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Corrigé des exercices du chapitre 2 Pistes de réponse aux questions préparatoires sur Le Survenant 1. Les oppositions sont très nombreuses dans les premières lignes du Survenant : entre l’individu solitaire qui vient frapper à la porte et le clan des Beauchemin qui crée une impression d’unité, d’entité collective, un important contraste existe. La position physique des acteurs diffère également : le Survenant se tient debout, alors que les Beauchemin sont tous assis à table ; ainsi, les regardant de haut, il les domine dès les premiers instants de son apparition. Toutefois, un autre contraste se trouve dans le statut des personnages : le nomade ne possède qu’un paqueton, c’est-à-dire à peu près rien, alors que les Beauchemin vivent sur une terre qui leur appartient. Il importe ici de constater une rupture dans la vie paisible des habitants causée par l’irruption dans leur quotidien d’un étranger mystérieux. Le Survenant est fort physiquement, endurant, travaillant, énergique et de bonne humeur, mais il a aussi des faiblesses : il boit, demeure mystérieux, insaisissable, ne se montre pas toujours digne de confiance et manque parfois de contrôle personnel. 2. L’idée de ne pas donner de nom au personnage principal produit un effet de mystère, en même temps qu’elle rend très claire la fonction du personnage : il est le survenant, rien d’autre. Ce procédé lui assure également un certain anonymat, puisqu’il est impossible, sans nom, de retracer ses origines, son passé. 3. Le Survenant respecte pleinement la terre et le travail des habitants. Amoureux des grands chemins, il se trouve qu’il est également respectueux des champs et des eaux. Travaillant, adroit, il hésite, à plusieurs reprises dans le roman, entre l’amour de la route et le désir de s’établir. 4. Affubler le Survenant de quelques défauts est un moyen de le rendre plus humain, sans aucun doute. Ainsi, ce héros surgi de nulle part n’est pas une figure allégorique : il existe réellement, et sa personnalité complexe en témoigne. 5. L’impact sur Didace est palpable tout au long du roman : le Survenant lui a fait réaliser qu’il n’était pas encore assez vieux pour s’avouer vaincu et qu’il possédait le nécessaire pour poursuivre sa lignée, au bras de l’Acayenne. Il a donc donné de la force et une énergie de jeunesse au père Didace. Son impact sur Angélina a également été puissant : le Survenant lui a montré, même s’il n’a finalement pas comblé ses attentes, ce qu’était l’amour, la féminité, le désir. Sur Amable, l’impact du Survenant a été différent : ce dernier personnage lui a longuement résisté, et c’est par la colère et l’opposition qu’il répondra au Grand-Dieu-des-routes. Il comprendra tout à coup que l’héritage de Didace ne lui sera pas acquis sans effort. Littérature québécoise 601-103-04 (60.1) Corrigé des exercices du chapitre 2 2 Atelier 1 Maria Chapdelaine 1. « La solennité chère du vieux culte, la douceur de la vieille langue jalousement gardée, la splendeur et la force barbare du pays neuf où une racine ancienne a retrouvé son adolescence. » (l. 10-12) La religion (« vieux culte »), la terre (« la force barbare d’un pays neuf »), la métaphore « une racine ancienne a retrouvé son adolescence » renvoient aux générations passées (« racine ») et à la force de leur descendance (la racine qui a « retrouvé son adolescence »). « […] toutes les choses que nous avons apportées avec nous, notre culte, notre langue, nos vertus et jusqu’à nos faiblesses deviennent des choses sacrées, intangibles et qui devront demeurer jusqu’à la fin. » (l. 20-22) Cette affirmation met de l’avant l’importance du culte (religieux) et la volonté de survie d’un peuple dont toutes les qualités et tous les défauts deviennent sacrés. 2. Argument 1. Oui, ce texte s’associe au courant réaliste, puisque le récit se déroule dans un cadre plausible : une maison, un pays bordé de neige, les répliques données dans une langue non littéraire. Les personnages sont des gens ordinaires. Argument 2. Non, ce texte ne correspond pas au courant réaliste, à cause des voix qu’entend Maria et qui relèvent plutôt du domaine du fantastique. 3. « Nous avions apporté d’outre-mer nos prières et nos chansons : elles sont toujours les mêmes. Nous avions apporté dans nos poitrines le cœur des hommes de notre pays, vaillant et vif, aussi prompt à la pitié qu’au rire, le cœur le plus humain de tous les cœurs humains ; il n’a pas changé. Nous avons marqué un plan du continent nouveau, de Gaspé à Montréal, de Saint-Jean-d’Iberville à l’Ungava, en disant : ici toutes les choses que nous avons apportées avec nous, notre culte, notre langue, nos vertus et jusqu’à nos faiblesses deviennent des choses sacrées, intangibles et qui devront demeurer jusqu’à la fin. » (l. 17-22) Dans ce long extrait, le lecteur est invité à constater d’abord le lien unique et très puissant qui unit les Canadiens français à la France, sur les plans culturel et humain. Cependant, ce sont des exploits des colonisateurs dont il est immédiatement question, et c’est aux Canadiens français seuls qu’en échoit l’honneur. Leur présence sur le territoire tient du sacré, de même que leur héritage français, qu’ils souhaitent absolument préserver. La métaphore « nous sommes un témoignage » (l. 25) invite le lecteur à s’interroger sur le passage du temps : de quel témoignage s’agit-il exactement ? de la persévérance des premiers colons ou de la présence française en Amérique du Nord ? L’identité québécoise s’est forgée sur ce questionnement qui, s’il s’est enrichi aujourd’hui d’une interrogation très profonde sur l’américanité des Québécois, demeure encore très vif. Littérature québécoise 601-103-04 (60.1) Corrigé des exercices du chapitre 2 3 Atelier 2 Le Survenant (l’incipit) Les données temporelles La première opposition que l’on pourrait recenser dans l’incipit du Survenant montre, de façon symbolique, la coupure nette entre le temps d’avant l’arrivée du Survenant et le temps nouveau qui commence avec cet événement. Sous-arguments : A. On distingue une opposition entre le Survenant et les Beauchemin par sa différence physique, du fait qu’il représente la lumière dans une soirée d’automne. B. On distingue aussi la force d’action et la puissance du Survenant, qui le différencient de la saison de l’inaction que représente l’automne. Le lieu de l’action Les lieux se voient marqués par l’arrivée du Survenant, dévoilant leurs contradictions ou leurs faces cachées. L’arrivée du Survenant (un personnage qui arrive de l’extérieur chez ces personnages qui se trouvent à l’intérieur) produit un effet de contraste. Sous-arguments : A. La cuisine, lieu privé et familial, devient le lieu de rencontre d’un étranger. B. L’opposition entre le dedans et le dehors : le lieu d’où arrive le Survenant lui confère un statut mystérieux, intrigant. Les personnages Une opposition existe entre les personnages sédentaires et le personnage nomade. Sous-arguments : A. Le Survenant arrive chez les Beauchemin libre de tout lien, seul. B. Les Beauchemin, quant à eux, sont groupés en clan, liés les uns aux autres et donc, moins libres. C. Un ordre hiérarchique s’établit dès le début entre les personnages, et ce, par la position autoritaire du père Didace. Littérature québécoise 601-103-04 (60.1) Corrigé des exercices du chapitre 2 4 Atelier 3 Le Survenant (chapitre 2, p. 23-30) 1. Ce chapitre sert à situer les principaux personnages (le père Didace, Pierre Côme Provençal, Angélina Desmarais, Amable, Phonsine, Marie-Amanda et même Mathilde) et les lieux de l’action (la terre, le fleuve, le chenal, la maison, la cuisine). Dans le reste du roman, on n’aura droit qu’à de courts retours en arrière qui fournissent de l’information sur le passé de tel ou tel personnage. L’extinction de la race des Beauchemin, d’une lignée de six générations, est également soulignée dès le deuxième chapitre, dans un passage où la narration s’attache à décrire le fil des pensées du père Didace : « Les bâtiments neufs, solides, de belle venue, qui les a érigés, sinon lui [le père Didace] ? [...] Seulement il y avait le bien à conserver dans l’honneur pour tous ceux qui suivront. Quand il ne sera plus là, l’homme qui fera valoir le nom des Beauchemin, Didace le cherche, mais il ne le voit pas » (p. 29 et 30). 2. Ce chapitre sert à introduire, de façon explicite, l’un des principaux thèmes du récit : l’absence de relève non seulement pour prendre en charge les biens durement acquis, mais surtout pour transmettre les valeurs traditionnelles du patrimoine. 3. La problématique principale du récit réside dans l’opposition entre l’apparente stabilité du monde traditionnel et une crise des valeurs qui le secoue — une opposition perceptible par le contraste entre la génération Didace/Mathilde et la génération Amable/Phonsine. Atelier 4 Le Survenant (p. 57-61) Ce petit exercice permet d’observer que le personnage du Survenant est un amalgame des caractéristiques du nomade et du sédentaire, et cette contradiction qu’il porte en lui empêche tous les personnages d’entrer réellement en contact avec lui (il est, par exemple, trop nomade pour répondre oui à l’amour d’Angélina) ou de vraiment le mépriser (il travaille trop bien la terre pour qu’Amable puisse vraiment lui reprocher quoi que ce soit). On pourrait dire aussi qu’il est le reflet des contradictions de plusieurs personnages, qui se retrouvent tous en lui d’une façon ou d’une autre et à différents degrés. Caractéristiques du nomade Caractéristiques du sédentaire Il a erré sur les routes. Il connaît plusieurs métiers, est bon artisan. Personne ne connaît vraiment son identité. Sa main est « adroite à façonner de fins ouvrages ». Il joue du piano et chante des chansons dont personne ne comprend les paroles Sa main est « une protection pour la femme ». Homme instable, imprévisible Travaillant Être insouciant et sans but Franche prédilection pour la terre Littérature québécoise 601-103-04 (60.1) Corrigé des exercices du chapitre 2 5 Atelier 5 Le Survenant (p. 209) 1. Amable veut dire que le Survenant ne possède rien, même pas d’argent. 2. Le Survenant est généreux de son temps et de sa personne, a un « cœur d’or », partage volontiers ses connaissances avec les autres. Par contre, on dit de lui qu’il est « fend-levent », donc grand parleur qui raconte des chimères, et aussi qu’il ne paye pas ses dettes, qu’il boit. Toutefois, dans ce court extrait, le bilan que Marie-Amanda trace de cette analyse du Survenant est positif. Elle s’imagine bien qu’il doit se sentir miséreux et honteux après s’être adonné au vice de la boisson et, somme toute, le constat qui s’impose semble être celui de l’intégrité de ce personnage. D’ailleurs, on peut remarquer son honnêteté au cours du roman : il ne cache pas ses faiblesses, il les assume. Atelier 6 Le Survenant (p. 65) 1. Cette émotion provoquée par la nature, sa beauté et sa tranquillité, pourrait en être une d’appartenance à un territoire. Une émotion sereine, de contemplation, pendant que le canot dérive. 2. L’émotion que ressent le Survenant, si elle est nouvelle pour lui, ne doit pas correspondre à son passé ou à son état de nomade. De plus, comme il a instantanément envie de la partager avec des gens dont il est de plus en plus près, on peut croire que son côté sédentaire l’a rattrapé, cet aspect de l’homme qui appartient à un territoire autant que ce territoire lui appartient, et qui y vit avec des gens qui l’entourent et qui comptent beaucoup pour lui. Atelier 7 Les Demi-civilisés 1. Dans cette ville imaginaire, des lois contrôlent l’expression de la pensée, et tout mouvement intellectuel doit se faire discret s’il veut demeurer. La métaphore « une contrebande de la pensée » (l. 3) repose sur une comparaison entre le fait d’échanger des produits de façon secrète et illégale, et la communication de la pensée. Les idées, les réflexions et tout ce qui est lié à l’exercice de la pensée doivent être échangés avec la plus grande discrétion, sans quoi les personnes qui les expriment se verront condamnées. 2. Les habitants de cette ville inspirent le vide et la perte de vie, comme l’illustre cette comparaison : « toutes ces faces qui défilent ici sont inexpressives comme des masques de plâtre » (l. 8-9). Leur visage est comparé à un masque enduit de plâtre, ce qui confère un effet d’immobilité à celui-ci, figé de manière permanente et solide. Or, les pensées et les émotions sont habituellement traduites par les expressions du visage. Il est possible Littérature québécoise 601-103-04 (60.1) Corrigé des exercices du chapitre 2 6 d’en conclure que l’aspect atone et éteint de la face renforce l’inexistence de réflexions, voire de sentiments, et l’absence de toute marque singulière qui permettrait d’identifier ces individus. 3. D’une part, la description de la ville parcourue par le narrateur révèle plusieurs marques de censure. La vue d’ensemble de l’un de ses secteurs lui fait découvrir « un quartier lépreux » (l. 14), qui présente vraisemblablement des édifices abîmés, sales et rongés par la misère. « Aucun arbre, aucun monument, aucune chanson » (l. 14-15) ne s’y trouvent, rien n’égaie cet endroit qui n’évoque que la pauvreté et l’absence de goût et de créativité. Si le narrateur dresse ce portrait repoussant et déprimant de cette ville, c’est que tout un chacun s’emploie à y détruire toute trace de vie : « Une loi ancienne et respectable prohibe, dans nos murs, la croissance du moindre végétal, car, vous savez, un brin d’herbe, c’est la vie. » (l. 21-22) Cette entreprise, que l’on pourrait associer à l’aliénation, est si bien mise en œuvre que cet endroit dépérit et entraîne avec lui dans son gouffre ses habitants. D’autre part, plusieurs annonces confirment la présence de la censure dans cette société de l’absurde. Dans ce « pays maudit », on trouve de nombreuses affiches truffées d’interdits, bien souvent ridicules et extrémistes, qui prescrivent une façon de vivre aux citoyens. Que ce soit par la monotonie (« Défense d’écrire des livres qui ne feraient pas bâiller ! », l. 34) ou par le refoulement des pulsions naturelles de l’homme (« Défense de créer des statues vivantes de peur d’inspirer aux purs des pensées profanes ! », l. 31), plusieurs d’entre elles encouragent à la pratique d’un mode de vie sans culture, sans extravagance et sans conscience humaine. 4. En effet, il est question, dans la première partie de cet extrait, de la liberté opprimée et, dans la partie finale, de la liberté souveraine. Le retournement de situation concerne d’ailleurs la libération du personnage de la Liberté, personnifiée en femme d’une beauté éclatante, et l’action de ce personnage sur la ville et ses habitants. Après avoir été libérée de sa torture par Max, la Liberté insuffle la vie dans ce pays : « Sur mon passage, les arbres repoussaient, les brins d’herbe renaissaient, les fleurs s’ouvraient, les monuments de la sottise croulaient et les écriteaux infâmes tombaient avec fracas. Par enchantement, on voyait fuir les pestilences et surgir de la terre régénérée la pensée, l’art, la beauté et la joie. » (l. 60-62) L’accumulation de verbes d’action à l’imparfait renforce et amplifie les bénéfices liés à la libération que procure le personnage de la Liberté sur son passage. C’est la liberté de penser et de vivre qui a engendré la vie florissante, portée par l’art et la beauté, dans cette ville. 5. Après le refus du vieillard, auparavant couvert d’immondices, de suivre le mouvement d’émancipation, le personnage de la Liberté enseigne à Max que l’on ne peut imposer la liberté, car celle-ci incarne en réalité autant la consciente volonté de vivre dans le malheur que celle de s’épanouir pleinement sans censure extérieure. Littérature québécoise 601-103-04 (60.1)