Jean-Marie Yante (éd.), Les origines de l`abbaye

Transcription

Jean-Marie Yante (éd.), Les origines de l`abbaye
Francia­Recensio 2016/1
Mittelalter – Moyen Âge (500–1500)
Jean­Marie Yante (éd.), Les origines de l’abbaye cistercienne d’Orval. Actes du colloque organisé à Orval le 23 juillet 2011, Turnhout (Brepols) 2015, VI–
118 p., nbr. fig. et cartes (Bibliothèque de la Revue d’histoire ecclésiastique, 99), ISBN 978­2­503­55529­4, EUR 35,00.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Jérôme Verdoot, Bruxelles
Les circonstances de la fondation de l’abbaye d’Orval ont fait couler beaucoup d’encre depuis les années cinquante. Longtemps, les historiens ont accordé crédit à la tradition d’une triple fondation: en 1070, des bénédictins issus de Calabre auraient été installés à Orval par Mathilde de Toscane et le comte Arnoul de Chiny; en 1110, le comte Otton aurait remplacé ceux­ci par des chanoines réguliers; ces derniers, indisciplinés, auraient été substitués par des cisterciens venus de l’abbaye de Trois­
Fontaines, appelés par le comte Albert en 1131. En 1968, Georges Despy jeta un pavé dans la marre en démontrant que le document sur lequel s’appuyait cette tradition (une charte datée de 1124) était un faux élaboré au début du XVIIe siècle. Pour le professeur de Bruxelles, rien n’atteste la présence de moines ou de chanoines avant l’arrivée des cisterciens, en 1131. Il fut suivi dans cette voie par René Noël. Quelques années plus tard, Christian Grégoire s’évertua à rétablir la tradition d’une triple fondation. Il trouva dans les fouilles menées à Orval dans les années 1960 – dont il fut l’une des chevilles ouvrières – des éléments à l’appui de sa thèse. Le dialogue ne fut pas toujours des plus aisés entre les historiens partisans de l’une ou l’autre théorie et les débats devinrent progressivement quelque peu stériles. L’heure était donc venue de reprendre le dossier. Jean­Marie Yante s’y attela avec profit, réunissant, le 23 juillet 2011, un colloque consacré à la fondation d’Orval auquel il convia historiens et archéologues.
Les premiers exposés permirent de contextualiser les éléments inhérents à la thèse classique d’une triple fondation: contexte politico­religieux du comté de Chiny aux XIe et XIIe siècles (J.­M. Yante), activité de Mathilde de Toscane dans les Ardennes (Paolo Golinelli) et rôle joué par l’abbaye de Trois­
Fontaines dans l’expansion claravalienne (Jackie Lusse). Signalons d’emblée que nous regrettons la maigreur du premier exposé qui, à notre sens, prend trop de hauteur et ne permet pas d’appréhender les objectifs des acteurs en présence dans la fondation de l’abbaye, surtout dans l’installation de cisterciens (en remplacement, ou pas, de chanoines réguliers).
Dans la seconde partie du colloque, J.­M. Yante a réuni les principaux protagonistes des débats historiographiques qui ont marqué les six dernières décennies. Furent ainsi invités à présenter leur vision des premières années d’Orval, Christian Grégoire et René Noël. (Quant à Georges Despy, Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
décédé en 2003, il ne put hélas participer à cette rencontre.) Bien que plusieurs décennies se soient écoulées depuis leurs derniers travaux consacrés à cette question, les deux historiens semblent ne pas avoir modifié leur position d’un iota. Comment pouvait­il en être autrement, le dossier documentaire à leur disposition étant rigoureusement identique à ce qu’il était déjà dans les années 1950, 1960 ou 1970? De ce fait, l’apport des deux historiens au débat s’avère quelque peu décevant. Pour faire avancer le débat, il fallait augmenter ce dossier documentaire de nouvelles sources, matérielles cette fois.
C’est donc dans les exposés suivants que réside tout l’intérêt du colloque puisque Jean­Marie Yante y donna la parole à des archéologues et grand bien lui en a pris. En effet, les historiens tournaient en rond alors que l’archéologie médiévale a connu des progrès majeurs dans les dernières décennies. Dans un premier temps, Philippe Mignot et Denis Henrotay proposèrent une relecture des rapports des fouilles menées à Orval dans les années 1960, que seul Christian Grégoire avait mis à profit. Or, ce dernier y avait visiblement recherché des éléments à l’appui de la tradition d’une triple fondation. Les deux archéologues conviés par Jean­Marie Yante reprirent donc les rapports de fouilles pour les analyser d’un œil neutre et dépourvu d’apriori. Ensuite, Frans Doperé, spécialiste dans l’étude des techniques de taille des pierres sur les chantiers cisterciens enrichit les réflexions des deux archéologues attachés à la direction de l’archéologie au service public de Wallonie. Que le lecteur ne se méprenne pas et n’interprète pas erronément nos propos. Nous n’affirmons aucunement que seules les communications présentées par des archéologues soient dignes d’intérêt. Loin de là. En effet, Jean­Marie Yante est parvenu à organiser un colloque particulièrement cohérent, dont les actes permettent au lecteur de rentrer progressivement dans le vif du sujet, confronté d’abord au contexte d’une éventuelle triple fondation, ensuite, à un bilan des recherches historiographiques sur le sujet, et enfin, à une évaluation de la véracité de cette tradition. Nous affirmons simplement que l’intérêt de cette dernière partie du colloque – qui constitue en fait la raison d’être de la réunion – est particulièrement tributaire des deux dernières communications (Philippe Mignot, Denis Henrotay et Frans Doperé). En conclusion, Jean­Marie Yante synthétisa l’apport combiné des historiens et des archéologues, dégagea les »acquis incontestables« de la journée d’étude et proposa de voir l’abbaye d’Orval comme une fondation de 1131, due à des cisterciens venus de Trois­Fontaines, dans un lieu n’ayant accueilli ni communauté bénédictine ni chapitre de chanoine régulier. N’en déplaise à Christian Grégoire, le colloque aura ainsi permis de mettre en évidence combien étaient minoritaires aujourd’hui les partisans de l’hypothèse d’une triple fondation d’Orval.
Si le colloque a permis »quelques avancées significatives« concernant les modalités de la fondation de l’abbaye d’Orval, nous regrettons qu’il se soit contenté de cette seule question de recherche. En effet, quelques réflexions liées aux causes mêmes de cette fondation – dont l’aspect atypique dans la Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
filiation de Trois­Fontaines fut d’ailleurs souligné à plusieurs reprises – auraient été particulièrement bienvenues. Espérons que Jean­Marie Yante entende notre appel et poursuive les réflexions initiées en juillet 2011. Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/