Le projet d`entreprise à but d`emploi comme révélateur de la
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Le projet d`entreprise à but d`emploi comme révélateur de la
Le projet d’entreprise à but d’emploi comme révélateur de la polysémie de l’emploi Jean-Pascal Higelé∗1 and Mathieu Béraud∗†1 1 Laboratoire lorrain de Sciences Sociales (2L2S) – Université de Lorraine : EA3478 – CLSH, 23 Bd Albert 1er 54000 Nancy, France Résumé Cette communication s’appuie sur l’observation en Meurthe-et-Moselle d’un dispositif expérimental de remise en emploi de chômeurs de longue durée, porté par ATD Quart Monde et intitulé ” l’emploi conçu comme un droit ”. Partant du constat que l’emploi est certes en crise mais que des besoins en travail existent d’une part et que les chômeurs porteurs de compétences sont disponibles d’autre part, ATD propose de repenser les modalités de la mise en emploi des chômeurs de longue durée. L’association inverse le diagnostic habituel en soulignant que le problème du chômage n’est pas l’employabilité des chômeurs mais l”’ employeurabilité ” des entreprises, c’est-à-dire la capacité des entreprises à se faire employeur. Dès lors, il faut créer les emplois correspondant aux aspirations et compétences des chômeurs de longue durée que le marché du travail n’offre pas. Pour cela ATD prévoit la création d’ ” entreprises à but d’emploi ” (EBE). Ces entreprises conventionnées seront les supports juridiques des emplois. Ces emplois en CDI seront construits sur mesure, en partant des projets imaginés par les chômeurs à la condition de ne pas venir concurrencer les emplois existants. Ils seront financés par réaffectation des budgets de prise en charge d’un chômeur de longue durée (allocations et couts annexes) estimés à l’équivalent d’un SMIC brut mensuel. L’objet de cette communication est de partir de cette expérimentation pour montrer la polysémie de la notion d’emploi et les contradictions que ces confusions de sens peuvent produire dans les pratiques d’accompagnement des chômeurs de longue durée. L’emploi a connu un processus de démarchandisation au long du 20ème siècle, mais l’objectif de lutte contre le chômage a conduit depuis 30 ans à rabattre l’emploi, dans les dispositifs et les pratiques d’accompagnement, à un contrat d’achat et de vente de travail sur le marché du travail qu’il faudrait faciliter en baissant son prix et par de la flexibilité. Cette (re)marchandisation du travail accroit sa soumission aux exigences des employeurs, relayées par les intermédiaires de l’emploi et de la formation. La proposition d’ATD Quart Monde est à contre-sens du mouvement de marchandisation du travail. Pourtant, elle mobilise le cadre cognitif de l’emploi pour penser l’accès au travail (au sens d’activité ayant une valeur économique). Le projet d’ATD est de faire travailler les personnes en se passant du marché du travail, jugé défaillant pour offrir à tous un emploi. Ce n’est pas la demande marchande qui crée l’emploi mais le projet porté par la personne au chômage. En somme l’association formule sous les traits du retour à l’emploi et des représentations et pratiques que cette expression draine, ce qui ressemble plutôt à un projet ∗ † Intervenant Auteur correspondant: [email protected] sciencesconf.org:jist2016:79933 de salaire ” inconditionnel ”. En observant les pratiques d’accompagnement, les modalités de mise en oeuvre du dispositif ”l’emploi conçu comme droit”, nous proposons d’interroger les formes d’institution du travail, dans l’emploi et dans ses formes concurrentes, et les contradictions qu’elles amènent.