Julien Marie-Pierre, Rosselin Céline, Le sujet contre les

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Julien Marie-Pierre, Rosselin Céline, Le sujet contre les
Communication & langages
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Julien Marie-Pierre, Rosselin Céline, Le sujet
contre les objets… tout contre – ethnographies de
cultures matérielles, (dir.), 2009, Éditions du
Comité des travaux historiques et scientiques,
Coll. « Orientations et méthodes », 300 pages
Camille Jutant
Communication & langages / Volume 2010 / Issue 166 / December 2010, pp 181 - 182
DOI: 10.4074/S0336150010014122, Published online: 05 January 2011
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Camille Jutant (2010). Communication & langages, 2010, pp 181-182 doi:10.4074/
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LES LIVRES
On peut toutefois regretter que les analyses
portent uniquement sur l’espace discursif, c’està-dire qu’à aucun moment n’est pris en compte
l’en-dehors du discours, son contexte matériel,
mais cela fait partie du postulat de départ du
recueil de contributions. Le travail fourni offre
ainsi dans le domaine qu’il a circonscrit une
analyse complète de la complexité à l’œuvre dès
lors, le chercheur se penche sur les interrelations
entre les notions d’identité, de sujets et de scène
sociodiscursive.
L’intervention de de Lourdes Berruecos se propose de traiter ces questions appliquées à la
vulgarisation scientifique en tant « qu’espace de
rencontre entre plusieurs visions du monde »
(p. 147). La question posée est alors la suivante :
entre le scientifique et le journaliste, qui énonce ?
Qu’il y ait construction de l’identité dès qu’il
y a communication est un postulat largement
énoncé dans cet ouvrage. Au-delà de l’intérêt
évident pour les sciences de l’information et de
la communication d’étudier l’identité au prisme
de ces situations interactionnelles discursives,
les interventions permettent aussi d’envisager
des méthodologies de ces approches. Que ce
soit au niveau de l’individu parlant ou de la
scène discursive, on peut trouver ici un panel
d’exemples référents pour analyser cette question de l’identité à partir d’une grande variété
d’objets d’études.
CAMILLE ZÉHENNE
LE SUJET CONTRE LES OBJETS. . . TOUT CONTRE
– ETHNOGRAPHIES DE CULTURES MATÉRIELLES
JULIEN, Marie-Pierre, ROSSELIN, Céline (dir.),
2009, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, Coll. « Orientations et
méthodes », 300 pages
Depuis sa fondation, en 1993, le groupe Matière
à Penser (MàP) réunit plusieurs anthropologues
qui interrogent le rapport entre les hommes
et leurs objets. Trois grandes hypothèses de travail ont guidé la réflexion de ces chercheurs qui,
au gré de rencontres et colloques organisés entre 1993 et 2001, ont publié des ouvrages collectifs
sur la question du lien entre l’anthropologie
et la culture matérielle : d’une part, « entre
l’homme et la matière s’interpose l’espace du
corporel et du gestuel » (p. 10), d’autre part,
revisitant l’expression de Marcel Mauss, « toute
“technique du corps” est une technique d’objet
car il n’existe pas d’action humaine qui ne
s’appuie sur de la matière ou des objets » (p. 11)
et enfin, « dans chacune de leurs actions, les
sujets agissants sont engagés à la fois dans
des techniques d’objets et des techniques de
soi, considérées comme une des modalités de
la “subjectivation” » (p. 11). L’ouvrage Le sujet
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contre les objets. . . explore précisément cette
dernière hypothèse qui consiste à interroger non
seulement le geste en prise sur la matière mais
surtout le retour de cette action exercée en
direction des objets, sur le sujet lui-même. Les
auteurs proposent ainsi une réflexion sur la façon
dont cultures motrices et cultures matérielles
s’articulent dans la construction du sujet.
La première partie de l’ouvrage ancre, avec
Nicoletta Diasio, Marie-Pierre Julien, Céline
Rosselin et Jean-Pierre Warnier, les propositions du groupe MàP dans une discussion
théorique sur les héritages de l’ethnologie
et plus généralement des sciences sociales. Les
concepts clés sont exposés et débattus, à partir
d’un cadre théorique qui examine les textes
de Mauss, Leroi-Gourhan, Lacan, Foucault, mais
aussi l’anthropologie cognitive anglo-saxonne ou
encore la sociologie de l’innovation. La notion
d’incorporation par exemple qualifie le rapport
qui se construit entre le sujet et l’objet pris dans
l’action. Elle engage une relation dynamique au
cours de laquelle le sujet et l’objet se façonnent
mutuellement. Elle permet ainsi de reposer le
débat autour de la notion de sujet et de subjectivation. Les auteurs proposent, avec la psychanalyse, de penser un sujet essentiellement divisé,
corps agissant et partageant avec les autres des
cultures matérielles et motrices. À ce titre, les
concepts foucaldiens de « techniques de soi »,
de dispositifs et de « gouvernementalités » sont
mobilisés pour penser l’articulation entre corps,
pouvoir et objets, et asseoir l’hypothèse que la
culture matérielle médiatise « des gouvernementalités subjectivantes qui, en s’adressant au sujet
par son corps, s’adressent au sujet-et-ses-objets
dans l’action » (p. 106).
La deuxième partie de l’ouvrage présente des cas
d’études ethnographiques qui illustrent différemment le processus d’incorporation d’objets dans
l’action et qui démontrent la place qu’elle occupe
dans la construction du sujet. On apprend avec
Agnès Jeanjean (« Corps en chantier ») et Joël
Candau (« Expérience sensorielle, subjectivation
et partage. . . ») comment un environnement de
travail comme les égouts ou encore les salles
d’autopsie engage un rapport à des matières qui
réorganisent les façons de parler et les façons
de se penser, notamment de se représenter
son propre corps pour les ouvriers des BTP ou
de développer des « métatechniques » et des
connaissances infra-conscientes autour d’un
savoir-faire olfactif partagé entre médecins
légistes. Myriem Naji (« La formation de féminités
à travers le tissage dans le Sirwa (Maroc) »)
propose de mettre en tension apprentissage,
technique et expérience corporelle des
tisseuses pour montrer comment le processus
d’incorporation participe de la construction de
l’identité féminine mais aussi d’un espace social
où se distribuent les rapports entre l’homme
communication & langages – n◦ 166 – Décembre 2010
182
LES LIVRES
et la femme. Avec Jean-Luc Jamard (« Pour une
anthropologie de l’”erreur”. . . ») on interroge,
dans une démarche comparative, le lien entre
l’interprétation de l’erreur et l’expérience
technique qui rend compte d’une articulation
féconde entre façons de découper le monde
et subjectivisation. François Hoarau (« la
communauté Emmaüs de Besançon. . . ») invite
quant à lui à revisiter le rapport entre réseau
d’action et espace social en montrant que le
« ramassage » des objets encombrants implique
des rapports aux objets et aux autres membres
de la communauté qui ne sont pas toujours
analysables à partir des découpages identitaires
classiques des sciences sociales.
L’ouvrage est présenté par ses auteurs comme
un « manifeste ». Ils exhortent les sciences
sociales et l’ethnologie à mettre la matière, ainsi
que les subjectivités, au cœur de leur analyse
communication & langages – n◦ 166 – Décembre 2010
et à interroger profondément la nature du rapport
entre l’homme et les objets qui l’entourent. À
partir de ce chassé-croisé entre savoir-faire
et savoir-être, ce sont les notions classiques
de l’ethnologie, de culture, de transmission
des savoirs, d’expertise qu’il est possible de
requestionner. C’est en réalité une proposition de
dialogue d’une grande richesse que ce manifeste
ouvre en direction des autres disciplines qui
pensent le rapport de l’homme à son environnement matériel. Les sciences de l’information
et de la communication qui réfléchissent notamment au rapport signifiant entre l’individu
et les dispositifs de communication, en tant
que réalités matérielles et historiques, figurent
en bonne place au rang des interlocuteurs
potentiels.
CAMILLE JUTANT

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