Hypercalcémie chez le chien et le chat Chat/Chien
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Hypercalcémie chez le chien et le chat Chat/Chien
N 82 17/01/08 16:17 Page 11 Chat/Chien Hypercalcémie chez le chien et le chat SYNTHESE Du diagnostic au traitement L’hypercalcémie est une anomalie peu fréquemment observée dans la pratique quotidienne. Le polymorphisme du tableau clinique et l’interprétation délicate de la calcémie rendent parfois le diagnostic clinique difficile. Les causes sont nombreuses et il est facile pour le clinicien de se perdre dans les examens complémentaires sans pour autant parvenir systématiquement au diagnostic étiologique indispensable à un traitement adapté. Le métabolisme du calcium, intimement lié à celui du phosphore, est un mécanisme complexe faisant intervenir divers organes et hormones régulatrices. Ces deux ions sont absorbés par les entérocytes, stockés et libérés selon les besoins par les ostéocytes et les ostéoclastes du tissu osseux puis éliminés ou réabsorbés par le rein. Trois hormones interagissent pour assurer cette homéostasie phosphocalcique. Les hormones de l’homéostasie phosphocalcique Cendrine MORVAN Docteur vétérinaire Ancien interne ENVN Animaux de Compagnie Grenoble (38) [email protected] Ainsi une augmentation de la calcémie inhibe la synthèse du calcitriol et de la PTH et déclenche la libération de calcitonine. Il en résulte une réabsorption rénale du calcium, une stimulation de l’absorption entérocytaire et une ostéolyse. Le rétrocontrôle négatif qu’exerce le calcitriol sur les parathyroïdes renforce encore l’effet hypocalcémiant obtenu. A l’inverse, une baisse de la calcémie stimule les parathyroïdes et la synthèse de calcitriol entraînant l’élimination rénale du calcium ainsi qu’une ostéoprolifération (schéma 1). 1. Régulation du métabolisme calcique • Le calcitriol est la forme activée de la vitamine D après transformation par le foie puis le rein. Elle exerce son action hypercalcémiante et hyperphosphatémiante par l’intermédiaire de l’intestin et de l’os. • La parathormone (PTH), sécrétée par les parathyroïdes, est hypercalcémiante et hypophosphatémiante. Elle agit sur le rein en permettant une réabsorption active du calcium au niveau des cellules du tube contourné distal et en stimulant la synthèse de calcitriol. Elle agit également en association avec le calcitriol en provoquant une ostéolyse. • Enfin, la calcitonine, produite par la thyroïde, est hypocalcémiante et hyperphosphatémiante. Elle inhibe la réabsorption rénale du calcium et induit une ostéoprolifération. C’est la baisse ou l’augmentation de la calcémie et/ou de la phosphatémie qui déclenche la sécrétion des hormones concernées afin de rétablir rapidement l’équilibre par l’intermédiaire des organes régulateurs. os rein intestin os rein intestin Stimule la synthèse Inhibe la synthèse Ostéoprolifération, inhibition de la réabsorption Ostéolyse, réabosrption rénale, absorption intestinale Des symptômes peu pathognomoniques Les signes cliniques observables sont très variables puisque l’hypercalcémie entraîne une atteinte multiorganique. Le tableau pourra donc différer d’un animal à l’autre, les symptômes semblant même parfois très frustes dans certains cas. L’hypercalcémie est responsable d’une réduction de l’excitabilité neuromusculaire entraînant faiblesse musculaire, dépression et convulsions puis coma dans les cas extrêmes. Dosage du calcium sanguin : les modalités Le calcium existe sous 3 formes dans l’organisme : le calcium ionisé (56 %) qui représente la fraction biologiquement active, le calcium lié aux protéines plasmatiques (34 %) et le calcium chélaté (10 %). Il faut donc privilégier le dosage du calcium ionisé à celui du calcium total. Malheureusement celui-ci est peu disponible en pratique. Plusieurs formules tirées du modèle humain permettent d’approcher la valeur du calcium ionisé : Calcémie corrigée = Calcémie mesurée – (0,4x [Protéines Totales]) + 33 en est un exemple. Cependant il convient de rester très prudent dans l’interprétation de la calcémie corrigée. En effet, une étude publiée en 2005 par Schenk montre qu’il n’y a pas de corrélation entre les deux valeurs chez près d’un tiers des chiens sains et jusqu’à la moitié pour les chiens atteints d’insuffisance rénale chronique. Il semble que la corrélation soit correcte pour de haute valeur de calcémie mais médiocre pour les augmentations modérées. L’utilité du dosage concomitant des protéines totales n’est pas remise en cause mais les valeurs de calcémie corrigée obtenues doivent être soigneusement confrontées à la clinique pour limiter les erreurs d’interprétation. N°82 du 24 au 30 janvier 2008 11 N 82 18/01/08 11:40 Page 12 SYNTHESE La calcification des tissus mous est précoce et explique directement les signes observés : • Néphrocalcinose avec insuffisance rénale aigue ou chronique : PUPD/oligurie • Calcifications gastriques et ulcères : vomissements, hématémèse • Calcifications cardiaques à l’origine d’arythmies • Calcifications des muqueuses et de la peau Enfin, la calciurie peut être responsable d’atteinte du bas appareil urinaire et d’urolithiases rénales ou vésicales. Les signes cliniques classés en fonction de leur fréquence d’observation sont présentés dans le tableau 2. 2. Principaux signes cliniques observés chez le chien et le chat CHIEN D’après Elliot et Al : 40 cas (1991) Anorexie-Léthargie 88 % PUPD 68 % Vomissements 53 % Signes neuromusculaires 23 % Signes urinaires 0% Urolithiases 0% CHAT D’après Savary et Al : 71 cas (2000) Anorexie-Léthargie 70 % PUPD 24 % Signes urinaires 23 % Vomissements 18 % Urolithiases 15 % Signes neuromusculaires 0 % © C. MORVAN • Calcifications des muscles striés, des tendons et des ligaments : boiteries 1 Cytoponction à l’aiguille fine d’un nœud lymphatique préscapulaire hypertrophié chez un chien polyuropolydipsique : lymphome et hypercalcémie maligne. Coloration May Grunwald Meyer x 400. chien, le lymphome et les carcinomes épidermoïdes chez le chat. Le myélome est également souvent associé à une hypercalcémie dans les deux espèces. La PTHrP (Parathyroid Hormone-Related Protein) est le facteur le plus fréquemment mis en cause dans la physiopathologie de l’hypercalcémie maligne. Lors d’ostéosarcome ou de métastases osseuses l’ostéolyse massive contribue également à l’élévation de la calcémie (photo 2). Une fois le diagnostic clinique posé, il reste à mettre en place la liste d’hypothèses conduisant aux examens complémentaires. Les causes pouvant conduire à une hypercalcémie sont nombreuses et pour certaines mal connues. L’anamnèse et les commémoratifs doivent être précis et l’examen clinique particulièrement soigné pour restreindre la liste des hypothèses possibles et engager les examens les plus pertinents. L’hypercalcémie maligne est la plus fréquemment rencontrée. Presque tous les types tumoraux peuvent synthétiser des facteurs humoraux responsables d’une hypercalcémie mais certains doivent être recherchées en priorité : l’adénocarcinome des glandes apocrines des sacs anaux et le lymphosarcome (photo 1) chez le © C. MORVAN Diagnostic étiologique 2 Lésions ostéolytiques du radius et de l’ulna chez un chat. Les examens complémentaires nécessaires au diagnostic étiologique n’ont pu être effectués. Les examens complémentaires sont divers et orientés selon le résultat de l’examen clinique : examen des nœuds lymphatiques, radiographies thoracique et abdominale, échographie à la recherche d’une organomégalie, ponction de mœlle osseuse, etc. Les dosages hormonaux peuvent également être intéressants pour orienter le diagnostic : lors d’hypercalcémie maligne la PTH est fortement inhibée par la présence du N°82 du 24 au 30 janvier 2008 12 N 82 17/01/08 16:17 Page 13 Chat/Chien © C. MORVAN © C. MORVAN facteur PTHrP. La PTH peut être dosée à l’ENVL dans des conditions particulières de prélèvement et d’envoi. La méthode IRMA, utilisée chez l’homme pour doser la PTHrP, donne des résultats tout à fait satisfaisants chez le chien et le chat. Malheureusement, ce dosage n’est pas disponible en France. D’une manière générale le profil biochimique et hormonal peut, associé aux données de l’examen clinique, orienter le diagnostic vers une cause particulière. Le tableau 3 récapitule ces différents profils. L’hypoadrénocorticisme est pour certains auteurs la deuxième cause d’hypercalcémie en terme de fréquence mais l’incidence reste très variable d’une étude à l’autre. L’augmentation est le plus souvent modérée. Le diagnostic fait appel au ionogramme et au dosage du cortisol basal pour une première orientation puis à la stimulation surrénalienne par l’ACTH pour établir le diagnostic définitif. Lors d’insuffisance rénale chronique, l’animal est le plus souvent normocalcémique voire modérément hypocalcémique. Cependant, dans 10 à 15% des cas, une hypercalcémie modérée peut être observée. L’hyper-phosphatémie déclenchée par la baisse de filtration glomérulaire inhibe la synthèse de calcitriol entraînant une production accrue en PTH et par conséquent une hypercalcémie. Avec l’évolution des lésions rénales, la production en calcitriol devient très faible. Sans sa présence, le rétrocontrôle négatif qu’exerce habituel-lement l’hypercalcémie sur la production des glandes parathyroïdes est insuffisant. On parle alors d’hyper-parathyroïdisme secondaire. Dans de rares cas, les para-thyroïdes acquièrent même une activité complètement autonome. Ce phénomène est appelé hyperparathyroïdisme tertiaire. La découverte d’une insuffisance rénale chronique associée à une augmentation du calcium sanguin doit dans tous les cas éveiller l’attention du praticien : quel est le phénomène primaire ? L’IRC ou l’hypercalcémie ? Si c’est le second, le diagnostic étiologique reste encore à faire. L’hyperparathyroïdisme primaire correspond à une surproduction de PTH par des glandes parathyroïdes hyperplasiques ou néoplasiques. Cette atteinte, relativement rare, se traduit par une hypercalcémie importante. Le dosage de la PTH permet dans ce cas une première orientation. Une échographie des parathyroïdes voire une scintigraphie permettent de compléter le diagnostic. Les intoxications représentent une part importante des cas d’hypercalcémie. Les rodenticides à base de 3. Profils biochimique et hormonal observés dans les causes les plus fréquentes d’hypercalcémie Maladie Ca ionisé PTH PTHrP Néoplasie +++ +++ Hypoadrénocorticisme Nà+ NàIRC Nà+ +++ Hyperparathyroïdisme primaire ++ + à +++ Intoxication vitamine D ++ N : normal, - : faible, + à +++ : augmenté. cholécalciférol, le calcipotriol (Dovonex®/Daivonex®) utilisé pour le traitement du psoriasis, la supplémentation excessive en vitamine D chez les chiens de grande format et l’ingestion de raisin et raisins secs sont les principales causes d’intoxication rencontrées par le praticien. Hormis l’intoxication à la vitamine D dont l’évolution est plutôt chronique, les symptômes apparaissent généralement dans les 12 à 24 heures suivant l’ingestion et sont associés à une hypercalcémie marquée. Les maladies granulomateuses comme les mycobactérioses atypiques, les panniculites, les adénites granulomateuses ou encore la blastomycose peuvent entraîner par un mécanisme encore mal connu une hypercalcémie. De même, tous les phénomènes ostéolytiques non malins font partie des causes possibles : ostéomyélites, mycoses osseuses, ostéodystrophie hypertrophique. Un cas particulier doit également être mentionné : il s’agit de l’hypercalcémie idiopathique féline récemment décrite sans que les mécanismes soient aujourd’hui clairement élucidés. Il s’agit d’une hypercalcémie sans élévation de la PTH, de la PTHrP et du calcitriol et dont toutes les causes possibles ont été éliminées par les examens complémentaires classiques. Celle-ci est fréquemment associée à la présence d’urolithiases à oxalates de calcium. Des études sont actuellement en cours pour évaluer l’éventuel rôle de traitements diététiques acidifiants dans la pathogénie de la maladie. Un traitement symptomatique et étiologique Le traitement de la cause est la seule thérapeutique réellement efficace. Cependant, étant donnée les conséquences néfastes et définitives de l’hypercalcémie sur les organes vitaux, il est indispensable de mettre en place un traitement médical en complément du traitement étiologique, en attendant son effet ou encore lorsque aucun diagnostic n’a pu être posé. Les patients déshydratés, les valeurs supérieures à 160 mg/l, les augmentations brutales de la calcémie et N°82 du 24 au 30 janvier 2008 13 N 82 17/01/08 16:17 Page 14 Chat/Chien SYNTHESE les animaux présentant une intoxication aiguë doivent impérativement être perfusés. Le NaCl 0,9 % sera préféré au Ringer Lactate puisque l’élimination tubulaire du sodium s’accompagne d’une élimination de calcium. Une fois la déshydratation corrigée, le débit recommandé est de 1,5 à 2 fois le débit d’entretien. Lorsque la fluidothérapie est insuffisante, du furosémide à la posologie de 2 à 4 mg/kg toutes les 8 à 12 heures peut être administré. Les diurétiques thiazidiques ne doivent pas être utilisés en raison de leur effet hypercalcémiant. L’emploi des corticoïdes est à adapter à chaque cas dans la mesure où il peut rendre le diagnostic étiologique difficile par la suite. A la dose de 1 à 2 mg/kg toutes les 12 heures il réduit l’absorption calcique intestinale, la réabsorption rénale ainsi que l’activité ostéoclastique. Il peut être particulièrement intéressant de l’employer dans les lymphomes pour son action cytotoxique. Les biphosphonates permettent de réduire l’activité ostéoclastique. Le pamidronate (Aredia®) est celui pour lequel nous disposons du plus d’informations concernant son emploi chez l’animal. Utilisé en perfusion de NaCl 0,9 % sur 2 heures à la dose de 1,3 mg/kg, il permet de restaurer la calcémie en 30 heures en moyenne et est répétable toutes les 1 à 3 semaines. Malheureusement, il est à l’heure actuelle réservé à l’usage hospitalier et reste assez difficile à obtenir. L’alternative thérapeutique dont nous disposons est l’étidronate commercialisé sous le nom de Didronel®. Ce traitement est assez coûteux mais disponible sur simple ordonnance dans les pharmacies. La dose recommandée est de 5 à 15 mg/kg PO une à deux fois par jour deux heures après le repas. L’efficacité et les effets indésirables n’ont pas été évalués avec précision chez l’animal. Par précaution il est donc préférable de réaliser des contrôles de calcémie hebdomadaires afin d’ajuster au mieux la dose. De plus, chez l’homme, il est recommandé de ne pas dépasser un mois de traitement. La calcitonine de saumon est restée longtemps le seul traitement utilisé. Elle réduit l’activité ostéoclastique et augmente la calciurèse. Sa forme injectable la rend peu pratique d’utilisation et elle est assez coûteuse. La dose recommandée est de 4 à 6 UI/kg 2 à 3 fois par jour. L’efficacité est très variable d’un individu à l’autre. Le bicarbonate de sodium et la mithramycine sont également connus pour leurs propriétés hypocalcémiantes mais leur utilisation très délicate impose un monitoring important. Ils sont donc peu adaptés à l’utilisation chez l’animal ou bien dans des cas très particuliers et sous surveillance étroite. De nouvelles approches thérapeutiques sont actuellement à l’étude chez l’homme : blocage des canaux calciques, analogues non hypercalcémiants du calcitriol, inhibiteurs de la production de PTHrP… Ces traitements prometteurs pourraient à terme permettre une gestion plus efficace et plus sécurisée du traitement de l’hypercalcémie. L’hypercalcémie est donc une anomalie dont le diagnostic étiologique peut dans certains cas constituer un défi pour le praticien. Son traitement dans les plus brefs délais vise à limiter des calcifications irréversibles des tissus mous comme le cœur ou les reins. L’utilisation des molécules à la disposition des vétérinaires étant à l’heure actuelle encore mal connue, le traitement d’urgence repose sur la fluidothérapie associée ou non à une corticothérapie. Les biphosphonates semblent être par la suite une bonne alternative entre l’efficacité, le coût et la facilité d’administration. Cependant, l’animal doit rester sous surveillance étroite pendant toute la durée du traitement pour limiter les risques d’hypocalcémie. I Avec l’aimable relecture du Dr Odile SENECAT, maître de conférences, unité de Médecine de l’ENVN. BIBLIOGRAPHIE 1. BOLLIGER A.P. et Al: Detection of parathyroid hormone-related protein in cats with humoral hypercacemia of malignancy. Vet Clin Pathol. 2002; 31(1): 3-8. 2. ELLIOT JE., DOBSON J.M., HERTAGE M.E.: Hypercalcemia in the dog: a study of 40 cases. J small Anim Pract. 1991; 32(11): 564-571. 3. MIDKIFF A.M., CHEW D.J., RANDOLPH J.F., CENTER S.A., DI BARTOLA S.P.: Idiopathic hypercalcemia in cats. 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