Hassan Nasrallah

Transcription

Hassan Nasrallah
8 novembre 2006
Institut du Renseignement
Centre d’Etudes du Terrorisme
Dans une interview télévisée, Hassan Nasrallah a menacé de
faire descendre ses supporters dans la rue si le gouvernement
de Siniora restait au pouvoir. Les Etats-Unis ont accusé l’Iran,
la Syrie et le Hezbollah d’œuvrer à renverser le gouvernement
libanais. Nasrallah a déclaré que le Hezbollah exigerait un prix
élevé en échange des soldats israéliens détenus en otage.
Hassan Nasrallah (Télévision Al-Manar, 31 octobre)
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Les tensions se multiplient au Liban entre le Hezbollah et le camp pro-syrien d'un
côté, et Fouad Siniora et les supporters du Nouvel Ordre (les Forces du 14 Mars) de
l'autre. Bien que déjà palpables, les dissensions se sont aggravées de façon significative
durant la seconde guerre au Liban. Les tentatives du Hezbollah, soutenu par l’Iran et la
Syrie, de restaurer son pouvoir militaire et politique ne font qu'envenimer la situation.
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Dans son apparition sur la chaîne Al-Manar (propriété du Hezbollah), Nasrallah a
clairement fait comprendre que son organisation était sérieuse quant à son intention de
lutter politiquement contre le gouvernement de Siniora. Nasrallah a averti que si sa
demande d’établir un gouvernement d’union nationale était refusée, il pourrait renverser
le gouvernement en faisant descendre ses supporters dans la rue. Les Etats-Unis ont
aussitôt publié un communiqué exceptionnel selon lequel “des preuves de plus en plus
nombreuses” montrent que l’Iran, la Syrie et le Hezbollah tentent de renverser le
gouvernement Siniora afin d’empêcher la mise en place d’un tribunal international chargé
d’enquêter sur le meurtre de Rafiq Hariri.
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Le 6 novembre dernier, le Président du Parlement libanais Nabih Berri a convoqué
une réunion à laquelle ont participé les représentants de tout le spectre politique, y
compris du Hezbollah. Les membres ont notamment débattu de la demande du Hezbollah
de mettre en place un gouvernement d’union nationale. Les porte-parole du Hezbollah
ont affirmé que si un compromis n’était pas atteint, la “rue” se soulèverait contre le
gouvernement. L'avertissement de Hassan Nasrallah de faire descendre ses fidèles dans la
rue et le potentiel de violence qui en découle témoignent de la menace grandissante
qui pèse sur l'avenir du gouvernement Siniora.1
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Le 31 octobre dernier, le Secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a accordé
une longue interview au ton agressif à la télévision Al-Manar, pour la première fois
depuis le “défilé victorieux” du 22 septembre. Il a particulièrement insisté sur les
relations libanaises internes d’après guerre et a également abordé les thèmes de la guerre
et des leçons à en tirer, la demande que le Hezbollah rende les armes, l’activité de la
1
Entre-temps, le 11 novembre 2006, Hezbollah et Amal ont annoncé la démission de leurs Ministres.
FINUL, les négociations sur les soldats israéliens détenus en otage et l’intervention
américaine dans la région.
Hassan Nasrallah menace le gouvernement libanais (Télévision Al-Manar, 31
octobre)
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Au sujet des affaire internes libanaises, Nasrallah a déclaré que le Hezbollah était
déterminé à établir un gouvernement d’union nationale dans lequel l’organisation aurait
plus d’influence et pourrait empêcher que des décisions contraires aux intérêts du
Hezbollah et de la Syrie ne soient prises. L’alternative, a-t-il menacé, serait de faire
descendre ses supporters dans la rue afin de renverser le gouvernement. Bien que
conscient des dangers inhérents à cette menace, Nasrallah a précisé que son intention
était de lutter contre le gouvernement de façon démocratique.
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Nasrallah a fait référence à d’autres sujets importants :
∗∗ Les soldats israéliens détenus en otage : Nasrallah a déclaré que des
négociations “sérieuses et intensives” étaient en cours avec un représentant du
Secrétaire Général de l’ONU et qu’elles prévoyaient d’être ardues. Il a affirmé que
son organisation n’était pas pressée d’arriver à un accord sur la libération des
soldats et qu’elle exigerait un prix élevé en échange (cf., la libération des
prisonniers non libanais), tout en demeurant vague sur ce prix.
∗∗ Nasrallah a ajouté que le Hezbollah n’avait pas l’intention de rendre les armes
ou de renoncer à la “résistance” (cf., la violence et le terrorisme). Il s'est également
félicité de la réhabilitation de l'arsenal de roquettes de l'organisation.
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Voir l’Annexe pour les principaux sujets de l’interview.
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Tandis que Hassan Nasrallah menace de recourir à ses supporters pour renverser le
gouvernement et provoquer des élections anticipées, les porte-parole américains ont
annoncé que le Hezbollah, l’Iran et la Syrie pourraient recourir à la force pour
renverser le gouvernement.
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Dans une élocution inhabituelle prononcée le 1er novembre, le porte-parole de la
Maison Blanche Tony Snow a déclaré qu’il existait des preuves de plus en plus
nombreuses que l’Iran, la Syrie ainsi que le Hezbollah (et leurs alliés libanais)
prévoyaient de renverser le gouvernement de Fouad Siniora (Agence France Presse, 1er
novembre). Il a ajouté qu’un des objectifs de leur projet commun était d’empêcher la
mise en place d'un tribunal international chargé d’enquêter sur le meurtre de Rafiq Hariri.
Le 31 octobre, John Bolton, l’ambassadeur américain auprès des Nations-Unies, a déclaré
que les Etats-Unis étaient inquiets du fait que l’Iran et la Syrie tentaient activement de
déstabiliser le gouvernement libanais en violation de la Résolution 1559 du Conseil de
Sécurité, qui appelle à respecter la souveraineté et l’indépendance du Liban.
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En réponse aux accusations américaines, l’ambassade syrienne à Washington a
annoncé que l’affirmation selon laquelle la Syrie prévoyait de renverser le gouvernement
libanais était “ridicule et sans fondement,” que la Syrie respectait la souveraineté
libanaise et n’intervenait pas dans ses affaires internes (Reuters, 1er novembre).2 Le
Hezbollah a également publié un communiqué déclarant que les accusations américaines
étaient une “ingérence dans les affaires internes libanaises” et prouvaient l’opposition des
Américains à l’établissement d’un gouvernement d’union nationale (Agence de Presse
Libanaise, 2 novembre).
2
Les décennies d’intervention syrienne dans les affaires internes libanaises, jusqu’à ce jour, contredisent les
affirmations de l’ambassade.
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Critique du gouvernement libanais et des opposants de Nasrallah (les Forces du
14 mars) et appel à établir un gouvernement d’union nationale : Hassan Nasrallah
s’est dit déçu du gouvernement de Fouad Siniora. Il s’est interrogé sur le patriotisme de
ses opposants et a menacé de déclencher une crise politique.
∗∗ Hassan Nasrallah a vivement critiqué le fonctionnement du gouvernement
durant et après la seconde guerre au Liban. Il a accusé ses opposants de s’être alliés
avec les Etats-Unis et Israël contre le Hezbollah. Il les a également accusés d’avoir
transformé la FINUL en une force multinationale prête à prendre le contrôle du
Liban sous prétexte de le soutenir. Toutefois, a-t-il ajouté, leur dessein a été déjoué
par la “ferme position” du Hezbollah. Ses opposants, a-t-il précisé, tentent d'exercer
une pression politique parce qu’ils sont déçus que la guerre n’ait pas provoqué le
désarmement du Hezbollah. Au sujet de la réhabilitation du pays, Nasrallah a
déclaré qu’un effort arabo-musulman était fait pour venir en aide au Liban, et a
ajouté que le gouvernement libanais n’en faisait pas assez.
∗∗
Dès lors, a-t-il affirmé, l’échec du gouvernement exige l'établissement d'un
gouvernement d’union nationale qui permettra de débattre des sujets controversés, y
compris de la présidence du pays et d’une stratégie de défense du Liban. Nasrallah a
ajouté que le Hezbollah ne prévoyait pas de recourir à la force pour renverser le
gouvernement mais a précisé que si ses exigences n’étaient pas appliquées,
l’organisation pourrait utiliser des méthodes démocratiques pour le renverser.
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Menace de faire descendre ses supporters dans la rue afin de provoquer des
élections anticipées au Parlement libanais en cas de refus de l’établissement d’un
gouvernement d’union nationale : “… Nous voulons réaliser nos objectifs politiques
[l’établissement d’un gouvernement d’union nationale] en recourant à des moyens
politiques calmes. C’est notre droit naturel. Nous pouvons manifester pendant un jour,
deux jours, trois jours…dix et vingt [jours], autant qu’il nous plaira…” Nasrallah
considère l’établissement d’un gouvernement d’union nationale comme urgent
parce que, affirme-t-il, le gouvernement actuel a porté atteinte à la stabilité libanaise
alors que l’instabilité régionale était à son sommet.
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Revenir sur le mythe que le Hezbollah a remporté la seconde guerre au Liban et
insister sur le refus de l'organisation d’abandonner la “résistance” (cf., la violence et le
terrorisme):
∗∗ Hassan Nasrallah a de nouveau glorifié la “ferme position” du Hezbollah face à
Israël. Il a affirmé que le statut du Hezbollah s’était renforcé durant la guerre et
que le mouvement aurait pu poursuivre les combats si Israël et les Etats-Unis
n’avaient pas exigé un cessez-le-feu par crainte d'une défaite israélienne. Il a
invité les Libanais à lire les déclarations de la direction politique israélienne, les
journaux et les sondages d’opinion publique afin de comprendre que les Israéliens
ont été totalement défaits au Liban.
∗∗ Nasrallah a affirmé qu'après 33 jours de combat, Tsahal n'avait pas réussi à
prendre le contrôle de la zone située au Sud du fleuve Litani et des villes et
villages situés près de la frontière. Il a ajouté que la guerre prouvait que la
“stratégie de résistance” était la bonne face à la faiblesse de l'armée libanaise et à
son incapacité à faire face à Israël seule. “[L'armée libanaise] ne possède pas les
équipements nécessaires, les tanks, les missiles antichars et anti-aériens…”.
Nasrallah a ajouté que le Hezbollah n'avait aucune intention de renoncer à la
résistance (cf., à la violence et au terrorisme) ou de rendre les armes.
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Réhabiliter les capacités militaires du Hezbollah : Nasrallah a affirmé qu'après la
guerre, son organisation avait réussi à réhabiliter ses capacités militaires et avait retrouvé
son niveau d'avant-guerre. Il a ajouté qu'avant la guerre, le Hezbollah possédait 33 000
roquettes et en détenait aujourd'hui plus de 20 000, tout en précisant qu'en fonction
des conditions actuelles, l'organisation serait apte à répliquer à de nouvelles agressions
israéliennes. “La résistance,” a-t-il déclaré, “a retrouvé toute sa puissance…”
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Négociations au sujet des soldats israéliens détenus en otage :
∗∗ Hassan Nasrallah a déclaré que des négociations “sérieuses et intensives”
étaient en cours entre un représentant de l'ONU (dont le nom n'a pas été mentionné)
et le Hezbollah (“Je tiens uniquement à préciser que le sujet est à l'ordre du jour…”)
au sujet des soldats israéliens détenus en otage. Il a ajouté que des commissions
avaient été mises en place pour discuter des détails de l'accord sans impliquer les
médias.
∗∗ Nasrallah a affirmé que les négociations seraient ardues (“Les négociations
qui nous attendent seront ardues et sérieuses…”) et que le Hezbollah exigerait un
prix élevé en échange de la libération des soldats (cf., la libération des
prisonniers non-libanais) : “…Au sujet des familles des prisonniers non-libanais –
palestiniens, jordaniens, syriens et autres arabes – naturellement, ils tiennent à être
informés… Laissons le sujet ouvert aux négociations.”
∗∗ Nasrallah est resté vague sur le prix que son organisation comptait exiger pour
la libération des soldats israéliens.
√√ Recevoir l'assurance que la FINUL ne désarmera pas le Hezbollah
∗∗ Nasrallah a affirmé que tous les pays membres de la FINUL avaient
demandé au Hezbollah des garanties sur le sort de leurs soldats : “Nous leur
avons répondu que n'avions pas d'objection tant que leur mission est de soutenir
l'armée libanaise et non pas de désarmer la résistance.” Il a précisé qu'en réponse, la
FINUL avait assuré que ses soldats ne désarmerait pas l'organisation : “Nous
avons reçu suffisamment de garanties et il suffit que le Secrétaire Général de
l'ONU, Mr. Kofi Annan, ait déclaré à plus d'une reprise que le rôle de la FINUL
n'était pas de désarmer la résistance …”
∗∗ Nasrallah a fait part de son inquiétude face au fait que ses opposants, les Forces
du 14 Mars, ne tentent d'étendre l'autorité de la FINUL et de déployer ses forces
dans tout le Liban (un des articles de la Résolution 1701 du Conseil de Sécurité
auquel le Hezbollah est vivement opposé).3
√√ L'échec de la politique régionale des Etats-Unis : Hassan Nasrallah a consacré une
partie importante de son interview au sujet des Etats-Unis et de leur politique régionale :
∗∗ Les Etats-Unis cherchent à étendre leur hégémonie sur la région : “Il y a un
programme américain… et son objectif réel est l'hégémonie…sur tous les pays de la
région…” Nasrallah a ajouté que le Hezbollah participait à la lutte contre
l'hégémonie américaine aux côtés des peuples du monde arabo-musulman.
∗∗ Toutefois, a-t-il ajouté, le plan américain est un échec. Les Américains n'ont pas
réussi à imposer leurs conditions aux Palestiniens et ont échoué en Afghanistan et
en Irak : “L'Afghanistan est un échec évident… Et quels sont les résultats en Irak ?
Echec, échec, échec.”
∗∗ Les Etats-Unis ont également échoué dans leur tentative de contrôler le Liban par
l’intermédiaire du Nouvel Ordre. Cet échec est l'une des raisons de “l'agression”
israélienne [cf., la dernière guerre lancée contre le Hezbollah]. Nasrallah a
également accusé les Américains d'avoir fomenté des éliminations ciblées au
Liban.4
∗∗ Nasrallah prévoit que les Américains “vont remballer leurs affaires et rentrer chez
eux” dans quelques années et quitter le Moyen-Orient et le monde arabo-musulman
de la même manière qu'ils ont quitté le Vietnam. Il a appelé ceux qui comptent sur
l'aide américaine à tirer les leçons de l'expérience vietnamienne et du retrait
israélien du Sud-Liban.
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La Résolution 1701 du Conseil de Sécurité de l’ONU appelle à l’envoi d’une force améliorée de la FINUL supposée
aider le gouvernement libanais à lutter contre la contrebande d’armes. Le Hezbollah est vivement opposé à une
modification du rôle de la FINUL.
4
Nasrallah a déclaré que des services de sécurité [libanais] avaient saisi des silencieux à l'aéroport de Beyrouth,
destinés à l'ambassade américaine. Il a affirmé que ces armes devaient être utilisées dans des opérations d'éliminations
ciblées menées par les Américains et les Israéliens.