Note sur le ratio de Sharpe
Transcription
Note sur le ratio de Sharpe
Note sur le ratio de Sharpe Philippe Bernard EURIsCO Paris IX Mars 2005 Le ratio de Sharpe a été formulé pour la première fois dans Sharpe [1966] [Sha66]dans un article tentant d’évaluer les performances des funds, puis développé à nouveau dans un article plus théorique, Sharpe [1975] [Sha75b]. Sharpe [1994] [Sha94] présente une synthèse sur le sujet dont ce qui suit est directement et totalement inspiré. 1 Définitions Le ratio de Sharpe est une mesure de la rentabilité corrigée du risque. Comme beaucoup des mesures en finance, théoriquement elle reflète des valeurs anticipées (ratio de Sharpe ex ante). Concrètement, elle est par contre mesurée à partir de données historiques (ratio de Sharpe ex post). Le point de départ du ratio de Sharpe est qu’il convient de mesurer le rendement et le risque d’un actif (ou d’un portefeuille) relativement à un portefeuille de référence, le benchmark. Cette idée est évidemment inspirée par le CAPM (et / ou le modèle indiciel de Sharpe) où le portefeuille de marché joue ce rôle de référence. Concrètement dans la gestion de portefeuille, le choix du benchmark dépend pour l’essentiel du segment sur lequel opère le gérant de portefeuille. Aussi si l’on peut choisir comme benchmark des indices représentatifs du “marché” (le S&P500, le CAC40, le SB250, etc.), on peut aussi lui préférer soit des indices de style (small caps et big caps, growth et values, etc.) ou des indices sectoriels. Une fois le benchmark choisi au niveau de l’allocation stratégique, le calcul du ratio de Sharpe est immédiat. Pour chaque actif j, on détermine alors le rendement excédentaire de cet actif relativement au benchmark : dej := rej − reB 1 (1) où e traduit le fait que les rendements nets sont aléatoires, j et B sont les indices de l’actif considéré et du benchmark choisi. Le ratio de Sharpe ex ante consiste h i alors à corriger l’espérance du rendement excédentaire de l’actif j, E dej , du risque qu’il fait courir en divisant le premier par le second. Le ratio de Sharpe ex ante s’écrit donc : h i E dej Sj = ³ ´ (2) σ dej ³ ´ où σ dej est l’écart-type (la volatilité) de l’actif j. A cette définition théorique correspond une définition ex post où le ratio de Sharpe est calculé à partir des valeurs historiques. Si l’on dispose de T réalisations des rendements de l’actif j et du benchmark, respectivement {rjt : t = 1..., T } et {rBt : t = 1..., T }, alors : PT b 1 t=1 djt T Sbj = (3) σ b({djt : t = 1..., T }) oùbdénote que la variable est une réalisable “historique”, où : dbjt = rbjt − rbBt et où σ b est l’estimation de la volatilité : σ b({djt : t = 1..., T } = (4) v u P ³ ´2 u T t t=1 dbjt T −1 (5) Remarque 1 Cette définition du ratio de Sharpe est celle de Sharpe luimême dans son article de 1994 [Sha94]. Dans ses contributions antérieures [Sha66] [Sha75b], le benchmark n’était en effet pas quelconque mais était toujours l’actif certain. Depuis ces contributions, les mesures corrigées du risque ont été largement diffusés dans les milieux professionnels. Aux Etats-Unis notamment, la société BARRA l’a très souvent utilisée en l’appelant ratio d’information. Grinold & Kahn [2000] [GK00], qui ont été longtemps membres de l’équipe de recherche de BARRA, en ont développé les conséquences importantes pour la gestion active. Cependant, le ratio d’information était défini par rapport à un benchmark différent en général de l’actif sans risque. La définition de Sharpe constitue donc une synthèse de ces deux approches historiquement distincts. Cependant, comme on le verra, le fondement du ratio d’information (et de sa dénomination) demeure distinct du ratio de Sharpe ( Goodwin [1998] [Goo98]) 2 2 Propriétés Les ratios de Sharpe se caractétisent par plusieurs propriétés élémentaires mais essentielles. Tout d’abord le ratio de Sharpe est indépendant de la taille de l’investissement réalisé. Par contre, il dépend de manière cruciale de l’horizon que l’on choisit même si l’on suppose que les rendements ne sont pas autocorrélés (marche aléatoire). En effet, si (dans le cadre du ratio de Sharpe ex ante), l’espérance et la volatilité du rendement excédentaire sont d1 et σ d1 (en laissant tomber l’indice de l’actif ) , si l’on note S1 le ratio de Sharpe à cet horizon : h i E de1 S1 = ³ ´ (6) σ de1 alors le ratio de Sharpe à un horizon de T périodes, en raison de l’hypothèse d’auto-corrélation nulle, s’écrira : √ (7) ST = T S1 puisque l’espérance du rendement sur T périodes sera : h i h i e E dT = T E de1 alors que la variance sera : ³ ´ ³ ´ σ 2 deT = T σ 2 de1 (8) (9) en raison de l’hypothèse d’indépendance (= auto-corrélation nulle). Par conséquence, la volatilité s’accroît moins que linéairement au fur et à mesure que l’horizon s’accroît : ³ ´ √ ³ ´ σ deT = T σ de1 (10) Plus l’horizon est lointain, plus la volatilité doit donc être faible si le rendement suit une marche aléatoire. La conséquence de ceci est évidemment que le ratio de Sharpe dépend de l’horizon, s’accroît avec celui mais moins que linéairement. Aussi, lorsque l’on utilise le ratio de Sharpe, s’il est inutile de spécifier l’importance des investissements de chaque actif, il est par contre nécessaire de préciser l’horizon. La règle par défaut est naturellement un horizon annuel. 3 La pertinence du ratio de Sharpe Dans la théorie du portefeuille, l’intérêt marginal d’un actif est déterminé par son espérance (ou l’espérance de son rendement excédentaire) et par “le 3 risque supplémentaire” qu’il induit. La valeur de l’investissement dans un actif est donc déterminée par deux variables. Le ratio de Sharpe réduit à une variable unidimensionnelle la valeur de l’investissement. Aussi se posent naturellement la question de la pertinence de cette réduction de deux à une dimension. Plusieurs conditions suffisantes ont été proposées. Un point de départ naturel est de remarquer que la construction d’un indice basé sur la différence de deux actifs (l’actif j et le benchmark) revient à envisager des investissements dont la valeur nette est nulle. Implicitement, en effet, lorsque l’on construit les ratios de Sharpe, on envisage une stratégie d’investissement où l’on sera long dans l’actif j, court dans le benchmark ce dernier finançant les achats du premier actif. 3.1 Zéro investissement et ratio de Sharpe Tout agent réalisant ce zéro investissement, va ajouter à son patrimoine initial de valeur A0 et de rendement reA un investissement dont la valeur de e La valeur terminale qu’aura le l’actif sera noté I et dont le rendement est d. patrimoine sera donc : A0 × (1 + reA0 ) + I de (11) Si l’on note p la position relative de l’investissement : p= I A0 (12) alors la valeur terminale se réécrit : ³ ´ A0 + A0 × reA0 + pde Le rendement net du patrimoine sera donc désormais reA : (13) reA = reA0 + pde (14) σ2A = σ 2A0 + 2σ A0 ρA0 I (pσ d ) + (pσ d )2 (15) La variance du rendement du patrimoine va donc être donnée par : où ρA0 I est la corrélation du rendement du patrimoine initial avec l’investissement supplémentaire. Si l’on définit la position risquée (risk position) par : k = pσ d (16) alors la variance se réécrit : σ 2A = σ 2A0 + 2σ A0 ρA0 I k + k 2 4 (17) Aussi, si l’on considère que σ A0 est donnée initialement, la variance du rendement du patrimoine (final) est déterminé par la corrélation des rendements du patrimoine initial et de l’investissement supplémentaire ρA0 I et de la position risquée k. Le rendement espéré peut lui aussi être réécrit en fonction de k puisque : h i ³ ´ E de = S × σ de (18) Le rendement espéré du patrimoine final se réécrit donc de la manière suivante : E [e rA ] = = = = E [e rA0 ] + pE [e rI ] E [e rA0 ] + pS × σ d E [e rA0 ] + (pσ d ) S E [e rA0 ] + kS Là aussi si l’on considère que le rendement E [e rA0 ] est initialement donné, le rendement espéré du patrimoine final va donc être déterminé par la position risquée k et par le ratio de Sharpe. Ces deux réécritures permettent de proposer deux justifications du ratio de Sharpe comme critère de sélection des investissements. — un investissement financé par un actif sans risque ; — un investissement dans un actif non corrélé. 3.2 Actif sans risque et sélection des investissements Le premier cas est celui envisagé notamment par Sharpe dans ses deux contributions initiales ([Sha66], [Sha75a]). Si l’actif du zéro investissement dans lequel on est court est un actif certain alors : σ 2A = k2 ⇒ σ A = k (19) σ 2A0 = ρA0 I = 0 (20) E [e rA ] = r0 + kS (21) puisque : L’espérance s’écrit : où r0 est l’actif certain. Pour l’investisseur fixer la taille de l’investissement I revient à fixer k (puisque A0 et σ d sont fixés). Le risque supplémentaire est donc égal à k tandis que le rendement espéré supplémentaire (par rapport à r0 ) est proportionnel à k. Quelque soit la position risquée que se propose de réaliser l’agent, l’investissement le meilleur sera celui qui dégagera le rendement espéré supplémentaire le plus élevé. Mais à k donné, ceci revient à rechercher l’actif dont le ratio de Sharpe est le plus élevé. 5 3.3 Rendements non corrélés L’autre cas justifiant l’utilisation du ratio de Sharpe dans la sélection des actifs est celui des rendements non corrélés. Supposons en effet que l’on ait le choix entre J actifs non corrélés. Comme le rendement du patrimoine final est dans ce cadre : J X reA = reA0 + pj dej (22) j=1 le rendement du patrimoine final se réécrira alors rA0 ] + E [e rA ] = E [e J X j=1 h i pj E dej (23) L’hypothèse de corrélation nulle entre les actifs assure que la variance du portefeuille est la somme pondérée des variances des actifs : σ 2A = σ 2A0 + J X p2j σ 2j (24) j=1 A la suite de la théorie du portefeuille, supposons que la fonction objectif soit le critère espérance - variance suivant : γ E [e rA ] − σ 2A 2 (25) où γ est l’aversion relative au risque. Si l’on fait apparaître les positions risquées kj alors cette fonction objectif se réécrit : # " J J X X γ 2 (26) kj Sj − kj2 σ A0 + E [e rA0 ] + 2 j=1 j=1 La condition marginale pour chaque actif j par rapport à kj est alors : Sj − γkj = 0 (27) et donc la position risquée optimale pour chaque actif j est proportionnelle à son ratio de Sharpe : Sj kj = (28) γj Dans ces deux cas importants, le choix de l’investissement optimal peut être déterminé par le ratio de Sharpe. La propriété essentielle de ces deux 6 cas est évidemment de considérer des cas où les covariances sont négligeables. Hors de ces deux cas, le ratio de Sharpe sera toujours un élément essentiel mais il ne sera plus le seul : les covariances vont à nouveau jouer un rôle important au niveau des risques encourus. Aussi, il pourra parfois être souhaitable de choisir un actif dont le ratio de Sharpe n’est pas le plus élevé si sa corrélation avec le patrimoine initial. De même, dans le cas du portefeuille, la quantité optimale pourra être très différente de la règle donnée par l’équation (28). Références [GK00] R. Grinold and R. Kahn, (2000). Active Portfolio Management. Irwin, 2ème edition, 2000. [Goo98] Th. Goodwin, (1998). The information ratio. Financial Analysts Journal, July-August 1998. [Sha66] W.F. Sharpe, (1966). Mutual fund performance. Journal of Business, (Special Supplement), January 1966. [Sha75a] W.F. Sharpe, (1975). Risk-aversion in the stock market : some empirical evidence. Journal of Finance, September 1975. [Sha75b] W.F. Sharpe, (1975b). Adjusting for risk in portfolio performance measurement. Journal of Portfolio Management, pages 29—34, Winter 1975. [Sha94] W.F. Sharpe, (1994). The sharpe ratio. Journal of Portfolio Management, Fall 1994. 7