Extrait

Philippe Bessoles
Vitimologie - Tome 2
Thérapeutique et interculturel
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Collection Psychopathologie clinique
Presses universitaires de Grenoble
BP 47 – 38040 Grenoble cedex 9
Tél. : 04 76 82 56 52 – [email protected] / www.pug.fr
Avant-propos
Le tome II de Victimologie-Victimology centré sur la victimologie et
la criminologie clinique et interculturelle prolonge le tome I axé sur
la victimologie générale et comparée. Les trois tomes de VictimologieVictimology constituent le triptyque des recherches sur les pathologies
traumatiques menées depuis plus de dix ans. Ils constituent une
synthèse de contributions à la communauté internationale en sciences
humaines cliniques. Ce travail conséquent n’aurait pu aboutir dans sa
publication sans le soutien des Presses universitaires de Grenoble, la
collaboration précieuse de madame Myriam Linnell pour les traductions en langue anglaise et l’ensemble des partenaires de la pratique
clinique, thérapeutique et universitaire en France (Université Paris
VII. Prof. M. Wolf-Fédida. Université Montpellier III. Prof. J.-P.
Martineau. Université Nice I. Prof. C. Miollan. Université Toulouse
III. Prof. O. Lescaret) et à l’étranger (Université royale du Cambodge.
Prof. H. Nhong. Prof. S. Nhong. Université de Buenos Aires. Prof.
D. Maldavsky. Dr L. Alvarez. Université de Liège. Prof. C. Mormont).
L’ensemble de ces contributions s’étaye sur une praxis quotidienne de la
victimologie clinique et des états posttraumatiques. Cette crédibilité de
la praxis clinique et thérapeutique tend à argumenter les propositions
théorisantes, méthodologiques et évaluatives du corpus pratique qui
en constitue les fondements.
Les mutations sociétales de la postmodernité engagent la recherche
fondamentale et appliquée vers une internationalisation des travaux
et de leurs échanges notamment en clinique interculturelle et en clinique humanitaire. Cette décennie de travail en victimologie générale,
comparée et clinique s’enrichit des questionnements des étudiants
de l’université Grenoble II et I, Montpellier I et III et des ONG
(MDM, MSF, Handicap International, Afesip International) avec
lesquelles nous avons collaboré. Les mutations de la mondialisation et
la revendication scientifique des méthodologies quantitatives de type
DSM nous apparaissent insuffisantes face aux complexités culturelles
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et individuelles du psychisme humain non réductible à des variables
secondaires ou parasites. La réduction des pathologies posttraumatiques au Post Traumatic Stress Disorder ou à l’Acute Stress Disorder aussi
indispensable soit l’évaluation des signes cliniques, ne nous paraît pas
répondre aux complexités des atteintes identitaires à l’œuvre dans le
trauma individuel ou collectif, d’origine naturelle, accidentelle ou
provoquée. La confusion entre stress et trauma est l’illustration de
cette réduction sémiologique comme celle d’accorder à la rumination
mentale posttraumatique une appréhension cognitive. L’affect ne peut
se rabattre pas à l’émotion tout en produisant des effets d’affectation
et non d’affection. Le délire n’est pas un trouble de la perception
mais une distorsion du réel (néoréalité) par construction projective
des imagos forclos. La rumination mentale véhicule des pensées mais
bute sur leur organisation de cohérence sémantique et syntaxique non
par troubles cognitifs mais par saturation des affects et défaillance de
l’ordre symbolique. Le fading mental en est un autre exemple. La fuite
panique, comme à l’opposé la sidération, ne relèvent pas de troubles
de comportement mais de la sidération confuso-stuporeuse ou de la
phobie paranoïde.
Si la sémiologie permet les études nécessaires à la communicabilité
des recherches et leurs études comparatives, la notion de preuve en
sciences humaines cliniques ne peut se départir du qualificatif psychique
si on émarge aux efficacités thérapeutiques auxquelles les psychopathologies victimaires nous convoquent. Les oppositions entre clinique
objective et clinique subjective sont dépassées face aux evidentia des
articulations entre production symptomatique et structure dynamique
et économique du sujet. Les modélisations scientifiques répondent aux
modélisations éthiques en produisant les débats stériles des endogamies
ou des baronnies locales universitaires. Éthique et scientifique sont
éminemment complémentaires en clinique et en psychopathologie.
Les opposer dans une revendication arrogante d’exclusion relève des
autoproclamations idéologiques dignes des régimes totalitaires.
Notre ouverture vers les formes pluriculturelles du traumatisme
permet de relativiser toutes modélisations aussi pertinentes et respectables soient-elles. La clinique de la torture, du terrorisme, du viol
collectif, de l’éradication ethnique, des actes de barbarie, de la terreur,
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Avant-propos
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du trafic d’enfants ou d’organes, de la prise d’otages, etc., tendent à
renouveler le débat clivé ou dépassé des localisations cérébrales ou
de l’eugénisme. Cela n’enlève en rien la validité scientifique de nos
collègues chercheurs ayant comme objet de recherche ce champ de
travail. La recherche en clinique est autant quantitative que qualitative
et non idéologique. Chacun sait, d’un point de vue sociohistorique,
que l’intégration du PTSD dans le DSM est la résultante du lobbying
des GI rescapés de l’horreur du Viêt-nam. Enfin, Les confusions entretenues entre organique et fonctionnel, cognitif, psychique et mental,
thérapeutique et pédagogique inhibent les heuristiques nécessaires aux
avancées de la connaissance.
Les trois tomes de Victimologie-Victimology tentent avec humilité de
contribuer aux questionnements nécessaires face aux pathologies traumatiques avec leurs parts d’inconnue et d’inachèvement. Cette décennie
de travail fait émerger les thématiques suivantes non exhaustives.
1. La notion de psychose posttraumatique et les productions sémiologiques et syndromiques psychotiques sur des structures éminemment
névrotiques.
Cette proposition oblige à repenser les modèles psychodynamiques
quant aux incursions de psychoses dans les structures névrotiques.
Cela suppose aussi d’accorder aux systèmes pré et protoreprésentatif,
notamment l’inscription pictographique et les conditions nécessaires
de représentabilité de l’objet à la psyché, une attention plus soutenue.
Il en va de nos efficacités thérapeutiques à l’égard des victimes.
2. Les pathologies traumatiques sexuelles, notamment celles issues
de viol, comme non sexuelles mais identitaires.
Elles concernent directement le démantèlement des enveloppements
psychiques primaires et la constitution de l’unité somatopsychique.
Ce démantèlement permet de penser le rapport entre trauma et
contenant psychique ; trauma et névrose d’organe. Les études menées
sur les inscriptions corporelles par l’école américaine de psychiatrie
(embodyment memory) sollicitent le renouveau des apports princeps
des recherches en épistémosomatique de P. Marty et de l’Institut de
psychosomatique de Paris.
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3. La victimologie clinique, notamment les pathologies traumatiques
extrêmes et sévères, souligne les impacts sur la déstructuration temporelle
et spatiale avant toute préoccupation de réparation sexuelle.
L’intérêt de ces impacts accorde à la temporalité une valeur essentielle
de trame et de support à la représentation. La reviviscence traumatique illustre cet aspect essentiel. De même, la construction des espaces
proximaux et distaux révèle toute son importance notamment dans la
constante pathologique des espaces agglutinés et adhésifs du trauma.
4. Les interactions psychisme/culture se stigmatisent face aux évolutions des interculturalités de la postmodernité tant dans ces dimensions
intranationales qu’internationales.
Les cultures, considérées en logique de processus de lien social, interagissent avec le lien psychique et groupal. Les traumatismes liés aux
guerres, aux enfants soldats, aux génocides, aux terrorismes et trafics
d’êtres humains, etc., souvent en contexte pluriculturel ou en clinique
humanitaire mettent à jour les rapports interactifs entre psychisme et
culture. Mieux, ils soulignent combien structurellement, le psychique
est conçu de culture et joue un rôle déterminant tant dans la construction du sujet que sa résilience.
5. Enfin, ces dix ans de recherche confirment la nécessité d’associer
les études en victimologie avec celles en criminologie au même titre
que la nécessité d’ouvertures interdisciplinaires face aux interactions
du lien psychique et du lien social.
La question des expertises médico-psychologiques et le double échec
des experts psychologues et psychiatres dans l’affaire d’Outreau par
exemple en France, montre l’urgence de penser les synergies entre épistémologie et discipline complémentaire. L’heuristique de la recherche
est dans cet enjeu d’une pensée de la victimologie et de la victime en
regard de la criminologie et du criminel ; l’un et l’autre prenant sens
dans une victimogenèse et une criminogenèse.
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Forward
Volume II of Victimology is centered on cross-cultural clinical victimology and criminology and extends volume I that was centered on general
and comparative victimology. These three volumes represent the triptych of research on traumatic pathologies for over ten years. They are a
synthesis of contributions by the international community in clinical
social sciences. This book could not have been publicized without the
support of the auto-conservation (Editors), the precious collaboration
of Mrs. Myriam Linnell for the English translation, and of all the clinicians, therapists, and university lecturers in France (University Paris VII,
Prof. M. Wolf-Fédida; University Montpellier III, Prof. J.P. Martineau;
University Nice II, Prof. C. Miollan; University Toulouse III, Prof. O.
Lescaret) and abroad (Cambodia Royal University, Prof. H. Nhong,
Prof. S. Nhong; Buenos Aires University, Prof. D. Maldavsky, Dr. L.
Alvarez; University of Liège, Prof. C. Mormont). The whole of this
contribution is from a daily praxis on clinical victimology and post
traumatic states. The credibility of a clinical and therapeutic praxis
tends to argue the case for propositions of theories, methods and
assessments of the practical corpus which forms its basis.
Society mutations, due to post-modernity lead fundamental and
applied research towards an internationalization of the works and
their exchange, notably cross-cultural and humanitarian clinic. The
decade of work on general, comparative, and clinical victimology has
been enriched by the questioning of students from the University of
Grenoble II and I, Montpellier I and III and the NGOs (MDM, MSF,
Handicap International, Afesip International) with whom we have
collaborated. The mutations of the internationalization and the scientific
claim of quantitative methods such as the DSM appears inadequate to
us considering the cultural and individual complexity of the human
psyche that cannot be reduced to secondary variables or interference.
No matter how relevant the assessment of clinical signs appears to be,
post-traumatic pathologies being resumed by Post Traumatic Disorder
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(PTSD) or Acute Stress Disorder are inadequate when considering the
complexity of identity attacks in the individual or collective trauma, of
a natural, accidental, or induced cause. The confusion between stress
and trauma is a good illustration of this semiological restriction such
as the granting of a cognitive apprehension to post-traumatic mental
reflection. The affect cannot be linked to the emotions and produce
effects of affectation and non affectation. Delusion is not a perception
disorder but a distortion of reality (neo-reality) through the projective
construction of foreclosed images. Mental reflection conveys thoughts
but fails to organize semantic and syntax coherence not because of
cognitive disorders but because of the saturation of affects and failure
of the symbolic. Mental fading is another example. To flee in a panic, as
well as being disturbed, is not the consequence of behavioral disorders
but of confusion-stuporous sideration or paranoid phobia.
Oppositions between objective clinic and subjective clinic are overwhelming in front of the evidence of articulations between symptomatic
production and the dynamic and economic structure of the subject.
Scientific modeling responds to ethical modeling by producing the
sterile debates of endogamies or local universities. Ethics and science
are, to a great extent, complementary in clinic and psychopathology.
To oppose them by excluding them is arrogant and is equivalent to
ideological self-proclamations encountered in totalitarian systems.
Our opening on multi-cultural forms of the trauma allows relativizing any modeling, however pertinent and respectable it might be.
The clinic of the torture, terrorism, collective rape, ethnic cleansing,
barbaric acts, terror, children or organ trafficking, hostage taking, etc.,
tends to renew the cloven or overrun debate on cerebral localizations or
eugenics. This does not diminish the scientific validity of our research
colleagues who work in this field of research. The research in clinic is
quantitative as well as qualitative and not ideological. It is common
knowledge, from a social-historical point of view, that the integration
of the PTSD in the DSM is due to the lobbying of GI’s rescued from
the horror of Viêt-nam. Finally, the confusions maintained between
organic and functional, cognitive, psychic and mental, therapeutic and
pedagogic inhibits the necessary heuristics for greater knowledge.
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Foward
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The three volumes of Victimology attempt, with humility, to contribute
towards the necessary questioning about incomplete and sometimes
vague traumatic pathologies. Following non-exhaustive themes emerge
from this decade of work:
1. The notion of post-traumatic psychosis and the psychotic semiological and syndromic productions on neurotic structures.
This proposition compels us to rethink the psychodynamic models
with the incursion of psychoses on neurotic structures. It also implies
that we need to pay more attention to pre– and pro-representative
systems, notably the pictographic inscription and the necessary conditions of representability of the object for the psyche. The efficiency of
our therapy depends on it.
2. Sexual traumatic pathologies, notably those born from rape, not
considered as sexual but considered as identity pathologies.
Sexual traumatic pathologies directly concern the dismantling of
primary psychic sheaths and the building of the somatic-psychic unity;
trauma and organ neurosis. Results of studies on embodyment memory
conducted by the American School of Psychiatry demonstrates that P.
Marty’s (and the Institute of Psychosomatic in Paris, France) research
on epistemosomatics is outdated.
3. Clinical victimology, particularly in the context of extreme and
severe traumatic pathologies, takes into account the impacts on temporal
and spatial destructuring before any sexuality repair.
These impacts grant the temporality with an essential value of framework
and support of the representation. Traumatic reviviscence illustrates
this essential aspect. Also, the construction of proximal and distal
takes all its importance in the pathological constant of the trauma
agglutinated and adhesive spaces.
4. The interactions psyche/culture are stigmatized in the presence of
the cross-cultural evolutions of post-modernity, as much in its national
dimensions as international dimensions.
Cultures interact with the psychical and groupal bonds. Traumatisms
related to wars, children soldiers, genocides, terrorism, and humantrafficking, etc., often in a cross-cultural context or humanitarian clinic,
disclose the interactive relationships between the psyche and culture.
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Even better, they underline how, structurally, the psyche is made up
of culture and plays an essential part as much in the construction of
the subject as in his or her resilience.
5. Finally, ten years of research confirm the necessity to associate
victimology and criminology studies, as well as cross-science openings in the presence of interactions between psychical bond and social
bond.
The question of medico-psychological expertise and the double failure
of the psychologist and psychiatrist experts in the Outreau’s trial in
France, demonstrates the urgency to re-think the synergies between
epistemology and complementary sciences. The heuristic of the research
is in this challenge of thinking of victimology and the victim with
regard to criminology and the criminal; both making sense in a victimogenesis and a criminogenesis.
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