Qu`attendons-nous d`une « TV locale

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Qu`attendons-nous d`une « TV locale
Centre d’Information et d’Education Populaire asbl
Chaussée de Haecht, 579
1030 - BRUXELLES
CP/mv/C.1.4/2005.06.03
Q u ’a tte n d o n s -n o u s d ’u n e « T V lo c a le » ?
La « Commission Culture » CIEP-MOC a pris connaissance de la Déclaration de
Politique Communautaire et en particulier de l’intention du gouvernement d’élaborer
un audit et un plan de financement pour le développement des télévisions locales et
d’y associer tous les niveaux de pouvoir. Lors de la création des TV locales, le
CIEP-MOC a voulu que celles-ci jouent un rôle important pour la vitalité de la
démocratie en assurant une présence significative des associations dans les lieux
de décision, et en promouvant une politique d’éducation permanente. Après une
trentaine d’années d’existence, où en est-on ? Qu’attendons-nous des TV locales
en 2005 ?
Nous pointons principalement :
1. L’information de la vie locale
Cette information ne doit pas être purement événementielle, mais doit développer la
compréhension et l’analyse critique. Nous pensons que cela nécessite :
‚ des efforts d’information pédagogique, donnant les informations de base nécessaires à la
compréhension et donc la promotion d’émissions allant au-delà des informations
immédiates ;
‚ l’explicitation des enjeux réels et collectifs des événements présentés : une situation
particulière n’a pas en soi de portée générale : il faut faire apparaître les dimensions
collectives des situations ;
‚ la valorisation de ce que font et de ce que disent les associations locales sur les
questions évoquées, au moins autant que le recours à d’autres acteurs (les personnes
impliquées, les experts, les acteurs politiques) : là encore, il ne suffit pas d’auditionner les
points de vue, mais il faut faire un travail d’éducation et d’analyse ;
‚ qu’à travers les événements relatés et leur analyse soient promues des valeurs
démocratiques : l’égalité, la lutte contre les exclusions et la pauvreté, le respect des
cultures différentes ;
‚ et donc d’éviter la limitation des programmes à un schéma « nouvelles-sport-publicité »,
tentant parce qu’assurant des moyens publicitaires et de l’audience, mais inapproprié par
rapport à un objectif de réelle information locale.
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2. Le développement culturel
Les télés locales présentent les événements culturels locaux et c’est souhaitable. Nous
souhaitons que cela se fasse avec une relative audace, en osant présenter des œuvres
culturelles et des acteurs culturels innovants, en évitant un certain conformisme culturel qui
se contenterait de valoriser ce qui est déjà bien connu. Il faut oser dépasser l’optique de
« l’agenda culturel » et de l’événement culturel pour faire percevoir ce qui est en jeu et
valoriser le pluralisme culturel.
Un travail doit aussi être développé pour faciliter la compréhension aux œuvres culturelles
même classiques.
Font également partie du développement culturel des activités ludiques à caractère culturel.
3. L’éducation permanente dans les télés locales
Des expériences ont été menées qui nécessitent d’être multipliées.
‚ La valorisation du processus même d’éducation permanente. Il est important de montrer
l’importance de la démarche d’éducation permanente : expression d’un vécu, découverte
de la dimension collective de celui-ci, croisement des savoirs pour approfondir les causes
et conséquences, choix de priorités d’action et mise en action effective. L’éducation… à
l’éducation permanente nécessite de valoriser la démarche au moins autant que les
résultats, pour faire ainsi percevoir que l’action politique peut être… et doit être le fruit de
l’action de chacun, principalement dans les milieux populaires. Il y a là un enjeu vis-à-vis
du public mais aussi vis-à-vis des journalistes eux-mêmes, enclins à limiter le politique
aux discours et actions des personnalités politiques.
Dans cette perspective, l’enjeu est de proposer à des journalistes des télés locales d’être
attentifs aux processus et de les valoriser dans leurs présentations.
‚ La construction et la préparation commune d’émissions : le règlement d’ordre intérieur de
certaines télé communautaires prévoit un quota d’émissions « communautaires », en fait
des émissions qui doivent permettre l’expression de groupes locaux. Notons ici la
nécessité de passer des conventions claires qui respectent le travail différent et
particulier des acteurs :
- les groupes en éducation permanente ne détiennent pas la maîtrise d’outils de qualité
pour mettre en œuvre une diffusion, mais peuvent expliquer « ce qui s’est passé et ce
qui se passe » : l’émergence d’une question, son analyse collective, la mise en action
du groupe ; ces groupes doivent jouer un rôle important dans la conception de
l’émission, le choix des interviews, le montage, etc.
- les journalistes professionnels ne font pas un travail d’éducation permanente ni
d’accompagnement du groupe, mais ils apportent leur compétences pour conseiller le
groupe, valoriser le processus et l’expliquer au public par des émissions de qualité.
4. La valorisation du rôle des associations
dans les TV locales
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a) Aspect institutionnel
Nous rappelons que le décret prévoit la présence d’au moins la moitié de représentants du
secteur associatif au C.A. des télés locales.
Nous soulignons la nécessité que ces représentants de l’associatif doivent effectivement
représenter des associations actives sur le terrain, en excluant des associations qui ne
seraient que des relais des représentants des pouvoirs publics. Enfin, il y a lieu de
revaloriser le rôle des comités de programmation, espace d’orientation et de contrôle
socioculturel des productions. Ceux-ci doivent être composés de représentants des
associations pour moitié au moins, et se réunir suffisamment fréquemment pour avoir une
influence réelle sur la programmation, pour décider du choix des émissions
communautaires, évaluer la qualité des émissions, veiller au pluralisme.
b) Aspect de contenu
Au-delà de cette présence institutionnelle, il faut assurer des moments de rencontre
régulière entre les responsables et les journalistes des TV locales d’une part, et les
responsables des associations d’autre part, pour échanger sur des projets à réaliser
(informations sur les associations, émissions communautaires).
5. Publicité
S’il existe des critères éthiques clairs excluant certains types d’émissions ou de messages
(pornographie, racisme, etc.), les critères légaux ne sont souvent pas suffisants pour justifier
des refus qui seraient pourtant indiqués.
Que faire devant une proposition financièrement plantureuse en faveur de produits
douteux ? Une formalisation des critères plus pointue ne sera pas d’une grande utilité.
L’impor-tant est de pouvoir débattre de critères éthiques, et de ne pas voir uniquement
l’intérêt financier.
La valorisation des produits locaux n’échappe pas davantage au débat nécessaire, qui
devrait de notre point de vue valoriser les qualités des produits, leur accessibilité financière,
leur contribution au développement durable. Le label de produit « local » n’est pas suffisant
en soi.
Le contrôle des temps, moments et contenus de ces publicités est évidemment
nécessaire. Nous souhaitons l’instauration de débats publics sur cette question et que des
procédures soient établies pour que ce contrôle soit effectif.
Il faut enfin attirer l’attention sur le risque de désinvestissement des pouvoirs subsidiants
que constitue l’accroissement sensible des recettes de type commercial.
6. Questions stratégiques
6.1 Zone de couverture – zone de diffusion
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Si la question des zones de couvertures (espace géographique dans lequel la télévision
locale réalise sa mission) ne pose pas de difficultés, la zone de diffusion (ou de réception)
fait l’objet de stratégies expansionnistes de certaines télés locales, espérant ainsi attirer
davantage d’annonceurs (ou des annonceurs plus puissants). Ceci devrait amener à
repenser la répartition de la masse publicitaire, en la régulant et en contrant la logique de
marché.
6.2 Financement des télés locales
Le constat est que les principes de financement (un forfait de base et des subventions en
fonction des différents critères dont le nombre de personnel et le temps de production) sont
une formalisation des résultats de l’histoire et non des principes de répartition justes. Nous
souhaitons que des débats aient lieu régulièrement sur les critères de financement et sur
leur application. En particulier, le nombre du personnel ne peut être un critère en soi, mais
bien la masse salariale nette, hors subsidiation.
Pour l’avenir, même si les subventions ont été augmentées, les défis technologiques
imposent une évolution rapide et l’affectation de matériel lourd et cher. La perspective doit
être de refuser la voie de la privatisation et d’obtenir davantage de moyens venant de
diverses sources (Région wallonne, Communauté française, Communes, Télédistributeurs,
Publicité commerciale) tout en garantissant l’autonomie rédactionnelle. Il faut aussi penser
à la coordination et à des rationalisations dans les investissements, même si nous
souhaitons maintenir la couverture de proximité qu’assure l’existence de 12 TV locales.
6.3 Rapports avec la RTBF
Le Décret veut favoriser les synergies entre RTBF et télés locales. De fait, des synergies
existent, mais dans un rapport inégalitaire, où la RTBF a tendance à ne concéder aux télés
locales que les événements mineurs, ou des prestations techniques qui, vu leur
connaissance du terrain, permettent un gain de temps et d’argent pour la RTBF. Il faut au
contraire souhaiter des synergies positives, telles que celles mentionnées par le Décret.
31 mai 2005.
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