de jurisprudence administrative
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chronique de jurisprudence administrative Jean-Luc PISSALOUX Professeur à l’Université de Bourgogne ACTES ADMINISTRATIFS Actes administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Motivation - Substitution de motifs devant le juge administratif - Conditions de la substitution de motifs - Décision administrative dont la légalité est subordonnée à la satisfaction de plusieurs conditions par le bénéficiaire de cette décision - Administration ayant omis de vérifier le respect d’une des conditions à la date de sa décision - Possibilité de faire valoir devant le juge que la condition était remplie CE, 27 septembre 2006, Pillods req. nº 278563 (décision mentionnée aux Tables du Recueil Lebon) [extraits] Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 5125-3 du Code de la santé publique : « Les créations, les transferts et les regroupements d’officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d’accueil de ces officines. / Les créations, les transferts et les regroupements d’officines de pharmacie ne peuvent être effectués que dans un lieu qui garantit un accès permanent du public à la pharmacie et permet à celle-ci d’assurer un service de garde satisfaisant » ; qu’aux termes de l’article L. 5125-14 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : « A l’exception des cas de force majeure constatés par le représentant de l’Etat dans le département, ou si ces officines sont dans l’impossibilité de se conformer aux conditions minimales d’installation telles qu’elles figurent dans le décret prévu à l’article L. 5125-32, peuvent obtenir un transfert : (...) – les officines situées dans une commune d’au moins 2 500 habitants et de moins de 30 000 habitants où le nombre d’habitants par pharmacie est égal ou inférieur à 2 500 ; (...) / Ce transfert peut être effectué : – au sein de la même commune (...) » ; Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que le transfert d’une officine pharmaceutique au sein d’une commune de plus de 2 500 et de moins de 30 000 habitants est subordonné à la condition que, d’une part, le nombre d’habitants par pharmacie dans la commune soit égal ou inférieur à 2 500 et que, d’autre part, ce transfert permette de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d’accueil ; Considérant, d’autre part, que l’Administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu’ainsi, lorsque la légalité d’une décision administrative est subordonnée à la satisfaction de plusieurs conditions et que l’Administration a omis d’examiner l’une de ces conditions au cours de la procédure administrative, elle peut faire valoir pour la première fois devant le juge de l’excès de pouvoir le motif tiré de ce que cette condition était, en réalité, remplie à la date de la décision attaquée ; qu’il appartient alors au juge, après avoir mis l’auteur du recours à même de présenter ses observations sur ce nouveau motif, de rechercher si celui-ci, combiné à celui qui avait été retenu initialement, est de nature à fonder légalement la décision ; que dans l’affirmative, le juge peut écarter le moyen tiré de l’erreur de droit qu’aurait commise l’Administration en s’abstenant d’examiner l’une des conditions légales de la décision, sous réserve que le défaut d’examen de cette condition n’ait pas privé l’intéressé d’une garantie procédurale ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’après avoir énoncé que la légalité de la décision de transfert d’officine pharmaceutique attaquée était subordonnée au respect des conditions posées respectivement par les articles L. 5125-3 et L. 5125-14 du Code de la santé publique, et après avoir constaté que l’Administration avait pris cette décision sur le seul fondement du second de ces articles sans vérifier si les conditions posées par le premier étaient remplies, la Cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit en jugeant que le ministre ne pouvait utilement soutenir devant le juge que ces conditions étaient satisfaites ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, Mme Pillods est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; Considérant qu’il y a lieu, pour le Conseil d’Etat, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative ; Considérant qu’il est constant que le préfet du Doubs s’est fondé, pour prendre la décision attaquée, sur la seule circonstance que, dans la commune de Montbéliard, le nombre d’habitants par officine était, à la date de cette décision, inférieur à 2 500 ; que, toutefois, devant le juge de l’excès de pouvoir, l’Administration soutient en outre que le transfert autorisé permettait, à la date de la décision attaquée, de satisfaire de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d’accueil ; Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la date de la décision attaquée, l’officine transférée dans le centre commercial situé dans la zone d’aménagement concerté du Pied-desGouttes à Montbéliard pouvait utilement approvisionner, en premier lieu, la population résidente et saisonnière de ce quartier, en deuxième lieu, les habitants de zones résidentielles comme celles des Grands-Cantons, de Pezolle et du Grand-Chenois, proches de la zone d’aménagement concerté du Pied-des-Gouttes et dépourvues de pharmacie, et, en troisième lieu, une partie des quartiers de la Grande et de la PetiteHollande et des Portes-du-Jura, auxquels la zone d’aménagement concerté du Pied-des-Gouttes était reliée par un nombre croissant de voies de communication ; qu’ainsi, la décision attaquée répondait à la condition de satisfaction optimale des besoins en médicaments de la population du quartier d’accueil posée par l’article L. 5125-3 du Code de la santé publique ; que cette décision satisfaisait donc aux deux conditions de légalité posées respectivement par les articles L. 5125-3 et L. 5125-14 du même code ; que, dans ces conditions, Mme Pillods est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé l’arrêté du 26 juillet 2000 du préfet du Doubs l’autorisant à transférer son officine pharmaceutique ; (...). Note Désormais, depuis le revirement jurisprudentiel opéré par l’arrêt de section Mme Hallal (CE, sect., 6 février 2004, Rec. p. 48, RFDA 2004, concl. I. de Silva ; cet arrêt a fait l’objet de 169 chronique de jurisprudence administrative nombreux commentaires, voir notamment : chron. Donnat et Casas, AJDA 2004, p. 436 ; note Chabanol, DA 2004, nº 51 ; V. Tchen, JCP A 2004, 1154 ; D. Linotte et J.-L. Pissaloux, La Gazette du Palais, nos 12 et 13, 12-13 janvier 2005), l’Administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Ce revirement, qui était prévisible depuis l’entrée en vigueur de la loi du 8 février 1995 et très largement attendu, n’en est pas moins très encadré par le Conseil d’Etat. En premier lieu, à la différence de la substitution de base légale (cf. CE, sect., 3 décembre 2003, Préfet de la Seine-Maritime, AJDA 2004, p. 202), la substitution de motifs ne peut avoir lieu d’office. Elle suppose, en deuxième lieu, un débat contradictoire : comme l’a souligné l’arrêt Mme Hallal, le juge doit « avoir mis à même l’auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée », en d’autres termes sur le nouveau motif allégué ; l’arrêt Mme Hallal a encore précisé que le juge « peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu’elle ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale liée au motif substitué ». Enfin, en troisième lieu, à supposer même que le motif substitué – c’est-à-dire le nouveau motif allégué – soit « de nature à fonder légalement la décision », le juge de l’excès de pouvoir doit « apprécier s’il résulte de l’instruction que l’Administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif ». La Haute Juridiction a donc su poser des garde-fous pour écarter les motifs invoqués a posteriori afin d’essayer de « sauver » au niveau contentieux une décision mal motivée. L’arrêt Pillods du 27 septembre s’inscrit parfaitement dans le prolongement de la jurisprudence Mme Hallal : il peut en effet être présenté comme une variation de la substitution de motifs. Dans le considérant qui reprend les conditions posées par l’arrêt Mme Hallal pour procéder à une substitution de motifs, le Conseil d’Etat insère en effet ce qui constitue l’innovation de l’arrêt : « lorsque la légalité d’une décision administrative est subordonnée à la satisfaction de plusieurs conditions et que l’Administration a omis d’examiner l’une de ces conditions au cours de la procédure administrative, elle peut faire valoir pour la première fois devant le juge de l’excès de pouvoir le motif tiré de ce que cette condition était, en réalité, remplie à la date de la décision attaquée ». En d’autres termes, la réalisation d’une condition légale que l’Administration avait à tort omis d’examiner est assimilée à un nouveau motif susceptible d’être invoqué pour la première fois devant le juge administratif. Cette substitution est donc possible lorsqu’une décision administrative est subordonnée à la réalisation de plusieurs conditions légales. Ce qui était effectivement le cas en l’espèce. Le 170 Code de la santé publique subordonne en effet le transfert d’une officine pharmaceutique au sein des communes de moins de 30 000 habitants à la double condition que le nombre d’habitants par pharmacie dans la commune soit égal ou inférieur à 2 500 et que le transfert « permette de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d’accueil » ; par conséquent, lorsque le préfet autorise le transfert en n’examinant que l’une des deux conditions, il commet une erreur de droit dans la mesure où il ne vérifie pas la réalisation de l’autre condition (CE, 28 avril 2006, Min. Solidarités c/ Hickel, req. nº 279893). Aussi, avant l’arrêt Pillods, cette erreur de droit entraînait l’annulation de la décision, et l’autorité administrative était une nouvelle fois saisie du dossier et devait apprécier si la condition initialement non vérifiée était ou non remplie. Désormais, avec l’arrêt Pillods, l’Administration peut faire valoir devant le juge administratif qu’à la date à laquelle elle a pris la décision contestée, la condition qu’elle avait omis d’examiner était bien satisfaite, ce qui a pour effet de régulariser sa décision et d’éviter l’annulation de celle-ci. Les conditions de mise en œuvre de la substitution de motifs dans l’hypothèse de l’exigence de plusieurs conditions légales sont identiques à celles posées par l’arrêt Mme Hallal (cf. supra) : en particulier, cette substitution ne saurait priver l’intéressé d’une garantie procédurale, notamment lorsque la condition légale implique une procédure contradictoire ou la saisine d’un organe représentatif des intérêts de la personne concernée. Les effets de la substitution sont également les mêmes identiques : la décision administrative est a posteriori régularisée, et le recours contentieux est rejeté. Actes administratifs - Disparition de l’acte - Retrait - Retrait des actes créateurs de droits Conditions du retrait - Retrait d’une décision implicite d’acceptation possible en présence d’un recours pour excès de pouvoir contre cette décision - Circonstances sans incidence Absence de mesure d’information des tiers - Expiration du délai de deux mois mentionné au 2º de l’article 23 de la loi du 12 avril 2000 CE, avis, 12 octobre 2006, Mme Cavallo, épouse Cronier req. nº 292263 (avis publié au Recueil Lebon) Vu, enregistré le 11 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le jugement du 7 avril 2006 par lequel le tribunal administratif de Nice, avant de statuer sur la demande présentée par Mme Josiane Cavallo, épouse Cronier tendant à l’annulation de la décision du 3 mai 2002 par laquelle le maire de la commune de Pégomas a retiré le permis de construire tacite qu’elle avait obtenu le 6 novembre 2001, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’Etat en soumettant à son examen la question suivante : un recours contentieux formé par un tiers, à l’encontre d’une décision implicite d’acceptation, après l’expiration du délai de deux mois mentionné au 2º de l’article 23 de la loi nº 2000-321 du 12 avril 2000, est-il susceptible de permettre à l’auteur de l’acte de procéder à son retrait pendant la durée de l’instance, conformément au 3º dudit article ? Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi nº 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ; Vu le Code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : – le rapport de M. Pierre-Antoine Molina, maître des requêtes, – les conclusions de M. Yves Struillou, commissaire du Gouvernement ; Rend l’avis suivant : Aux termes de l’article 23 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs rapports avec les administrations : « Une décision implicite d’acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l’autorité administrative : 1º Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d’information des tiers ont été mises en œuvre ; / 2º Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu’aucune mesure d’information des tiers n’a été mise en œuvre ; / 3º Pendant la durée de l’instance au cas où un recours contentieux a été formé » ; Il résulte de l’économie générale de cet article que son 3º permet à l’Administration de retirer, pour illégalité, une décision implicite d’acceptation, que des mesures d’information des tiers aient été ou non mises en œuvre à la suite de l’intervention de cette décision, dès lors que l’annulation de cette décision a été demandée au juge, et tant que celui-ci n’a pas statué. Par suite, alors même qu’aucune mesure d’information des tiers n’aurait été mise en œuvre, le retrait de la décision attaquée est possible après l’expiration du délai de deux mois mentionné au 2º de l’article 23, dès lors qu’un recours contentieux a été formé ; Le présent avis sera notifié à Mme Josiane Cronier, au président du tribunal administratif de Nice, à la commune de Pégomas et au ministre des Transports, de l’Equipement, du Tourisme et de la Mer et publié au Journal officiel de la République française. Copie en sera adressée pour information au chef de la mission permanente d’inspection des juridictions administratives. Note Par un jugement du 7 avril 2006, le tribunal administratif de Nice, avant de statuer sur la requête de Mme Josiane Cavallo, épouse Cronier, et tendant à l’annulation de la décision du 3 mai 2002 par laquelle le maire de la commune de Pégomas a retiré le permis de chronique de jurisprudence administrative construire tacite qu’elle avait obtenu le 6 novembre 2001, a soumis, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative, la question suivante au Conseil d’Etat : « un recours contentieux formé par un tiers, à l’encontre d’une décision implicite d’acceptation, après l’expiration du délai de deux mois mentionné au 2º de l’article 23 de la loi nº 2000-321 du 12 avril 2000, est-il susceptible de permettre à l’auteur de l’acte de procéder à son retrait pendant la durée de l’instance, conformément au 3º dudit article ? ». Le retrait des décisions implicites d’acceptation est régi par l’article 23 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs rapports avec les administrations (dite « loi DCRA »), aux termes duquel : « Une décision implicite d’acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l’autorité administrative : 1º pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d’information des tiers ont été mises en œuvre ; 2º pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsque aucune mesure d’information des tiers n’a été mise en œuvre ; 3º pendant la durée de l’instance au cas où un recours contentieux a été formé ». La question soumise par le tribunal administratif de Nice revenait donc à s’interroger sur le caractère compatible ou au contraire exclusif des alinéas 2 et 3 de l’article 23 de la loi du 12 avril 2000 : le 3º de cet article 23 s’appliquet-il aux décisions implicites d’acceptation visées par le 2º, c’est-à-dire aux décisions pour lesquelles aucune mesure d’information des tiers n’a été mise en œuvre, ou bien au contraire, le 2º de l’article 23 doit-il être appliqué indépendamment du 3º ? Comme l’a fait observer dans ses conclusions le commissaire du Gouvernement, M. Yves Struillou, l’article 23 peut faire l’objet de plusieurs lectures : « – selon une première lecture, le 3º ne s’appliquerait pas aux décisions visées au 2º ; – selon une deuxième lecture, le 3º ne s’appliquerait pas aux décisions visées au 1º ; – selon une troisième lecture, le 3º s’appliquerait à la fois aux décisions visées par les 1º et 2º, c’est-à-dire à l’ensemble des décisions implicites d’acceptation ; – selon une quatrième et dernière lecture, le 3º devrait être combiné avec le 1º et le 2º. » C’est la troisième lecture proposée par M. Struillou qui a été retenue par l’avis du 12 octobre 2006. Cette solution apparaît légitime à un double point de vue : en premier lieu, elle est conforme au texte de l’article 23 ; en second lieu, elle est aussi conforme à l’objectif du législateur de 2000. L’article 23 distingue en vérité trois hypothèses : la première vise les cas où des mesures d’information des tiers ont été mises en œuvre, et la période de retrait est alors définie par rapport au délai de recours contentieux, qui court à compter de l’accomplissement des mesures d’information des tiers ; la deuxième renvoie aux cas où aucune mesure d’information des tiers n’a été mise en œuvre, la période de retrait est dès lors de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision ; la troisième, enfin, vise le cas où un recours contentieux a été engagé contre la décision, et il est alors possible de retirer la décision pendant la durée de la durée de l’instance. Comme le souligne le commissaire du Gouvernement, les deux premières hypothèses sont exclusives l’une de l’autre : « soit l’autorité administrative est placée dans la situation définie au 1º (des mesures d’information des tiers ont été mises en œuvre), soit elle est placée dans celle définie au 2º (aucune mesure d’information des tiers n’a été mise en œuvre) ». En revanche, le 3º de l’article 23 concerne une autre catégorie de cas, celle où la décision implicite d’acceptation fait l’objet d’un recours contentieux : cette troisième hypothèse est donc indépendante des deux premières ; rien ne s’oppose à ce qu’elle s’applique dans tous les cas, que des mesures d’information des tiers aient été ou non mises en œuvre, dès lors que l’annulation de la décision implicite d’acceptation a été demandée au juge, et tant que celui-ci n’a pas statué. Par conséquent, alors même qu’aucune mesure d’information des tiers n’aurait été mise en œuvre, le retrait de la décision attaquée est possible après l’expiration du délai de deux mois mentionné au 2º de l’article 23, dès lors qu’un recours contentieux a été formé, et cela pendant la durée de l’instance. L’interprétation de l’article 23 résultant de l’avis du 12 octobre 2006 répond aussi au vœu du législateur de 2000, lequel a souhaité, à l’évidence, revenir sur la jurisprudence Eve (CE, sect., 14 novembre 1969, Rec. p. 498), aux termes de laquelle l’intervention d’une décision implicite d’acceptation a pour effet de dessaisir définitivement l’Administration. L’article 23 de la loi DCRA du 12 avril 2000 a en effet voulu donner la faculté à l’Administration de retirer sous certaines conditions une décision implicite d’acceptation (illégale), et cela en conciliant à la fois le respect du principe de légalité et l’exigence de sécurité juridique : dans l’intérêt de celle-ci, des décisions créatrices de droit ne doivent plus, à partir d’un certain moment, être susceptibles de contestation (même si elles sont illégales), alors qu’au nom de celui-là, une décision administrative illégale doit pouvoir être retirée de l’ordonnancement juridique. C’est pourquoi les conditions de retrait d’une décision illégale sont en partie copiées sur le recours contentieux. C’est particulièrement clair dans les hypothèses des alinéas 1 et du 3 de l’article 23, puisque alors le retrait de la décision illégale peut intervenir tant que l’annulation contentieuse est possible (pendant le délai de recours contentieux pour le 1º ; pendant la durée de l’instance pour le 3º). En revanche, l’hypothèse visée par l’alinéa 2 de l’article 23 se présente différemment : en effet, lorsque aucune mesure d’information des tiers n’a été mise en œuvre, le délai de recours contentieux ne commence point à courir à leur égard, et un recours contentieux peut donc toujours intervenir ; mais en vertu de cet alinéa 2, l’Administration ne peut retirer sa décision au-delà d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prise, car le législateur n’a point voulu donner à l’Administration, en cas d’absence de mise en œuvre de mesures d’information des tiers, une possibilité temporelle infinie pour retirer sa décision. Cependant, ce souci du législateur n’a plus lieu d’être lorsqu’un recours contentieux a été formé (troisième hypothèse visée par l’alinéa 3 de l’article 23) : une limitation du pouvoir de retrait de l’Administration n’est en effet plus justifiée à partir du moment où une instance contentieuse a été engagée. Il est même opportun, à plusieurs points de vue, que l’Administration puisse faire proprio motu ce qui est demandé au juge (pour celui-ci, annuler la décision illégale ; pour celle-là, la retirer ; ce qui revient dans les deux cas à faire sortir la décision illégale de l’ordonnancement juridique) : non seulement, cette possibilité de retrait va dans le sens du respect de la légalité ; mais elle contribue aussi à réduire le contentieux inutile, puisque le retrait de la décision illégale pendant la durée de l’instance se soldera par un non-lieu à statuer, même si la décision a reçu un commencement d’exécution (CE, 19 avril 2000, Borusz, req. nº 207469). C’est pourquoi la lecture des dispositions de l’article 23 faite par l’avis Mme Cavallo du 12 octobre 2006, lequel a largement repris les conclusions du commissaire du Gouvernement, ne peut qu’être approuvée. AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES Autorités administratives indépendantes - Médiateur de la République - Réponses adressées aux parlementaires qui le saisissent de réclamations ou aux auteurs des réclamations eux-mêmes - Actes n’ayant pas la qualité de décisions susceptibles de faire l’objet de recours contentieux - Autorités administratives indépendantes - Autorité des marchés financiers (AMF) Mission de conciliation ou de médiation - Décision refusant de donner suite à une demande d’exercice de cette mission Acte non susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir CE, 18 octobre 2006, Consorts Miller req. nº 277597 (décision publiée au Recueil Lebon) [extraits] Sur les conclusions dirigées contre la lettre du 7 décembre 2004 du médiateur de la République : Considérant qu’il ressort de l’ensemble des dispositions de la loi du 3 janvier 1973 que les réponses adressées par le médiateur aux 171 chronique de jurisprudence administrative parlementaires qui le saisissent de réclamations en vertu de l’article 6 de cette loi, ainsi, le cas échéant, qu’aux auteurs des réclamations euxmêmes, n’ont pas le caractère de décisions susceptibles de faire l’objet de recours contentieux ; Considérant que, par lettre du 7 décembre 2004, le médiateur de la République s’est borné à rappeler à M. et Mme Miller qu’il avait procédé à la clôture de leur dossier au motif que le litige portait sur des rapports de droit privé n’entrant pas dans le champ de sa compétence ; qu’il résulte de ce qui précède que cette lettre n’a pas le caractère d’une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir ; Considérant que l’irrecevabilité dont sont entachées ces conclusions est manifeste et n’est pas susceptible d’être couverte en cours d’instance ; qu’il y a lieu dès lors pour le Conseil d’Etat d’en prononcer le rejet, en application de l’article R. 351-4 du Code de justice administrative ; Sur les conclusions dirigées contre la lettre du 17 janvier 2005 du médiateur de l’Autorité des marchés financiers : Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 621-19 du Code monétaire et financier : « L’Autorité des marchés financiers est habilitée à recevoir de tout intéressé les réclamations qui entrent par leur objet dans sa compétence et à leur donner les suites qu’elles appellent. Elle propose, en tant que de besoin, la résolution amiable des différends portés à sa connaissance par voie de conciliation ou de médiation » ; Considérant qu’eu égard à la nature même de cette mission, laquelle suppose l’accord des parties, et dont l’exercice ne constitue d’ailleurs pour l’Autorité des marchés financiers qu’une simple faculté, la décision par laquelle celle-ci refuse de donner suite à une demande de conciliation ou de médiation n’est pas susceptible de recours pour excès de pouvoir ; Considérant, dès lors, que les conclusions dirigées contre la lettre en date du 17 janvier 2005 par laquelle le médiateur de l’Autorité des marchés financiers a informé M. et Mme Miller de ce que le Crédit commercial de France, avec lequel ils étaient en litige, ne souhaitait pas participer à une procédure de médiation et de ce que, par suite, il ne lui était pas possible de poursuivre son intervention qui était subordonnée à l’accord de l’ensemble des parties, ne sont pas recevables ; Considérant, enfin, que si les conclusions présentées par les époux Miller tendent, dans leur dernier état, à ce qu’il soit enjoint à l’Autorité des marchés financiers de répondre aux questions qu’ils lui ont précédemment adressées, il n’appartient pas au juge administratif, sauf dans les cas prévus par les articles L. 911-1 et L. 911-2 du Code de justice administrative, d’adresser des injonctions à une autorité administrative ; que ces conclusions ne peuvent donc qu’être rejetées ; Considérant que l’irrecevabilité dont sont entachées ces différentes conclusions est manifeste et n’est pas susceptible d’être couverte en cours d’instance ; qu’il y a lieu dès lors pour le Conseil d’Etat d’en prononcer le rejet, en application de l’article R. 351-4 du Code de justice administrative ; (...). 172 Observations Avec cet arrêt Consorts Miller (CE, 18 octobre 2006, req. nº 277597) qui sera publié au Recueil Lebon, le Conseil d’Etat confirme une nouvelle fois sa jurisprudence Retail (CE, ass., 10 juillet 1981, Rec. p. 303 ; -, 20 janvier 1982, Moore, DA 1982, commentaire nº 63 ; -, 11 janvier 1985, Deleuse, DA 1985, commentaire nº 84 ; -, 23 juin 1989, Adès, DA nº 989, commentaire nº 407), aux termes de laquelle les réponses adressées par le médiateur de la République aux parlementaires qui le saisissent de réclamations en vertu de l’article 6 de la loi du 3 janvier 1973, ainsi, le cas échéant, qu’aux auteurs des réclamations eux-mêmes, n’ont pas le caractère de décisions susceptibles de faire l’objet de recours contentieux. En l’espèce, était en cause une lettre du médiateur se bornant à rappeler aux intéressés, les consorts Miller, qu’il avait procédé à la clôture de leur dossier, au motif que le litige portait sur des rapports de droit privé n’entrant pas dans le champ de sa compétence : cette lettre n’a donc pas le caractère d’une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir. Cet arrêt Consorts Miller apporte par ailleurs d’utiles informations sur la mission de conciliation ou de médiation de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Aux termes du premier alinéa de l’article L. 621-19 du Code monétaire et financier, « l’Autorité des marchés financiers est habilitée à recevoir de tout intéressé les réclamations qui entrent par leur objet dans sa compétence et à leur donner les suites qu’elles appellent. Elle propose, en tant que de besoin, la résolution amiable des différends portés à sa connaissance par voie de conciliation ou de médiation ». Eu égard à la nature même de cette mission, laquelle suppose l’accord des parties, et dont l’exercice ne constitue d’ailleurs pour l’Autorité des marchés financiers qu’une simple faculté, la décision par laquelle celle-ci refuse de donner suite à une demande de conciliation ou de médiation n’est également pas susceptible de recours pour excès de pouvoir : tel est l’enseignement de cet arrêt Consorts Miller. COMPTABILITÉ PUBLIQUE Comptabilité publique - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale - Régime de la loi du 31 décembre 1968 Interruption du cours du délai Plainte contre X - Absence d’interruption du délai CE, 10 octobre 2006, M. et Mme Haudry req. nº 264588 (décision mentionnée aux Tables du Recueil Lebon) [extraits] Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’enfant Jessica Haudry, âgée de quatre ans, a subi le 3 avril 1989 au centre hospitalier de Saumur une ablation des amygdales et des végétations ; que de graves complications survenues lorsque la jeune patiente se trouvait en salle de réveil ont conduit à son transfert au service de réanimation du centre hospitalier de Clocheville à Tours où elle est décédée le 5 avril 1989 ; que M. et Mme Haudry, parents de Jessica, ont formé le 26 février 1990 une plainte contre X avec constitution de partie civile pour homicide involontaire tendant à l’identification des causes du décès, à l’établissement des responsabilités pénalement encourues à raison de ce décès et à l’indemnisation de leur préjudice ; que, par un jugement du tribunal correctionnel de Saumur du 23 février 1995 confirmé par la cour d’appel d’Angers le 9 mai 1996, la juridiction pénale a sanctionné le médecin chargé de la surveillance postopératoire de Jessica Haudry mais rejeté les conclusions indemnitaires formées par M. et Mme Haudry comme relevant non pas de la compétence du juge judiciaire mais de celle de la juridiction administrative ; qu’après rejet de leur demande préalable présentée au centre hospitalier de Saumur le 25 octobre 1996, M. et Mme Haudry ont saisi le juge administratif de conclusions indemnitaires ; Considérant que, sur appel formé par le centre hospitalier contre un jugement du tribunal administratif de Nantes faisant droit à la demande des requérants, la cour administrative d’appel de Nantes, a par l’arrêt attaqué, annulé ce jugement et rejeté leur demande de première instance ; Considérant que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme Haudry, l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes est suffisamment motivé ; Considérant qu’aux termes de l’article premier de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics alors applicable aux créances détenues sur les établissements publics hospitaliers en matière de responsabilité médicale : « Sont prescrites, au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis./ Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d’un comptable public » ; qu’aux termes de l’article 2 de la même loi : « La prescription est interrompue par (...) / Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l’auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et si l’Administration qui aura finalement la charge du règlement n’est pas partie à l’instance./ Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l’interruption. Toutefois, si l’interruption résulte d’un recours juridictionnel, le nouveau chronique de jurisprudence administrative délai court à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée » ; qu’aux termes de l’article 3 de la même loi, la prescription ne court pas contre le créancier « qui peut être légitimement regardé comme ignorant l’existence de sa créance ou de la créance de celui qu’il représente légalement » ; Considérant que les dispositions précitées de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968 subordonnent l’interruption du délai de prescription qu’elles prévoient en cas de recours juridictionnel, à la mise en cause d’une collectivité publique ; qu’une plainte contre X, qui n’est pas expressément dirigée contre une collectivité publique, ne peut interrompre jusqu’à l’intervention d’une décision passée en force de chose jugée la prescription d’une créance sur un établissement public hospitalier ; que, toutefois, le délai de prescription ne saurait courir lorsque le titulaire de la créance ou ses ayants droit peuvent légitimement être regardés comme ignorant l’existence de celle-ci ; Considérant que les juges du fond, sans dénaturer les faits de l’instance, ont souverainement constaté que M. et Mme Haudry avaient été informés de l’existence éventuelle de leur créance sur le centre hospitalier de Saumur en prenant connaissance courant 1991 des résultats de l’expertise ordonnée le 10 avril 1990 par le juge d’instruction chargé de l’affaire, ladite expertise concluant à l’existence tant de fautes propres au médecin chargé de la surveillance des suites anesthésiques de l’opération subie par l’enfant que de fautes imputables au fonctionnement du service hospitalier lui-même ; que la Cour a pu légalement en déduire que le délai de prescription attaché à cette créance avait couru à compter du premier jour de l’année suivante, soit le 1er janvier 1992 et qu’ainsi la prescription quadriennale était opposable le 25 octobre 1996, date à laquelle M. et Mme Haudry ont saisi le directeur de cet établissement public hospitalier d’une demande préalable d’indemnisation ; Considérant que l’article L. 1142-28 du Code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, a substitué une prescription décennale à la prescription quadriennale pour l’exercice des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics en matière de responsabilité médicale ; que si l’article 101 de la même loi a prévu que la prescription décennale serait immédiatement applicable aux instances en cours, en tant qu’elle est favorable aux victimes et à ses ayants droit, cet article n’a cependant pas eu pour effet, en l’absence de dispositions le prévoyant expressément, de relever de la prescription celles de ces créances qui étaient prescrites en application de la loi du 31 décembre 1968 à la date d’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; qu’en ne faisant pas application de l’article 101 de la loi du 4 mars 2002, dès lors qu’à la date d’entrée en vigueur de celle-ci, la prescription de la créance dont M. et Mme Haudry invoquaient le bénéfice, était acquise, la Cour n’a pas entaché son arrêt d’une erreur de droit ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. et Mme Haudry ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Saumur, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme Haudry demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; (...). Comptabilité publique - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale - Régime de la loi du 31 décembre 1968 Interruption du cours du délai Plainte contre X avec constitution de partie civile portant sur le fait générateur, l’existence, le montant ou le paiement d’une créance susceptible d’être mise à la charge d’une collectivité publique - Absence d’interruption du délai CE, sect., 27 octobre 2006, Département du Morbihan et autres req. nº 246931 (décision publiée au Recueil Lebon) [extraits] Considérant que les requêtes susvisées présentées par le département du Morbihan, la Caisse des dépôts et consignations, M. et Mme A et M. et Mme B sont dirigées contre le même arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ; Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A, agent du département du Morbihan, née le 25 mai 1960, a été victime, lors de l’accouchement de son deuxième enfant au centre hospitalier de Quimper, le 28 mars 1989, de sévères complications hémorragiques ainsi que d’un collapsus cardio-vasculaire avec anoxie cérébrale, à la suite duquel elle s’est trouvée plongée dans le coma jusqu’au 18 mai 1989 ; qu’elle a gardé de graves séquelles, notamment neurologiques, de cet accident ; que, le 16 octobre 1996, M. et Mme A, ainsi que les parents de Mme A, M. et Mme B, ont demandé au centre hospitalier de Quimper de les indemniser des préjudices de toute nature qu’ils avaient subis du fait de cet accident puis, en l’absence de décision expresse de l’hôpital, ont saisi le tribunal administratif de Rennes le 4 décembre 1996 ; que, par un premier jugement du 16 juin 1999, passé en force de chose jugée sur ces points, le tribunal administratif a admis la responsabilité du centre hospitalier et ordonné une expertise afin de déterminer la date de consolidation de l’état de santé de Mme A et d’évaluer le préjudice à compter du 1er janvier 1992 ; qu’en revanche, par l’article 2 de ce jugement, frappé d’appel par les consorts A, il a rejeté comme prescrites les demandes de ces derniers afférentes aux préjudices antérieurs au 31 décembre 1991 ; que, par un second jugement du 15 novembre 2000, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Quimper à verser 1 214 590,80 F (185 163,17 c) à Mme A, 849 383,36 F (129 487,66 c) à la Caisse des dépôts et consignations, 173 368,84 F (26 429,91 c) au département du Morbihan, 168 509,21 F (25 689,06 c) à la caisse primaire d’assurance maladie du SudFinistère, et a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires des consorts A ; que, sur appel de ces derniers et du centre hospitalier de Quimper, la cour administrative d’appel de Nantes a, par l’arrêt attaqué, rejeté les conclusions indemnitaires des consorts A, de la caisse primaire d’assurance maladie du Sud-Finistère, de la Caisse des dépôts et consignations, du département du Morbihan et réformé en ce sens le jugement du 15 novembre 2000 ; que les consorts A, le département du Morbihan et la Caisse des dépôts et consignations se pourvoient contre cet arrêt ; Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des pourvois : Considérant qu’aux termes de l’article premier de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics, alors applicable aux créances détenues sur les établissements publics hospitaliers en matière de responsabilité médicale : « Sont prescrites, au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis./ Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d’un comptable public » ; qu’aux termes de l’article 2 de la même loi : « La prescription est interrompue par (...) / Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l’auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et si l’Administration qui aura finalement la charge du règlement n’est pas partie à l’instance./ Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l’interruption. Toutefois, si l’interruption résulte d’un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée » ; qu’en vertu de ce dernier article, une plainte contre X avec constitution de partie civile interrompt le cours de la prescription quadriennale dès lors qu’elle porte sur le fait générateur, l’existence, le montant ou le paiement d’une créance sur une collectivité publique ; Considérant qu’il ressort des pièces soumises aux juges du fond que, à la suite de l’accident survenu à Mme A le 28 mars 1989, les consorts A ont déposé, le 3 juillet 1989, une plainte contre X avec constitution de partie civile afin de rechercher les auteurs des blessures infligées à Mme A lors de 173 chronique de jurisprudence administrative son accouchement au centre hospitalier de Quimper ; que cette plainte, alors même que le juge judiciaire n’était pas compétent pour statuer sur des conclusions indemnitaires dirigées contre l’établissement public hospitalier, doit être regardée comme relative à la créance de Mme A sur cet établissement ; qu’elle a, de ce fait, interrompu le cours de la prescription quadriennale en vertu des dispositions précitées de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968 ; qu’ainsi, la cour administrative d’appel de Nantes a commis une erreur de droit en retenant que la plainte déposée le 3 juillet 1989 n’avait pas eu pour effet d’interrompre la prescription quadriennale à l’encontre du centre hospitalier de Quimper ; que, dès lors, les requérants sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; Considérant qu’il y a lieu, pour le Conseil d’Etat, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative ; sera fait une juste appréciation du préjudice correspondant aux souffrances physiques et morales de la victime ainsi que de son préjudice esthétique et d’agrément en le fixant à la somme globale de 15 000 c ; Considérant que, pour évaluer le préjudice global résultant de l’accident dont a été victime Mme A, il y a lieu d’ajouter le montant des frais médicaux et pharmaceutiques assumés par la caisse primaire d’assurance maladie du SudFinistère, soit 76 623,26 c, celui des traitements versés par le département du Morbihan entre le 28 mars 1989 et le 2 août 1995, date à partir de laquelle Mme A a été admise de manière anticipée à la retraite, soit 56 009,30 c, et les arrérages échus ou à échoir au 1er août 2000 de la pension de retraite anticipée servie à l’intéressée par la Caisse des dépôts et consignations, agissant en sa qualité de gérante de la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, entre le 3 août 1995 et le 25 mai 2025, date à laquelle Mme A aurait atteint la limite d’âge, soit 129 487,66 c ; qu’ainsi, le préjudice global de Mme A s’élève à 427 111,22 c ; forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l’organisme national d’assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans la limite d’un montant maximum de 760 D » ; Considérant que la caisse primaire d’assurance maladie du Sud-Finistère justifie du versement d’une somme de 76 623,26 c correspondant aux frais pharmaceutiques et médicaux qu’elle a pris en charge ; qu’elle a droit, en outre, ainsi qu’elle le demande, à la somme de 760 c en application du septième alinéa de l’article L. 376-1 du Code de la Sécurité sociale ; Sur les droits de la Caisse des dépôts et consignations : Sur le préjudice subi par M. et Mme B : Considérant qu’aux termes de l’article premier de l’ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l’Etat et de certaines autres personnes publiques : « I. Lorsque le décès, l’infirmité ou la maladie d’un agent de l’Etat est imputable à un tiers, l’Etat dispose de plein droit contre ce tiers (...) d’une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l’infirmité ou de la maladie. / II. Cette action concerne notamment : (...) Les arrérages des pensions et rentes viagères d’invalidité (...) ; / Les arrérages des pensions de retraite et de réversion prématurées jusqu’à la date à laquelle la victime aurait pu normalement faire valoir ses droits à pension, ainsi que les allocations et majorations accessoires » ; que l’article 7 de la même ordonnance dispose que : « Les dispositions de la présente ordonnance sont applicables aux recours exercés par : / 3º La Caisse des dépôts et consignations agissant (...) comme gérante de la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales » ; Considérant que M. et Mme B n’ont produit aucun justificatif de nature à établir l’existence d’un préjudice matériel ; qu’il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d’existence et du préjudice moral subis en les évaluant à 3 000 c pour chacun d’eux ; Considérant que la Caisse des dépôts et consignations justifie du versement d’une somme de 129 487,66 c correspondant aux arrérages échus ou à échoir au 1er août 2000 de la pension de retraite anticipée servie à Mme A ; Sur l’évaluation du préjudice subi par Mme A : Sur les droits de la caisse primaire d’assurance maladie du Sud-Finistère : Sur les droits du département du Morbihan : Considérant que les pertes de traitement subies par Mme A du fait de l’impossibilité dans laquelle elle s’est trouvée d’exercer une activité professionnelle entre la date de l’accident et la date à laquelle elle aurait atteint l’âge de la retraite, peuvent être évaluées, compte tenu des émoluments qui lui ont été versés, à 50 000 c ; que Mme A a été atteinte d’une incapacité temporaire totale du 28 mars 1989 au 30 juin 1990 puis d’une incapacité permanente partielle dont le taux, selon le rapport d’expertise précité, peut être évalué à 40 % ; qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant des troubles dans les conditions d’existence de Mme A en les évaluant à 60 000 c ; que les frais exposés par l’intéressée en sus des allocations auxquelles elle peut prétendre pour disposer de l’aide d’une tierce personne peuvent être évalués à 40 000 c ; qu’il Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 376-1 du Code de la Sécurité sociale : « Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d’indemnité mise à la charge du tiers qui répare l’atteinte à l’intégrité physique de la victime, à l’exclusion de la part d’indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d’agrément (...) » et qu’aux termes du septième alinéa du même article : « En contrepartie des frais qu’elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d’assurance maladie à laquelle est affilié l’assuré social victime de l’accident recouvre une indemnité Sur l’exception de prescription quadriennale opposée par le centre hospitalier de Quimper : Considérant que, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la plainte contre X avec constitution de partie civile déposée par les consorts A, le 3 juillet 1989, a eu pour effet d’interrompre le cours de la prescription quadriennale à l’encontre de l’hôpital jusqu’à la date à laquelle le jugement du tribunal correctionnel de Quimper du 7 novembre 1996 rejetant pour incompétence l’action civile des consorts A est passé en force de chose jugée ; qu’ainsi, les créances des consorts A n’étaient pas prescrites le 16 octobre 1996, date de leur demande d’indemnité au centre hospitalier de Quimper, tant en ce qui concerne celles qui doivent être rattachées à l’année au cours de laquelle est survenu l’accident qu’en ce qui concerne celles qui doivent être rattachées à l’année au cours de laquelle est intervenue la consolidation de l’état de santé de Mme A, dont la date, selon les conclusions de l’expert désigné à cette fin par le tribunal administratif de Rennes, établies de manière contradictoire et non sérieusement contredites par les autres éléments d’expertise ou certificats médicaux figurant au dossier, doit être fixée au 31 décembre 1991 ; 174 Sur le préjudice subi par M. A : Considérant que M. A n’a produit aucun justificatif de nature à établir l’existence d’un préjudice matériel ; qu’il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d’existence et du préjudice moral qu’il a subis en l’évaluant à 10 000 c ; Sur le préjudice subi par les enfants de M. et Mme A : Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d’existence et du préjudice moral subis par les deux filles de M. et Mme A en les évaluant à 5 000 c pour chacune d’entre elles ; Considérant qu’aux termes du dernier alinéa du 2º de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : « La collectivité est subrogée dans les droits éventuels du fonctionnaire victime d’un accident provoqué par un tiers jusqu’à concurrence du montant des charges qu’elle a supportées ou supporte du fait de cet accident. Elle est admise à poursuivre directement contre le responsable du dommage ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées audit fonctionnaire pendant la période d’indisponibilité de celui-ci (...) » ; Considérant que le département du Morbihan justifie du paiement d’une somme de 56 009,30 c correspondant aux traitements versés à Mme A entre le 28 mars 1989 et le 2 août 1995 ; chronique de jurisprudence administrative Sur les intérêts et les intérêts des intérêts : Considérant que M. et Mme A et M. et Mme B ont droit, ainsi qu’ils le demandent, aux intérêts au taux légal sur les sommes qui leur sont dues à compter du 4 décembre 1996, date de l’introduction de leur demande devant le tribunal administratif de Rennes ; qu’ils ont demandé la capitalisation des intérêts par un mémoire enregistré devant la cour administrative d’appel de Nantes le 17 mai 2001 ; qu’à cette date, il était dû au moins une année d’intérêts ; qu’il y a lieu, dès lors, de faire droit à leur demande à cette date ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; Considérant que le département du Morbihan a droit aux intérêts au taux légal de la somme qui lui est due à compter du 29 mai 2000, date de sa première demande chiffrée devant le tribunal administratif de Rennes ; qu’il a demandé la capitalisation des intérêts par un mémoire enregistré le 15 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; qu’à cette date, il était dû au moins une année d’intérêts ; qu’il y a lieu, dès lors, de faire droit à sa demande à cette date ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; Considérant que la Caisse des dépôts et consignations a droit, ainsi qu’elle le demande, aux intérêts au taux légal sur les arrérages échus de la pension versée à Mme A à la date des 20 mai 1999, 30 mai 2000 et 11 octobre 2000, ainsi que sur les sommes versées à Mme A à partir de cette dernière date au fur et à mesure de leur versement dans la limite du paiement par le centre hospitalier de la somme mise à sa charge par la présente décision ; qu’elle a demandé la capitalisation des intérêts le 30 mai 2000 ; qu’à cette date, il était dû au moins une année d’intérêts ; qu’il y a lieu, dès lors, de faire droit à sa demande à compter de cette date pour les arrérages versés au 20 mai 1999 ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date et, pour chacun des versements mentionnés cidessus, à la date anniversaire de ce versement ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; Sur la charge des frais d’expertise : Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de laisser les frais entraînés par les expertises ordonnées en référé et avant dire droit par le tribunal administratif de Rennes, tels que liquidés aux sommes respectives de 5 850 F (891,83 c) et 8 826 F (1 345,52 c), à la charge du centre hospitalier de Quimper, ainsi que l’a décidé ce tribunal par l’article 9 de son jugement du 15 novembre 2000 ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à soutenir que c’est à tort que par les jugements des 16 juin 1999 et 15 novembre 2000, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs conclusions tendant à l’indemnisation de certains de leurs préjudices et limité l’évaluation de ces dernières à la somme de 1 214 590,80 F (185 163,17 c) ; Sur les conclusions présentées devant la juridiction d’appel par les consorts A tendant à la prise de mesures d’exécution du jugement du tribunal administratif : Considérant qu’aux termes du II de l’article premier de la loi du 16 juillet 1980, reproduit à l’article L. 911-9 du Code de justice administrative : « Lorsqu’une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d’une somme d’argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d’ordonnancement dans ce délai, le représentant de l’Etat dans le département ou l’autorité de tutelle procède au mandatement d’office (...) » ; que, dès lors que la disposition législative précitée permet aux consorts A, en cas d’inexécution de la présente décision dans le délai prescrit, d’obtenir le mandatement d’office de la somme que le centre hospitalier de Quimper est condamné à lui verser par cette même décision, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions aux fins d’injonction présentées par ces requérants devant la cour administrative d’appel de Nantes ; Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative : Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier de Quimper la somme de 5 000 c correspondant aux frais exposés par M. et Mme A ainsi que par M. et Mme B et non compris dans les dépens, la somme de 2 500 c correspondant aux frais de même nature exposés par la Caisse des dépôts et consignations et la somme de 2 300 c correspondant aux frais de même nature exposés par le département du Morbihan ; Considérant, en revanche, que les dispositions de l’article L. 761-1 font obstacle à ce que soient mises à la charge du département du Morbihan, de M. et Mme A et M. et Mme B et de la Caisse des dépôts et consignations, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que le centre hospitalier de Quimper demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; (...). Note Aux termes de l’article 2 de la loi nº 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics (JO du 3 janvier 1969), la prescription est interrompue par : « 1º toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l’autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l’Administration saisie n’est pas celle qui aura finalement la charge du règlement ; 2º tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l’auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l’Administration qui aura finalement la charge du règlement n’est pas partie à l’instance ; 3º toute communication écrite d’une administration intéressée, même si cette communication n’a pas été faite directement au créancier qui s’en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance ; 4º toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu’une partie de la créance ou si le créancier n’a pas été exactement désigné. » En dépit des termes a priori sans ambiguïté de ces dispositions, et en particulier de celles de l’alinéa 2, le Conseil d’Etat avait considéré, par un arrêt de section du 24 juin 1977 (Commune de Férel, Rec. p. 291), qu’en cas de recours juridictionnel, l’interruption du délai de prescription était subordonnée à la mise en cause d’une collectivité publique. Ultérieurement, en application de cette jurisprudence, la Haute Juridiction devait en déduire qu’une plainte contre X qui, par définition n’est expressément dirigée contre personne et donc en particulier contre une collectivité publique, ne pouvait interrompre la prescription (cf. CE, 16 mars 1983, M. et Mme Gilbin, req. nº 27993, décision inédite au Recueil Lebon). Cette jurisprudence M. et Mme Gilbin devait être une nouvelle fois mise en œuvre dans l’arrêt M. et Mme Haudry (CE, 10 octobre 2006, req. nº 264588), dont des extraits sont ici rapportés (cf. supra). Dans cette dramatique affaire, une enfant de quatre ans, opérée le 3 avril 1989 des amygdales et des végétations au centre hospitalier de Saumur, est décédée le 5 avril 1989, à la suite de graves complications survenues en salle de réveil malgré son transfert au service de réanimation du centre hospitalier de Clocheville à Tours ; ses parents ont alors formé le 26 février 1990 une plainte contre X avec constitution de partie civile pour homicide involontaire tendant à l’identification des causes du décès, à l’établissement des responsabilités pénalement encourues à raison de ce décès et à l’indemnisation de leur préjudice. Par un jugement du tribunal correctionnel de Saumur du 23 février 1995 confirmé par la cour d’appel d’Angers le 9 mai 1996, la juridiction pénale a certes sanctionné le médecin chargé de la surveillance postopératoire de l’enfant mais rejeté les conclusions indemnitaires formées par les parents comme relevant non pas de la compétence du juge judiciaire mais de celle de la juridiction administrative. Après rejet de leur demande préalable présentée au centre hospitalier de 175 chronique de jurisprudence administrative Saumur le 25 octobre 1996, les parents, M. et Mme Haudry, ont alors saisi le juge administratif de conclusions indemnitaires : le tribunal administratif de Nantes devait faire droit à leur demande ; mais sur appel formé par le centre hospitalier, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé le jugement intervenu et rejeté leur demande de première instance. En cassation, le Conseil d’Etat, par un arrêt du 10 octobre 2006, a fait application des jurisprudences Commune de Férel et M. et Mme Gilbin : il a en effet, une nouvelle fois, considéré que les dispositions de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968 subordonnaient l’interruption du délai de prescription prévue en cas de recours juridictionnel à la mise en cause d’une collectivité publique ; or, une plainte contre X n’étant pas expressément dirigée contre une collectivité publique ne peut donc interrompre jusqu’à l’intervention d’une décision passée en force de chose jugée la prescription d’une créance sur un établissement public hospitalier. Dans cette affaire, la Haute Juridiction a en outre considéré que les titulaires de la créance (les époux Haudry) ne pouvaient légitimement être regardés comme ignorant l’existence de celle-ci et qu’ils ne pouvaient dès lors bénéficier des dispositions de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1968, dans la mesure où ils avaient en effet été informés de l’existence éventuelle de leur créance sur le centre hospitalier en prenant connaissance, courant 1991, des résultats de l’expertise ordonnée le 10 avril 1990 par le juge d’instruction chargé de l’affaire, et qui concluait à l’existence tant de fautes propres au médecin chargé de la surveillance des suites anesthésiques de l’opération subie par l’enfant que de fautes imputables au fonctionnement du service hospitalier lui-même ; de sorte que, comme l’a conclu la cour administrative d’appel, le délai de prescription attaché à leur créance a bien couru à compter du premier jour de l’année suivante, soit le 1er janvier 1992 et la prescription quadriennale leur était donc bien opposable le 25 octobre 1996, date à laquelle ils ont saisi le directeur de l’établissement public hospitalier d’une demande préalable d’indemnisation. Moins d’un mois après l’arrêt M. et Mme Haudry, le Conseil d’Etat a décidé, avec l’arrêt de section Département du Morbihan (CE, sect., 27 octobre 2006, req. nº 246931), qui sera publié au Recueil Lebon, d’opérer un revirement de jurisprudence. Désormais en effet, en vertu de la jurisprudence Département du Morbihan, une plainte contre X avec constitution de partie civile interrompt le cours de la prescription quadriennale dès lors qu’elle porte sur le fait générateur, l’existence, le montant ou le paiement d’une créance susceptible d’être mise à la charge d’une collectivité publique. En l’espèce, une jeune femme, victime le 28 mars 1989 d’un accident au cours de son accouchement dans un centre hospitalier a déposé avec son époux, le 3 juillet 1989, une plainte contre X avec constitution de 176 partie civile afin de rechercher les auteurs des blessures qui lui avaient été infligées. Le Conseil d’Etat a donc décidé que cette plainte devait être regardée comme relative à la créance de l’intéressée sur l’établissement hospitalier, alors même que le juge judiciaire n’était pas compétent pour statuer sur des conclusions indemnitaires dirigées contre ledit établissement, et qu’elle a dès lors interrompu – en vertu des dispositions de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968 – le cours de la prescription quadriennale à l’encontre de l’hôpital jusqu’à la date à laquelle le jugement du tribunal correctionnel du 7 novembre 1996 rejetant pour incompétence l’action civile des consorts intéressés est passé en force de chose jugée ; les créances des intéressés n’étaient donc pas prescrites le 16 octobre 1996, date de leur demande d’indemnité au centre hospitalier. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a donc suivi les conclusions du commissaire du Gouvernement, Mme Emmanuelle PradaBordenave : celle-ci a remarquablement démontré que le revirement de jurisprudence préconisé par elle et en fin de compte consacré par l’arrêt Département du Morbihan s’imposait pour des raisons d’équité et qu’il était en outre conforme aux vœux du législateur de 1968. Ainsi que le rappelle Mme Prada-Bordenave, qui a relu minutieusement l’exposé des motifs du projet de loi fait par le garde des Sceaux de l’époque, René Capitant, « l’objet de ces dispositions (celles de l’alinéa 2 de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968) était de résoudre des cas « dignes d’intérêt parmi lesquels celui des malades victimes de graves accidents opératoires qui, après avoir assigné des médecins en dommages et intérêts étaient contraints de rediriger leur action vers le centre hospitalier, seul responsable, et se voyaient alors opposer la déchéance quadriennale ». Mme Prada-Bordenave souligne en outre la différence de situation des victimes dans le cas de dommage causé par un préposé ou un agent public dans l’exercice de leurs fonctions respectives : « Lorsqu’une personne victime d’un grave accident causé par un salarié dépose plainte avec constitution de partie civile, sa plainte est interruptive de prescription à l’égard tant du salarié que de l’employeur civilement responsable et, à l’issue du procès pénal, le tribunal correctionnel, après avoir statué sur l’action publique, se prononce sur l’action civile, et peut, le cas échéant, condamner l’employeur à des dommages et intérêts. Tel est en particulier le cas lorsque l’accident a été causé par un salarié d’un établissement privé de santé./ A l’inverse, si l’accident s’est produit au sein d’un service public et que la victime dépose plainte avec constitution de partie civile, le tribunal correctionnel après avoir statué sur l’action publique ne pourra que se déclarer incompétent sur les intérêts civils, la victime se retournera alors vers la juridiction administrative où dans de nombreux cas, en l’état actuel de votre jurisprudence (Commune de Férel), l’Administration opposera avec succès la prescription à sa demande. » Près de trente ans après la décision Commune de Férel, la section du contentieux du Conseil d’Etat, suivant en cela son commissaire du Gouvernement, a ainsi décidé de mettre fin à cette différence injustifiée et inique de situation et de traitement et, au demeurant, de répondre ainsi aux souhaits du législateur de 1968. Observons en outre que ce revirement de jurisprudence aboutit à une solution qui présente le mérite de la simplicité ; même s’il n’est pas exclu que, par précaution, se multiplient les plaintes pénales, cette solution n’est en outre guère porteuse de risques pour les finances comme l’a remarqué Mme Prada-Bordenave, dans la mesure où, dans les faits, la personne publique est informée de la procédure et peut dès lors prendre toutes mesures utiles (notamment au niveau de sa comptabilité ou auprès de son assureur si elle est assurée). Enfin, la solution consacrée par ce revirement de jurisprudence va dans le sens de l’évolution opérée en matière d’indemnisation de victimes d’accidents médicaux par les lois récentes, et en particulier par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. On ne peut dès lors que se réjouir du revirement de jurisprudence opéré par l’arrêt de section Département du Morbihan du 27 octobre 2006. CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Délégations de service public - Critères du contrat de délégation de service public Existence en l’espèce d’un contrat de délégation de service public - Procédure de passation Procédure allégée (art. L. 1411-12 du CGCT) - Champ d’application et critères de la procédure allégée - Règles de procédure contentieuse spéciales - Procédures d’urgence Référé précontractuel (art. L. 551-1 du CJA) - Pouvoirs du juge du référé précontractuel Juge annulant une procédure alors qu’il n’est saisi que de conclusions à fin de suspension CE, 20 octobre 2006, Commune d’Andeville req. nº 289234 (décision publiée au Recueil Lebon) [extraits] Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement chronique de jurisprudence administrative aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (...) et des conventions de délégation de service public./ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l’Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local./ Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu’il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours » ; Considérant que la commune d’Andeville se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 2 janvier 2006 par laquelle le juge des référés précontractuels du tribunal administratif d’Amiens, saisi par la Fédération des œuvres laïques de l’Oise, a, par application des dispositions précitées, annulé la procédure de passation de la convention ayant pour objet la gestion de la restauration scolaire, du centre de loisir et du pôle jeunes de la commune et enjoint à celle-ci de reprendre intégralement la procédure d’attribution de la convention ; Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales : « Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service » ; qu’il résulte de ces dispositions que pour qualifier un contrat de délégation de service public et en déduire les règles qui s’appliquent à sa passation, il appartient au juge, non seulement de déterminer l’objet du contrat envisagé, mais aussi d’apprécier si les modalités de rémunération du cocontractant sont substantiellement liées aux résultats de l’exploitation de l’activité ; qu’ainsi, en se bornant, pour analyser la convention passée par la commune d’Andeville comme une délégation de service public, à relever que celle-ci avait pour objet l’organisation et la gestion, d’une part, de la restauration scolaire destinée aux enfants de l’école primaire et, d’autre part, d’un centre de loisirs et d’un pôle jeunes pour les enfants et les jeunes de 3 à 17 ans, sans se prononcer sur le point, qui était débattu devant lui, de savoir si la rémunération du cocontractant était substantiellement liée aux résultats de l’exploitation de ces services ou assurée au moyen d’un prix payé par la commune, le juge des référés précontractuels n’a pas suffisamment motivé sa décision et n’a pas mis le juge de cassation à même d’exercer son contrôle ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de sa requête, la commune d’Andeville est fondée à demander, pour ce motif, l’annulation de l’ordonnance attaquée ; Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par la Fédération des œuvres laïques de l’Oise devant le tribunal administratif d’Amiens ; Sur la recevabilité de la demande de la Fédération des œuvres laïques de l’Oise devant le tribunal administratif d’Amiens : Considérant que la Fédération des œuvres laïques de l’Oise, candidate à l’attribution de la délégation de service public litigieuse, est susceptible d’être lésée par tout manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation de cette délégation ; que, par suite, elle est au nombre des personnes habilitées à agir devant le juge des référés précontractuels en vertu des dispositions précitées de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative ; que, dès lors, doit être écartée la fin de non-recevoir tirée par la commune d’Andeville du défaut d’intérêt donnant qualité pour agir à la Fédération des œuvres laïques de l’Oise ; Sur la qualification du contrat : Considérant qu’il résulte de l’instruction d’une part, que le contrat envisagé a pour objet de confier au cocontractant la gestion du service public de la restauration scolaire destinée à l’école primaire, du centre de loisirs et du pôle jeunes de la commune d’Andeville et, d’autre part, que si le cocontractant de la commune d’Andeville perçoit une rémunération fixe versée par la commune, les trois quarts de ses recettes, environ, sont constituées d’une redevance versée par les familles et d’une participation du département et de la caisse d’allocations familiales variant selon le nombre d’usagers ; que la rémunération calculée selon ces modalités est, dans ces conditions, substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, eu égard à son objet et aux modalités de rémunération du cocontractant, le contrat envisagé doit être analysé comme une délégation de service public et non, comme le soutient la commune d’Andeville, comme un marché public ; Sur la régularité de la procédure de passation du contrat : Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales : « Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l’autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d’Etat » ; qu’aux termes de l’article L. 1411-12 du même code : « Les dispositions des articles L. 1411-1 à L. 1411-11 ne s’appliquent pas aux délégations de service public : (...) c) Lorsque le montant des sommes dues au délégataire pour toute la durée de la convention n’excède pas 106 000 d ou que la convention couvre une durée non supérieure à trois ans et porte sur un montant n’excédant pas 68 000 d par an. Toutefois, dans ce cas, le projet de délégation est soumis à une publicité préalable ainsi qu’aux dispositions de l’article L. 1411-2. Les modalités de cette publicité sont fixées par décret en Conseil d’Etat » ; Considérant qu’une délégation de service public entre dans le champ des dispositions précitées du c) de l’article L. 1411-12 du Code général des collectivités territoriales lorsque, soit le montant prévisionnel de l’ensemble des sommes à percevoir par le délégataire, qu’elles soient liées ou non au résultat de l’exploitation du service, et quelle que soit leur origine, n’excède pas 106 000 c pour toute la durée de la convention, soit ce montant n’excède pas 68 000 c par an et la durée de la convention ne dépasse pas trois ans ; qu’il résulte de l’instruction que le montant prévisionnel des sommes à percevoir par l’attributaire de la délégation de service public envisagée par la commune d’Andeville – constituées, ainsi qu’il a été dit plus haut, d’une redevance versée par les familles ainsi que de participations de la commune, du département et de la caisse d’allocations familiales – est, quelles que soient les hypothèses retenues quant à la fréquentation attendue, supérieur à 106 000 c ; que, dès lors, la commune d’Andeville n’est pas fondée à soutenir que la passation de la délégation litigieuse n’était pas soumise aux règles de publicité et de mise en concurrence prévues par l’article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales ; Considérant qu’aux termes de l’article R. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales : « L’autorité responsable de la personne publique délégante doit satisfaire à l’exigence de publicité prévue à l’article L. 1411-1 par une insertion dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales et dans une publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné./ Cette insertion précise la date limite de présentation des offres de candidature, qui doit être fixée un mois au moins après la date de la dernière publication./ Elle précise également les modalités de présentation de ces offres et mentionne les caractéristiques essentielles de la convention envisagée, notamment son objet et sa nature » ; qu’il n’est pas contesté que la délégation de service public envisagée n’a pas été soumise par l’autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans les conditions prévues par ces dispositions ; que la Fédération des œuvres laïques de l’Oise, laquelle, habilitée à agir devant le juge des référés précontractuels, peut invoquer devant ce juge tout manquement aux obligations de publicité et de mise en 177 chronique de jurisprudence administrative concurrence auxquelles est soumise la passation de cette délégation de service public, même si un tel manquement n’a pas été commis à son détriment, est, par suite, fondée à soutenir que la commune d’Andeville a méconnu les obligations de publicité qui lui incombaient ; Sur la mise en œuvre des pouvoirs conférés au juge des référés précontractuels par l’article L. 551-1 du Code de justice administrative : Considérant que le juge des référés précontractuels s’est vu conférer par les dispositions précitées de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative le pouvoir d’adresser des injonctions à l’Administration, de suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte, d’annuler ces décisions et de supprimer des clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat ; que, dès lors qu’il est régulièrement saisi, il dispose – sans toutefois pouvoir faire obstacle à la faculté, pour l’auteur du manquement, de renoncer à passer le contrat – de l’intégralité des pouvoirs qui lui sont ainsi conférés pour mettre fin, s’il en constate l’existence, aux manquements de l’Administration à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu’ainsi, eu égard à la nature du vice entachant la procédure de passation du contrat litigieux, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sans qu’y fasse obstacle la circonstance que la Fédération des œuvres laïques de l’Oise se borne à demander la suspension de la procédure, de prononcer l’annulation de cette dernière ; (...). Note En vertu des dispositions du premier alinéa de l’article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales, il appartient au juge administratif, pour qualifier un contrat de délégation de service public et en déduire les règles qui s’appliquent à sa passation, non seulement de déterminer l’objet du contrat envisagé, mais aussi d’apprécier si les modalités de rémunération du cocontractant sont substantiellement liées aux résultats de l’exploitation de l’activité (cf. CE, 15 avril 1996, Préfet des Bouches-du-Rhône, Rec. p. 137 ; -, 30 juin 1999, Syndicat mixte du traitement des ordures ménagères Centre-Ouest seine-et-marnais, Rec. p. 229). Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt Commune d’Andeville du 20 octobre 2006, il s’agissait d’un contrat ayant pour objet de confier au cocontractant la gestion du service de la restauration scolaire destinée à une école primaire, d’un centre de loisirs et d’un pôle jeunes d’une commune ; le cocontractant percevait de la commune une rémunération fixe, mais dont environ les trois quarts des recettes étaient constitués d’une redevance versée par les familles et d’une participation du département et de la caisse d’allocations familiales variant selon le nombre d’usagers. Le Conseil d’Etat a considéré qu’une rémunération calculée selon ces modalités était substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service, et que le contrat était dès lors une délégation de service public. En outre, cette délégation de service public ne relevait pas des dispositions du c) de l’article L. 1411-12 du Code général des collectivités territoriales, lequel prévoit une procédure allégée de passation pour les délégations de faible montant. Une délégation entre en effet dans le champ de ces dispositions lorsque, soit le montant prévisionnel de l’ensemble des sommes à percevoir par le délégataire, qu’elles soient liées ou non au résultat de l’exploitation du service, et quelle que soit leur origine, n’excède pas 106 000 c pour toute la durée de la convention, soit ce montant n’excède pas 68 000 c par an et la durée de la convention ne dépasse pas trois ans. Or, en l’espèce, le montant prévisionnel des sommes à percevoir par l’attributaire de la délégation de service public envisagée par la commune d’Andeville était, quelles que soient les hypothèses retenues quant à la fréquentation attendue, supérieur à 106 000 c. La passation de la délégation litigieuse était donc soumise aux règles de publicité et de mise en concurrence prévues par l’article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales. L’arrêt Commune d’Andeville montre par ailleurs l’étendue des pouvoirs du juge des référés contractuels. Rappelons que celui-ci, en vertu des dispositions de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative a le pouvoir d’adresser des injonctions à l’Administration, de suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte, d’annuler ces décisions et de supprimer des clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat. Dès lors qu’il est régulièrement saisi, il dispose – sans toutefois pouvoir faire obstacle à la faculté, pour l’auteur du manquement, de renoncer à passer le contrat – de l’intégralité des pouvoirs qui lui sont ainsi conférés pour mettre fin, s’il en constate l’existence, aux manquements de l’Administration à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Ainsi, eu égard à la nature du vice entachant la procédure de passation d’un contrat, il peut prononcer l’annulation de cette procédure alors que ne lui est demandée que la suspension de celle-ci ; ce qu’il a fait en l’espèce. NUMÉRO SPÉCIAL CONSACRÉ AU PARTENARIAT PUBLIC PRIVÉ (PPP) Le numéro de mars-avril 2007 sera entièrement consacré au PPP. Il comportera plus de 120 pages présentant et analysant les aspects juridiques, financiers, comptables et relatifs aux contrôles. 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