internalisé pour le Délégation du transport à des brick-and-mortar Fnac PSL (Chronopost…) et même de - externalisé pour le pure-player l’entreposage pour Alapage Alapage Poussé Stocks importants en aval chez les distributeurs traditionnels Préparation en magasin pour les distributeurs associés : Intermarché, Système U et Leclerc Préparation sur entrepôt ou dépôt dédié pour les distributeurs intégrés : Carrefour, Auchan, Cora et Télémarket (brick-and-mortar) Inexistante Système U et Leclerc ne livrent pas ou peu Très variable Carrefour préfère déléguer, tandis qu’Auchan internalise Source : élaboration personnelle 50 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:19 Vol. 18 – N°1, 2010 50 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management ouverts le week-end ! L’internaute est averti instantanément de l’arrivée de sa commande par SMS, e-mail ou bien encore par message vocal. Ajoutons que l’offre de Mondial Relay est commercialisée en France par un infomédiaire : Kiala, société belge créée en 2000. Il s’agit là d’une alternative logistique privée aux tarifs particulièrement attractifs : en moyenne de 10 à 15% inférieurs au service Colissimo de La Poste. Le mérite de Kiala est d’avoir professionnalisé le système artisanal des vépécistes, en pariant notamment sur une identification performante par code-barres. Expert en livraison aux particuliers, Kiala s’est également positionné sur le secteur de la logistique inversée prouvant, avec sa procédure d’échange « Swap » (l’ancien produit étant récupéré lors du retrait du nouveau), sa réelle aptitude à collecter les colis qui font l’objet d’un retour. Cityssimo : le « petit dernier » de La Poste Répondre à la demande du BtoC constitue également un enjeu stratégique pour La Poste, qui propose trois formules : (1) le service Colissimo de LAD ; (2) le Chrono Relais de Chronopost via 3000 buralistes (réseau à2pas) ; (3) le Cityssimo. La Poste livre déjà une grande majorité des colis destinés aux particuliers. La Poste ambitionne d’ailleurs de s’imposer comme « L’ » e-PSL de référence, objectif qui ne paraît pas totalement impossible à atteindre dans la mesure où elle peut s’appuyer sur un réseau de proximité de 11500 points de retrait via ses bureaux de quartier (Brillet, 2008). Désormais, depuis 2005, ColiPoste propose la solution Cityssimo, un système de consigne automatique qui permet de contourner le problème des plages d’ouverture des bureaux de poste ou celui des magasins. L’internaute peut ainsi retirer ses achats 24h/24 et 7 jours sur 7 : il lui suffit d’indiquer, lors de sa commande, le point Cityssimo sur lequel il souhaite être livré. Une fois le point de retrait livré, le consonaute est alerté par e-mail ou SMS (servive e-Como). Un code lui est communiqué et il dispose de quelques jours pour effectuer son retrait. Une trentaine de Cityssimo fonctionne aujourd’ hui en France. Certains automates sont adossés à des bureaux de quartier et d’autres sont installés dans des gares ou des galeries marchandes. A terme, ColiPoste devrait renforcer son maillage en s’appuyant, en particulier, en région parisienne sur le réseau de la RATP. Les conditions d’une e-logistique plus verte Ne perdons pas de vue que la remise du colis est sans doute l’opération logistique la plus délicate du BtoC : le dernier kilomètre, « les derniers mètres » disent même certains, constitue en effet le maillon faible de l’e-logistique. Il s’agit donc de préciser les conditions qui doivent permettre aux opérations de LAD et de retrait de s’inscrire pleinement dans des démarches plus écologiques, évitant en particulier les kilomètres inutiles. Notre objectif est de poursuivre ici la présentation des résultats de nos entretiens semi-directifs, en insistant sur quatre facteurs clés : deux concernent la LAD, le troisième renvoie à la gestion des retraits et le quatrième porte sur les CDU (Centre de Distribution Urbaine). La condition du « 0-commande non livrée » La LAD pose une vraie difficulté pour peu qu’elle concerne des produits fragiles et pour peu, surtout, que le consonaute soit absent au moment du passage du livreur. Aujourd’hui, même si des progrès sensibles ont été accomplis, une LAD sur trois échoue encore. Le premier objectif des acteurs du e-commerce (cyber-commerçants, internautes et e-PSL) est, par conséquent, de diminuer ce taux d’échec. Il s’agit ainsi de tendre vers le « 0-commande non livrée » et, donc, de réduire les retours vers leur base des commandes non livrées. La gestion de ces retours engendre en effet, du fait des remises ultérieures en livraison, un double impact : (1) financier (du fait du temps passé) ; (2) écologique en raison des kilomètres parcourus lors du deuxième passage au domicile de l’internaute. L’identification des différents systèmes de LAD apparaît alors fondamentale et les travaux de Patier (2009) et de Bessec (2009) semblent, à ce titre, précieux en vue d’élaborer des scénarios permettant de tendre vers le « 0-retour ». La condition du « tout en une livraison » En admettant que l’on parvienne demain à éviter les non-livraisons, un autre problème émerge depuis quelques mois compte-tenu de l’accélération du développement des ventes en ligne. Les consonautes sont-ils, en effet, prêts à être dérangés plusieurs fois dans une même soirée à l’occasion de la livraison de commandes différentes ? Si l’internaute opte pour la LAD, ce n’est pas pour être dérangé de manière intempestive à son domicile. Ces dérangements pourraient donc, s’ils devenaient récurrents, constituer un frein au commerce électronique dans la mesure où ils contribueraient en plus à l’aggravation de l’engorgement des centres de vie (Gratadour, 2004). Ne perdons pas de vue, en effet, que le commerce en ligne ne supprime pas la vente en magasin et, donc, les déplacements des Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:20 51 51 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management consommateurs (Alligier, 2007). Aussi, il convient d’identifier précisément les solutions qui permettent de tendre vers le coup de sonnette unique, c’est-à-dire de construire des scenarii minimisant dérangements et déplacements. L’organisation de la distribution du courrier par La Poste (passage du facteur quotidien mais unique) est, à ce titre, riche d’enseignements. Cette problématique logistique pose inévitablement la question des infrastructures de distribution, en particulier celle des Centres de Distribution Urbaine (CDU) sur lesquels nous allons revenir. Il s’agit, en définitive, de regrouper les commandes d’un même internaute, « assembler » écrit Yrjölä (2003), afin : (1) de réaliser une LAD unique ; (2) de réduire, du fait de la mutualisation, les kilomètres parcourus ; (3) d’ouvrir des perspectives allant au-delà du « facteur 2,5 » de réduction des émissions de GES. La condition du développement harmonieux des points de retrait Concernant maintenant les LHD, il convient de rappeler que si cette alternative se développe, c’est justement du fait des difficultés rencontrées par la LAD. La solution de la LHD paraît en effet séduisante car, a priori, moins onéreuse (du moins pour les cyber-commerçants !). Mais, qu’en est-il exactement ? Et surtout, cette alternative ne comporte-t-elle pas également quelques risques ? Lors d’une LHD, c’est l’internaute qui se déplace : il passe enlever sa commande sur un point de retrait de proximité (Durand, 2008). Le retrait peut éventuellement s’envi- Figure 2 : Le CDU, facteur clé d’une e-logistique plus verte La condition du nécessaire déploiement des CDU Après le mouvement de délocalisation en périphérie du grand commerce, mais également celui des infrastructures logistiques majeures (entrepôts, plates-formes…), nous assistons aujourd’hui à un mouvement inverse de repositionnement sur des commerces de proximité. Ce « reflux » des marchandises de la périphérie vers le centre de la ville, au plus près des consommateurs finalement, pourrait être facilité par la redynamisation, à des fins logistiques, d’espaces urbains (ELU) proches de l’hyper-centre, espaces qui existent déjà aujourd’hui, mais à l’état de friches foncières (ancienne gare, entrepôt ou usine désaffectée, ancien centre de tri…). Nous pourrions assister au développement de CDU au cœur de ces zones, car si la réduction des nuisances passe bien sûr par une diminution du nombre de véhicules en circulation et à l’arrêt, elle passe également par la baisse des distances parcourues (Boudouin et Morel, Source : Patier (2002) 52 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:20 sager sur un dépôt dédié, ce que propose Auchan avec sa solution Chronodrive. Le retrait peut encore s’imaginer en magasin, solution aujourd’hui très répandue : il suffit d’observer la multiplication des drive chez les cyber-épiciers. Le savoir-faire logistique de la VAD peut aussi être mobilisé à travers, cette fois, des alternatives mutualisées : le succès de Kiala, leader européen des réseaux des points de retrait (47 000 unités en Europe), en est le meilleur exemple et La Poste l’a également compris en lançant Cityssimo. Force est ainsi de constater que les points de retrait constituent désormais de véritables outils de mutualisation et, donc, de massification sur lesquels les cyber-commerçants n’hésitent plus à s’adosser. Cependant, si on mesure les atouts économique et technique de la LHD (« 0-commande non livrée »), rien ne prouve pour autant son réel intérêt écologique. Les travaux de Browne et al (2005) semblent même montrer que l’alternative de la LHD peut être contraire à l’objectif de réduction des émissions de GES. Si elle n’est pas un minimum organisée, la LHD risque en effet de se traduire par une multiplication anarchique des points de retrait et de générer, au final, plus de déplacements que dans le cadre du commerce en magasin. L’engouement pour la LHD ne doit donc pas masquer de probables difficultés à venir. Il paraît, par conséquent, fondamental d’identifier l’ensemble des solutions favorisant la réduction des déplacements des internautes sur des points de retrait et, à ce titre, de valoriser l’alternative des CDU. Vol. 18 – N°1, 2010 52 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management 2002). D’ailleurs, comme le souligne Patier (2002) par rapport au BtoB, l’accessibilité n’est pas tout : les lieux de traitement du fret et leur implantation dans la ville sont tout aussi déterminants. Bien entendu, en BtoC, cette remarque garde toute sa validité du fait de la capillarité des flux : les sites de groupage/dégroupage sont donc absolument nécessaires et la pertinence de leur localisation est même fondamentale. Véritable plate-forme d’éclatement (Dablanc, 1998), un CDU est un centre de tri, sur lequel les commandes sont regroupées par cybernaute. Il s’agit d’un site de proximité à vocation mixte, pouvant tout aussi bien constituer le point de départ de tournées de LAD courtes (autorisant le recours à des véhicules électriques) que jouer le rôle d’un point de retrait (one-stop pickup). Les CDU semblent donc appelés à se développer dans la mesure où les points de retrait existants (ceux de Mondial Relay et de La Poste par exemple), ne sont pas adaptés aux produits encombrants ou à température dirigée. Directement approvisionnés par les fournisseurs via des réseaux de plates-formes prestées fonctionnant en cross-docking (Dablanc, 2007), les CDU constituent de précieux outils de mutualisation qui devraient permettre de surmonter la difficulté du dernier kilomètre et de rendre, ainsi, plus verte l’e-logistique dès que la capillarité de leur réseau sera suffisante… Conclusion Au cours de cet article, nous nous sommes intéressé à la dimension écologique de l’e-logistique. Plus précisément, nous nous sommes interrogé sur les manières de rendre plus verte la logistique du B2C. Nous pouvons déjà affirmer que la prise en compte de la composante environnementale ne peut que favoriser le développement du e-commerce. Cela signifie que l’e-logistique constitue bien, quand elle s’inscrit dans une démarche écologique, un réel levier de croissance. Force est d’ailleurs de constater que les considérations environnementales, doublées de considérations économiques, poussent aujourd’hui les cyber-épiciers français à préférer des alternatives logistiques décentralisées (en particulier le drive). Cela pose également la question de l’aménagement des ELU de centre-ville et de périphérie. Le tableau 2, ci-après, reprend les principaux enseignements de notre recherche. Demain, des bilans carbone plus fins devraient nous permettre de vérifier quelles sont les organisations logistiques du BtoC les plus performantes, en LAD comme en LHD. Des bilans écologiques plus globaux sont également attendus afin de compléter ces bilans carbone. Il convient, en effet, de se montrer relativement prudent : le bilan d’un commerçant en ligne peut-il être, en effet, considéré comme positif quand la réduction de son impact carbone est constatée, mais que le bilan global des déplacements des internautes est, lui, négatif ? Conjuguer l’e-logistique avec les préoccupations écologiques nécessite donc d’adopter des démarches globales intégrant l’ensemble des acteurs de la filière concernée, approches pour lesquelles les travaux portant sur les modes de coopération logistiques au sein du canal de distribution fournissent un cadre théorique tout à fait adapté. Enfin, si notre article s’est intéressé exclusivement à la remise de la commande à l’internaute, il conviendrait également de se préoccuper de la logistique inverse des produits et, notamment, de celle des produits en fin de vie (par exemple la rétro-logistique des PGC électroniques régis par la directive D3E). Il s’agirait ainsi de mettre en évidence comment, en BtoC, la logistique des retours peut intégrer les préoccupations environnementales et d’y souligner, une nouvelle fois, le Tableau 2 : Les alternatives vertes de l’e-logistique Mode de livraison LAD Sites de préparation des commandes en ligne Les magasins de proximité, localisés à quelques kilomètres (Interflora, Intermarché…), sont préférables aux entrepôts régionaux. Les points relais mutualisés (Kiala, La Poste…) sont préférables aux points dédiés (drive en magasin ou en dépôt). Points de retrait des commandes en ligne CDU (Centre de distribution urbaine) LHD Les CDU constituent des sites de proximité à vocation mixte (autorisant la LAD et la LHD). Confiés à des PSL, ce sont des points de mutualisation qui favorisent le « tout en un » (« tout en un passage » ou « tout en un retrait »). Source : élaboration personnelle Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:20 53 53 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management rôle crucial des e-PSL, à l’image de Kiala via son processus d’échange « un à un ». Journal of Physical Distribution & Logistics Management, Vol 32, N°5, pp. 362-380. Références bibliographiques Dornier, Ph-P., Fender, M. (2001), La logistique globale : enjeux, principes, exemples, Editions d’Organisation, Paris. Abbad, H. et Boissinot, A. 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Cette méthode nous permet de classifier les postes de travail en quatre catégories. Elles permettent d’orienter les investissements nécessaires afin d’adapter les moyens de production aux données prévisionnelles. Une étude de cas industriel est présentée afin d’illustrer la méthode. Introduction Une ligne d’assemblage est une succession de postes de travail. La fabrication d’un véhicule sur une ligne d’assemblage automobile nécessite des milliers d’opérations. Les véhicules avancent en continu et passent de poste en poste sans s’arrêter et toujours dans le même ordre. Ils avancent tous à la même vitesse et sont disponibles pour un opérateur durant un même laps de temps, appelé le temps de cycle. L’équilibrage consiste à affecter les opérations aux postes de travail, tel que la charge de travail sur chacun d’eux soit la plus homogène possible. L’équilibrage est très complexe quand il s’agit d’une ligne de montage à modèles mélangés : chaque modèle de véhicules a ses propres contraintes de précédences à respecter, pour des raisons d’outillages, certaines opérations devront être regroupées ou bien obligatoirement affectées sur différents postes, pour des raisons d’ergonomie, certaines combinaisons d’opérations sont à éviter pour un même opérateur, …. C’est un traite- ment long et coûteux, étudié mensuellement à partir de données prévisionnelles [BOU03]. Pour des raisons de coûts et de contraintes industrielles, il est possible que l’opérateur d’un poste de travail ait besoin pour certains véhicules d’un temps de travail supérieur au temps cycle. Ces véhicules constituent des « pics de charge » et contraignent l’ordonnancement des véhicules. En effet, ces véhicules doivent être espacés pour permettre aux opérateurs de récupérer la surcharge occasionnée [GIA06]. Cet espacement est garanti au cours de l’ordonnancement grâce au respect d’une contrainte d’espacement. Pour garantir le respect de cette contrainte d’espacement, le nombre de ces véhicules doit être limité. Par conséquent, cela conduit à contraindre le volume de certains types de véhicules. L’équilibrage de la ligne d’assemblage est réalisé en fonction des données prévisionnelles mensuelles. Or, les données prévisionnelles peuvent comporter des erreurs. Puis, lors du séquencement des véhicules commandés Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:20 Cet article a fait l’objet d’une présentation à la conférence MOSIM’08, Paris, 31 mars - 2avril 2008. 57 57 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management par les clients, les contraintes d’espacement ne sont pas toujours faciles à respecter [LES06b]. Enfin, à tout moment et en présence d’aléas de production, les opérateurs doivent être capables de travailler en minimisant la sollicitation de renforts. Par conséquent, il est naturel d’envisager de la flexibilité pour absorber : • les erreurs de prévisions, • les difficultés de séquencement des véhicules, • les aléas de production. Une ligne d’assemblage, équilibrée sans flexibilité, i.e. au respect strict des données prévisionnelles, risque de ne pas absorber sans surcoût ou sans délai un des 3 phénomènes décrits ci-dessus. A contrario, une ligne d’assemblage trop flexible peut présenter un risque d’avoir trop de ressources (main d’œuvre, matériel, …) et donc un coût de fabrication plus élevé. Dans notre article, nous présenterons une classification des postes de travail en fonction de différents niveaux de flexibilité. Cette classification a pour objectif de permettre aux décideurs, en l’occurrence, les responsables de l’équilibrage de la ligne d’assemblage, de trouver le meilleur compromis entre les moyens à mettre en œuvre pour produire les véhicules pouvant être commandés par les clients et les différents niveaux de flexibilité nécessaire pour assurer la production à moindre frais. Jusqu’à la proposition de notre classification, PSA Peugeot Citroën ne disposait pas de méthodes pour trouver ce compromis. Dans un premier temps, nous aborderons brièvement la flexibilité décrite dans la littérature scientifique en lien avec notre travail. Ceci nous permettra de définir le périmètre de notre étude. Dans un deuxième temps, nous présenterons le calcul de l’évaluation de la capacité maximale de production pour chacune des contraintes d’espacement. Sans cette information, l’identification des postes de travail à adapter peut être incorrecte. Puis, nous présenterons nos indicateurs de flexibilité et nous proposerons une classification des postes de travail en fonction de différents niveaux de flexibilité. Enfin, nous terminerons par l’application de cette classification à un cas industriel sur le site de production de Sevel Nord. La flexibilité La littérature sur la flexibilité est très abondante. Dans cet article, nous présenterons 58 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:21 quelques-unes de ces études en lien direct avec notre travail. Pour les lecteurs, intéressés par plus de détails sur la flexibilité dans les systèmes de production et la chaîne logistique, nous les référons aux nombreuses études bibliographiques [SET90], [DET98], [DSO00], [BEA00], [STE07] et aux articles des numéros spéciaux [CHA09] existants. De manière générale, la flexibilité traduit l’aptitude d’un système à répondre aux modifications de son environnement afin d’assurer le respect de ses objectifs [GUP89], [ERO99]. A cette définition générale, [UPT94] ajoute la notion de l’efficience en y associant la prise en compte du temps, de l’effort et du coût. Des définitions similaires sont disponibles dans [PAR99], [ABD99] et [BEN01]. Toutefois, donner une définition générique pour la flexibilité est très difficile car cette définition dépend souvent du contexte de l’étude [PAR99] et peut recouvrer différents types de flexibilité [SET90]. Face à cette diversité de définitions et par soucis de précision, nous décrivons la notion de la flexibilité utilisée dans le cadre de notre article. La flexibilité d’une usine terminale automobile sera considérée dans ce travail comme la capacité des moyens de production à répondre aux aléas de production, aux erreurs de prévisions, aux difficultés de séquencement des véhicules en minimisant les coûts de production. Dans cette définition, nous retrouvons deux types de flexibilité précédemment définis dans [SET90] : la flexibilité en volume et la flexibilité en mix-produit. La flexibilité en volume est la capacité du système de production à faire varier son volume de production pour satisfaire la demande des clients. Et la flexibilité en mix-produit désigne la possibilité de modifier le portefeuille des produits dans la production courante pour satisfaire une nouvelle demande client. Dans les deux cas, la flexibilité ne devrait pas engendrer des surcoûts excessifs et le système devrait continuer à faire des profits. La méthode d’évaluation que nous allons présenter dans cet article est une méthode pour évaluer la flexibilité en volume. Nous allons indirectement toucher à la notion de la flexibilité en mix-produit car le séquencement des véhicules définis dans le portefeuille contraignent la capacité maximale que l’on peut produire dans une fenêtre de temps, et par conséquent, la flexibilité en volume. Vol. 18 – N°1, 2010 58 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Les besoins de flexibilité La flexibilité est identifiée comme une problématique inhérente aux incertitudes [GDR07]. D’autres notions telles que la robustesse, l’adaptabilité, la réactivité, la stabilité, l’agilité, … sont également citées dans le cadre de prise en compte des incertitudes. Toutefois, parmi toutes ces notions, le rôle central de la flexibilité est mis en évidence dans [MAR09] pour la prise de décision sous incertitudes. Selon l’approche de [COR94a], les deux raisons pour lesquelles une entreprise doit recourir à la flexibilité sont : l’incertitude et la variabilité. Dans sa classification, l’incertitude correspond aux évènements qui ne peuvent pas être prévus ou qui ne peuvent pas être modélisés par des approches probabilistes. Leur source est interne lorsqu’il s’agit d’aléas de production ou d’absentéismes, ou externe lorsqu’il s’agit d’un retard de livraison ou d’une modification législative. La variabilité concerne la variation des quantités demandées ou de l’assortiment des produits à fabriquer. Même si la variabilité peut être prévisible, l’entreprise doit anticiper cette variabilité en disposant d’un potentiel de flexibilité. Ce potentiel permet d’absorber ces variations sans surcoût excessif. Cette approche est plutôt adaptative car nous essayons de réduire les impacts de l’incertitude et de la variabilité. Dans cet article, nous adaptons cette approche adaptative. Des approches proactives existent aussi (voir par exemple, [GER93]) mais ne seront pas considérées dans notre étude. Pour Corrêa, [COR94b], la flexibilité de la structure d’un système de production repose sur 4 éléments qu’il faut ajuster simultanément : • La possibilité de production (“capability”) correspond à la capacité de l’entreprise à produire une certaine diversité de produits, • La capacité de production (“capacity”) correspond à la capacité de l’entreprise de faire face à une variation de volume, • L’utilisation des ressources (“utilization”) correspond à la capacité de l’entreprise de disposer des ressources juste nécessaires au bon moment, • L’adaptabilité (“switchability”) corres- pond à la capacité de l’entreprise à adapter ses moyens de production aux différents produits rapidement, facilement et à moindre coût. Les études de Corrêa [COR94a], [COR94b] sont menées dans le contexte de l’industrie automobile. Par conséquent, nous associons facilement les éléments vus dans le terrain de notre étude avec les éléments définis par Corrêa : Pour disposer d’une ligne d’assemblage automobile flexible, l’équilibrage doit considérer les 4 éléments ci-dessus simultanément. Les responsables de l’équilibrage doivent dimensionner les postes de travail pour qu’ils soient capables de produire les véhicules commandés par les clients et transmis par la direction commerciale (“capability” et “capacity”). Pour répondre à ce besoin, le nombre d’opérateurs doit être évalué au mieux pour ne pas être sur ou sous utilisé (“utilization”). Et, les tâches doivent être réparties pour permettre aux opérateurs d’absorber les variations et les aléas sans solliciter l’aide d’opérateurs supplémentaires (“switchability”). Pour parvenir à un bon compromis, il faut mesurer la flexibilité disponible et l’ajuster à celle demandée. La flexibilité en ordonnancement La flexibilité et la robustesse en ordonnancement sont deux concepts très liés [BIL05]. Intuitivement, il est d’autant plus facile de proposer une méthode robuste, que la flexibilité qui lui est accordée est grande. La flexibilité est le degré de liberté dont on dispose pour construire un ordonnancement. Et, un ordonnancement est robuste si sa performance est peu sensible à l’incertitude des données et aux aléas. Dans le cadre de notre article, la robustesse est une résultante de la flexibilité offerte par l’atelier montage. En effet, dans un premier temps, la flexibilité d’un poste de travail de la ligne d’assemblage correspond à sa capacité à faciliter le lissage de la charge de travail de l’opérateur lors de l’ordonnancement. Et, dans un deuxième temps, cette séquence est d’autant plus robuste qu’elle conserve le lissage de la charge de travail malgré un aléa de production. Les mesures de la flexibilité Les mesures de la flexibilité que nous trouvons dans la littérature sont toutes autant variées que sa définition. Il existe différentes techniques d’évaluation, quantitatif ou qualitatif, par type de flexibilité ou agrégée, … [BEA00]. Gupta préconise que la mesure de la flexibilité doit être, elle aussi, conforme à la nature de la flexibilité et de son contexte [GUP93]. Comme mentionné précédemment dans cet article, nous nous intéressons aux Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:21 59 59 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management mesures de la flexibilité en volume. Les sources de la flexibilité en volume peuvent être très variées : dans le cas des approches adaptatives, les sources majeures de la flexibilité en volume sont les méthodes de réduction de temps de changement de série, des technologies avancées de la production, des operateurs polyvalents et de la capacité supplémentaires [HAL09]. Ici, nous présentons une mesure basée sur la capacité supplémentaire de l’outil de production. Dans cet article, nous nous sommes inspirés de l’évaluation de la flexibilité en volume, proposée par [PAR99]. Cette évaluation, F, repose sur une mesure de la différence entre deux limites : la capacité maximale de production, Cmax, et la capacité correspondant au seuil de rentabilité, Seuil (équation 1). F= C max - Seuil C max (1) Dans notre étude, la capacité maximale de production correspond au nombre maximal de véhicules provoquant un pic de charge que nous pouvons produire sans modifier les infrastructures, ni renforcer les opérateurs par des appels à des opérateurs polyvalents. Le seuil de rentabilité considéré représente le nombre prévisionnel de ces véhicules car les moyens de production mis en œuvre par l’équilibrage doivent obligatoirement être capables de produire les volumes prévus. L’évaluation de la capacité maximale de production n’est pas triviale. Dans la partie qui suit, nous présenterons le calcul de cette capacité. Pour un poste de travail Dans une usine terminale automobile, chaque poste de travail peut traiter différents types de véhicules. Chacun de ces véhicules peut avoir un temps de traitement sur le poste de travail différent. Nous utiliserons la notation T i , j pour représenter le temps de traitement du véhicule j sur le poste de travail i, et T cycle , pour représenter la cadence de la ligne de montage. Pour simplifier les calculs, nous avons considéré deux groupes de véhicules par poste de travail : (i) les véhicules ne provoquant pas de pic de charge sur le poste de travai i , i.e. T i , j £ T cycle . Nous utiliserons la notation Vi pour représenter l’ensemble de ces véhicules. (ii) les véhicules provoquant un pic de charge, i.e. T i , j > T cycle . Nous utiliserons la notation Vi pour représenter l’ensemble de ces véhicules. On suppose que chaque groupe de véhicule a le même temps de traitement. Pour les véhicules membres de Vi (respectivement, Vi ) nous avons estimé ce temps de traitement par T inf i (respectivement T sup i ). T inf i Et T sup i peuvent être calculés de différentes façons : 1. Le cas optimiste : Les deux temps correspondent au temps minimum de chacun des deux groupes de véhicules, T inf i = min( T i , j ) et T sup i = min( T i , j ). jÎV i jÎV i 2. Le cas moyen : les deux temps correspondent à la moyenne pondérée des temps, T inf i = avg( T i , j ) et T sup i = avg( T i , j ). Évaluation de la capacité maximale de production jÎV i Nous avons dégagé deux façons de calculer la capacité maximale de production : statique et dynamique. Tout d’abord, nous aborderons la capacité maximale statique et dynamique pour un poste de travail, puis, pour plusieurs postes de travail. La capacité maximale statique La capacité maximale statique,Q¢ max , consiste à évaluer le nombre maximal de véhicules provoquant un pic de charge telle que la charge de travail de l’opérateur soit le plus proche possible de l’objectif visé. Dans le contexte de cette étude, l’objectif visé est atteint lorsque le poste de travail a un coefficient d’équilibrage correspondant au coefficient d’équilibrage fixé dans les bonnes 60 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:21 pratiques du groupe, Ke obj . Le coefficient ( Ke obj ) -1 reflète le taux d’occupation de l’opérateur. jÎV i 3. Le cas pessimiste : les deux temps correspondent au temps maximum de chacun des deux groupes de véhicules. T inf i = max( T i , j ) et T sup i = max( T i , j ). jÎV i jÎV i 4. Le cas écrêté : Les deux temps correspondent au maximum des temps retenus par les équilibreurs. Par exemple, des véhicules rares ayant T i , j >> T cycle sont exclus des calculs car ils sont gérés différemment des autres véhicules. Le cas écrêté apporte donc une correction au cas pessimiste qui a tendance à surestimer T inf i et T sup i présence de quelques véhicules avec T i , j >> T cycle . Avec cette simplification, il est alors aisé d’évaluer la capacité maximale statique pour le poste de travail i, Q¢ max i (équation 2). Vol. 18 – N°1, 2010 60 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Qtot * T cycle (Qtot - Q¢ max i ) * T inf i + Q¢ max i * T sup i £ Ke obj Figure 1 : Représentation de la charge de travail d’un poste de travail (2) Soit Q¢ max i T cycle ê - T inf i ê Ke obj ê = Qtot * ê T sup i - T inf i ê êë ú ú ú ú ú ûú Où Qtot est le nombre total de véhicules à fabriquer. Pour illustrer ce calcul, nous avons considéré le poste de travail dont la charge de travail est représentée sur la figure 1. Nous avons simplifié les temps de traitement des deux groupes de véhicules en considérant la situation correspondante au cas pessimiste (T inf i = 0,30 et T sup i =1, 20) . Pour cet exemple, le coefficient d’équilibrage objectif est Ke obj =112 , (soit environ 89% de la charge de travail de l’opérateur). Le nombre de véhicules total à produire par jour de production est Qtot =100. Le nombre maximal de véhicules provoquant un pic de charge que nous pouvons produire sur ce poste de travail est donc 65. Q¢ max i T cycle ê - T inf i ê Ke obj = êQtot * ê T sup i - T inf i ê êë Þ Q¢ max i ú ú ú ú ú ûú Une contrainte d’espacement peut contraindre plusieurs postes de travail. Chacun de ces postes de travail limite la quantité maximale de certains véhicules. Par conséquent, la capacité maximale statique d’une contrainte d’espacement ne peut pas être supérieure à la plus petite capacité maximale statique des postes de travail contraints par la contrainte d’espacement (équation 3). (3) Où Pc c est l’ensemble des postes contraints par la contrainte d’espacement c. La capacité maximale dynamique La capacité maximale dynamique, Qmax , correspond au nombre maximal de véhicules Dans l’équation (4), N/P correspond au ratio de la contrainte d’espacement pour un poste de travail donné. Nous allons dans la suite présenter comment calculer ce ratio et plus précisément les deux termes N et P. N/P peut être calculé soit en fonction du volume à produire, soit en fonction de l’espace de travail. Des études précédentes ont montré que la deuxième méthode est plus satisfaisante vis à vis de la réalité du terrain [BOL92a], [BOL92b], [GIA06], [LES06a]. Nous allons, donc, brièvement expliquer le principe du calcul de N/P en fonction de l’espace de travail de l’opérateur. Pour plus de détail, le lecteur peut se référer à [BOL92a], [BOL92b], [GIA06] et [LES06a]. Nous rappelons que, dans la liste des véhicules à engager sur le site de montage, les véhicules provoquant un pic de charge doivent être espacés pour permettre aux opérateurs de récupérer le retard accumulé par le montage de ces véhicules. Cet espacement est réalisé à l’aide des contraintes d’espacement définis par un critère (i.e. présence d’une ou plusieurs Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:21 (4) Pour calculer la capacité maximale dynamique, Qmax , pour un poste de travail, il faut d’abord calculer le ratio N/P de la contrainte d’espacement pour ce poste de travail. Pour une contrainte d’espacement iÎ Pc c N Qmax = ê * Qtot ú êë P úû Pour un poste de travail 1 ê - 0,30 ú ê ú 112 , = ê100 * ú = 65 1, 2 - 0,30 ú ê êë úû Q¢ max c = min(Q¢ max i ) provoquant un pic de charge qui peuvent être séquencés en respectant le ratio d’une contrainte d’espacement permettant aux opérateurs de travailler sans solliciter l’aide d’un opérateur polyvalent. Cette capacité maximale est calculée avec l’équation 4. 61 61 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Figure 2 : Représentation graphique de déplacements d’un opérateur Un véhicule provoquant un pic de charge occasionne pour l’opérateur un retard de Rsup = T sup - T cycle supplémentaire. Et, avec un véhicule sans pic de charge, il peut récupérer Rinf = T cycle - T inf . Le calcul du ratio d’une contrainte d’espacement revient alors à trouver le nombre de véhicules ne provoquant pas de pic de charge nécessaire (P-N) pour absorber une succession de N véhicules provoquant un pic de charge. Les paramètres de N/P sont alors calculés par l’équation 5 où Rmax = ( Max i - Min i ) - T cycle [LES06a]. options sur un véhicule) et un ratio N/P. Dans la séquence des véhicules à fabriquer, on peut avoir au plus N véhicules provoquant un pic de charge (comportant le critère) sur une fenêtre glissante de P véhicules. Pour le calcul de N/P en fonction de l’espace de travail de l’opérateur, nous observons tout d’abord les mouvements de l’opérateur dans son poste de travail (figure 2). Un opérateur affecté au poste de travail, i, travaille dans un espace de travail délimité par une limite minimale, Min i , et une limite maximale, Max i . Min i sera toujours négative ou nulle et Max i sera toujours égale ou supérieure au temps cycle, T cycle . Tant que l’opérateur demeure dans cet espace de travail, il ne gênera pas les opérateurs qui le précédent ou le suivent sur la ligne d’assemblage. La date de début du traitement d’un véhicule j sur le poste de travail i, Di , j , peut commencer dès la limite Min i et la date de fin de son traitement, Fi , j peut aller jusqu’à la limite maximale, Max i . Les véhicules ayant un temps de traitement T i , j > T cycle (e.g. véhicule j dans la figure 2) provoquent un pic de charge. Le retard accumulé par le traitement de ce type de véhicule peut être récupéré en affectant des véhicules ayant T i , j £ T cycle dans la séquence des véhicules (e.g. les véhicules j+1 ,…, j+4 dans la figure 2) . Nous notons que les temps de traitement des véhicules, T i , j , ne sont pas homogènes, comme illustré dans la figure 2. Pour simplifier les calculs, nous utilisons la même simplification présentée dans la section 3.1.1. Par conséquent, un poste de travail ayant une forte diversité de temps de traitement est simplifié à deux temps : T inf i pour les véhicules avec T i , j £ T cycle et T sup i pour les véhicules avec T i , j > T cycle . 62 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:21 êR ú ê N * Rsup ú N = ê max ú et P = N + ê ú ë Rinf û ë Rsup û (5) Pour illustrer le calcul de Qmax pour un poste de travail, nous reprenons l’exemple de la figure 1. Pour ce poste, l’espace de travail est limité par Min i =0, et Max i =1,3. Donc, selon l’équation (5), le ratio à appliquer sur ce poste de travail est 1/2. Par conséquent, selon l’équation (4), nous pouvons, théoriquement, engager 1ú ê Qmax = 100 * = 50 véhicules sans provoêë 2 úû quer de non respects du ratio 1/2. Pour une contrainte d’espacement Similairement à la procédure de la section 3.1.2, dans le cas de la capacité maximale dynamique pour une contrainte d’espacement, nous devons trouver un ratio N/P unique qui s’applique à tous les postes de travail concernés par cette contrainte d’espacement. Pour chacun des postes de travail i contraint par la contrainte d’espacement c, nous évaluons le ratio à appliquer selon l’équation (5). Pour chacun des ratios différents, nous construisons l’ensemble de ses ratios compatibles Rc N i . Pi Un ratio N j Pj est dit compatible avec un ratio Pi si toutes les séquences de véhicules respectant le ratio N i Pi respectent également le ratio N j Pj . Ni Ici, nous ne présenterons pas le calcul de Rc N i mais le lecteur peut consulter [LES06a] Pi pour plus d’information. Nous pouvons alors sélectionner, parmi l’ensemble de ratios compatibles, Pc c (équation 6), un ensemble de ratio commun à tous les postes de travail. Cc c = Ç Rc N i iÎ Pc c (6) Pi Vol. 18 – N°1, 2010 62 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Avec Pc c , ensemble des postes contraints par la contrainte d’espacement c. Les parties grises de la figure 1 représentent cette perte d’efficacité. Pour produire le plus grand nombre de véhicules sans dépasser la limite maximale de l’espace de travail, il faut choisir le ratio N c Pc ayant le rapport le plus élevé (équation 7). (Qi * Tsup i + (Qtot - Qi ) * Tinf i ) - åTi , j Nc = max ( x) Pc x Î Cc N p (7) Pp Par exemple, considérons deux postes de travail contraints par une contrainte d’espacement, c. Le premier poste accepte un ratio de 1/2 et le deuxième un ratio de 2/5. L’ensemble des ratios compatibles du ratio 1/2 correspond à Rc1/2 ={1/2, 1/3, 1/4, 1/5, …}. L’ensemble des ratios compatibles du ratio 2/5 correspond à Rc2/5 ={2/5, 2/6, 2/7, …, 1/3, 1/4, 1/5, …}. L’ensemble des ratios compatibles communs aux deux postes correspond à Cc={1/3, 1/4, 1/5, …. }. Comme nous souhaitons produire le plus de véhicules possible avec un pic de charge sur les deux postes simultanément, nous sélectionnerons le ratio 1/3 à appliquer. Les pertes d’efficacité Q tot Ptemps j = j=1 Nous allons illustrer le calcul de cet indicateur avec le poste de travail dont la charge est représentée par la figure 1. Les temps de traitement des véhicules sur ce poste de travail se répartissent selon le tableau 1. Tableau 1 : Temps de traitement des différents types de véhicules Véhicule Temps de traitement Quantité Véhicules ne provoquant pas de pic de charge Type 1 0,25 minute 30 Type 2 0,30 minute 35 Véhicules provoquant un pic de charge Type 3 1,10 minute 5 Type 4 1,18 minute 25 Type 5 1,20 minute 5 La perte d’efficacité due à la simplification des temps de traitement pour ce poste de travail est de 2,5% de la charge maximale de l’opérateur sur ce poste de travail. Q tot Lors du calcul de la capacité maximale dynamique,Qmax , tout d’abord nous simplifions les temps des postes de travail concernés (Cf. 3.2.1). Puis, nous calculons un ratio N/P pour chaque poste de travail. Enfin, nous choisissons un ratio compatible et commun à tous les postes de travail (Cf. 3.2.2) contraints par la contrainte d’espacement. A chacune de ces étapes, nous perdons en productivité potentielle et donc en efficacité. Nous allons présenter quelques indicateurs pour évaluer cette perte. Due à la simplification des temps La perte d’efficacité due à la simplification des temps de traitement, Ptemps i , correspond à l’écart entre la charge de travail avec deux types de véhicules et la charge de travail effective (équation 8). SoitQi le nombre de véhicules provoquant un pic de charge. La charge de travail avec deux types de véhicules correspond à la somme de la charge de travail des véhicules provoquant un pic de charge, Qi * T sup i , et de la charge de travail des véhicules ne provoquant pas de pic de charge, (Qtot - Qi ) * T inf i . La charge de travail effective correspond à la somme des temps de Q tot traitement des différents véhicules, å T i , j . j =1 Ptemps j = (Qi * Tsup i + (Qtot - Qi ) * Tinf i ) - åTi , j j=1 Qtot * Tcycle ( 35 * 12 , + (100 - 35) * 0 ,3) - 59 = = 2 ,5% 100 * 1 Due au calcul du ratio N/P d’un poste de travail La perte d’efficacité due au calcul du ratio N/P d’un poste de travail i, Pratio i , correspond à l’écart entre la capacité maximale statique (équation 2), et la capacité maximale dynamique (équation 4), d’un poste de travail (équation 9). Pratio i = Q¢ max i - Qmax i (9) Comme nous pouvons le constater sur l’exemple précédent, nous perdons la possibilité de produire Pratio i = 65 - 50 = 15 véhicules car il existe un écart entre la capacité maximale statique et la capacité maximale dynamique. Pour éviter de renforcer le poste de travail à cause d’un non respect, il faut limiter le nombre de véhicules provoquant un pic de charge sur ce poste de travail à 50, soit la capacité maximale dynamique. Par conséquent quoiqu’il arrive, un dépassement de ce nombre de véhicules provoquera un non respect et, éventuellement, l’intervention d’un opérateur polyvalent. Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:22 (8) Qtot * Tcycle 63 63 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Due au calcul du ratio N/P d’une contrainte d’espacement La perte d’efficacité pour un poste de travail i, due au choix d’un ratio N/P compatible et commun à tous les postes de travail contraints par la même contrainte d’espacement c, P¢ ratio i (équation 10), correspond à l’écart entre la capacité maximale statique d’un poste de travail i contraint par la contrainte d’espacement c, Q¢ max i , et la capacité maximale dynamique de la contrainte d’espacement c, Qmax c calculé en utilisant le Nc / Pc unique pour la contrainte c (équation 7). P¢ ratio i = Q¢ max i - Qmax c (10) En poursuivant avec l’exemple précédent, si nous supposons que le ratio d’une contrainte d’espacement contraignant ce poste de travail vaut 1/3, la perte d’efficacité due au choix du 1 ratio représentera P¢ ratio i = 65 - ê100 * ú = 32 êë 3 úû véhicules. Conseils pour un équilibrage sans perte Pour minimiser ces pertes, nous préconisons un équilibrage qui favorise, pour les postes de travail ayant des véhicules provoquant des pics de charge, une répartition des tâches qui aboutit à deux groupes de véhicules avec des temps les plus homogènes possibles, i.e. temps de traitement proches de T inf i et de T sup i . Actuellement, le coefficient d’équilibrage est le seul indicateur utilisé par les équilibreurs pour évaluer la qualité d’un équilibrage, et ceci est insuffisant. Par conséquent, nous préconisons la prise en compte des ratios, ci-dessus. Conscients que cela n’est pas facile à réaliser, nous proposons, dans la suite de cette étude, des indicateurs de flexibilité qui nous fournirons des informations orientant les équilibreurs sur les postes de travail à adapter. Les indicateurs de flexibilité Dans cette partie, nous allons montrer comment mesurer différents types de flexibilité : la flexibilité potentielle totale FPtotale et les flexibilités potentielles supplémentaires (F.P.S.) présentes dans un équilibrage donné pour chacun des postes de travail. Les indicateurs de flexibilité potentielle sont calculés pour chaque poste de travail ayant au moins un véhicule provoquant un pic de charge en utilisant le principe de l’équation 1. Pour PSA Peugeot Citroën, cette mesure se décline selon le calcul de trois marges de sécu- 64 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:22 risation dépendantes de différents niveaux demandés de flexibilité : • Sans marge de sécurisation ; cela correspond aux données prévisionnelles brutes. • Avec une marge de sécurisation correspondant à la flexibilité offerte au commerce, Marge commerce ; cette marge est définie pour permettre à la direction commerciale d’absorber leurs erreurs de prévision. • Avec une marge de sécurisation correspondant à la flexibilité demandée au montage, Margemontage ; cette marge est définie pour permettre à l’atelier montage d’absorber en plus des erreurs de prévisions, les difficultés liées au séquencement et les aléas de production. Chez PSA Peugeot Citroën, les marges Marge commerce et Margemontage sont calculées par une méthode interne à l’entreprise. Cette méthode est basée sur une étude statistique des données réelles. Elle donne une estimation de ces marges pour satisfaire 95% des commandes des clients dans les délais annoncés. A partir de ces calculs théoriques, les marges sont ajustées en réunion mensuelle interne, lors d’une négociation avec différentes composantes de l’entreprise [LES06a]. L’indicateur de flexibilité potentielle totale, FPtotale , est en lien avec le premier niveau de flexibilité exprimé ci-dessus. Il mesure l’écart entre la consommation moyenne journalière prévisionnelle, CMJ, sans marge de sécurisation et la capacité maximale dynamique de production des véhicules provoquant un pic de charge, Qmax (équation 11). La CMJ prévisionnelle est calculée en fonction des données prévisionnelles mensuelles et du nombre de jours travaillé durant le mois. Et la quantité Qmax est calculée en utilisant les équations (4) et (7). FPtotale = Qmax - CMJ Qmax (11) Les flexibilités potentielles supplémentaires correspondent aux niveaux de flexibilité 2 et 3 donnés ci-dessus. Elles expriment l’écart entre la consommation moyenne journalière prévisionnelle, CMJ, majorée par une marge de sécurisation et la capacité maximale dynamique de production des véhicules provoquant un pic de charge sur ce même poste, Qmax . Cette flexibilité est dite potentielle car elle correspond à une marge de sécurisation présente sans modification de l’équilibrage. Et, elle peut être supplémentaire car elle correspond à une marge de sécurisation qui n’a pas été nécessairement demandée. Vol. 18 – N°1, 2010 64 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management L’indicateur de flexibilité potentielle supplémentaire pour le commerce (niveau 2), FPS commerce , mesure l’écart entre la consommation moyenne journalière prévisionnelle, CMJ, majorée de la marge de sécurisation offerte au commerce, Marge commerce , et la capacité maximale de production des véhicules provoquant un pic de charge, Qmax (équation 12). FPS commerce = Qmax - (CMJ + Marge commerce ) (12) Qmax L’indicateur de flexibilité potentielle supplémentaire pour le montage (niveau 3), FPS montage , mesure l’écart entre la consommation moyenne journalière prévisionnelle, CMJ, majorée de la marge de sécurisation demandée au montage, Marge commerce (en plus de la marge de sécurisation offerte au commerce) et la capacité maximale de production des véhicules provoquant un pic de charge, Qmax (équation 13). FPS montage = Figure 3 : Un poste sous dimensionné Figure 4 : Poste insuffisamment dimensionné Qmax - (CMJ + Marge comm + Marge mont ) Qmax (13) Classification des postes de travail sans solliciter l’aide ponctuelle d’un opérateur polyvalent. En fonction de la valeur des trois indicateurs de flexibilité pour un poste de travail, nous proposons une classification. Elle compte 4 classes de dimensionnement des postes de travail présentées par ordre décroissant d’importance : 3. Un poste de travail présentant un risque de non absorption des aléas et des difficultés liées à l’ordonnancement, i.e. FPS commerce ³ 0 et FPS montage £ 0, est un poste de travail pour lequel les équilibreurs prennent un risque (figure 5). En effet, il peut être plus avantageux de renforcer ponctuellement le poste de travail que de le sur dimensionner pour le mois complet. Par conséquent, lorsqu’un aléa de production intervient ou lorsqu’une difficulté de séquencement est identifiée, le responsable de l’équilibrage préférera renforcer avec un opérateur polyvalent le poste de travail concerné. 1. Un poste de travail sous dimensionné, i.e. FPtotale £ 0, n’est pas dimensionné pour accepter les véhicules prévisionnels (figure 3). Par conséquent, le renforcement de ce poste de travail sera inéluctable et nécessitera la mise en place d’une équipe d’opérateurs polyvalents pour intervenir fréquemment et rapidement. 2. Un poste de travail insuffisamment dimensionné, i.e. et FPtotale ³ 0 FPS commerce £ 0, produit les véhicules prévisionnels mais la variation commerciale risque de ne pas être absorbée (figure 4). La flexibilité offerte au commerce est contractuelle et le commerce s’engage à respecter ce volume (CMJ prévisionnelle+ Marge commerce ). Mais, pour les journées où le nombre de véhicules provoquant un pic de charge excède la consommation moyenne journalière prévisionnelle, l’espacement de ces véhicules ne permettra pas toujours à l’opérateur de travailler 4. Un poste de travail sur dimensionné, i.e. FPS montage ³ 0 , a un dimensionnement suffisant pour absorber les erreurs de prévisions, les difficultés de séquencement et les aléas de production (figure 6). Néanmoins, il faut être vigilant pour qu’il ne soit pas trop sur dimensionné, ce qui engendrerait des surcoûts importants. La magnitude de FPS montage nous permet de détecter la « gravité » du surdimensionnement. Cette classification permet d’identifier les postes de travail à adapter en priorité comme les postes de travail sous dimensionnés ou Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:22 65 65 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Au mois de Mai 2006, la ligne principale d’assemblage de Sevel Nord comptait 212 postes dont 194 avec au moins un véhicule provoquant un pic de charge. Pour chacun de ces postes de travail, nous avons évalué la valeur des 3 indicateurs de flexibilité potentielle supplémentaire et nous avons classé les postes de travail selon leur dimensionnement. Figure 5 : Poste présentant un risque de non absorptions des aléas Le résultat obtenu est décrit dans le tableau 2. Nous avons étudié les données selon 4 cas précédemment décrit : le cas optimiste, le cas moyen, le cas pessimiste et le cas écrêté. La colonne « Classe » correspond à la classification que nous avons proposée ci-dessus. La ligne « SOUS » correspond aux postes de travail sous dimensionnés, « INSUFFISANT » correspond aux postes de travail insuffisamment dimensionnés pour la flexibilité offerte au commerce, « RISQUE » correspond aux postes de travail présentant un risque de ne pas absorber les aléas et les difficultés de séquencement et « SUR » correspond aux postes de travail sur dimensionnés. Figure 6 : Un poste de travail sur dimensionné La classification donnée dans le tableau 2 a permis d’identifier un certain nombre de problèmes au niveau de l’équilibrage. Pour quelques postes de travail, nous avons grâce à cette classification mis en évidence des erreurs dans le système d’informations de l’entreprise. Par exemple, même dans le cas optimiste, nous avons constaté qu’il y a 5 postes sous dimensionnés, ce qui montre un réel souci d’équilibrage. De tels postes de travail sont aberrants car même dans le meilleur des cas, ils seront une source de nombreuses interventions d’opérateurs polyvalents. insuffisamment dimensionnés. Dans la partie qui suit, nous appliquerons cette classification à un cas industriel et nous montrerons l’intérêt de notre classification en nous basant sur le résultat de l’ordonnancement des véhicules d’un cas industriel. Application à un cas industriel Pour valider notre classification, nous avons fait une étude comparative entre notre classification et le nombre d’interventions relevé le 24 Mai 2006. Ceci sera présenté dans le cas écrêté car ce cas nous semble le plus représentatif du terrain (voir tableau 3). En collaboration avec le responsable de l’équilibrage du site de production de Sevel Nord au mois de Mai 2006, nous avons étudié le dimensionnement des postes de travail de la ligne d’assemblage en utilisant les indicateurs que nous venons de présenter. Puis, en fonction des véhicules produits le 24 Mai 2006, nous avons comparé le dimensionnement des postes de travail et le nombre d’interventions des opérateurs polyvalents [LES06a]. Dans le tableau 3, nous observons qu’environ la moitié des postes de travail sont mal dimensionnés (« SOUS », « INSUFFISANT » et « RISQUE »). Selon le responsable de l’équilibrage du site de Sevel Nord, ces résultats Tableau 2 : Dimensionnement des postes Classe Nombre de postes Optimiste Moyen Ecrêté 5 21 68 INSUFFISANT 2 13 RISQUE 1 6 SÛR 186 154 SOUS 66 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:23 Pourcentage de postes Pessimiste Optimiste Moyen Ecrêté Pessimiste 142 2,6 % 10, 8 % 35,0 % 73,1% 17 3 1,0 % 6,7 % 8,8 % 1,0 % 9 0 0,5 % 3,1 % 4,6 % 0,0 % 100 49 95,9 % 79,4 % 51,6 % 25,9 % Vol. 18 – N°1, 2010 66 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management sont confirmés partiellement par ses observations. Les interventions se concentrent à 93% sur les 35% de postes de travail sous dimensionnés. Ceci montre la pertinence de cette classification. La réduction du nombre de postes de travail mal dimensionnés devrait donc permettre de réduire le nombre d’interventions d’opérateurs polyvalents. Conclusion Dans cet article, nous proposons une méthode d’évaluation de la flexibilité des postes de travail d’une ligne d’assemblage dans une usine terminale automobile pertinente avec les observations du terrain. Cette méthode contribue, d’une part, à identifier les postes de travail à adapter lors d’un équilibrage mensuel et, d’autre part, à mesurer immédiatement l’impact de la modification d’un équilibrage sur la flexibilité des différents postes de travail. Pour un équilibrage donné, elle permet d’évaluer le volume maximal supportable par les postes de travail et la flexibilité supplémentaire disponible. Ceci peut être utilisé pour évaluer différents scénarios de plan de production et permettre aux responsables d’équilibrage et de la ligne d’assemblage de trouver un compromis entre le volume à produire et les moyens à mettre en place pour réaliser la production. La gestion de la production sur une ligne d’assemblage automobile s’appuie sur deux étapes successives : l’équilibrage des postes de travail et l’ordonnancement des véhicules. La méthode que nous proposons peut intervenir durant ces deux phases. Lors de l’équilibrage, les responsables de l’équilibrage de la ligne d’assemblage peuvent l’utiliser pour valider la répartition des tâches en vérifiant que les postes de travail peuvent produire au moins la flexibilité offerte au commerce (postes présentant un risque de non absorption des aléas et postes sur dimensionnés). Pour les autres postes de travail, une étude peut être diligentée pour évaluer les surcoûts liés au manque de flexibilité, et ainsi les aider à identifier la nature des modifications à apporter à l’équilibrage en cours pour réduire ces coûts. Lors de l’ordonnancement, cette méthode peut également intervenir pour identifier quotidiennement, en début de journée, les postes qui seraient insuffisamment dimensionnés par rapport aux volumes de production prévus pour la journée. Cette analyse peut constituer un outil d’aide à la décision concernant l’anti- Tableau 3 : Comparaison entre la classification des postes et le nombre d’interventions (cas écrêté). Classe Nombre de postes Pourcentage de postes Nombre d’interventions Pourcentage d’interventions SOUS 68 35,00% 1041 93,00% INSUFFISANT 17 8,80% 33 2,90% RISQUE 9 4,60% 7 0,60% SUR 100 51,60% 38 3,40% Total 194 cipation des difficultés et ainsi pourrait aider les équilibreurs à affecter le personnel nécessaire aux postes susceptibles de ne pas pouvoir assumer correctement la charge de travail. Pour le groupe PSA Peugeot Citroën, cette classification constitue un premier pas vers une optimisation du dimensionnement de leur moyen de production. Toutefois, nous pensons que la méthode peut être appliquée chez d’autres constructeurs automobiles. Le fonctionnement global de la ligne de montage décrit est classique dans le secteur. Même si le calcul du volume maximal peut varier selon la gestion des surcharges, le calcul des flexibilités supplémentaires reste assez général. L’extension de notre méthode vers d’autres types d’industrie est potentiellement envisageable. Le calcul de capacité maximale statique est basé sur le fonctionnement d’une chaîne de montage cadencée (avec une forte cadence). Et, le calcul de la capacité maximale dynamique sous-entend une grande diversité de produit avec un séquencement basé sur l’espacement des options « lourdes ». Une industrie avec ces mêmes caractéristiques peut, en effet, profiter de notre méthode. Bibliographie Abdul-Nour, G., Drolet J., Lambert S., 1999. « Mixed production, flexibility and SME», Computers and Industrial Engineering, vol. 37, pp. 429-432. Beach, R., Muhlemann A.P., Price D.H.R., Paterson A., Sharp J.A., 2000, « A review of manufacturing flexibility », European Journal of Operational Research, 122, pp. 41-57. Bengtsson, J., 2001, « Manufacturing flexibility and real options: a review », International Journal of Production Economics, 74, pp 213-224. 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Vol. 18 – N°1, 2010 68 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Logistique totalement intégrée lors de la conception d’équipements pour les pays en développement Yaovi Ouézou AZOUMA Université de Lomé, École Supérieure d’Agronomie [email protected] Diane RIOPEL École Polytechnique de Montréal, Département de mathématiques et de génie industriel, CIRRELT La fabrication d’équipements à petite échelle en Afrique éprouve d’énormes difficultés d’approvisionnement en matière d’œuvre. Le Soutien Logistique Intégré, facilite l’exploitation, la maintenance et améliore la durée de service de l’équipement. Ce concept ne prévoit pas le retour des produits en fin d’usage, l’organisation de l’approvisionnement en matériaux de récupération et la protection de l’environnement. À partir d’une analyse croisée des méthodes utilisées dans les pays industrialisés et des pratiques dans les pays d’Afrique une démarche logistique combinant le Soutien Logistique Intégré et la Logistique Inverse : Logistique Totalement Intégrée, peut générer des économies et réduire le coût de possession. Introduction La majorité des pays en développement (PED) est caractérisée par un faible revenu national et de ce fait, dispose de peu d’épargne à investir (Fremy, 2006). Malgré la nécessité d’une plus grande productivité agricole pour nourrir une population au taux d’accroissement élevé et l’intérêt du producteur pour la plus value qu’offre la transformation des produits agricoles, cette situation contraint les petites et moyennes industries (PMI), particulièrement les équipementiers d’Afrique, à la fabrication à petite échelle des équipements agricoles et agroalimentaires (EAA). Face donc à la faiblesse de la capacité d’investissement des producteurs africains, la survie de ces PMI réside dans la réduction autant que possible du coût global de l’équipement qui influence le coût de possession de l’utilisateur. Pour ce faire, l’une des solutions à ce problème consiste à minimiser le coût de revient des matériaux et matières d’œuvre. Pour y parvenir, nous préconisons l’adoption à la fois du Soutien logistique intégré (SLI) et de la Logistique inverse (LI) que nous appelons Logistique totalement intégrée (LTI) dès la conception de l’équipement. Après avoir précisé l’environnement sociotechnique et économique africain puis démontré la pertinence du concept de la LTI par rapport à la conception d’équipements pour ce contexte, nous discutons des résultats d’enquêtes auprès des équipementiers et des utilisateurs d’équipements et traitons des questions relatives au marché de la LI et aux aspects législatifs, moteurs de la protection de l’environnement. Enfin, nous présentons une démarche LTI dans la conception d’EAA pour l’Afrique. Démarche méthodologique Dans le cadre de l’enrichissement des démarches de conception d’équipements pour les Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:24 Les auteurs remercient les évaluateurs pour leur travail et leurs commentaires très constructifs. Ces travaux ont été réalisés grâce au soutien financier obtenu de l’UNESCO dans le cadre de l’Appui des domaines de programme prioritaires (2006-2007) et du CRSNG du Canada. 69 69 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management pays en développement, une étude bibliographique sur les méthodes et pratiques de fabrication et de maintenance dans les pays du Nord et du Sud (PdS) et une collecte d’informations auprès de 12 équipementiers de 3 pays d’Afrique de l’Ouest respectivement 6 au Bénin, 2 au Burkina Faso et 4 au Togo ont été réalisées de 2001 à 2004. Au cours de cette même période, une enquête a été faite auprès de 28 utilisateurs possédant en tout 71 équipements constituant 21 types de machines, dont 7 agricoles et 14 agroalimentaires. Parallèlement, la validation au Togo de plusieurs résultats issus de ces études a eu lieu au cours de la conception participative d’une charrette épandeuse de fumures organiques, en ingénierie concourante (Azouma et al., 2007). Ces travaux qui ont permis de proposer plusieurs méthodes et outils d’intégration de la fabrication et de la maintenance dans une démarche de conception pluridisciplinaire pour l’Afrique (Azouma, 2005) sont croisés avec une étude bibliographique sur la LI (Gupta et Isaacs, 1997 ; Rogers et Tibben-Lembke, 1998 ; Guide et Jayaraman, 2000 ; Fleischman, 2001 ; Lambert et Riopel, 2005 ; Yang et Wang, 2007 ; Feng et Zhijun, 2008 ; Srivas- tava, 2008). Aussi, en 2008, la recherche sur le terrain a permis de collecter des informations sur les pratiques de LI en Afrique de l’Ouest. Cette approche méthodologique permet de prendre en compte ce concept. En outre, à partir des réalités du milieu, ce travail étudie la mise en œuvre de chaque critère du SLI dès la définition d’un équipement. Enfin, la recherche de relations contribue à une meilleure intégration de ces deux concepts dans une démarche de conception. Pour une meilleure compréhension de l’analyse des questions abordées et des approches de solution proposées, il est indispensable de présenter le contexte de l’étude. Contexte sociotechnique et économique africain Les PME et PMI évoluent dans un environnement contraint caractérisé par les 12 constatations présentées au Tableau 1 sous forme de contraintes et leurs impacts (Starkey, 1994; Spinelli, 1996; ONUDI, 2000; Diallo, 2000; Rozas, 2001; Azouma, 2005; Minouiu, 2005; Fremy, 2006; Bationo, 2007). Tableau 1 : L’environnement des PME et PMI Contrainte Impact Faible capacité d’investissement et de pouvoir d’achat des populations Limitation de la productivité et par conséquent du marché commercial Manque d’accès fluvial à un port maritime Un tiers de la population totale en Afrique vit dans des pays enclavés (14 pays en tout), sans accès fluvial à un port maritime Investissements très souvent dominés par les bailleurs de fonds étrangers et les projets Déviation des politiques nationales de développement, solutions exogènes pas toujours adaptées Accès au crédit très limité Frein au développement des activités de production et d’innovation Analphabétisme, production agricole et agroalimentaire à petite échelle Ralentissement de l’adoption des techniques et technologies modernes plus performantes Secteur informel qui rend difficile l’action des pouvoirs publics en termes de prélèvement des impôts et de prise de décisions pour les PME et PMI Contribution au déficit du budget des États, peu d’entreprises compétitives sur le marché international Comportements socioculturels Empêchement d’une gestion plus rationnelle des entreprises (gestion de type familial, peu ou pas d’enregistrement et d’analyse approfondie des informations liées aux activités de production et de maintenance) Préférences des utilisateurs d’équipements pour les pièces « bon marché » Pièces « bon marché » disponibles localement au détriment des pièces d’origine plus chères mais résistantes à l’usure Exploitation faible ou irrationnelle des matériaux locaux ou localement Augmentation du coût de possession des équipements fabriqués disponibles et des dérivés d’activités locales localement Importation de produits coûteux et exportation de produits bruts Fuite des capitaux et la pauvreté : problème d’équité des prix et pas de valeur ajoutée pour le producteur Infrastructures de transport, de communication, d’énergie et d’eau inexistantes ou peu développées dans les zones rurales Vente de produits bruts, peu ou pas d’unités de transformation et de ce fait, pas de plus-value pour les agriculteurs Coûts de l’énergie (électricité et carburant), du transport et des communications restent encore très chers pour les petites entreprises Augmentation du coût de possession des équipements et du coût des produits et des services Barrières douanières et taxes à l’importation atteignent 20 à 30 % Certaines décisions politico-économiques pénalisent lourdement la fabrication locale de matériels : la taxation inopportune des matériaux importés nécessaires à la fabrication de matériels sur place Introduction de matériels agricoles et agroalimentaires complets autorisée en exonération des taxes Fabrication locale de matériels n’est pas assez encouragée et favorisée en vue de la maîtrise des technologies 70 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:24 Vol. 18 – N°1, 2010 70 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Pertinence de la logistique totalement intégrée - LI Soutien Logistique Intégré – SLI Le SLI est « une approche globale et itérative du management et des techniques nécessaires pour assurer à un système, ses performances aux meilleurs coûts et délais tout au long du cycle de vie » (Pons et Chevalier, 1996). L’environnement du soutien logistique dit « intégré » est composé du « sous-système logistique » en corrélation avec le « sous-système équipement ». « Les activités consistant à spécifier, définir, développer, produire et livrer en temps utile l’ensemble des produits constituent le « sous-système de soutien » (Dumez, 1993). Le SLI est caractérisé par 9 critères qui doivent être en adéquation avec les besoins et l’environnement de l’utilisateur d’équipement : la documentation technique, le plan de maintenance, la formation des utilisateurs, la manutention et le transport, le soutien informatique, les infrastructures, les approvisionnements (pièces de rechange et intrants, etc.), le personnel et les équipements de soutien. L’armée américaine a introduit un dixième critère de SLI, le « Design interface » qui se décline en dix sous-critères : la fiabilité, la maintenabilité, la standardisation, l’interopérationnalité, la sûreté de fonctionnement, la sécurité, la maniabilité ou facilité d’utilisation, l’environnement et la disposition des matières dangereuses, la confidentialité et la législation. Ce critère du SLI comprend également 2 concepts : la conception pour la testabilité et la conception pour l’élimination de l’équipement (US ARMY, 2005 ; Anon.1, 2007). Le maintien en condition opérationnelle des systèmes interopérationnels tout en garantissant à la fois la sûreté de fonctionnement et la sécurité puis en prévoyant les risques système, est très complexe et coûteux. À titre d’exemple, l’ensemble du système opérationnel d’avions de combat et d’avions ravitailleurs en vol qui doit être maintenu en condition opérationnelle par le soutien logistique. En outre, concernant la protection de l’environnement, les conditions : les traitements, les risques et les coûts indispensables à la disposition responsable des armes nucléaires et chimiques fabriquées par des industries de pointe ne sont pas comparables à ceux d’une batterie de véhicule et d’un réfrigérateur fabriqués par des PME et PMI. Ainsi, en considérant l’ensemble des sous-critères proposés par l’armée américaine pour le «design interface», ce critère s’apparente plus à un concept en soi qu’à un simple critère. C’est une approche élaborée surtout pour des systèmes très complexes comme les systèmes d’armement et de destruction massive, de plus en plus sophistiqués, qui ne convient pas aux entreprises de production des services et des biens. De ce fait, un dixième critère allégé de SLI, plus accessible aux entreprises de type PME et PMI, est proposé à la section 6.3 qui précise les relations entre le SLI et la LI. En Afrique, les forgerons ont acquis la capacité de fabrication et de maintenance de proximité des équipements agricoles manuels et à traction animale. Les institutions de développement et les équipementiers forment les utilisateurs et multiplient les dépôts de pièces de rechange en collaboration avec les commerçants. En ce qui concerne les équipements agroalimentaires et les tracteurs, ces mêmes conditions ne sont pas très souvent assurées dans les zones rurales. Il faut alors rechercher des solutions pour fournir un soutien logistique plus efficace à ces équipements, d’où l’intérêt de l’adoption du SLI. L’ensemble des critères du SLI peut être pris en compte à partir de la définition d’un équipement, pour faciliter son exploitation et sa maintenance puis améliorer sa durée de vie ou de service. Des solutions pour la mise en œuvre de chaque critère du SLI permettent à une équipe de conception d’appliquer concrètement ce concept dans l’environnement sociotechnique et économique africain. Logistique Inverse – LI Des définitions orientées écologie, protection de l’environnement et meilleure gestion des flux des retours de produits dans les entreprises, sont données par plusieurs auteurs (Wu et Dunn, 1995 ; Rogers et Tibben-Lembke, 1998 ; Stock, 1998 ; Rodrigue et al., 2001). Dans cette étude, nous adoptons la définition proposée par Lambert et Riopel (2005). « La logistique inverse est le processus de planification, d’implantation et de contrôle de l’efficience, de la rentabilité des matières premières, des en-cours de production, des produits finis et l’information pertinente du point d’utilisation jusqu’au point d’origine dans le but de reprendre ou générer de la valeur ou pour en disposer de la bonne façon tout en assurant une utilisation efficace et environnementale des ressources mises en œuvre ». Elle est illustrée par la figure 1 qui présente les interrelations entre les deux aspects complémentaires de la LI. Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:24 71 71 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Figure 1 : Logistique inverse : relations entre la distribution inverse et la logistique verte (Azouma et Riopel, 2007) s’agit d’une pratique irrationnelle et non organisée de la LI. Pour ce faire, 2 sources d’approvisionnement s’offrent aux équipementiers : la casse des automobiles, des tracteurs, des chariots, des appareils électroménagers et de diverses infrastructures métalliques et le retour en fin d’usage d’EAA fabriqués localement ou importés. L’exploitation de ces 2 sources de matières par une planification et organisation rationnelles de stocks doit permettre : de protéger l’environnement en débarrassant les espaces et ruelles souvent jonchés de ferrailles et de carcasses d’engins; de disposer et rentabiliser au mieux les matières premières; de reprendre des pièces et ferrailles pour générer de la valeur. À partir de l’analyse des enquêtes sur le terrain et des choix de disposition de la LI, des approches de solution d’intégration sont proposées. Figure 2 : Étapes du traitement (Lambert et Riopel, 2005) Marché de la LI Le modèle intégrateur de la LI se déploie en 5 phases : Barrière, Collecte, Tri, Traitement, Système d’expédition, dont l’étape de traitement se décline en plusieurs choix de dispositions ou traitements (Figure 2). En général, 2 raisons majeures sont à l’origine des retours d’EAA en Afrique : la réparation sous garantie et le remplacement pour des raisons de mauvais fonctionnement. Cette situation, souvent pas réglementée, est traitée à l’amiable entre l’équipementier ou le commerçant et le client. Une autre raison de retour des produits est le recyclage des équipements en fin de service (Yang et Wang, 2007 ; Feng et Zhijun, 2008). Ce recyclage n’est pas encore organisé ni surtout obligatoire pour le couple «utilisateur - fabricant» en Afrique. Les mécaniciens, les forgerons, les fonderies locales et les PMI utilisent des matériaux et matières d’œuvre d’occasion ou de récupération dans la fabrication et la réparation des équipements. Par exemple, des tôles, des cornières et des fers ronds récupérés sont utilisés pour la fabrication ou la réparation d’EAA. Il 72 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:25 Pirot (1998) écrivait : « les pays africains sont fortement dépendant des conditions d’approvisionnement en machines et en pièces détachées : problèmes de devises, de délais, d’acheminement, de disparité de marques et des modèles ». Face à cette situation, il s’avère indispensable d’explorer les solutions qu’offrent les potentialités du marché de la LI. En Afrique, les artisans utilisent principalement les matériaux de récupération ou les ferrailles pour la fabrication de tout ou partie d’EAA (Makinde, 1993 ; Le Thiec, 1996). Les aciers à ressort, les aciers de voies ferrées et certains aciers pour les essieux permettent de fabriquer des outils de forge, tels que les dégorgeoirs, les étampes d’enclume, etc., dont la durée de vie utile est satisfaisante (Stokes, 1994). Au Nord du Cameroun, la récupération constitue la principale source d’approvisionnement en fer pour 95 % des artisans. Les prix des matériels souvent de qualité inférieure, produits par les forgerons, varient entre 40 et 90 % des prix de ceux importés. Au Sénégal, les pièces sont vendues 2 à 3 fois moins chères que les modèles d’origine. Par exemple à Bobo-Dioulasso au Burkina Faso, pays enclavé, les matières d’œuvre coûtent 20 à 54 % plus cher qu’au Ghana (Ouattara et Ouédraogo, 1998). Les charrettes à traction animale, fabriquées à l’aide d’essieux de vieilles voitures, sont très répandues au Nigeria, au Ghana, au Zimbabwe, au Botswana, en Namibie, au Malawi central, en Tanzanie centrale et septentrionale (Starkey, 1993). Holtkamp (1991) affirme que le succès remarquable de petits tracteurs d’Ayudhaya Vol. 18 – N°1, 2010 72 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Protection de l’environnement et gestion des ressources couche d’ozone et des équipements les contenant (U.E.M.O.A, 2005 ; U.E.A.C, 2005). Ce n’est pas suffisant, car plusieurs autres actions, tout aussi indispensables sont entreprises ailleurs pour le développement durable. Pour preuve, la directive de la Communauté européenne sur le matériel d’emballage stipule que le client peut le laisser au détaillant et ce dernier doit en assurer le recyclage (Fleischmann et al, 1997). Cette loi basée sur le concept allemand, « Green Dot » est également adoptée dans plusieurs pays d’Asie (Stock, 1998). Par exemple, à Taiwan, « The Environmental Protection Administration » a répertorié 16 produits tels que les PVC, les bouteilles, les véhicules, les acides de batteries, les huiles usées, etc., pour lesquels, en fin de vie ou après usage, il confère la responsabilité de la bonne disposition et du recyclage aux producteurs, importateurs et aux détaillants (Lee, 1997). La directive 2002/96/CE du Parlement européen et du Conseil fixe des mesures visant à prévenir la formation de déchets électriques et électroniques ainsi qu’à promouvoir leur réutilisation, leur recyclage et d’autres formes de valorisation. En outre, en vue de contribuer à la valorisation et à l’élimination des déchets des équipements électriques et électroniques, ainsi qu’à la protection de la santé humaine, les directives 2002/95/CE fixent des mesures relatives à la limitation de l’utilisation de substances dangereuses dans ces équipements. Ces directives sont suivies de plusieurs modifications et dérogations par rapport aux progrès techniques enregistrés jusqu’en 2006 (J.O.C.E, 2002a) et (J.O.C.E, 2002b). Des modèles mathématiques sont proposés en vue d’assurer une gestion conservatoire des matières premières, la réduction des rebuts ou déchets en optimisant les opérations des réseaux de chaîne logistique et de logistique inverse (Kocabasoglu et al, 2007 ; Min et Ko, 2008). Srivastava (2008) a défini un nouveau concept, la gestion de la chaîne logistique verte soit « Green supply chain management GrSCM ». Ce concept préconise l’intégration de l’environnement dans la gestion de la chaîne logistique en tenant compte de la conception, des matières d’œuvre, des procédés de fabrication, de la livraison du produit final aux clients et de la gestion de la fin de vie du produit. Cette approche rejoint la démarche qui consiste à intégrer la LI dès la conception d’un équipement. Certes, plusieurs pays africains adoptent des dispositions règlementant l’importation, la commercialisation, l’utilisation et la réexportation des substances qui appauvrissent la Les normes ISO 14000, 14001 et 14004 donnent des directives d’écomanagement (Stock, 1998), promoteur du développement durable (en Thaïlande) ou de Tinkabi (au Swaziland), imparfaits sur le plan de la technique, repose sur la proximité des fabricants par rapport aux principales régions d’utilisation de leur produit. La plupart des pièces sont disponibles en 1 ou 2 jours. Les tracteurs d’Ayudhaya sont assemblés à partir de pièces neuves et de composants d’occasion révisés. Au sortir de la guerre, plusieurs pays ont fait l’expérience de l’utilisation de pièces d’occasion pour assembler un tracteur « neuf » à des coûts de production sensiblement réduits : RFA, Égypte et «Jeepney» aux Philippines. Suite à la directive 2000/53/CE, en Europe, dès la construction d’un nouveau véhicule, sont prévues les procédures de désassemblage décrivant le mode de démontage, la liste des pièces à récupérer et leur composition (J.O.C.E, 2000). Les procédures de désassemblage de la Renault Laguna ont ainsi été transmises aux démolisseurs au moment même de son lancement commercial (Pimor, 2001). Aux États-Unis, Gupta et Isaacs (1997) expliquent que le recyclage des véhicules automobiles est en place depuis plusieurs années et se fait en deux étapes, la première consiste à démonter les pièces de valeur pour les réutiliser et la deuxième, à envoyer le reste de la carcasse au recyclage pour les matériaux. Les épaves de véhicules contenant 80 % de métaux constituent une importante source de matières premières pour les industries de recyclage ou de métallurgie en Taiwan. Sont également recyclées, les motocyclettes (Lee, 1997). Minner et Kleber (2001) déclare qu’il y a des raisons économiques et écologiques de réutiliser les pièces récupérées de vieux produits, soit pour les utiliser dans de nouveaux produits ou s’en servir comme pièces de rechange pour le service après-vente. 70 % des clients considèrent que leur décision d’achat est conditionnée par la garantie de pouvoir retourner le produit (Feng et Zhijun, 2008). Selon ces auteurs, les fabricants d’équipements très coûteux et complexes, tels que ceux de l’industrie de défense, la remise à niveau et la réutilisation des composants pourraient réduire de façon substantielle le besoin d’achat de nouveaux équipements. Ils indiquent également que la fonction LI est un facteur déterminant dans le choix d’un fournisseur de service après-vente. Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:25 73 73 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management et moteur de la LI dans les entreprises et sociétés de services dans les pays industrialisés. Ainsi, pour une meilleure protection de l’environnement et une gestion plus économique des ressources en Afrique, des directives en matière de LI sont indispensables pour compléter les dispositions sus-mentionnées. L’analyse des critères du Soutien logistique intégré (SLI) et de la Logistique inverse (LI), les résultats d’enquêtes sur les pratiques de fabrication et de maintenance d’équipements agricoles et agroalimentaires, le contexte sociotechnique et économique africain puis l’étude des directives de protection de l’environnement promues dans le monde, permettent de proposer des solutions pragmatiques d’application du LTI dans la conception d’équipements. Résultats d’enquêtes auprès des utilisateurs d’équipements et des équipementiers Des enquêtes réalisées auprès de 28 utilisateurs d’équipements en Afrique de l’Ouest montrent que 88 % des agriculteurs choisis de façon aléatoire pour répondre aux questions sont analphabètes, mais les transformateurs ont au moins fréquenté l’école primaire. Il s’agit essentiellement de système de production Tableau 2 : Matériaux de récupération et leur utilisation dans la fabrication Désignation Utilisation dans la conception Lames de ressort de véhicule Ressort en spirales de véhicule Socs de charrue, becs de soc, pointes de butteurs, dents de râteau Châssis de véhicule Tôles de citernes et de tanks Bâtis de machines, châssis de chariots, de charrettes, de remorques Essieux avant de véhicules Demi-arbre de camion Charrette Remorque Pièces en bronze des blocs Bagues, coussinets Pignons de boîtes de vitesses, chaînes, roulements Chaînes cinématiques de matériels agricoles et agroalimentaires Pompes hydrauliques de véhicules lourds Système de levage, presses Figure 3 : Marché de la récupération à Akodésséwa à Lomé au Togo de type familial ou coopératif (Azouma, 2005). Au Nord du Cameroun, 71 % des artisans qui fabriquent les équipements agricoles à traction animale sont analphabètes (Tchinda, 2000). Une enquête effectuée au Burkina Faso par Bationo (2007) auprès de 39 unités de transformation agroalimentaire montre que 71 % des opérateurs ont une formation par « apprentissage sur le tas ». Ces opérateurs sont d’un niveau scolaire généralement très faible et ont des difficultés pour lire et écrire. Ce constat doit être pris en compte dans la caractérisation de la formation à dispenser, dans l’élaboration du manuel d’utilisation et la mise en place du soutien informatique. Parmi les problèmes que rencontrent les 12 équipementiers interrogés, 83 % considèrent que la disponibilité des matériaux et des matières d’œuvre est prépondérante. Les difficultés d’approvisionnement concernent les fer plats de 30 x 10, 50 x 20, 40 x 12, l’acier au mangano-silicium, les aciers durs, les barres en acier doux de diamètre 20 à 100 mm, l’acier en inox de diamètre 60 mm, le tube de diamètre 160 x 16. La plupart de ces matières ne sont pas fabriquées dans les pays d’Afrique. Les commandes passées en Europe, en Amérique ou en Asie ne sont recevables par les fournisseurs et rentables pour les équipementiers, aux fonds de roulement souvent limités, qu’à partir d’une certaine quantité. L’une des solutions adoptées par les équipementiers pour réduire les coûts de fabrication et rester rentables est l’utilisation dans la mesure du possible des matériaux de récupération (Tableau 2) et (Figure 3). De façon générale, dans le cas de la conception des équipements à petite échelle qui caractérise l’Afrique, au regard de la littérature et des pratiques, il y a lieu de faire les remarques suivantes : au cours du cycle de vie, l’unique traitement de la LI que les équipes de conception confèrent aux équipements fabriqués, est la fonction « réparé »; le SLI n’est pas pris en compte dès la conception de l’équipement; il n’y a pas encore de législation qui oblige les entreprises et fournisseurs de produits ou services à intégrer la LI. Ainsi, nos différentes propositions vont permettre de pallier ces insuffisances. Démarche de LTI dans la conception d’équipements pour les pays d’Afrique Nous préconisons 3 types de propositions pour une prise en compte efficace et effi- Photo: Azouma, 2008. 74 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:25 Vol. 18 – N°1, 2010 74 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management ciente du SLI et de la LI dans une démarche de conception pour l’Afrique : 1) principes et méthodes pratiques d’intégration du SLI dans la conception; 2) approches de solution pour l’intégration de la LI dans la conception et 3) relations et recommandations d’ordre général. Méthodes d’intégration du SLI dans la conception Le tableau 3 indique la démarche d’application du SLI au cours de la conception d’un équipement pour l’Afrique. Les figures 4 et 5 complètent cette démarche et présentent les principes d’intégration de la maintenabilité d’un équipement à concevoir. La définition d’un Cahier des Charges Disponibilité (CdCD) au cours de l’analyse du besoin et de l’état de l’art, permet de caractériser en collaboration avec l’équipementier et les utilisateurs d’un équipement à concevoir, les critères de fiabilité et de maintenabilité attendus (Azouma, 2005). Les questions à prendre en compte concerneront : 1) la résistance des pièces et sous-ensembles à l’usure et à la rupture ; 2) le taux de qualité des produits (équipement et produits alimentaires provenant de cet équipement) ; 3) la charge effective annuelle de travail ou la production agricole annuelle ; 4) le fonctionnement manuel, motorisé ou automatisé ; 5) les pannes fréquentes des équipements utilisés ; 6) les coûts moyens de réparation ; 7) la détermination des critères de maintenabilité par rapport à l’environnement technologique. Ces critères de maintenabilité sont : la normalisation et la standardisation par rapport aux composants des équipements fabriqués localement et aux matières d’œuvre disponibles, la réduction du nombre de systèmes de fixation, les compétences en maintenance dans le milieu ou la région d’utilisation, les tâches de maintenance généralement exécutées par les utilisateurs, les temps d’attente du réparateur et la durée moyenne des réparations, les conséquences vécues de non-maintenance. Tableau 3 : Méthodes pratiques d’intégration des 9 critères du SLI dans la conception pour l’Afrique Critères du SLI Méthodes pratiques d’intégration Documentation technique Rédaction d’un manuel d’utilisation essentiellement sur la base de pictogrammes et de symboles Plan de maintenance CdCD - Démarche d’élaboration d’un plan de maintenance Maintenance Distribuée pour l’Afrique (MDA) (Figure 4) Formation des utilisateurs Travaux Pratiques : utilisation + maintenance préventive + automaintenance - Suivi temporaire du couple « utilisateur-équipement » si possible — Alphabétisation Manutention et transport Automotricité de l’équipement — Réduction du poids de l’équipement — Désassemblage possible en sous-ensembles Pour les PME de production agricole et agroalimentaire, prévoir Soutien informatique un programme de saisie de données aux fins d’analyse et de maintenance des équipements Infrastructures Fonctionner uniquement si possible à partir de la Chaîne de Approvisionnements Soutien Logistique du milieu d’exploitation de l’équipement (pièces & intrants) (Figure 5) Personnel Réseau local de maintenance centrée sur les tâches - Utilisateurs : Maintenance de niveau 1 (Norme FDX 60-000) Forgerons ruraux : Maintenance de niveau 2 Mécaniciens : Maintenance de niveaux 3, 4 et 5 Équipements de soutien Pouvoir exploiter l’équipement conçu sans équipements de soutien non intégrés ou avec ceux disponibles localement Figure 4 : Démarche d’élaboration d’un plan de maintenance d’un équipement en Afrique Figure 5 : Chaîne de soutien logistique aux équipements en Afrique Méthodes pour les EAA La figure 6 montre le système de LI envisagé pour les équipementiers d’Afrique avec les choix de traitement retenus. Considérant que l’équipementier doit contribuer à l’élimination et à la revalorisation de son produit au cours ou en fin de service, l’étape de la barrière du modèle intégrateur (Lambert et Riopel, 2005), dans notre cas d’étude, n’est pas nécessaire. Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:27 75 75 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Figure 6 : Démarche de la logistique inverse pour les équipementiers en Afrique Tri et entreposage Les équipements sont classés selon les critères d’inspection énoncés et par types : agricole et agroalimentaire. Il faut aménager un espace pour ranger les équipements en toute sécurité. Traitement Figure 7 : Système d’approvisionnement en matériaux et matières d’œuvre orienté LI pour l’Afrique Aussi, les traitements retenus se justifient par les deux raisons majeures à l’origine des retours d’EAA évoquées par le contexte sociotechnique et économique africain décrit dans le sous titre 3 puis dans la section 4.2. Collecte et inspection Les utilisateurs rapportent leurs équipements à traiter chez l’équipementier ou dans les points de vente : dépôts ou chez le commerçant. À partir de points de ramassage établis de commun accord avec les différents acteurs et en se servant des points de vente comme centres d’information, il est possible d’envisager la programmation de collectes groupées. L’équipementier devra signer un contrat ou avoir une entente ferme avec le commerçant sur le retour des produits. L’inspection permet d’une part de différentier les équipements en fin de service et de ceux partiellement amortis et d’autre part, de s’assurer de la conformité de la demande du client avec l’état de l’équipement avant le transport vers l’atelier de fabrication. 76 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:27 Nous préconisons 5 choix de traitement. Une dynamique de R&D au sein de l’entreprise permet une meilleure exploitation de 2 offres de service aux clients : la remise à niveau et la reconfiguration du produit. La remise à niveau est réalisée sur demande du client ou sur décision du fabricant pour la revente. Le recyclage concerne les équipements en fin d’usage ou service qui subissent des opérations de récupération de pièces puis les carcasses sont vendues à la fonderie. Le système d’information privilégie les moyens de communication adoptés par les différents acteurs : les équipementiers, les opérateurs dans les points de vente et les utilisateurs. Il s’agit du téléphone ou de la télécopie en zones urbaines, de commissions par l’intermédiaire de voyageurs, de courriers transmis par les chauffeurs de véhicules de transport en commun, des déplacements de chaque acteur pour affaire dans les zones rurales. Cette approche de LI est complétée par un système d’approvisionnement en pièces et matériaux récupérés, illustré par la figure 7 et plusieurs préconisations. L’équipementier mène des activités de désassemblage de véhicules, d’appareils électroménagers et de constructions métalliques dans un rayon régional économiquement accessible; c’est une nouvelle source de revenus : vente de diverses pièces de rechange aux utilisateurs et de la carcasse aux fonderies. Le dépôt d’équipements neufs par l’équipementier et la reprise de ceux en fin d’usage rapportés par les utilisateurs dans les points de vente ou chez les commerçants permettent d’éviter des frais de transport imputés exclusivement à l’activité des retours. Les retours vont engendrer trois offres de service très peu ou pas exploitées : la remise à niveau et surtout la remise à neuf comme alternative à la réparation, la reconfiguration d’EAA puis la vente de carcasses métalliques à des fins de recyclage en fonderie. À partir de l’étude des coûts des réseaux de collecte et de traitements des équipements renvoyés, Srivastava (2008) estime que dans le contexte indien, la refabrication ou la remise à neuf à petite échelle n’est pas économiquement viable. Fort de cette expérience, pour la mise en œuvre de la LI en Afrique, il Vol. 18 – N°1, 2010 76 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management faut minimaliser les investissements et traiter une masse critique d’équipements. À cet effet, depuis quelques années, des sociétés indiennes mènent d’intenses activités d’achat de carcasses de tout genre, véhicules et constructions métalliques qu’ils exportent vers l’Inde à partir de plusieurs ports : Lomé (Togo), Cotonou (Bénin), Abidjan (Côte d’Ivoire). En dehors des équipements hors usage collectés dans ces pays côtiers, d’importantes quantités de carcasses arrivent de différents pays enclavés d’Afrique de l’Ouest : Burkina Faso, Mali, Niger (Figure 8). Dans le système de fabrication à petite échelle, il y a souvent des périodes mortes sans ou avec des productions très faibles. On assiste souvent à des licenciements temporaires ou « congés techniques » non rémunérés. Ces temps seront consacrés aux différents traitements inhérents à l’adoption de la LI : c’est une nouvelle solution de plein emploi. Figure 8 : Ferrailles en attente de mise en conteneurs dans le port de Lomé au Togo Photo: Azouma, 2008. Tableau 4 : Les 10 critères du SLI vert Critère N 1 La documentation technique 2 Le plan de maintenance 3 La formation des utilisateurs 4 La manutention et le transport Relations entre le SLI et la LI et recommandations 5 Le soutien informatique 6 Les infrastructures L’étude des concepts du SLI et de la LI permet de relever plusieurs interrelations: la maintenance (réparer ou remettre à neuf les équipements); l’approvisionnement (pièces de rechange, matériaux et intrants neufs ou récupérés); la manutention et le transport, les critères de facilitation de l’exploitation et des retours de produits (désassemblage, mise en kits, portabilité de l’équipement); l’utilisation rationnelle de l’équipement (amélioration de la productivité et économie des ressources). Le SLI doit évoluer vers un dixième critère adapté aux conditions des entreprises de production des services et des biens qui porte sur la reprise du produit ou de l’équipement en fin de service pour une meilleure disposition ou pour des traitements adéquats. Ce nouveau critère est conforme aux nouvelles législations déjà imposées aux fabricants en Europe, en Asie et en Amérique du Nord et qui vont certainement s’étendre au monde entier. Ainsi, nous obtenons un concept actualisé du SLI (Tableau 4) que nous nommons « le SLI vert », car il prend en compte la gestion conservatoire des matières et la disposition responsable des matières dangereuses. 7 Les approvisionnements (pièces de rechange et intrants) 8 Le personnel 9 Les équipements de soutien 10 Le retour des équipements hors usage ou en fin de service* Plusieurs recommandations sont proposées pour faciliter et permettre une prise en compte efficace et efficiente du SLI et de la LI dès la conception d’un équipement. • Faire une étude technicoéconomique pour la mise en place progressive des activités de la LI dans les PMI : moyens matériels et techniques indispensables, espace d’entre- *Nouveau critère introduit dans le SLI posage, acquisition de plans de désassemblage s’ils existent, organisation du travail et du système d’information. • Former les travailleurs aux techniques de désassemblage et à la disposition des matières dangereuses de façon responsable. • Élaborer une politique commerciale et de marketing autour des nouvelles offres de service aux clients : intérêts des utilisateurs pour le retour des équipements (indemnités forfaitaires, offres de conditions incitatives pour le remplacement d’un équipement rapporté par un utilisateur) et sensibilisation pour la participation à la protection de l’environnement. • Enrichir le répertoire des types de pièces ré- cupérées (Tableau 2) qui composent les EAA. Inciter les États d’Afrique à prendre des directives pour promouvoir la LI, en faisant obligation aux équipementiers, importateurs et commerçants de reprendre les équipements pour en assurer les meilleurs traitements. Ils auront l’obligation de reprendre les équipements en fin de service sans taxer l’utilisateur. Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:27 77 77 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Conclusion Ce travail a permis de proposer un nouveau concept, la LTI obtenue à partir de l’étude de la pertinence du SLI et de la LI par rapport à la conception d’équipements pour les PdS et de la recherche des interrelations entre ces 2 concepts. Des solutions d’intégration du SLI et de la LI complétées par un système d’approvisionnement en matériaux et matières d’œuvre orienté LI puis des recommandations permettent de prendre en compte la LTI dans une démarche de conception pour l’Afrique. Malgré quelques pratiques observées sur le terrain qui relèvent de la LTI, la conception en entreprise d’un nouveau produit par une équipe pluridisciplinaire sera le lieu de la validation de l’ensemble des propositions de cette étude. Feng, W. And Zhijun, T., (2008), “Research on Cooperation with 3PLs in Reverse Logistics”, 2008 International Conference on Wireless Communications, Networking and Mobile Computing, WiCOM 2008. Fleischmann, M. (2001), Quantitative Models for Reverse Logistics, Springer-Verlag, New York, NY, USA. Fleischmann, M., Bloemhof-Ruwaard, J. M., Dekker, R. V. D. L. E., Van Nunen, J. A. E. E. et Van Wassenhove, L. N. (1997), “Quantitative models for reverse logistics: A review”, European Journal of Operational Research, vol 103 n°1, pp. 1-17. Fremy D. (2006), Quid 2006, Éditeur Robert LAFFONT. Bibliographie Anonyme 1 (2007), http://en.wikipedia.org/wiki/Integrated_Logistics_Support. Consulté, le 26 juin 2007. Azouma, Y. O. 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Cet article essaye donc de mettre en évidence le rôle important de ces outils dans la gestion de la chaîne logistique globale, principalement les chaînes logistiques multi-échelons, en illustrant une application de la simulation dynamique d’une filière agroalimentaire dans un contexte de crise sanitaire. Introduction Aujourd’hui, la gestion de la chaîne logistique globale (ou Supply Chain Management en anglais) est devenue l’une des formes organisationnelles contemporaines les plus courantes. Le terme « Supply Chain Management » (SCM) a été utilisé non seulement pour expliquer les activités logistiques, la planification ou le contrôle des flux physiques et informationnels internes ou externes entre les entreprises (Christopher, 1992 ; Cooper et al, 1997) mais aussi pour révéler les problèmes stratégiques et inter-organisationnels (Cox, 1997 ; Harland et al 1999), discuter d’une autre forme d’organisation pour l’intégration verticale (Hakansson et Snehota, 1995) ou encore pour identifier et décrire une relation développée par une entreprise avec ses fournisseurs (Narus et Anderson 1995). Il existe donc une quantité considérable de sujets de SCM comme : achat, logistique et transport, marketing, comportement organisationnel, réseaux, gestion stratégique, système d’information de gestion et gestion opérationnelle. Par ailleurs, comment faire face aux fluctuations de l’offre et de la demande est une question vitale dans la gestion de la chaîne logistique globale. En préalable, il est utile de bien distinguer la stabilité de la Supply Chain qui réagit à un certain nombre de perturbations, des sources elles-mêmes provoquant sa réaction au déséquilibre. Ces sources perturbatrices de types endogènes et exogènes sont souvent à l’origine du Bullwhip Effect1. Tout d’abord, les perturbations endogènes proviennent du système lui-même. Par exemple, les décideurs qui estiment que leurs clients ou leurs fournisseurs prennent des mauvaises décisions, peuvent choisir de dévier de leur stratégie de recherche d’équilibre en se constituant un stock régulateur contre le risque de comportement « non-optimal ». Ce comportement causera ensuite une perturbation chez Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:28 1 - Le Bullwhip Effect, source majeure d’inefficacité de la chaîne logistique de production-distribution, se décrit par un phénomène d’amplification des approvisionnements à chaque échelon de la supply chain suite à des fluctuations de la demande (Lee et al, 1997) 81 81 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management leurs propres fournisseurs. Puis les perturbations exogènes sont causées par des variations imprévisibles de la consommation. De nombreux travaux de recherche ont montré que la structure de la supply chain joue un rôle important dans les changements comportementaux de la chaîne face aux incertitudes de son environnement. Selon Sterman (2006), « the dynamics of supply chain networks arise endogenously from their structure ». Forrester (1961) a montré que les caractéristiques structurelles de la chaîne logistique peuvent amener les agents rationnels à amplifier les variations de la demande causant l’instabilité de la chaîne. En effet, la chaîne logistique peut être dynamiquement instable face à des perturbations de production et de consommation en raison des différents délais d’adaptation de capacité de production et de stock et du feed-back dans les décisions de régulation entre les acteurs de la chaîne (Forrester, 1961 ; Sterman, 1989). Taylor (1999) a proposé que les variabilités de la fiabilité des outils de production et du produit, de la capacité opérationnelle et de la qualité du produit soient les causes principales de l’amplification de la demande ou du Bullwhip Effect. D’autres chercheurs scientifiques comme Chen et al (2000), Simchi-Levi et al (2000) et Shen (2001) ont aussi constaté que des choix d’optimisations locales indépendantes de chaque acteur sans vision globale sont la cause du Bullwhip Effect. Dans cet article, nous allons d’abord analyser les modèles de simulation de gestion de la chaîne logistique globale dans l’incertain. Ensuite, nous allons présenter les principes et les applications de la dynamique des systèmes dans la gestion de chaînes logistiques en général et des chaînes agro-alimentaires en particulier. Enfin, un modèle de dynamique des systèmes des flux logistiques de la filière avicole française face à la crise de l’influenza aviaire sera proposé et analysé pour consolider notre recherche. Modèles de simulation de la gestion des chaînes logistiques dans l’incertain Depuis quelques années, la modélisation et la simulation sont des approches de plus en plus utilisées au niveau du SCM. Ballou (1992) a montré que lorsqu’on étudie une chaîne logistique composée de plus de deux échelons, la gestion des stocks de toute la chaîne entière devient extrêmement difficile pour les analy- 82 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:28 ses mathématiques et le recours principal est souvent la technique de simulation informatique. Cette technique est devenue indispensable pour les analyses basées sur l’intégralité de la chaîne logistique (Wyland et al 2000). La technique de simulation a été initialement utilisée dans les recherches sur le comportement et la performance des chaînes logistiques vers la fin des années 1980. Récemment, cette méthode a été largement utilisée pour étudier le comportement des chaînes logistiques multi-échelons influencé par les facteurs exogènes et endogènes (Bhaskaran,1998 ; Petrovic, 1999, 2001 ; Banerjee et al 2001,...). En effet, un des facteurs exogènes les plus importants qui influence le comportement de la chaîne logistique est la demande des clients. Une des conséquences catastrophiques de l’amplification des fluctuations de la demande de l’aval jusqu’en amont de la chaîne est le phénomène Bullwhip Effect (Lee, et al 1997). Différentes recherches sont réalisées pour étudier les causes et effets de ce phénomène. Bhaskaran (1998) a mentionné que l’échec dans les contrôles de l’instabilité des planifications résulte d’une moyenne très élevée des niveaux de stock. Van Donselaar et ses collègues (2000) ont réalisé un essai par simulation pour montrer que pour obtenir une stabilité dans les planifications, il est nécessaire d’utiliser les informations sur la demande par les clients finaux (les consommateurs) plutôt que par les clients immédiats. Wilding (1998) a démontré que les effets chaotiques engendrent aussi l’incertitude dans les chaînes logistiques. Pour réduire ces effets, il est important de diffuser le plus largement possible les informations sur la demande des clients finaux d’aval en amont. Mason-Jones et Towill (1997, 1998) ont suggéré que le partage d’information peut réduire l’amplification des variations de la demande et améliorer l’utilisation de la capacité. Par ailleurs, Towill et McCullen (1999) ont trouvé quatre principes pour le flux de matériels : système de régulation, compression du temps, transparence d’information, limitation des échelons appliqués afin de minimiser cette amplification et le niveau de stock. Selon de Souza et ses collègues (2000), avec une réduction des délais d’information plutôt que les délais de matériel, on peut obtenir une amélioration de la performance et une augmentation de la qualité du service. Récemment, la logistique floue a été introduite en simulation pour analyser le comportement et la performance des chaînes logistiques multi-échelons sous Vol. 18 – N°1, 2010 82 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management un environnement incertain (Petrovic,1999, 2001). La chaîne logistique peut aussi devenir dynamiquement instable lorsqu’elle est face aux perturbations dans les systèmes de production par les facteurs endogènes suite aux variations de la consommation. Ces perturbations surviennent à cause, non seulement des délais de l’adaptation des capacités de production et de stock, mais aussi des feedbacks de décision dans la chaîne entière (Nagatani et Helbing, 2004). Il existe dans la littérature de nombreuses recherches mettant l’accent sur les problèmes de stratégies de pilotage et plus précisément, sur l’instabilité des flux logistiques (Chopra & Meindl, 2001 ; Helbing et al 2003). Nagatani et Helbing (2004) ont montré qu’une analyse linéaire de la stabilité d’une chaîne logistique perturbée permet d’obtenir une adaptation efficace pour faire face aux variations de la consommation en aval et aussi aux fluctuations des capacités de stock en amont. En effet, ils ont proposé une technique d’anticipation du niveau futur du stock pour stabiliser le système logistique. Néanmoins, cette approche est limitée car les amplitudes des oscillations sont souvent plus considérables et les effets non-linéaires sont prédominants. Par ailleurs, les recherches en logistique sont aussi basées sur les techniques de modélisation et simulation à événement discret. Vorst van der et ses collègues (2000) ont utilisé la simulation discrète pour modéliser le comportement dynamique d’une chaîne logistique agro-alimentaire et évaluer les différentes structures alternatives proposées pour la chaîne. Chang et Makatsoris (2001) ont suggéré la nécessité de la technique de la simulation discrète pour les recherches en logistique. Godding et al (2004) ont proposé d’utiliser à la fois les modèles de simulation discrète et les techniques de programmation linéaire appliquées dans la conception structurelle et opérationnelle des réseaux de chaînes logistiques de fabrications de semi-conducteurs. Néanmoins, très peu, parmi les applications, ont étudié quand et comment la simulation discrète est réellement utilisée dans les processus de prise de décision pour l’industrie ainsi que dans les activités de fabrication et de logistique. En outre, les simulations dynamiques ont prouvé leur pertinence dans l’analyse des chaînes logistiques avec leur système de feedback interactif et hiérarchique intangible (Pidd, 1984). Les modèles de simulation basés sur les principes de la dynamique des systèmes de Forrester (1961) de la chaîne logistique sont originellement appliqués dans les systèmes industriels, montrant que la structure de la chaîne logistique et la gestion des flux déterminent sa performance. De nombreux modèles de dynamique des systèmes de chaîne logistique ont été construits (Forrester, 1961 ; Senge and Sterman, 1992 ; Thiel, 1996 ; Cheng, 1996 ; Sterman, 2000 ; Higuchi and Troutt, 2004 ; Kamath and Roy, 2007 ; Rabelo et al 2008…). Principes et applications de la dynamique des systèmes La dynamique des systèmes est l’une des méthodologies les plus pertinentes et appliquées dans le domaine de SCM qui permet de comprendre l’évolution d’un système complexe et changeant. Développée par Jay W. Forrester (1961) avec les concepts fondamentaux de rétroaction et de délai qui déterminent le comportement du système, la dynamique des systèmes est devenue un outil important pour analyser et résoudre les problèmes complexes. Les concepts de base Les variables de niveau (stock) et de taux (flow) Dans les modèles de dynamique des systèmes, il est important de distinguer deux types de variables fondamentales : variable de niveau (stock) et variable de taux (flow). Les variables de niveau représentent les résultats accumulés dans le temps. Ce sont des variables qui représentent l’état (physique ou informationnel) du système en l’instant t. Les variables de taux représentent le taux de changement des niveaux. En général, l’équation de ce niveau est : t Niveau(t) = Niveau(t = 0) + entrée - TAUXsortie)dt t=0 Cette équation explique que pendant un intervalle de temps dt, le changement de valeur du niveau est mesuré par la différence entre ce qui entre et ce qui sort. Si un modèle a n niveaux, il a mathématiquement un système de n équations différentielles du premier ordre. Effets causaux positifs et négatifs et les boucles de feedback La relation entre deux variables x ® y est une relation causale, c’est-à-dire la variable Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:28 ò (TAUX 83 83 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management entrante x a une influence causale sur la variable sortante y. Une influence positive signifie qu’un changement de x cause un changement de y dans une même direction : une augmentation (diminution) de x cause une augmentation (diminution) de y. Le signe « + » indique une causalité positive. En revanche, une influence négative signifie une augmentation (diminution) de x cause une diminution (augmentation) de y (direction opposée). Le signe « - » indique une causalité négative. Par ailleurs, Une boucle de feedback est une succession de relations cause-effet qui commence et finit avec la même variable ce qui constitue une causalité circulaire. Le signe d’une boucle dépend des signes des relations dans la boucle. Une boucle est positive ou d’amplification (le signe est « + ») si elle contient un nombre pair de relations négatives ou elle ne contient aucune relation négative. Une boucle est négative ou autorégulatrice (le signe est « - ») si elle contient un nombre impair de relations négatives. Les boucles de feedback positives ou négatives sont les éléments de base des structures dynamiques. Les délais Dans la dynamique des systèmes, les délais jouent un rôle important. En général, un délai est un niveau dont le flux de sortie est fonction uniquement du niveau lui-même et de quelques constantes. Des délais importants peuvent intervenir dans les causes et effets. Il y a deux catégories principales de délais : délais de matière et délais d’information (lissage). Délais de matières se trouvent dans les chaînes flux-stock et créent des décalages entre les entrées et les sorties. Le rôle du délai d’information est de lisser l’historique des informations. En principe, un délai d’information (ou un délai de lissage de l’information) repré- Figure 1 : Les étapes principales de construction d’un modèle de dynamique des systèmes sente la valeur moyenne ou du moins la valeur en régime permanent de l’information. Les étapes principales de construction des modèles (figure 1) A partir de l’observation de la réalité d’un système, un diagramme de causalité sera réalisé permettant de la représenter en montrant les mécanismes dynamiques du système observé. Basé sur ce diagramme, un modèle flux-stock sera développé en élaborant les formulations mathématiques, notamment les équations différentielles, qui décrivent les relations cause-effet pour toutes les variables et en construisant le diagramme flux-stock. Le modèle flux-stock est donc une façon graphique permettant de représenter en détail la structure de la chaîne et les boucles de rétroaction présentées dans le diagramme de causalité. Ce modèle sera lui-même simulé faisant donc objet d’expérimentation à travers la simulation. Les résultats de simulation vont nous permettre par induction de comprendre des phénomènes émergeant de ce système et ils serviront à proposer éventuellement des modifications nécessaires. Quelques applications La dynamique des systèmes trouve ses applications récentes dans l’analyse de la chaîne logistique. Par exemple, Riddalls et ses collègues (2000) ont démontré que la simulation dynamique est la seule méthode pour examiner le comportement global d’une chaîne logistique. Gonçalves (2003) a utilisé la dynamique des systèmes pour étudier l’impact endogène de la demande sur l’instabilité du système. Il a proposé que la demande endogène influence les changements dans les modes opérationnels avec les pertes de vente et les boucles de la production poussée. Par ailleurs, Son et Venkateswaran (2007) ont proposé une simulation hybride utilisant à la fois deux aspects, discret et continu, pour étudier les systèmes complexes comme les chaînes logistiques. Rabelo et ses collègues (2008) ont présenté l’application de la dynamique des systèmes pour prévoir les changements comportementaux dans les chaînes logistiques de fabrication sous les influences exogènes et endogènes dans deux dimensions de temps (court terme et long terme). Selon les auteurs, cette méthodologie permet aussi d’identifier les causes qui peuvent provoquer un comportement négatif du système. Dans la gestion des chaînes logistiques agro-alimentaires, Cloutier et Sonka (1998) ont montré « comment la dynamique des sys- 84 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:28 Vol. 18 – N°1, 2010 84 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management tèmes peut contribuer à la découverte d’opportunités stratégiques dans l’étude de la coordination entre les différents maillons d’une filière agro-alimentaire ». Avec un modèle de dynamique des systèmes, Vorst van der et al (2000) ont reconnu que les sources majeures d’incertitude dans une chaîne logistique agro-alimentaire sont le délai de prévision, la disponibilité d’information et de données, les politiques décisionnelles utilisées, les incertitudes inhérentes aux activités de livraison, des processus, ou de la demande. Minegishi et Thiel (2000) ont construit un modèle de dynamique des systèmes appliqué dans la filière avicole pour expliquer les comportements complexes de l’industrie de la volaille. Avec ce modèle générique de simulation, les auteurs ont montré des phénomènes d’instabilité et les moyens de contrôler les systèmes de la filière face à des fluctuations importantes des ventes aux consommateurs. Néanmoins, cette recherche ne s’intéresse pas au comportement global de la chaîne logistique de la filière qui est simultanément perturbée par des variations de l’offre et de la demande. Par ailleurs, Georgiadis et al (2005) ont adopté la méthodologie de la dynamique des systèmes comme un outil de modélisation et d’analyse pour étudier les issues stratégiques dans les chaînes logistiques multi-échelons agro-alimentaires. Pour construire leur modèle de dynamique des systèmes, ils ont d’abord créé les systèmes de stock générique avec un seul échelon qui incorpore toutes les variables d’état et les politiques de contrôle de stock et planification de la capacité de production. Sur la base de ce modèle, ils ont montré comment construire les modèles génériques de la chaîne logistique multi-échelons au niveau stratégique. Application à la filière avicole française face à la crise de l’influenza aviaire En France, l’industrie agro-alimentaire est le premier secteur d’activité en termes de chiffre d’affaires2. La France reste le leader européen agro-alimentaire et la deuxième industrie agro-alimentaire mondiale après les Etats-Unis en chiffre d’affaires. Avec un record des ventes à 45,2 milliards d’euros en 2007, la France conserve sa place de troisième position des pays exportateurs de produits agro-alimentaires derrière les Etats-Unis et les Pays-Bas3. Au niveau de la volaille, premières en tonnage dans l’Union Européenne et sixièmes dans le monde (derrière les Etats-Unis, la Chine, le Brésil, le Mexique et l’Inde), les filières avicoles françaises se singularisent par la diversité de leur production4. Le poulet représente près de la moitié des tonnages produits. La viande de volaille est la viande la plus échangée dans le monde, et les flux des échanges internationaux ont triplé depuis 1990 (de 2,7 millions de tonnes en 1990 à 9,7 millions de tonnes en 2005) selon l’ITAVI5. La viande de volaille est la seconde produite en France derrière le porc. Toutefois, depuis quelques années, la filière avicole a subi des crises sanitaires comme l’influenza aviaire et aussi des risques sanitaires émergents tels que les toxi-infections alimentaires de type Campylobacter jejuni. D’une part, ces problèmes sanitaires ont provoqué des conséquences économiques importantes dues à des défaillances du pilotage à différents niveaux de la chaîne logistique de la filière. Par exemple, en six mois de crise de l’influenza aviaire, l’ensemble de la filière avicole française a perdu environ le quart de son activité et les stocks excédentaires atteignent 50 000 tonnes6. D’autre part, la médiatisation des problèmes sanitaires, même non avérés, entraîne une perte de confiance du consommateur. Par conséquent, des baisses de ventes sur le marché français et des pertes de débouchés à l’exportation en découlent. Par ailleurs, l’inquiétude des décideurs de la filière porte essentiellement sur la fréquence de ces crises et sur leurs effets économiques à long terme. Nous nous intéressons donc à ces préoccupations qui nécessitent un ajustement du pilotage des acteurs de la filière pour faire face à des perturbations et des incertitudes provoquées par ces crises en proposant un modèle de dynamique des systèmes. Ce modèle permettra d’améliorer la connaissance des comportements logistiques en matière de gestion des flux en période de crise. Problématique de la gestion des flux logistiques La filière avicole en général et la filière « poulets standard » en particulier sont organisées en une succession de phases allant de la production primaire à la distribution et au consommateur final. Il s’agit d’une « chaîne logistique multi-échelons » qui présente la particularité d’un flux poussé en amont et d’un flux tiré en aval (Figure 2). De manière plus détaillée, les activités d’élevage en amont de la chaîne sont planifiées plusieurs semaines à l’avance à l’aide d’un Programme Directeur de Production7 (PDP), Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:28 2 - Source : Xerfi, 2008 3 - Source : Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, http://panoramaiaa.agriculture.g ouv.fr/article.php3?id_article=1 98 4 - Source : Xerfi, 2008 5 - Source : ITAVI (Institut Technique de l’Aviculture), http://www.itavi.asso.fr/economi e/eco_filiere/volailles.php?page =prod 6 - Biaggini, RIA (Revue de l’Industrie Agro-alimentaire), 2006 7 - Le PDP (ou Master Production Schedule (MPS) en anglais) a pour objectif de planifier les besoins en produits afin de satisfaire la demande finale. Il décompose d’abord les données agrégées (familles de produits) du Plan Industriel et Commercial (PIC) en références finales individuelles. Ensuite, il planifie sur un horizon plus court avec des sous-périodes plus fines la demande réelle et donc la production de chaque produit fini. Il révèle l’état des stocks disponibles par produit fini et leur évolution sur l’horizon de planification. Enfin, il déclenche le processus de calcul des besoins nets en références finales, puis en composants et matières (source : Logistique Conseil, http://www.logistiqueconseil.org. 85 85 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management 8 - Les délais exponentiels au sens de Forrester sont des retards (delays en anglais) correspondant à une réponse d’une organisation suite à une sollicitation, réponse souvent non-linéaire. 9 - Source : Xerfi2008 en tenant compte du stock existant. Dans cette filière intégrée et pour assurer une bonne qualité, les poulets standard vivants dans l’élevage doivent être abattus après un délai d’élevage fixé à 40 jours. En revanche, les opérations de fabrication des produits finis (poulets entiers, produits découpés et élaborés), dans les phases suivantes (découpe, transformation, conditionnement), sont lancées quotidiennement en fonction de la disponibilité de stock des matières premières et des demandes réelles. Cela montre que les flux physiques de la filière ont deux caractéristiques, en amont des flux poussés et en aval des flux tirés, impliquant une complexité dans la gestion des stocks et le pilotage des flux logistiques de cette filière. Chaque membre de cette filière est entièrement lié à un autre membre en amont et en aval ; la moindre défaillance de l’un des maillons pouvant entraîner des conséquences sur l’ensemble de la chaîne. Ce qui en fait une complexité structurelle de cette chaîne de valeur. ment non-linéaires. Ceux-ci engendrent des comportements imprévisibles de la chaîne (Paulré, 1985). Par exemple, l’ajustement des encours d’élevage dépend d’un certain nombre de facteurs, la réactivité des décideurs correspondant à un comportement nonlinéaire. Une complexité organisationnelle provient de la synchronisation entre le volume des stocks de poulets vivants et le volume des commandes client réelles. En effet, lorsque le volume de poulets vivants disponibles est inférieur à la demande actuelle, les entreprises d’abattage doivent faire appel à des fournisseurs extérieurs nationaux ou internationaux (par importation). Par conséquent, ils doivent subir des coûts imprévus à cause de la différence de prix et des coûts de transport. En revanche, si le stock disponible de poulets abattus dépasse la demande réelle, les entreprises d’abattage doivent congeler (ou détruire) leurs produits après cinq jours en chambre froide en raison de la périssabilité de ces produits. Cela engendre des coûts supplémentaires par la perte et la dépréciation des produits. Modèle de simulation Une autre complexité organisationnelle repose sur la succession de différents délais dits exponentiel8 tout au long de la filière. Différents délais dans la prise de décision comme par exemple, des durées d’ajustement de stock rendent la chaîne logistique des flux forte- Les observations de terrain et les interviews réalisées auprès des entreprises des quatre premiers groupes familiaux (LDC, Doux, Arrivé, Glon) et du premier groupe coopératif (Terrena) représentant 70% du chiffre d’affaires de toute la filière9 nous permettent de définir les variables pour chaque niveau de la chaîne. Ces variables vont servir à construire le modèle. Le tableau suivant présente quelques variables fondamentales. Figure 2 : Schéma des flux logistiques de la filière poulets standard Par ailleurs, cette filière est soumise à de fortes incertitudes liées à l’environnement, notamment causées par la crise de l’influenza aviaire. En effet, au niveau global, la filière doit réagir face d’une part, à la forte volatilité du consommateur (risque de perte de confiance) dans un contexte de risque sanitaire et, d’autre part, aux problèmes de sources d’approvisionnement en amont de la chaîne (locales, nationales et/ou internationales). L’incertitude de l’environnement (demande versatile, offre dépendant de l’épizootie) ainsi que les complexités structurelles et organisationnelles nous amènent donc à étudier le comportement de cette filière. Pour comprendre le comportement des acteurs et la dynamique de la filière avicole face à la crise de l’influenza aviaire, nous proposons de construire un modèle de dynamique des systèmes qui représente la structure de la filière et des politiques réelles appliquées pendant la période de la crise. Le modèle se base sur une représentation du système logistique opérant et des systèmes d’information et décision. La structure de la partie opérante est construite selon des observations empiriques sur l’organisation technique de cette filière. La structure des systèmes d’information et de décision correspond à des micro et macro-mécanismes de régulation observés pendant cette crise. Variables du modèle Diagramme de causalité proposé Les variables principales décrites dans la partie précédente sont liées entre elles, et leurs interactions peuvent être mises en évidence par un diagramme des causalités pour faciliter 86 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:29 Vol. 18 – N°1, 2010 86 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Tableau 1: Les variables principales du modèle Parties du modèle Demande et planification Variables Définition Unité de mesure Demande réelle Demande du client final (consommateur) basée sur les données réelles. Tonnes/ jour Taux d’approvisionnement total Taux d’approvisionnement en élevage basé sur la prévision de vente Tonnes/ jour Taux lancement élevage souhaité Le nombre de poulets que les éleveurs souhaitent lancer en élevage après l’ajustement des encours de l’élevage. Tonnes/ jour Encours élevage Les encours de poulets en élevage Tonnes Crise sanitaire Taux d’influence de la crise sanitaire sur la production en cours d’élevage % Achats externes La quantité de poulets achetés sur le marché extérieur (fournisseurs nationaux ou internationaux) Tonnes Abattage Stock poulets abattus Niveau de stock des poulets entiers abattus après l’abattage Tonnes Transformation Stock produits finis Niveau de stock des produits finis PE et PDE prêts Tonnes à être livrés Stock poulets surgelés Niveau de stock de produits surgelés des poulets abattus mais non livrés à cause d’un manque de commandes clients. Tonnes Transport élevage-abattage Les encours de poulets vivants transportés du centre d’élevage aux abattoirs Tonnes Elevage Transport La quantité de produits finis transportés des Transport transformation-distributio transformateurs aux grossistes n Tonnes Transport distribution-vente La quantité de produits finis transportés des grossistes aux détaillants Tonnes Distribution Stock grossistes Niveau de stock chez les grossistes Tonnes Vente Stock détaillants Niveau de stock dans les points de vente ou chez les détaillants Tonnes Performance Stock souhaité détaillants Niveau de stock de sécurité que les détaillants désirent en fonction de la demande réelle Tonnes Ecart stock réel-souhaité Ecart entre le niveau stock réel et le niveau de détaillants stock souhaité pour les détaillants Tonnes Coûts imprévus Les coûts imprévus que la chaîne subit lorsqu’il y a des poulets surgelés (coût de surgélation) ou achetés sur le marché extérieur (coût d’achat imprévu à cause de la différence de prix et du coût de transport) Million Euros Pertes de produits La quantité de produits perdus lorsque la Date Limite de Consommation (DLC) est dépassée. Tonnes la visualisation de la structure du modèle (Figure 3). Les arcs représentent la relation de causalité entre les variables, les causes (origines de l’arc) et leurs effets immédiats (extrémités terminales de l’arc)). Ces arcs sont polarisés et montre le sens de l’influence : un signe (-) indique que si un changement dans la variable d’origine se produit, la variable de destination tend à changer en sens contraire et un signe (+) indique que les deux variables tendent à évoluer dans le même sens. Il existe généralement deux types de boucle causale dans un diagramme : les boucles homéostatiques ou négatives (qui contiennent un nombre impair des arcs négatifs) ont pour objectif de ramener le système vers un état d’équilibre et les boucles de rétrocontrôle positif (qui contiennent un nombre pair des arcs négatifs ou zéro arc négatif) ont tendance à amplifier les causes des phénomènes observés. Nous avons identifié cinq boucles fermées principa- Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:29 87 87 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management 10 - Source : Service Central des Enquêtes et Etudes Statistiques (Agreste/SCEES) 11 - La validation du modèle a été réalisée en tenant compte de deux aspects principaux : structurel et comportemental (Forrester, 1971) (voir Vo (2009) pour une présentation complète sur la validation du modèle et les résultats de simulation) les (en réalité, nous avons observé qu’il existe 96 boucles dans le modèle proposé). • Boucle 1 : Cette boucle permet d’ajuster les encours d’élevage de poulets et par la suite les poulets matures prêts à abattre. • Boucle 2 : L’objectif de cette boucle est de réduire au maximum le surplus de produits finis non-livrés par rapport à la demande réelle afin de minimiser les pertes de produits finis par la congélation car ce système permet de prolonger le cycle de vie des produits frais. • Boucle 3 : Cette boucle permet de régulariser le niveau de stock des produits finis en modifiant le volume de fabrication. • Boucle 4 : Cette boucle permet donc un ajustement du volume transporté de produits finis vers les détaillants par le niveau de stock chez les grossistes. Figure 3 : Diagramme de causalité de la chaîne logistique de la filière • Boucle 5 : Cette boucle permet d’ajuster ce volume par l’écart entre le niveau de stock souhaité et le stock réel chez les détaillants. De ce diagramme de causalités, nous développons un système d’équations différentielles permettant de caractériser notre modèle. Nous nous sommes inspirés du modèle générique de la chaîne logistique de Sterman (2000) en le transformant selon les originalités de notre chaîne logistique à savoir, la représentation d’une structure particulière de type push-pull de produits périssables ainsi que la prise en compte de perturbations simultanées en amont et en aval de la chaîne. Résultats de simulation Analyse comportementale du modèle Nous allons d’abord analyser le comportement de la chaîne logistique de la filière avicole face à la crise de l’influenza aviaire avec les données collectées10 sur la production et la consommation pendant la crise de l’influenza aviaire en France entre octobre 2005 et mars 2006. Nous avons obtenu la variation de la production de poulets standard par la simulation en comparaison avec l’évolution de la demande réelle et de la production réelle (Figure 4) En comparant la production obtenue par la simulation avec la production réelle, nous avons obtenu une différence relative moyenne égale à 6,3% signifiant un taux d’erreur « relatif » de 6,3%. Ceci a été considéré comme acceptable pour valider le modèle11. Figure 4 : La production obtenue par la simulation en comparaison avec l’évolution de la demande et de la production réelles Dans la figure 5, la courbe 2 montre l’évolution de la production d’élevage en fonction de la propagation de la maladie dans la population animale et surtout de la variation de la demande réelle illustrée par la courbe 1. Nous pouvons remarquer qu’il y a un décalage entre ces deux courbes, c’est-à-dire la production ne correspond pas vraiment à la demande. Pour faire face à cet écart entre la production et la demande, la solution consiste à surgeler les poulets abattus lorsqu’il n’y a pas assez de demande et à faire appel à des achats externes si la production est insuffisante. Cette politique provoque par conséquent, une augmentation des coûts imprévus de 23,4 millions d’euros et également des pertes de produits de 20.080 tonnes pour toute la chaîne. Par ailleurs, la fluctuation de la consommation provoque une variation des niveaux de stock à tous les échelons en aval de la chaîne. Nous avons observé que la variation du niveau de stock chez les détaillants est moins impor- 88 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:30 Vol. 18 – N°1, 2010 88 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management tante que celle du niveau de stock chez les grossistes et de stock de produits finis. Cette variation est dûe aux différents délais de livraison entre les échelons et de réajustement du niveau de stock chez les détaillants. Figure 5. Variation de la demande réelle et de la production obtenue par la simulation pendant la crise Ces conséquences de cette polique pendant la crise nécessitent des politiques plus pertinentes pour, non seulement réagir de manière efficace à des situations de crise, mais aussi améliorer la performance de la chaîne. C’est pour cette raison que nous allons continuer à étudier dans la partie suivante la sensibilité du modèle sous les effets des différentes perturbations exogènes et à certains délais de réactivité dans la gestion des flux matières. Analyse de sensibilité du modèle Notre objectif dans cette partie est d’analyser l’influence des fluctuations des valeurs des variables exogènes et des différents délais sur le comportement de la chaîne afin de proposer des modifications pour améliorer la performance de la chaîne. Figure 6 : Variations de la production en élevage face à des variations type Step négatif Réponses du système face à différents types de fluctuation des variables exogènes La chaîne logistique est influencée à la fois par la propagation de l’influenza aviaire dans l’élevage en amont et par la variation de la consommation en aval. Les facteurs exogènes de la crise sont donc représentés par deux variables principales dans notre modèle : Demande réelle et Crise sanitaire. Nous allons examiner les effets de différents degrés de fluctuation de ces deux variables sur le comportement du modèle selon trois types d’évolution : (i) variations brutales et durables ; (ii) variations exceptionnelles et répétitives et (iii) variations aléatoires. Les résultats de simulation montrent que : • Pour les variations brutales et permanentes (Step + ou -): La chaîne arrive à mieux réagir face aux baisses de la consommation et à l’augmentation de la propagation du virus en élevage (Step -) (voir Figure 6) • Pour les variations exceptionnelles et répétitives (Pulse + ou -) : Il y a une grande différence du niveau de stock chez les grossistes et les détaillants lorsque l’amplitude des variations est plus élevée (voir Tableau 2). • Pour les variations aléatoires (Random + ou -) : La chaîne arrive à assurer une stabilisation au niveau des achats externes quel que soit l’amplitude des aléas (sauf Random -50%) (voir Tableau 3). Sensibilité du modèle au délai d’ajustement demande Le Délai d’ajustement demande est un délai pour ajuster le taux d’approvisionnement en élevage en fonction de la demande réelle (valeur initiale : 7 jours)12. Les résultats montrent qu’en augmentant le délai d’ajustement demande d’1 jour à 13 jours, la chaîne logistique peut limiter légèrement les achats externes et réduire les coûts imprévus avec un délai d’ajustement demande plus long (voir tableau 4). Néanmoins, ceci peut engendrer une augmentation au niveau de stock de poulets surgelés. Cela montre que plus le délai d’ajustement demande est long, plus le niveau de stock augmente. Sensibilité du modèle au délai d’élevage Le Délai d’élevage est non modifiable car il est fixé dans le contrat entre les éleveurs et les abattoirs (valeur initiale : 40 jours). Nous pouvons constater qu’une réduction du délai d’élevage de 5 jours pour répondre plus rapidement à la variation quotidienne de la Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:31 12 - En effet, la production en élevage de poulets standard est planifiée par un plan prévisionnel de ventes basé sur un historique des ventes réalisées lissé sur une période d’une semaine (7 jours). 89 89 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Tableau 2 : Influence des variations type Pulse + et - sur le niveau de stock à chaque échelon Pulse -50% Pulse -30% Pulse -10% Pulse +10% Pulse +30% Pulse +50% Stock fabricants (tonnes) 76.325 76.325 76.325 76.325 76.325 76.325 Stock grossistes (tonnes) 941.588 941.999 77.693 88.458 1.269.597 1.471.020 Stock détaillants (tonnes) 1.169.275 1.169.576 337.124 645.509 1.269.721 1.279.089 Tableau 3 : Influence des variations type Random + et – sur les achats externes Achats externes (tonnes) Random -50% Random -30% Random -10% Random +10% Random +30% Random +50% 40.069 24.668 25.851 24.532 21.591 28.905 Tableau 4 : Réponse de la chaîne à différentes valeurs du délai d’ajustement demande Délai d’ajustement demande (jours) 1 7 13 Stock poulets surgelés (Tonnes) 41.392 43.348 44.101 Achats externes (Tonnes) 26.598 26.347 25.757 23,5 23,4 22,9 Coûts imprévus (M ) Tableau 5 : Réponse de la chaîne face à différentes valeurs du délai d’élevage 35 40 45 Stock poulets surgelés (Tonnes) Délai d’élevage (jours) 44.553 43.348 41.753 Achats externes (Tonnes) 25.418 26.347 26.354 22,5 23,3 23,2 Coûts imprévus (M€) Tableau 6 : Réponse de la chaîne face à différentes valeurs du délai d’ajustement de surgélation 1 5 9 Stock poulets surgelés (Tonnes) Délai d’ajustement surgélation (jours) 142.732 43.348 27.060 Achats externes (Tonnes) 68.384 26.347 16.560 61,9 23,3 14,7 Coûts imprévus (M€) demande peut réduire le volume des achats externes (voir tableau 5). Néanmoins, cela engendre une augmentation du stock de poulets surgelés lorsqu’il y a une baisse de la consommation. En revanche, une augmentation du délai d’élevage de 5 jours peut réduire significativement le stock de poulets surgelés sans augmenter les coûts imprévus car les achats externes restent quasiment constants. Cela veut dire qu’une prolongation du délai d’élevage peut être une solution pour faire face aux variations de la demande pendant la crise. Les résultats de simulation montrent qu’une très courte durée (1 jour) du stock tampon peut provoquer à la fois un surstock considérable de poulets surgelés et une augmentation très élevée des achats externes et donc un grand surcoût pour la chaîne (voir tableau 6). En revanche, une prolongation du délai d’ajustement de surgélation peut réduire de manière efficace, non seulement le niveau de stock de poulets surgelés, mais aussi le besoin d’achats externes. Néanmoins, en réalité nous ne pouvons pas prolonger ce délai à cause de la contrainte de qualité pour les produits frais. Sensibilité du modèle au délai de surgélation Les résultats de simulation montrent que les fluctuations de la demande client et de la production affectent la stabilité et la performance de toute la chaîne. Le comportement global de la chaîne logistique est influencé non seulement par les facteurs environnementaux exogènes mais aussi par les facteurs de contrôle endogènes tels que les délais d’ajustement et de production ou les politiques d’approvi- Le Délai d’ajustement poulets abattus ou délai de surgélation est la durée maximale pour les poulets abattus non-utilisés restés dans la chambre froide avant d’être surgelés (valeur initiale : 5 jours). 90 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:31 Vol. 18 – N°1, 2010 90 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management sionnement. En ajustant ces facteurs endogènes, il est possible de réduire les conséquences liées aux facteurs exogènes et d’améliorer la performance de la chaîne logistique. Bhaskaran, S., (1998), Simulation Analysis of a Manufacturing Supply Chain, Decision Sciences, vol.29, n°3, pp.633-657. Conclusion Chang, Y., Makatsoris, H., (2001), Supply Chain Modelling Using Simulation, International Journal of Simulation, vol.2, n°1, pp.24-30. Nous avons dans ce travail montré que les chaînes logistiques en général, et les chaînes logistiques agro-alimentaires en particulier, ont des caractéristiques complexes dûes à leurs structures inter-organisationnelles, leurs produits et aux incertitudes internes (aléas de production) et externes (variation de la demande), nécessitant des méthodes pertinentes de la gestion de la chaîne globale. Précisément, la chaîne logistique agro-alimentaire est un système fort complexe avec des caractéristiques spécifiques : multi-échelons souvent de type poussé-tiré, la périssabilité des produits, etc. entraînant des comportements complexes difficiles à prédire. Ces comportements complexes deviennent encore plus difficiles à appréhender lorsque la chaîne est confrontée à des perturbations provoquées par des fluctuations de l’offre et la demande. Dans ce contexte, la simulation présente un intérêt certain. Elle permet d’étudier le comportement dynamique global d’une chaîne logistique dans son ensemble en prenant compte des interactions complexes entre différentes entités et la structure multi-échelons de la chaîne. L’approche par la simulation et notamment la dynamique des systèmes paraît être une base viable pour les analyses comportementales détaillées de la dynamique d’une chaîne logistique dans son ensemble et rend possible l’évaluation des performances du système existant ou en phase de conception. Elle propose donc un outil d’aide à la décision pour la gestion de la chaîne logistique globale. Biaggini, F., 2006. Volaille, la crise couve. Revue de l’Industrie Agro-alimentaire, n°668, p.6-7. Chen, F., Drezner, Z., Ryan, J. K. et Simchi-Levi, D., (2000), Quantifying the Bullwhip Effect in A Simple Supply Chain: The Impact of Forecasting, Lead Times, and Information”, Management Science, vol.46, n°3, pp.436–443. Cheng H., (1996), Enterprise Integration and Modelling: The Meta Base Approach, Massachusetts/ Kluwer Academic Publishers. Chopra, S., Meindl, P., (2001), Supply Chain Management: Strategy, Planning, and Operation, Prince Hall, Upper Saddle River, New Jersey. 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