Cartographie de la crise syrienne

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Cartographie de la crise syrienne
Cartographie de la crise syrienne
Dossier réalisé par Fabrice Balanche, Maître de conférences à l’Université Lyon 2 et directeur du GREMMO.
Vous pouvez retrouver ces cartes dans différents articles de Fabrice Balanche (disponible gratuitement sur
http://mom.academia.edu/FabriceBalanche). La plupart des cartes sont tirées de l’Atlas du Proche Orient arabe
(http://pups.paris-sorbonne.fr/pages/aff_livre.php?Id=942). Une version arabe est disponible à la Librairie
Orientale (Beyrouth).
1-Les fondamentaux de l'espace syrien
La Syrie est peuplée par différentes communautés ethniques et confessionnelles. Les Arabes sunnites sont
environs 65% de la population. Les Kurdes sont sunnites (15%) mais la grande majorité se considère comme
Kurde avant d'être sunnites. Les Turkmènes sont 1% de la population et les Arméniens 2%. Les Tcherkesses
sont moins de 1% et quasi assimilés aux Arabes désormais.
Les minorités confessionnelles : alaouite (10%), chiite duodécimain (1%), ismaélien (1%), druze (3%) et chrétien
dont les Arméniens (5%).
La Syrie comptait 18 millions d'habitants en 2004. Actuellement, la population serait de 23 millions, y compris les
2 millions de réfugiés à l'extérieur. La population se concentre sur 60% du territoire, les 40% restants n'étant pas
propice à l'habitat permanent en raison de l'aridité. La densité dans la zone habitée dépasse les 200 habitants par
km2, dans la région côtière nous atteignons les 400 habitants par km2. Environ 60% de la population réside en
zone urbaine (avant la crise).
(Carte tirée de l’Atlas du Proche-Orient arabe, Paris, PUPS, 2011)
La région côtière est dominée par la communauté alaouite (70% des provinces de Lattaquié et Tartous), les
sunnites (20%) et les chrétiens (10%) sont surtout concentrés dans les villes. Le Wadi Nassara est la principale
zone de peuplement chrétien en milieu rural de Syrie. Au nord de Lattaquié, la population est en majorité sunnite,
notamment dans le Jebel Akrad et Baer (Turkmène). Il existe une enclave arménienne, Kessab, à la frontière
turque.
2-Les villes syriennes
Avant la crise, Alep comptait 2,5 millions d'habitants. La communauté chrétienne était estimée à 10% dont une
majorité d'Arméniens. Les Kurdes sont environs 500 000, regroupés dans les quartier nord (Achrafyeh et Cheikh
Maksoud). La croissance urbaine est telle depuis les années 1970 que d'immenses banlieues informelles
s'étendent à l'est de la ville.
(Carte tirée de l’Atlas du Proche-Orient arabe, Paris, PUPS, 2011)
L'agglomération de Damas comptait 5 millions d'habitants (dont 1,5 millions dans la municipalité de
Damas) avant la crise. La croissance démographique dépasse les 3% par an depuis les années 1950, ce qui
conduit à la destruction des terres agricoles de la ghouta.
(Carte tirée de l’Atlas du Proche-Orient arabe, Paris, PUPS, 2011)
Homs est la troisième ville de Syrie avec environs 600 000 habitants avant la crise. La ville est nettement clivée
entre les quartiers sunnites (65% de la population) et les quartiers alaouites (25% de la population). Le quartier
chrétien historique est au centre mais la majorité des chrétiens vivent dans les quartiers mixtes de l'ouest.
Lattaquié comptait 400 000 habitants avant la crise. La population a nettement augmentée depuis 2011 avec
l'arrivée massive de réfugiés de toutes les communautés. Jusqu'au Mandat français, la population était sunnite
(75%) et chrétienne (25%), les alaouites étaient interdits en ville à l'exception des domestiques. Désormais, la
majorité de la population est alaouite, mais elle demeure dans la périphérie. Les quartiers sunnites du littoral sudest sont nés après 1945 et sont très populaires.
3-Le conflit à l'échelle nationale
La révolte syrienne s'est développée dans des territoires spécifiques sur une base classique centre/périphérie
mais aussi communautaire.
Pour comprendre le déroulement du conflit syrien, les outils de sciences sociales et humaines sont devenus
insuffisants. Il faut recourir aux logiques militaires, en particulier la stratégie de contre-insurrection. Dans le
vocabulaire militaire "la rébellion" est qualifiée d'insurrection et le régime de "contre-insurrection".
Depuis l'été 2012, le régime syrien a donc lancé une opération de contre-insurrection qui consiste à se maintenir
sur un axe stratégique et des points stratégiques. Cela oblige l'insurrection à se concentrer pour l'attaquer et c'est
ainsi qu'il peut la détruire.
En octobre 2012, le régime a commencé à abandonner de nombreux territoires ruraux qui lui étaient hostiles et
donc indéfendable. Cela a donné l'impression d'une avancée inexorable de l'insurrection.
4-Le conflit en zone urbaine
Les grandes villes, et en particulier Damas, constituent les points d'appuis majeurs de la contre-insurrection.
Damas est cernée par des banlieues populaires sunnites (Douma, Darya, Harasta, Zamalka, Hajar el Assouad)
qui lui sont hostiles, mais il peut s'appuyer sur des banlieues fidèles en raison de leur peuplement alaouite
(Maadamyeh), druze et chrétien (Jeramana). Les quartiers centraux de Damas lui sont fidèles.
Le conflit à Damas est aussi social : les banlieues populaires aux quartiers centraux aisés. L'identité territoriale
joue également un grand rôle car les citadins d'origine méprisent les nouveaux citadins d'origine rurale. Il faut
aussi ajouter le clivage idéologique entre ceux qui appartiennent à l'appareil d'Etat, nationalistes et laïcs, face aux
islamistes.
5-Le conflit dans son cadre régional
La Syrie est devenue un Etat tampon où s'affrontent pro-saoudiens et pro-iraniens avec en toile de fond
l'opposition Russie - Etats Unis.
La Syrie a peu d'hydrocarbures. Ils ne constituent donc pas un enjeu direct du conflit. En revanche, le transit des
hydrocarbures, notamment le gaz, peut être une cause de ce conflit. La Russie souhaite conserver sa position de
monopole sur le marché européen tandis que la Turquie ambitionne de devenir un carrefour énergétique avec
Nabuco et le gaz du Moyen-Orient. La position géographique de la Syrie est par conséquent stratégique.
(Carte tirée de l’Atlas du Proche-Orient arabe, Paris, PUPS 2011)