Évolution des pratiques pour les infirmiers
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Évolution des pratiques pour les infirmiers
1 Dossier thématique Télémédecine et diabète : du côté paramédical L. Canipel1, D. Durain2, P.-Y. Benhamou3, G. Charpentier4 1 Directrice du centre d’études et de recherches pour l’intensification du traitement du diabète (CERITD), Corbeil-Essonnes. 2 Cadre de santé infirmier spécialisé en diabétologie, Service de diabétologie, CHU de Nancy - Hôpital Jeanne d’arc, Dommartin les Toul. 3 Président du groupe télémédecine de la société francophone du diabète (SFD). Service d’endocrinologie, CHU de Grenoble, Grenoble. 4 Président du centre d’études et de recherches pour l’intensification du traitement du diabète (CERITD), Corbeil-Essonnes. Évolution des pratiques pour les infirmiers dans la prise en charge du diabète de type 1 par télémédecine Nurses’ practices evolution for type 1 diabetes management via telemedicine Résumé Summary La télémédecine et ses nouvelles technologies permettent d’augmenter l’accessibilité aux soins de santé spécialisés. Le carnet électronique est l’outil de télémédecine des patients diabétiques de type 1. Nous nous acheminons vers une nouvelle évolution du métier d’infirmier grâce à l’apport de la télémédecine afin d’optimiser la prise en charge du patient diabétique de type 1. Telemedecine and new technologies permit growing accessibility to medical specific cares. Electronic data log is the tool used in telemedicine by patients with type 1 diabetes. We move toward a new evolution of the nurse profession thanks to the contribution of telemedicine and in order to optimise the care of the patients with type 1 diabetes. Mots-clés : Diabète de type 1 – télémédecine – infirmier Key-words: Type 1 diabetes – telemedecine – nurse – electronic data log. – carnet électronique. Le constat Correspondance : Lydie Canipel Centre d’études et de recherches pour l’intensification du traitement du diabète (CERITD) 59, bd Henri-Dunant 91106 Corbeil-Essonnes [email protected] © 2010 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés. • 150 000 à 200 000 patients en France, atteints de diabète de type 1 (DT1), qui vivent ou vivront de plus en plus longtemps. • Un nombre de soignants qui stagne faute de moyens. • Un système de santé en restructuration autour de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant sur la réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, qui redistribue les moyens et les rôles. • Un délai qui s’allonge pour obtenir un rendez-vous médical. • Des patients coupés de plus en plus longtemps de leurs soignants. Telle est la situation alarmante, aujourd’hui, autour de la prise en charge du patient DT1. L’histoire nous a souvent montré que de toute période de crise jaillit une réflexion pour pouvoir s’adapter à la nouvelle situation. Pourquoi choisir le métier d’infirmier, difficile mais riche au sein d’une équipe pluridisciplinaire, prenant en charge des patients atteints de maladie chronique ? N’est-ce pas pour les satisfactions, les bienfaits, l’aide, le plaisir trouvé dans la relation de proximité soignant-patient ? Proximité fondamentale pour mener au quotidien le difficile combat pour l’adhésion du patient au traitement. Toutes les études ont prouvé qu’un patient observant est un patient qui améliore Médecine des maladies Métaboliques - Mois 2010 - Vol. 4 - N°3 Canipel.indd 1 20/04/2010 10:56:51 2 Dossier thématique Télémédecine et diabète : du côté paramédical ses constantes biologiques et repousse les complications. Le traitement Les diabétiques ne meurent plus de leur diabète depuis la découverte de l’insuline en 1922. En suivant leur traitement, ils peuvent mener une vie quasiment normale. Ils doivent cependant maintenir un bon équilibre glycémique, afin d’éviter le plus possible les complications dues à l’hyperglycémie (rétinopathie, néphropathie, artériosclérose, neuropathie). Seule l’insuline, administrée à la plus juste dose en fonction de sa glycémie, de son apport alimentaire en glucides, et de son activité physique, lui permet de mener une vie normale et de réduire fortement les effets néfastes de la maladie. C’est le patient qui ajuste à chaque prise alimentaire sa dose d’insuline ; son implication et sa connaissance du traitement sont importantes et indissociables. La vie du patient diabétique est une vie de contraintes pluriquotidiennes, sans espoir de guérison ! Noter sa glycémie, avant et après chaque repas, noter les quantités de glucides qu’il consomme, calculer les doses d’insuline qu’il doit s’injecter avant chaque repas et au coucher et reporter le tout sur un carnet papier de suivi glycémique qui dans ce contexte de vie, est plus ou moins bien tenu, voire pas du tout ! La télémédecine La télémédecine est une « extraordinaire » application des nouvelles technologies de l’information pour augmenter l’accessibilité aux soins de santé spécialisée. Elle va des transferts de données (imagerie médicale, enseignement à distance, données sur des patients…) à l’intervention directe du soignant sur le malade (téléconsultation, téléassistance). Elle a été définie dans le rapport des Docteurs Pierre Simon et Dominique Acker de la Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins (DHOS) pour la différencier de la télésanté (vastes champs d’application des technologies numériques pour le bien être des personnes) [1]. Quatre actes ont été retenus. • La téléconsultation permet au patient de consulter le soignant de référence à distance. Il doit être présent, reconnaître son soignant et dialoguer, échanger avec lui (avec webcam de préférence afin d’identifier son soignant). Cette consultation à distance ne peut se faire qu’avec l’accès au dossier patient. • La télé-expertise permet l’échange d’expertises entre soignants autour d’un même dossier patient. • La téléassistance : sous la forme, soit d’une assistance d’un personnel à un autre personnel de santé, soit comme nous le verrons plus tard dans notre propos, d’un outil « intelligent » qui aidera le patient à ajuster ses doses d’insuline. • La télésurveillance, dans le cadre des maladies chroniques, est un acte de surveillance en continue ou discontinue, par exemple le suivi des constantes biologiques. À l’origine, quelques pionniers dans différentes spécialités médicales (cardiologie, néphrologie, diabète….) animés par la volonté de lutter contre la situation d’appauvrissement des soins actuels et cherchant une solution pour rendre aux patients la proximité de son soignant auquel il a légitimement droit, en utilisant le génie de l’informatique sans bien sûr augmenter le coût de la prise en charge de sa maladie. C’est ce qu’a réalisé l’équipe du CERITD (Centre d’études et de recherche pour l’intensification du diabète, Corbeil-Essonnes) autour du Docteur Guillaume Charpentier en créant le premier carnet électronique pour le patient DT1, en collaboration avec la société d’éditeur de logiciel Voluntis, et qui répond aux quatre actes de la télémédecine. Le carnet électronique II suffit de posséder un téléphone, avec une connexion Internet permettant les synchronisations, de type Smartphones et de charger, selon une procédure simple le logiciel DIABEO® [édité par la société Voluntis], compatible pour l’instant avec l’environnement Windowsphone et, prochainement, sur i-phone et Android. Dès son chargement, il assure au patient la téléassistance : le patient saisit ses glycémies capillaires préprandiales quel que soit le lieu où il se situe. Il y ajoute sa quantité de glucides ingérée, et son activité physique. Diabeo® permet alors le calcul juste et automatique des doses préprandiales d’insuline selon des algorithmes validés sur 35 patients dans l’étude PDAPHONE 1 menée à CorbeilEssonnes [2] et des objectifs glycémiques prescrits par son diabétologue. Dès sa première synchronisation, le système transmet l’intégralité des données au soignant via un site Internet sécurisé [www. diabeo.com]. Le soignant peut alors assurer la télésurveillance. Il suit les données sous un format très aisément analysable et organise, selon les besoins individuels identifiés de chaque patient, des rendez-vous téléphoniques et assure ainsi l’acte de téléconsultation, sans déplacement au cabinet médical, ni de frais de transport, ni d’arrêt de travail. C’est un patient rapproché de son soignant, rassuré qui voit à partir de la juste Les points essentiels • Le constat : un nombre de soignants stagnant pour une prévalence accrue du diabète de type 1. • Le traitement : maintenir un bon équilibre, afin d’éviter le plus possible les complications. • La télémédecine : extraordinaire application des nouvelles technologies de l’information pour augmenter l’accessibilité aux soins de santé spécialisée. • Le carnet électronique : un patient rapproché de son soignant, rassuré, qui voit à partir de la juste dose d’insuline ses résultats glycémiques s’améliorer. • Organisation de la prise en charge du patient diabétique de type 1 autour du carnet électronique. • Télémédecine, un nouveau rôle pour l’infirmier : une nouvelle évolution du métier d’infirmier à travers la mise en place de la télémédecine. Médecine des maladies Métaboliques - Mois 2010 - Vol. 4 - N°3 Canipel.indd 2 20/04/2010 10:56:52 Évolution des pratiques pour les infirmiers dans la prise en charge du diabète de type 1 par télémédecine dose d’insuline ses résultats glycémiques s’améliorer, comme le montrent les résultats de l’étude multicentrique TELEDIAB1 (en partenariat avec Orange et Voluntis) : 17 centres de diabétologie français ont suivi, pendant 6 mois, 180 DT1 adultes chroniquement déséquilibrés (HbA 1c > 8 % à au moins deux reprises consécutives). Au bout de 6 mois, l’utilisation du carnet électronique associé à la téléconsultation améliore le taux d’HbA1c de 0,9 %, sans augmentation des hypoglycémies, ni du temps médical consacré à ces patients. La majorité d’entre eux demandent à ne pas être séparés de DIABEO® et ne veulent plus revenir au carnet papier [3]. L’organisation de la prise en charge du patient DT1 autour du carnet électronique Vouloir que tous les DT1 bénéficient demain de cette amélioration de leur taux d’HbA1c grâce à un suivi électronique rapproché des soignants, vouloir gommer la distance qui les sépare, repose sur trois volontés : repenser nos circuits de soins, ne pas résister au changement et redéfinir les rôles de chacun au bénéfice du patient. Télémédecine : un nouveau rôle pour l’infirmier Si la télémédecine reste un acte médical, par délégation, certains actes sont assurés par l’infirmier. Tout infirmier en service d’éducation connaît le lien qui se créait entre le patient et lui-même au cours d’un appel téléphonique donné spontanément à des patients inquiets et demandeurs. Ce bénéfice a été évalué à Vancouver (Canada) où, parmi 46 patients diabétiques (dont 52 % de DT1), 23 d’entre eux ont bénéficié d’un suivi téléphonique centré sur l’adaptation des doses par une équipe d’infirmiers spécialisés. Au bout de 6 mois, à raison de trois consultations par semaine de 15 min, les patients ont vu leur taux d’HbA1c s’améliorer de façon significative [4]. Mais ce système est coûteux, phagocytant de temps infirmier. Luxe que nous ne pouvons nous offrir actuellement ! Il fallait trouver des outils validés, moins coûteux et plus efficaces encore ! Le carnet électronique réunit toute l’équipe pluridisciplinaire autour du suivi à distance du patient DT1. Le médecin reste décisionnaire de la mise ou non sous carnet électronique de son patient. Sur prescription médicale, l’infirmier joue un rôle essentiel : réaliser le plan d’éducation personnalisé au suivi du patient DT1 par carnet électronique. Un plan d’éducation personnalisé, que nous avons mis en place au CERIDT, depuis un an déjà, avec nos infirmiers télémédecine, dès la première consultation en complément de la consultation médicale. N’oublions jamais que le carnet électronique n’est qu’un outil pour améliorer la prise en charge du patient diabétique. Il ne peut se substituer au soignant. C’est la qualité de la consultation initiale qui détermine le niveau d’observance future. Le plan d’éducation personnalisé structure la consultation paramédicale en trois temps. Le premier temps est consacré à la prise en charge globale du diabète en ayant pour support la prescription médicale ; dans un second temps, l’infirmier forme le patient à l’utilisation optimisée de l’outil. Il se termine par la mise en place d’objectifs pédagogiques par le patient lui-même. Le discours se structure autour d’une analyse de la situation, puis d’une évaluation par le patient de son niveau de connaissance et/ou d’appropriation de sa maladie, de l’outil, et se termine par deux objectifs au maximum, identifiés par lui-même. Comme lors de tous changements, l’infirmier adapte son éducation au rythme du patient, en tenant compte des ressources individuelles. Celui-ci adaptera son discours en écoutant les résistances aux changements de son patient, en trouvant les mots ciblés et justes afin d’essayer de lever ces résistances. Comme dans toute maladie chronique, nous sommes confrontés à des moments de rejets de l’outil, c’est là que le soignant accompagnera au rythme du patient son retour vers le carnet électronique. La première consultation réalisée, le suivi se met en place. Un rythme régulier des synchronisations est sans nul doute le meilleur reflet d’une observance au traitement. Le rôle de l’infirmier est là aussi primordial : 3 assurer la télésurveillance, car il est la véritable sentinelle du médecin au bon suivi glycémique du patient. Nous avançons vers une nouvelle évolution du métier d’infirmier à travers la mise en place de la télémédecine. Pourquoi ne pas réfléchir à une organisation autour d’un ou plusieurs infirmiers référents télémédecine ? Nous sommes confrontés aujourd’hui à une situation qui n’a pas laissé nos Autorités de santé indifférentes : rapport de monsieur le député Pierre Lasbordes au Premier ministre [5], prise de position du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) en faveur de la télémédecine [6]. Elle ne peut donc pas laisser les soignants indifférents ! Nécessité de réfléchir sur nos pratiques quotidiennes et à accepter de faire évoluer notre métier en nous appropriant de nouvelles techniques au service des patients. Remerciements Nous remercions le groupe télémédecine DIABEO de la Société francophone du diabète (SFD), les Professeurs Bruno Guerci, Hélène Hanaire, Alfred Penformis, Eric Renard, Yves Reznick, le docteur Sylvia Franc, et H. Laroye, attachée de recherche clinique au CERITD. Références [1] Simon P, Acker D. La place de la télémédicine dans l’organisation des soins. www.decisionsante.com/fileadmin/uploads/.../Rapport_telemedecine.pdf [2] Franc S, Dardari D, Boucherie B, et al. Reallife application and validation of flexible intensive insulin therapy algorithms in type 1 diabetes patients. Diabetes Metab 2009;35:463-8. [3] Penfornis A, Clergeot A, Dardari D, et al; TeleDiab-1 Study Group. Amélioration de l’équilibre glycémique par le système de télémédecine DIABEO chez des patients diabétiques de type 1 : résultats de l’étude Télédiab1. Diabetes Metab 2010;36(Hors série 1):A20 [Abstract O77]. [4] Thompson DM, Kozak SE, Sheps S. Insulin adjustment by a diabetes nurse educator improves glucose control in insulin-requiring diabetic patients: a randomized trial. CMAJ 1999;161:959-62. [5] Lasbordes P. La télésanté : un nouvel atout au service de notre bien-être. http://www.santesports.gouv.fr/IMG//pdf/2009_11_10_RapportTelesante.pdf [6] Legmann M, Lucas J. Télémédecine : les préconisations du Conseil National de l’Ordre des Médecins ; www.web.ordre.medecin.fr/rapport/ telemedecine2009.pdf Médecine des maladies Métaboliques - Mois 2010 - Vol. 4 - N°3 Canipel.indd 3 20/04/2010 10:56:52