Une brève histoire de l`image Michel Melot, L`Œil neuf, 2007, 137 p

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Une brève histoire de l`image Michel Melot, L`Œil neuf, 2007, 137 p
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Une brève histoire de l’image Michel Melot, L’Œil
neuf, 2007, 137 p., 14,90 euros.
Aude Seurrat
Communication & langages / Volume 2008 / Issue 156 / June 2008, pp 132 - 133
DOI: 10.4074/S0336150008042130, Published online: 11 March 2009
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Aude Seurrat (2008). Communication & langages, 2008, pp 132-133 doi:10.4074/
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LES LIVRES
nombre d’écrits ; le cinéma, objet de prédilection
de l’auteur pendant plusieurs années ; la télévision enfin, dont il est l’un des plus imminents
spécialistes à ce jour.
Le banal est appréhendé autour d’une série de
questions : est-il omniscient, à proscrire ou à
saisir comme transfiguration du réel ?
S’accorde-t-il avec la présence ou non de
l’auteur, avec la construction ou non d’un
récit ? Pour F. Jost, c’est le travail du plasticien
A. Warhol, grand amateur de télévision, qui
consacre le banal. L’artiste est présenté
comme un annonciateur, prenant les choses
pour ce qu’elles sont, rejetant la place de
l’auteur dans le geste artistique. En célébrant
ainsi A. Warhol, F. Jost entérine ce lien entre
art et médias qu’il souhaite offrir à son ouvrage.
Il se tourne ensuite vers l’écrivain G. Perec qui
abolît les frontières entre ce qui relève de la vie
et ce qui relève de l’art, saisissant les objets
dans leur capacité à nous faire toucher le
monde, rejetant le spectaculaire et les efforts
de narrativisation pour aller chercher de l’information dans des choses, des actes, dont le
sens semble saturé. L’univers familier, quotidien devient un prétexte à de multiples
opérations de l’esprit jusqu’à conduire au
développement de recherches scientifiques
portant sur l’étude de la quotidienneté
(M. de Certeau).
La banalité, mode d’appréhension du réel, est
aussi abordée comme une logique d’action
post-soixante-huitarde liée à la montée de
l’individualisme, au désir de se penser en
héros et de valoriser le romanesque de ses
expériences (A. Finkielkraut et P. Bruckner). Le
Nouveau Roman et certains travaux de
recherche (R. Barthes) qui s’inscrivent dans
ces logiques, insistent sur le rejet de la figure
de l’auteur, figure dépassée, dernier avatar du
mythe romantique de l’originalité.
Puis arrive la cyberculture et la télé-réalité qui
nous font passer du banal à la banalisation :
« nous sommes tous auteurs » et « l’idée même
d’auteur n’a plus de sens ». L’individu lambda
est progressivement valorisé pour lui-même. Il
est au centre des écrans, fier de lui et désireux
de montrer sa différence. Dans Loft Story, les
participants n’ont guère d’autres activités à
offrir que le spectacle de leurs besoins élémentaires. Pourtant, cela participe à un exercice
d’identification qui doit donner l’idée d’un nous,
d’une communauté qui éprouve et non d’un
public. Le (télé)spectateur est ainsi tiré vers le
haut, mue sur le registre de l’émotion. Loft
Story se donne comme le spectacle de la
réalité sans autre auteur que ses acteurs. Le
culte du banal ne relève alors plus d’un
processus d’individualisation mais d’un droit
communication & langages – n° 156 – Juin 2008
revendiqué des téléspectateurs à se regarder
vivre.
MICHAEL BOURGATTE
UNE BRÈVE HISTOIRE DE L’IMAGE
MICHEL MELOT, L’Œil neuf, 2007, 137 p., 14,90 euros.
Dans Une brève histoire de l’image, Michel
Melot parcourt l’histoire de l’image des dessins
préhistoriques aux images numériques. Des
grottes aux temples, des temples aux galeries
d’art, des galeries d’art à nos écrans d’ordinateurs, l’ouvrage visite une série d’histoires
imbriquées : l’histoire de la gravure, de l’imprimerie, de la photographie, du cinéma etc.
L’ancien directeur du département des
Estampes et de la Photographie de la BNF puis
directeur de la BPI du Centre Pompidou nous
livre une multitude d’informations mais aussi de
réflexions sur nos rapports aux images. En neuf
chapitres, ce petit ouvrage nous propose une
brève histoire de l’image, mais une histoire
dense et réflexive.
Dans la lignée de la médiologie, l’auteur insiste
sur l’importance des conditions de production
de l’image et montre en quoi l’apparition de
nouvelles techniques a pu transformer nos
rapports à l’image et, parallèlement, comment
une tradition culturelle accueille et se saisit
d’une innovation technique. Il explique, notamment, comment avec l’imprimerie, l’image
devient illustration ; en quoi, avec l’invention de
la photographie « l’image d’art, tableau, dessin,
estampe, libérée de toute règle liée à un ordre
figé du monde, devenait le terrain de batailles
symboliques, et un puissant marqueur social ».
Ainsi, à ceux qui veulent enfermer l’image dans
une grammaire, en proposer des conditions de
traduction, l’auteur répond qu’il faut au
contraire « remonter le courant des sens »,
« comprendre les images, ce n’est pas les
déchiffrer comme des rébus, c’est d’abord,
reconnaître qu’il s’agit d’un artifice, et
qu’aucune image n’est jamais tombée du ciel.
C’est comprendre ce que cache l’image, à
travers ce qu’elle montre. »
Chaque époque a ses iconoclastes et ses
iconodules et « si l’image suscitait, et suscite
encore, tant de réticences, c’est qu’elle est
indocile ». Loin de réduire l’image à un code,
Michel Melot nous invite à réfléchir à l’articulation entre le technique, le social et le symbolique. Cette volonté de prendre en compte
toutes les dimensions qui entrent en jeu dans
nos rapports à l’image, l’amène à critiquer un
certain nombre de croyances sur celle-ci. Il
explique, entre autres, que la théorie du reflet
réduit l’image à une simple trace de la réalité
sociale alors que celle-ci joue un rôle actif en
contribuant à la construire ou à la faire évoluer.
Il souligne également le fait qu’un certain
LES LIVRES
nombre de critiques sur l’image s’attaquent à
l’image au lieu de se questionner sur la réalité
sociale.
Ce parcourt à travers l’histoire ne se réduit pas
à la connaissance du passé de nos images, il
participe pleinement à la compréhension de
nos rapports actuels aux images. L’auteur
explique que « jamais les mythes de l’image
n’auront été aussi forts qu’à l’heure où nous
croyons en avoir maîtrisé les techniques ».
Puisque la crise de la représentation est aussi
vieille que l’image, la prolifération contemporaine des images multiplie les débats et pose,
notamment, la question épineuse du droit à
l’image : « le propriétaire d’une image est-il son
auteur, ou l’auteur de son de son modèle, ou
encore le propriétaire du modèle, à moins que
ce ne soit le propriétaire du support de cette
image, collectionneur ou marchand ? ».
Dans Une brève histoire de l’image, Michel
Melot nous propose une réflexion sur l’histoire
de l’image dans toutes ses dimensions : techniques, plastiques, sociales, culturelles… Or,
cette approche nous semble essentielle car, à
l’heure ou l’on parle de dématérialisation, il nous
invite à repenser les conditions techniques de
production des images. À l’heure des utopies
sur la révolution numérique, il nous invite à
repenser nos rapports à l’image dans une perspective diachronique essentielle pour sortir des
pensées messianiques ou apocalyptiques.
Enfin, afin de poursuivre le fil de cette brève
histoire, l’auteur présente en fin d’ouvrage une
bibliographie commentée qui permettra au
lecteur d’étayer sa réflexion sur les
nombreuses pistes proposées par le livre.
AUDE SEURRAT
LE LIVRE ET L’ÉDITEUR
ÉRIC VIGNE , Klincksieck, collection « 50 questions »,
2008, 179 p., 15 € .
Directeur de la « NRF Essais », chez Gallimard,
depuis 1988, Éric Vigne traque le champ des
recherches menées en sciences sociales,
morales et politiques, et il a su réunir dans sa
collection un ensemble d’ouvrages clefs. Il est
ainsi bien placé pour discerner aussi les
travers des éditeurs qui surmultiplient à foison
leurs titres, et qui occupent de ce fait, dans la
presse télévisuelle et écrite ainsi que dans les
points de vente, un terrain grandissant. Mais
l’éditeur existe-t-il ?, s’interroge Vigne ; car
comment comparer José Corti, quasiment seul
dans sa librairie, avec Hachette qui lance
255 millions de livres par an, et que l’on nomme
tous deux des éditeurs… Les points de vente
aussi appellent de semblables oppositions, car
on ne saurait établir un même statut pour les
ouvrages destinés aux têtes de gondole des
supermarchés et pour ceux qu’accueilleront
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les rayons d’un excellent libraire spécialisé, qui
sélectionne ses livres en un seul exemplaire.
Même leur typographie et leur graphisme, voire
l’illustration des couvertures diffèrent. Ajoutons
qu’il y aurait là matière à une passionnante
étude, mais d’une rentabilité si aléatoire qu’elle
ne verra pas le jour en édition papier ; seule
son informatisation, en lien avec une grande
bibliothèque, la rendrait possible. L’université
est également remise en cause par l’auteur,
car le raccourcissement des temps consacrés
à la recherche, à la réflexion, comme à l’écriture des thèses rendent très peu innovant son
apport éditorial. On le sait dans les deux grands
groupes, Hachette et Editis, dont les catalogues
ne leur accordent qu’une place infime. Seul
Belin, par son chiffre d’affaires, s’affirme
premier éditeur scolaire et universitaire indépendant, mais seulement en vingt-septième
position du classement des éditeurs français
(source : Livres-Hebdo).
Reprenons le cours de l’histoire du livre. Depuis
le début de la « commercialisation » du livre (au
sens où l’entend Vigne), qui s’étendit jusqu’au
milieu du XVIIIe siècle, le rôle de l’imprimeur se
confondait encore avec celui de l’éditeur ;
tandis que la seconde phase, qui prit naissance
entre 1820 et 1880, correspondit à un temps où
s’affirmèrent de vraies politiques éditoriales,
premiers choix affirmés entre les savoirs et
d’autres champs de l’esprit ou de l’imaginaire.
Aujourd’hui la situation de l’édition a-t-elle
empiré ? Oui, car pour commencer par la
fiction, la production de romans notamment
s’avère en augmentation exponentielle chaque
année. « Ce qui ramène pour finir les rubriques
de livres à de tristes calcomanies des programmations télévisuelles où tout se discute, rien ne
se perd, tout se vend, rien ne se retient. » Il en
est de même dans le domaine des essais : si un
auteur franchit l’anonymat, il devient un individu sur qui miser. Existe-t-il une censure
économique ? Oui, mais elle est bien plus insidieuse qu’il n’y paraît, car les choix, les engagements de l’éditeur (sauf pour les ouvrages
d’érudition ou les œuvres spécialisées) devront
aussi prendre en compte le marché de la
grande diffusion, et ce calcul infléchira toute
prise de décision. Plus que jamais l’éditeur se
doit d’analyser la profitabilité de la distribution,
car celle-ci est parallèlement jugée sur ses
propres résultats financiers. Ainsi Éric Vigne
prédit que « les groupes pratiqueront tendanciellement la monoculture intensive ». Notre
auteur dirigeant une collection d’essais, il eut
été paradoxal qu’il ne consacre pas une longue
réflexion à ce domaine éditorial auquel il est
passionnément attaché. Là, sa lucidité
s’aiguise, quelle volée de bois vert. Qui vaut
bien celle qu’il a donnée à la littérature. Pourtant, note-t-il, l’examen du catalogue Gallimard
pendant près d’un demi-siècle prouve que
communication & langages – n° 156 – Juin 2008