Créer une entreprise n`est pas le fruit du hasard

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Créer une entreprise n`est pas le fruit du hasard
ACTIVITÉ INDÉPENDANTE
Armand Lombard et Anne Southam, les «géniteurs» de Génilem
Portrait de trois sociétés mises sur les rails par Génilem
Créer une entreprise n’est
pas le fruit du hasard
Alors que les grandes entreprises fusionnent et que les emplois sont supprimés à tour de bras,
Génilem prône l’accompagnement des créateurs d’entreprises.
Léopold Azangbe
«Créer une entreprise ne passe pas uniquement par une formation, mais aussi par un
accompagnement soutenu, par la prise en
compte des exigences du marché», ont déclaré en duo Armand Lombard et Anne Southam, respectivement président et directrice
de Génilem (Génération Innovation lémanique) lors d’une conférence de presse à Genève. Leur projet commun doit son existence
à la conjonction de leurs talents et à leurs expériences diverses dans le domaine bancaire
et le consulting. Génilem choisit chaque trimestre quatre entreprises jugées réalistes et
innovatrices afin de les «accompagner» gratuitement pendant trois ans. A en croire les
responsables, les projets ainsi soutenus ont
de bonnes chances de passer le cap sans
sombrer corps et biens dans la faillite.
Trois ans après son lancement, Génilem
affiche un résultat satisfaisant avec 19 entreprises créées et 140 emplois fixes dans les
régions vaudoise et genevoise.
Les créateurs des entreprises suivies telles que Juggers Sécurité (une des sociétés
de surveillance opérant dans la région vaudoise), Success & Career (publiant des in-
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formations relatives à l’emploi) et Zinnobraski (café-concert itinérant) se déclarent
satisfaits du suivi assuré par Génilem.
Juggers Sécurité
«Balbutiant dans le domaine de la sécurité
des clubs et des petites manifestations, nous
n’avions pas songé à créer une entreprise»,
confie Henri-Paul Levin, 27 ans, cocréateur
de Juggers Sécurités. Après ses études de
physique il a, comme ses copains Michaël
Germann et Laurent Schmuziger, informaticiens âgés de 27 et 28 ans, une passion qui est
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d’assurer la sécurité. Ils s’adonnent donc à
leur penchant, mais le Département de Justice et Police les rappelle aussitôt à l’ordre:
«Soit vous vous mettez en règle, soit vous
disparaissez». C’est ainsi que la passion est
devenu société anonyme.
N’ayant aucune formation en gestion
d’entreprise, les trois amis ne devinent pas
l’ampleur des difficultés qui les attendent.
Craignant une probable faillite, leurs familles
respectives viennent à la rescousse, mais
cela ne suffit pas. «Nous étions sur le marché
de la manifestation qui ne nous permettait
pas de survivre. Un autre secteur, en l’occurrence le gardiennage, nous tentait aussi,
mais une telle entreprise exigeait une structure complète de gestion», déclare HenriPaul Levin. «Un accompagnement technique
s’avérait nécéssaire. C’est à ce moment que
nous avons contacté Génilem qui venait de
s’installer à Genève», ajoute-t-il.
Juggers Sécurité est un des premiers
dossiers sélectionnés par la commission de
Génilem en novembre 1995. Suivi depuis lors
avec attention, ce projet bénéficie d’un
concept adéquat de marketing et de gestion
d’entreprise. Aujourd’hui, l’entreprise emploie une vingtaine de personnes à plein
temps.
Installée dans le complexe de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL)
dont elle assure la sécurité, la société compte
21 points d’intervention sur Lausanne et sa
banlieue. Son personnel est formé aux premiers soins ainsi qu’à la lutte contre le feu. Il
accorde une importance primordiale à l’accueil et au contact avec le public. La société
collabore avec des installateurs de système
de détection hautement performants. Elle
entretient d’étroits rapports professionnels
avec ses homologues des autres cantons
avec qui elle sous-traite parfois des contrats.
Pour l’avenir, Juggers Sécurité compte
limiter son expansion et consolider ses activités afin de mieux gérer les importants
contrats en vue. «Les perspectives ne manquent pas, mais sans Génilem nous serions
perdus», conclut Henri-Paul Levin.
Success & Career
A l’origine de Success & Career, on trouve
deux amies mères de famille, Marie Lyon, 35
ans, juriste de formation, et Martine Willame,
41 ans, publicitaire. Après avoir été actives
en Belgique (d’où elles sont originaires) et en
Suisse, elles cherchent à travailler pour leur
propre compte, idée qui aboutit à la création
de l’entreprise Success & Career. Une entre-
prise qui produit et diffuse un guide annuel
bilingue (français-allemand) regorgeant de
conseils pratiques pour la recherche
d’emploi.
L’idée n’est pas inédite, et un établissement de ce genre a déjà été lancé en Belgique. «Nos contact-tests nous ont permis de
réaliser que la demande existait aussi en
Suisse. Nous nous sommes donc jetées à
l’eau», raconte Marie Lyon. Mais créer une
entreprise n’est pas de tout repos, et les problèmes financiers s’ajoutent aux difficultés et
aux problèmes de disponibilité inhérents aux
mères de famille. «Il nous a fallu dix-sept
mois pour boucler la première édition,
déclare Martine Willame. Nous avons dû engager deux personnes à temps partiel. Le
fond de roulement se faisait rare.» Le lancement de la première édition a été crucial, et
c’est à cette époque que les deux amies ont
pris contact avec Génilem, qui a aussitôt «détecté les lacunes et s’est rendu très utile, surtout au niveau du démarchage».
Publié à 10 000 exemplaires en mars de
l’an dernier, ce guide de l’emploi à fait le tour
de la Suisse. On le trouve dans les Offices régionaux de placement, dans les universités et
les écoles supérieures, sans oublier les bureaux de placements et les entreprises. Il est
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Juggers Sécurité réussit dans la ligne de mire de Génilem
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Success & Career: Martine William et Marie Lyon ont pu reconduire 90 % des contrats
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Zinnobraski, un spectacle où on ne reste pas sur sa faim, au propre comme au figuré!
divisé en trois rubriques principales: conseils
pratiques (comment écrire une lettre de motivation ou un curriculum vitae, examiner
ses propres compétences professionnelles),
formations complémentaires (liste des écoles supérieures et des types de formation) et
enfin profils d’entreprises (résumés des activités, possibilités de stages et offres d’emplois). Les deux éditrices ne traitent pas des
sujets «brûlants», mais plutôt d’intérêt
général axés dans le long terme et réactualisés chaque année. Le guide sert de support
aux étudiants et aux institutions. La première
édition a été un succès sur toute la ligne, 90
pour cent des anciens clients ont reconduit
leur contrat pour la prochaine édition.
Cette année s’annonce décisive. Les demandes sont à la hausse et d’autres sujets
tels que le salaire, la formation supérieure et
les télécommunications seront traités dans
l’édition prévue pour le mois de mars prochain. Vu l’ampleur du travail encore à réaliser, Success & Career a l’intention d’engager
deux autres collaborateurs en Suisse alémanique pour se rapprocher des sociétés de
cette région.
Zinnobraski
Encore en pleins préparatifs en vue de son
lancement le 19 mai prochain, Zinnobraski se
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présente comme une entreprise commerciale
à vocation culturelle. Son directeur, Frédéric
de Mont, 30 ans, a fait ses études dans l’hôtellerie. Il y a quelque temps, il part aux Etats
Unis pour deux ans avec une idée bien
arrêtée en tête: faire du spectacle. «Après
avoir joué au cirque Bigapole (sans doute
une allusion à Big Apple) de New York, j’ai eu
envie de faire mon cirque à moi, mais avec
une vision actuelle en matière de décoration
et d’esthétique, une formule moderne adaptée au style des numéros présentés», explique notre interlocuteur.
Zinnobraski est en effet un cabaretthéatre itinérant qui se produit sous une
tente. Un espace ludique nocturne où danseurs, acrobates, comiques et musiciens rivalisent d’adresse ou de virtuosité. Et les
spectateurs peuvent se restaurer tout en
assistant au spectacle.
Bouillonnant d’idées, Frédéric de Mont
n’agit pas en solitaire. Après une tournée en
Europe où il a cherché à se mêler au monde
du spectacle et à voir ce qui se fait ailleurs, il
revient en Suisse où il fait appel à trois collaborateurs, un chorégraphe, une metteuse en
scène et un graphiste-décorateur, afin de
créer Zinnobraski. Vu l’ampleur prise par le
projet, il prend très vite conscience de ses lacunes en matière de gestion d’entreprise.
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C’est alors qu’il tente sa chance chez Génilem, où son projet passe la rampe et est
sélectionné. «Je savais que même dans le
spectacle il faut une notion de gestion d’entreprise solide. Mais avec Génilem on se rend
compte que les besoins étaient autrement
plus importants qu’on l’imaginait», avoue
Frédéric de Mont.
Un financement solide ne suffit pas pour
dégager du profit et éviter les faillites, et Génilem s’attache en l’occurrence à mettre en
exergue les points sensibles. Des points qui
échappent souvent au jeune créateur,
d’autant plus qu’il n’a pas fait d’études appropriées: «Génilem aide à développer les notions rudimentaires qu’on a au départ à propos de l’ouverture d’un compte en banque, de
la survie économique au jour le jour, de la
gestion des échéances, sans oublier les salaires et les orientations à long terme».
Frédéric de Mont a de la chance, car il a
trouvé avec Hotela, une caisse de compensation montreusienne, un sponsor de taille
pour le financement de son projet. Même si
notre interlocuteur, en homme prévoyant, a
déposé en fin de compte plus de 500 demandes de sponsoring, il n’en déplore pas moins
la réticence des gens qui ne veulent pas investir de l’argent dans une affaire qui n’est
pas encore sur les rails. ❏