Les SIG et les collectivités territoriales

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Les SIG et les collectivités territoriales
Les SIG et les collectivités territoriales – Les rencontres SIG La Lettre 2009
Les rencontres SIG La Lettre 2009
« Open Source : Le rôle de la commande publique »
Les SIG et les collectivités territoriales
Christophe Bredel1
Les collectivités territoriales, et plus largement l’ensemble de la sphère publique, ont investi
assez fortement dans la mise en œuvre de logiciels libres. Bien que les collectivités soient
légèrement en retard par rapport à l'administration centrale, nombreuses sont celles qui ont
déjà mis en production des logiciels libres. Ce sont principalement les logiciels d'infrastructures
qui sont les plus facilement déployés ; il est relativement fréquent de trouver des serveurs
Web fonctionnant avec le triptyque Apache, MySQL, PHP, des infrastructures de sécurité libre2 .
Le déploiement d'outils libres sur le poste client est une pratique bien moins répandue bien
qu'il y ait des expériences intéressantes. Les logiciels déployés dans ce cas sont plutôt des
produits ayant une grande maturité. Nous pouvons noter la migration du Conseil Général de
Poitou Charente ou de l'agglomération d'Angoulême vers la suite bureautique OpenOffice. Plus
rares, voire exceptionnelles, sont les migrations vers un poste client complètement libre
comme la gendarmerie qui effectue actuellement la migration des systèmes d'exploitation des
postes clients vers Ubuntu.
Nous pouvons aussi noter que des projets de mutualisation organisés par des collectivités
existent. Il s'agit essentiellement des projets menés par l'Adullact comme Slow ou OpenMairie.
Ces projets de l'Adullact montrent bien le niveau de maturité de certaines collectivités par
rapport à l'investissement dans le libre et surtout la volonté d'avoir une production de logiciel
libre autour d'un besoin métier.
En ce qui concerne le domaine particulier de la géomatique, le bilan est relativement plus
décevant.
De nombreuses collectivités sont équipées de solutions reposant sur des briques libres, mais
dont la production finale, elle, n'est pas libre. Ces solutions sont produites par des éditeurs qui
peuvent rechercher une certaine forme de mutualisation sous la forme du développement d'un
produit communautaire. Globalement, nous retrouvons aussi beaucoup de sociétés profitant de
la vague du libre, soit pour diminuer leurs charges vis-à-vis des éditeurs, soit pour profiter de
l'atout marketing, de l'effet de mode de l'OpenSource. Il y a un effet nocif que peuvent
entraîner ces entreprises puisqu'il n'y a pas de reversement ou plus simplement de
contribution dans les projets utilisés, et donc pas de création de nouveau code libre. Il y a là
une forme de consommation de ressources (le code source) qui pose la question de la
durabilité du modèle du libre. L'exemple de la consultation du cadastre est assez éloquent dans
la mesure où il existe quelques applications sur ce thème se basant sur des composants libres,
mais aucun de ces éditeurs n'a libéré son développement.
Le développement d'architectures hétérogènes libre/propriétaire est le corollaire de la mise en
œuvre de solution Web SIG basé sur MapServer. Il n'est donc pas rare de rencontrer des
structures où la diffusion Web de l’information géographique Open Source fait bon ménage
1 Etudiant Master SIGAT à l'université Rennes II – Géomaticien à l'Agence d'urbanisme Agape Lorraine
Nord
2 L'exemple de la Charente-Maritime peut-être pris où le Syndicat Informatique a déployé au sein d'une
grande quantité de communes, principalement rurales, des boîtiers de sécurité fonctionnant en Linux.
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avec des logiciels SIG de bureau propriétaires.
Parallèlement à ce marché/Marketing, que représentent les « applications à briques libres »,
des projets communautaires ont vu le jour comme GIS Meaux et plus récemment Sigara. Il
s'agit là, tout comme les projets de mutualisation cités plus haut, de collectivités qui ont fait le
choix de s'impliquer plus avant dans la production de code OpenSource répondant à leurs
besoins métiers.
Par ailleurs, de plus en plus d’appels d'offres font état d'une préférence pour des outils libres ;
que ce soit en proposant l’utilisation de la base de données Postgis ou par des mentions
diverses concernant les licences des logiciels.
Les technologies libres géomatiques ont,globalement, fait la preuve de leur réelle utilisabilité
en production, mais ce, uniquement pour les solutions Web; Principalement, tout ce qui tourne
autour de MapServer. En effet, il y a une relative absence de retours d'expériences sur des
outils SIG bureautiques.
Cette différence provient vraisemblablement de l’engagement de certaines sociétés de services
en logiciels libres (SSLL) pour le webmapping produisant ainsi des outils de qualité à un coût
inférieur à leur équivalent propriétaire.
Les intérêts d'investir dans le libre
Un long chemin est encore à parcourir pour que les collectivités territoriales investissent le
champ de la géomatique libre. Mais pourquoi feraient-elles cet effort ? Quel peut être leur
intérêt ?
Les premiers motifs peuvent être d'ordre plutôt culturel. Outre l'aspect financier lié à la
dépense publique que nous aborderons plus loin, il y a une notion de service public. En ce qui
concerne l'information géographique, nous sommes maintenant soumis à des obligations de
fourniture des données qu'elles soient administratives ou environnementales, le contexte
législatif nous conduit à les diffuser. Aussi, ne serait-ce pas un service à rendre au public que
de fournir les logiciels permettant d'utiliser les données que nous lui mettons à disposition ?
Parallèlement au développement des usages autour des logiciels à «code source ouvert » ne
pourrait-il pas y avoir le développement d'une culture générale d'ouverture ?. Dans cette
éthique du libre, n’y a-t-il pas une notion plus globale d’ouverture ? Il y a, certes, la volonté
de pouvoir contribuer en fonction de ses possibilités, essentiellement financière, et par là de
faire bénéficier à l'ensemble de la communauté de ses développements. Aussi, une
agglomération importante a la possibilité de faire profiter à d’autres collectivités aux
ressources limitées des outils qu'elle aura pu financer pour ses besoins propres. Cette culture
de l'ouverture a toute latitude à s'appliquer aussi aux données, sans aller jusqu'à qu'à la
libération des données qui pose de nombreux autres problèmes, mais à minima d'être un
facilitateur à la mutualisation et au partage de ressources.
La qualité technique des logiciels libres est un facteur important favorisant l'adoption de ce
type de technologies. Il faut cependant bien faire attention ; tous les logiciels libres ne sont
pas de bonne qualité. Cela dit, un projet libre, lorsqu'il atteint un certain seuil de contributeurs
et de développeurs, voit son nombre de bugs diminuer globalement et ses performances
s'accroître. Ainsi, plus un projet a d'utilisateur qui contribuent un minimum en remontant les
bugs, plus le projet se bonifie. D'autre part, un groupe de développeurs qui veut voir son
développement utilisé par d'autres se doit de respecter un maximum de normes (bien que les
normes n’impliquent pas forcement la performance) et d'être au maximum interopérable. En
géomatique, les normes sont maintenant plutôt bien posées et l'impact du contexte législatif
favorise bien la prise en compte des normes.
L'un des principaux intérêts de l'investissement dans le libre est l'apport en terme
d'autonomie.
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L'emprise des éditeurs propriétaires a conduit, durant des années, les professionnels à se
spécialiser dans leur logiciel ou du moins dans leur gamme de produits. Cet attachement à
l'éditeur ou à un revendeur conduit à une situation assez similaire au monde médical où les
médecins sont formés et conseillés par les visiteurs médicaux L'absence des grands éditeurs
aux dernières éditions du Géoévénement en est une illustration. Ces derniers attirent leurs
clients dans des événements qui leur sont propres.
Ainsi, l'implication dans le libre oblige de fait à reprendre de la distance vis-à-vis des
fournisseurs de services. L'information technique, relativement abondante sur Internet, offre la
possibilité de réaliser soi-même des maquettes, d'évaluer par soi-même et favorise, de fait,
l'objectivation vis-à-vis des solutions.
La contrepartie de cette indépendance est l'investissement humain à fournir en
formation/autoformation, en veille, en test. Mais il n'est pas vain puisque l'accroissement des
compétences technologiques permet d'accroître aussi les capacités à décrire ses besoins,
envisager les évolutions, globalement augmenter son niveau d'expertise vis-à-vis de sa propre
infrastructure. Il n'est pas rare de voir dans des CCTP des besoins de fonctionnalité très
sommaires (besoin d'une application d'urbanisme, par exemple) qui ne correspondent pas
forcement à un réel besoin utilisateur. Et il n'est pas rare qu'au final l'application fournie ne
réponde pas réellement aux besoins des utilisateurs.
Pour le professionnel, il y a un retour à la définition de géomaticien dans le sens de la réelle
double compétence de géo-informaticien et non d'utilisateur d'un logiciel SIG. Cette double
compétence pouvant, dans certains cas aussi devenir un facteur facilitateur des relations entre
les DSI et les SIG – principalement lors de la mise en œuvre d’architectures informatiques
complexes.
Sans rester dans le domaine de l'informatique, la connaissance des traitements réalisés par les
logiciels est importante. L'exemple assez classique est de savoir quelles sont les méthodes
statistiques utilisées dans le module SpatialAnalyst d'ArcGIS ?
Concernant les aspects financiers, le libre est souvent considéré comme un synonyme de
gratuit, mais il faut bien avoir à l'esprit que pour qu'un produit comme OpenOffice aboutisse à
un tel niveau de maturité, il y a forcement des investissements importants.. Si pour un
organisme l’utilisation des outils est gratuite c'est qu’il y a eu, quelque part, un investissement.
Le libre, et surtout dans le domaine de la géomatique, n'est pas gratuit.
Cependant, l'absence de redevance pour les licences permet de faire des économies plus ou
moins importantes en fonction du projet. Prenons, par exemple, le cas d'InfoGeo 68.
L'architecture mise en œuvre nécessite plusieurs licences ArcGis Server. L'utilisation d'une
solution libre aurait ainsi fait réaliser une économie substantielle.
Or, paradoxalement, la mise en œuvre d'une solution SIG libre dans une petite structure n'est
pas intéressante dans la mesure où les outils disponibles en utilisation bureautique ne sont pas
pleinement fonctionnels alors que pour une organisation mettant en œuvre des applications
Web le gain financier est direct par rapport aux solutions propriétaires. Et c'est justement dans
cette approche non globalisante des systèmes d'information que seule une catégorie des outils
bénéficie des investissements.
Par ailleurs, la question de la mutualisation des données en géomatique est récurrente. Alors
que, dans les projets géomatiques, les coûts d'acquisition de licences logicielles ne sont pas
négligeables, la mutualisation des développements informatiques revêt tout autant d’intérêt.
Les freins et les risques
Les freins techniques
Il existe de nombreux freins à la mise en œuvre de solutions libres. Les principaux sont des
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freins techniques.
En ce qui concerne les technologies Web, le principal frein est l'absence de solutions facilitant
la publication des cartes. Il existe différents outils (Export Mapserver de Qgis, MapStorer,
GeoAdminSuite), mais aucun n'a la stabilité des outils propriétaires.
En ce qui concerne les outils de SIG Bureautique, le nombre des lacunes est plus important.
Cela illustre bien l'absence d'appropriation de ces outils. Parmi les principales à noter il y a :
l'absence de fonctionnalités d'impression grand format, l'absence de fonctionnalités de mise en
page et des cartographies évoluées (principalement en ce qui concerne la gestion des textes),
la gestion (import/export) de données CAO (gestion correcte des formats Autocad et
MicroStation) et globalement l'absence d'outils de CAO type Autocad libre, l'absence de
fonctionnalités de géocodage.
Le problème de la licence GPL
Le premier souci porte sur la validité de la licence GPL du fait de la loi Toubon qui impose la
langue française. Pour ce qui est des outils de la géomatique, la licence la plus fréquemment
utilisée est la GNU GPL. Il s'agit d'une licence en langue anglaise. Or la loi Toubon impose que
l'ensemble des documents d'une administration soit en langue française. Il pourrait être
possible, comme a pu le faire le Syndicat Mixte du Pays des Vals de Saintonge, d'utiliser une
traduction de cette licence en français. Traduction disponible sur le site de la Free Software
Foundation, cependant cette dernière ne préconise pas cette méthode dans la mesure où la
traduction, bien que semble-t-il de bonne qualité, n'a pas été rigoureusement vérifiée.
L'utilisation de la licence CeCCIL semble être une option intéressante dans la mesure où il
s'agit d'une licence française basée sur le respect du droit européen et qu'elle comporte une
compatibilité avec la licence GPL.
L'aspect humain
L'un des principaux risques liés aux projets libres est la ressource humaine. Plus que pour des
projets « classiques » les ressources humaines liées à un projet sont fondamentales dans la
mesure où les technologies, les logiciels et les architectures mis en œuvre ne sont pas
généralistes. Il y a un rapport entre l'externalisation et l'internalisation. Dans le cas de
l'utilisation d'une solution propriétaire, c'est avec le prestataire ou l'éditeur que la collectivité
se lie, que la dépendance s'effectue alors qu’avec une solution libre cette dépendance repose
beaucoup plus sur des ressources internes.
Le risque lié à la gestion de projet
Le risque lié à la gestion du projet, et à sa réussite est important dans la mesure où il s’agit
d’un projet de développement et non plus d’acquisition d’une licence d’un logiciel existant. Ce
type de projet, surtout dans le domaine du libre, nécessite une implication plus grande du
maître d’ouvrage durant la phase d’exécution du marché. Les problèmes peuvent concerner les
délais de livraison, les lacunes fonctionnelles, les surcoûts éventuels. Mais il s'agit là de risque
que l’on rencontre aussi avec des solutions propriétaires.
Ce potentiel de risques peut cependant être limité par la définition et l’organisation du projet.
Une analyse correcte des besoins et un dimensionnement judicieux du cahier des charges
permettent d’éviter l’éparpillement.
L’utilisation de méthodes de travail, principalement la méthode Agile,
flexibles et
collaboratives permettent elle aussi d’avoir une bonne vision du projet et ainsi de mieux réagir
aux éventuels glissements.
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Les Mythes
Garantie Responsabilité
Dans les argumentaires des détracteurs du libre, l'un concerne l'absence de garantie des
logiciels sous licence libre OpenSource. Il est vrai que des licences déclinent toute garantie ou
responsabilité à propos de leurs produits. Mais ces clauses sont assez similaires à celles des
produits dits propriétaires.
La licence Esri, outre une garantie de seulement 90 jours, présente une clause générale de
décharge de responsabilité. Pour GéoConcept SA, la garantie n'est que de 30 jours et ils ne
garantissent ni ne s'engagent à corriger les bugs. En termes de responsabilité, « GéoConcept
est livré en l'état, sans garantie quant à sa qualité, performance, ou résultats »
La question de la pérennité des logiciels
La pérennité des logiciels est aussi un élément récurrent dans le questionnement sur le
passage au libre. Effectivement, le nombre de projets est très importants : le site Freegis
présente plus de 380 projets libres liés à la géomatique et effectivement la grande majorité est
obsolète. Et il en va de même sur la forge de l'Adullact. Mais cette question de la pérennité se
pose d'une manière équivalente avec les produits propriétaires. Nul n'est à l'abri de la
cessation d'activité de l'éditeur, de son logiciel ou d’un éditeur qui choisirait d’abandonner
l’évolution d’un produit. Les collectivités ayant investi dans la mise en œuvre de ces produits
se retrouvent donc dans des situations pas forcement évidentes. Un des vices que présente les
logiciels propriétaires porte sur les choix technologiques réalisés par les éditeurs. L'exemple le
plus évident est celui du langage de scripts Avenue puisqu'Esri a abandonné ce langage au
profit des technologies .Net. Or, pour l'ensemble des utilisateurs ayant investi du temps dans
des développements maisons, cela les a conduits dans une impasse : soit refuser de faire
évoluer le produit soit redévelopper l'ensemble de ses scripts. Cette question de l'évolution des
produits se pose aussi avec les modules complémentaires développés par des tiers comme
avec le module DataDraw de la société Hémisphère.
Un des intérêts du libre est que les évolutions des produits s'effectuent de manière
transparente pour l'ensemble de la communauté. Il est donc possible d'en avoir connaissance
voire même d'intervenir pour que des demandes spécifiques puissent éventuellement être
prises en compte.
Rôle des collectivités
Un premier constat est évident : les collectivités peuvent être perçues comme des organismes
ayant les mêmes activités : elles ont toutes les mêmes compétences à exercer avec le même
cadre légal et administratif (au détail prés des délégations de compétences entre communes et
Epci). Et cela, avec un attachement territorial tel que certes, l'information géographie est
fondamentale, mais surtout, il ne devrait pas y avoir de concurrence entre elles.
Le second constat est que le marché de la géomatique est dépendant de la commande
publique. Les entreprises réalisent facilement au moins 60 à 70 % de leurs chiffres d'affaires
auprès de structures publiques, qu’elles soient d'État, des collectivités et ce sans compter les
investissements du privé pour répondre aux besoins publics comme les équipements SIG chez
les concessionnaires de réseaux de fluide.
Il est donc important, voire essentiel, que les collectivités territoriales prennent conscience de
leurs rôles de moteur dans le marché de la géomatique et principalement dans la géomatique
libre. Il y a donc une opportunité pour le passage d’un rôle de consommateur à un rôle de
Consom’Acteur voire d’Acteur dans ce marché de niche.
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Les Vecteurs d'appropriation
Développement et diffusion de la connaissance des solutions
Les premiers éléments permettant de favoriser l'appropriation du libre concernent la diffusion
de la connaissance par rapport aux potentiels du libre. Au niveau technique, certaines
ressources existent déjà permettant de faciliter l'évaluation de différents composants existants
(Mémoire de stage de Nicolas Klein ou le Cascadoss). Cependant, il semblerait qu'il y ait un
manque de visibilité de l'ensemble de cette documentation. Ce manque concerne aussi bien les
retours d'expériences, que l’information à destination des décideurs. En effet, la principale
documentation produite est réalisée par des gens intéressés essentiellement par les aspects
techniques, les développeurs, les techniciens. Il manque des supports plus pédagogiques ou
marketing.
Dans le même ordre d'idée, un travail important sur la culture du libre est à faire. Dans les
collectivités, des développements sont réalisés en interne et y restent. Il serait intéressant que
le maximum de ces développements puisse être mis en forge ne serait-ce que pour promouvoir
d'éventuelles mutualisations ; Mais aussi de faire de la promotion interne afin d’améliorer les
pratiques telles que la documentation, à minima, des développements.
L'implication et l'émergence d'effort de mutualisation
Considérant que dans le domaine de la géomatique comme dans celui plus général de
l'informatique, différents niveaux de mutualisation sont possibles, celui du développement
commun d'un logiciel est le plus couramment évoqué. Cependant il en existe d'autres ; la
mutualisation des standards, des architectures, des développements et enfin des services.
Pour ce qui est de l'information géographique, le travail normatif de l'OGC est maintenant
reconnu et établi. Tous les éditeurs, propriétaires ou libres, utilisent ces normes. Il y a
toutefois d'importantes discussions autour d'éléments de performance. En effet, l'échange de
données sur internet via un service WFS n'est pas forcement optimal. Il est donc important de
différencier l'aspect normatif des standards utilisés. Nous pouvons prendre l'exemple des
technologies utilisant les échanges de données au format JSON et GeoJSON qui peuvent
devenir des standards de fait dans la mesure où leurs utilisations seront grandement
répandues. La mutualisation sur des standards communs, performants et validés est une
première étape qui devrait se passer sans de trop grandes difficultés.
Le second niveau de mutualisation concerne les architectures. La mutualisation des
développements de logiciels relève d'un certain niveau de complexité dans la mesure où si la
recherche de mutualisation provient des utilisateurs (forme de mutualisation par la demande),
il faut pouvoir regrouper un ensemble de partenaires dont l’émergence de besoins similaires et
des moyens financiers disponibles soient simultanés pour ensuite réaliser un appel d'offres
groupé. Ce type de mutualisation est doublement difficile dans la mesure où d'une part,
l'hétérogénéité des collectivités ne favorise pas les convergences et que par ailleurs, la
gouvernance du projet est d'autant plus difficile que le projet comporte un nombre croissant de
partenaires.
Il existe, par ailleurs, le modèle de la mutualisation par l'offre. C'est ici l'éditeur d'une solution
qui proposera à des collectivités le développement de celle-ci. Ce type de « mutualisation » est
relativement similaire aux développements classiques des éditeurs propriétaires et donc ne
présente pas forcément plus d'intérêt que ce dernier. Il peut avoir un aspect un peu plus
communautaire. Certains éditeurs proposent des solutions sur base de composants libres sans
remettre en libre leur propre développement, mais en proposant une démarche
communautaire dans l'évolution de leur produit. Ce type de démarche va quelque peu à
l'encontre de la logique d'ouverture que revêt la démarche du libre puisqu'il y a justement ce
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« communautarisme ». Bien que certains éditeurs proposent des versions utilisables de leur
produit ainsi que de la documentation, il y a un positionnement économique et marketing
surfant sur la mode du libre.
Enfin, le dernier niveau de mutualisation concerne le support et la maintenance. Il existe, là
aussi, deux types de mutualisation, et ce, en fonction du mode de mutualisation du logiciel.
Dans le cas d'une mutualisation par l'offre, le support et la maintenance doivent faire partie de
la solution. Ainsi, le support est un élément constitutif de la communauté. Il est à noter aussi
que des solutions existent pour certains produits libres comme ce que peut faire
CamptoCamp ; les listes de discussions ou des forums ouverts à tous sont proposés mais
maintenus par des salariés. Ce type de mutualisation, si elle est organisée par une ou des
collectivités, pose, cependant le problème du respect de la concurrence puisque, évidement,
la fourniture de service de maintenance n'est pas une compétence de collectivité.
De la commande publique.
Les marchés publics peuvent être dans une certaine mesure et suivant la manière dont les
besoins sont exprimés un excellent vecteur de mise en œuvre et de développement du libre.
Un premier point de vigilance concerne la propriété des développements réalisés dans le cadre
d'un marché public. Dans la plupart des marchés concernant la géomatique, le cahier des
clauses administratives générales utilisé est celui concernant les fournitures courantes et de
services (CCAG FCS). Or, ce CCAG ne précise pas les droits de propriété, ce qui, finalement
implique que la propriété des développements revient au prestataire. De ce fait, c'est le
prestataire qui a le choix de mettre ses développements sous licence libre. Par contre,
l’utilisation du CCAG concernant les prestations intellectuelles (CCAG PI) permet de
transmettre la propriété des développements à la collectivité qui, elle, est plus à même de
garantir la libération des développements.
Il semblerait cependant que l’utilisation du CCAG PI ne suffise pas juridiquement pour garantir
la libération du code du fait d'un problème de compatibilité avec le code de propriété
intellectuelle. Le guide pratique d'usage des Logiciels dans l'administration de la DGME 3 indique
qu'il est nécessaire de spécifier dans d'autres documents du marché que les développements
réalisés seront par la suite mis sous une licence de type GPL.
Le marché public doit être la description du besoin de la collectivité. Or, l'une des lacunes de ce
type de projet est la finalisation des rendus pour qu'ils puissent être réutilisés. Le cahier des
charges pourra donc aussi spécifier des éléments tels que la traduction de certaines parties de
documentation, la mise en forge, la documentation du code source.
Dans l’évaluation des offres, il peut aussi être intéressant d'inclure des critères concernant
l’implication des entreprises dans la communauté. Il peut s’agir de critères relativement
objectifs comme le nombre de bugs rapporté, le nombre d'employés intégrant des équipes de
projets libres, l'existence de blogs techniques, les contributions dans les forums.
Enfin, il y a aussi un potentiel à demander des prestations qui dépassent légèrement le cadre
du besoin, mais qui abordent la contribution.
A l'exigence de logiciels libres dans un marché.
Dans le cadre d'une solution d'équipement complet, où la collectivité ne possède aucun
élément antérieur, le CCTP ne peut exiger, sur la base d'un simple besoin fonctionnel, des
logiciels libres. Par contre, pour une collectivité ayant déjà mis en œuvre une architecture
spécifique libre, la définition et l'expression du besoin incluant l’utilisation de tel ou tel logiciel
libre est tout à fait possible. Il pourra s'agir d'effectuer, par exemple, le développement d'un
logiciel métier particulier sur la base de tel framework ou sous la forme d’un plug-in pour tel
3 http://www.adullact.org/IMG/pdf/GuideLLadministrations-V1.2.0.pdf
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logiciel. Au final, c’est ce développement qui sera, lui, redistribué en licence libre. De l'effet
conjoint de l'utilisation de briques libres, de la récupération de certains droits de propriété, et
de l'information sur la volonté d'ouvrir le code, le prestataire est conduit vers le libre.
Conclusion
L’implication des collectivités dans la géomatique libre est non seulement possible mais elle est
d’un intérêt majeur pour l’ensemble de la communauté géomatique. Cependant, cette
démarche n’est pas forcement aisée et demande une implication plus grande que dans le cas
du simple achat de logiciel sur étagère. L’Open Source possède de nombreux inconvénients
mais ses avantages ne sont-ils pas plus intéressants ? Certes l’investissement dans des
ressources humaines, la sensibilisation des décideurs et l’investissement dans la production de
code source sont nécessaires, mais l’émergence d’une véritable communauté de pratique du
libre en géomatique est indispensable pour mutualiser la connaissance, les pratiques et les
architectures. Il est, par ailleurs, important de dépasser le cadre habituel des pratiques du
public et de s’approprier les bonnes recettes qui font la réussite des projets OpenSource. Il y a
là un besoin de favoriser des méthodes permettant d’impliquer de manière flexible des
collectivités. Les réseaux informels de partage de la connaissance peuvent être une piste
intéressante mais nécessitant une implication de la communauté géomatique.
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