L`atome et la liaison chimique - Notes de cours

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L`atome et la liaison chimique - Notes de cours
ENSEIGNEMENT DE PROMOTION SOCIALE
——————————————————————
Cours de
CHIMIE ORGANIQUE
- L'atome et la liaison chimique ——————————————————————
H. Schyns
Octobre 2004
L'atome et la liaison chimique
Sommaire
Sommaire
1.
AVERTISSEMENT
2.
LA STRUCTURE DE L'ATOME
2.1.
Au commencement…
2.2.
Le modèle de Bohr & al.
2.3.
Le nombre quantique secondaire
2.4.
L'équation de Schrödinger & al.
2.5.
Les probabilités de Born & al.
2.6.
La géométrie des orbitales
2.6.1. Orbitales 1s, 2s, ...
2.6.2. Le nombre quantique magnétique
2.6.3. Orbitales 2p, 3p, ...
2.6.4. Orbitales 3d, 4d, ...
2.6.5. Orbitales 4f, 5f, ...
2.7.
Remplissage des orbitales
2.7.1. Nombre de spin
2.7.2. Principe de l'aufbau
2.7.3. Remplissage des sous-orbitales
3.
LA LIAISON CHIMIQUE COVALENTE
3.1.
Types de liaisons
3.2.
La règle de Lewis
3.3.
Construction par orbitales
3.3.1. Principe
3.3.2. Orbitale moléculaire σ
3.3.3. Orbitale moléculaire π
3.3.4. Promotion de l'électron
3.3.5. Hybridation des orbitales
3.4.
Formation des liaisons simples, doubles, triples
3.4.1. Cas du carbone
3.4.2. Cas de l'oxygène
3.4.3. Cas de l'azote
3.5.
Forme des molécules
3.6.
Longueur des liaisons
3.6.1. Rayon covalent et rayon de Van der Waals
4.
SOURCES
4.1.
Ouvrages
4.2.
Logiciels
H. Schyns
S.1
L'atome et la liaison chimique
1.
1 - Avertissement
Avertissement
Ce chapitre est un rappel très rapide des concepts qui ont été vus de manière
approfondie dans le cours de chimie générale.
Le lecteur ne doit pas être étonné d'y trouver certains raccourcis historiques et
théoriques parfois saisissants ainsi que certaines généralisations et simplifications
qui feront pâlir les puristes. L'objectif poursuivi est essentiellement mnémotechnique.
Il va de soi que la référence en la matière reste le cours de chimie générale.
H. Schyns
1.1
L'atome et la liaison chimique
2.
2 - La structure de l'atome
La structure de l'atome
2.1.
Au commencement…
Les scientifiques disposent d'un appareil nommé spectroscope. On sait depuis
Newton qu'il est possible de décomposer la lumière blanche en ses différentes
composantes grâce à un prisme. Ce phénomène découle du fait que l'indice de
réfaction entre deux milieux n'est pas une constante mais dépend de la longueur
d'onde de la lumière analysée.
Fig. 2.1 Principe du spectroscope (source : Mortimer)
Le principe du spectroscope est simple (cf. Fig. 2.1) :
-
une substance quelconque - par exemple de l'hydrogène gazeux - est placée, à
gauche, dans un récipient adéquat
cette substance est excitée par un moyen quelconque - par exemple un arc
électrique.
la lumière émise - provenant de l'arc et de la substance - est dirigée grâce à un
écran muni d'une fente (ang.: slit) vers un prisme
celui-ci décompose la lumière en ses différentes composantes qui apparaissent
sur un écran (à droite)
A la grande surprise des scientifiques, au lieu d'afficher le spectre continu des
couleurs de l'arc-en-ciel, l'écran affiche un grand nombre de raies verticales colorées
séparées par de larges intervalles sombres (1). Leur surprise est d'autant plus
grande que ces raies sont extrêmement fines et précises.
Après de multiples essais les expérimentateurs en déduisent que les raies du
spectre proviennent des atomes présents dans la substance excitée.
2.2.
Le modèle de Bohr & al.
En analysant les lignes spectrales, Bohr imagine qu'elles traduisent les passages
des électrons d'un niveau d'énergie à un autre. Il met ainsi en relation les transitions
électroniques de l'atome d'hydrogène et les lignes spectrales (Fig. 2.2).
1
Dans le cas du spectre d'émission décrit ici, le fond reste noir et les raies sont colorées. Dans le cas du
spectre d'absorption, c'est l'inverse le fond, semblable à l'arc-en-ciel, est entrecoupé de raies sombres.
H. Schyns
2.1
L'atome et la liaison chimique
2 - La structure de l'atome
Fig. 2.2 Relation entre transitions de l'atome d'hydrogène et lignes spectrales (source : Mortimer)
Bohr propose un modèle de l'atome d'hydrogène, puis un modèle général pour tous
les atomes, dans lequel les électrons sont disposés en couches de même énergie.
Une représentation élégante du modèle consiste à imaginer que des électrons
négatifs sont en orbite autour d'un noyau positif (Fig. 2.3)
Fig. 2.3 Modèle de Bohr
Assez naturellement, il numérote les couches et introduit ainsi ce qui deviendra le
nombre quantique principal "n".
Ce nombre donne une indication sur la position de l'enveloppe par rapport au
noyau : si n augmente, la distance par rapport au noyau (le rayon) augmente.
On parle de nombre "quantique" car les orbites sont discrètes (distinctes) en termes
d'énergie. L'électron ne peut passer de l'une à l'autre qu'en effectuant un "saut
quantique". C'est ce saut quantique qui est responsable des raies observées au
spectroscope
2
Sur la couche de numéro "n", on peut placer 2·n électrons.
n
1
2
3
4
2.3.
électrons
2
8
18
32
Le nombre quantique secondaire
Les spectroscopes plus précis, à haute définition, montrent des sous-structures dans
les spectres : des raies que l'on croyait uniques se révèlent être des ensembles de
deux, trois ou plusieurs raies.
H. Schyns
2.2
L'atome et la liaison chimique
2 - La structure de l'atome
On en déduit que les niveaux de Bohr doivent également présenter une sousstructure. Le nombre de sous-niveaux possibles pour une orbite est égal à son
nombre quantique principal :
n
1
sous-niveaux
1
l
0
s
notation
1s
2
2
0, 1
s, p
2s, 2p
3
3
0, 1, 2
s, p, d
3s, 3p, 3d
4
4
0, 1, 2, 3
s, p, d, f
4s, 4p, 4d, 4f
Ainsi, le niveau n=1 ne se subdivise pas, le niveau n=2 se subdivise en deux et ainsi
de suite. On introduit le nombre quantique secondaire "l" pour numéroter les
sous-niveaux. Par convention les valeurs de l vont de 0 à n-1
0 ≤ l ≤ n-1
Pour éviter les confusions, on décide de remplacer les valeurs numériques du
nombre quantique secondaire par des lettres :
nombre l
lettre l
0
s
1
p
2
d
3
f
…
…
Les électrons d'une couche se répartissent dans les sous-niveaux : 2 dans une
sous-couche s, 6 dans une sous-couche p, 10 dans une sous-couche d, etc.
Fig. 2.4 Modèle de Bohr avec sous-niveaux
On note les électrons en fonction du sous-niveau auquel ils appartiennent. On aura
donc des électrons 1s; 2s et 2p; 3s, 3p et 3d; etc. Ce type de notation est appelé
notation spectrale.
2.4.
L'équation de Schrödinger & al.
Le modèle de Bohr a l'avantage de l'élégance et d'une relative simplicité mais il
soulève un certain nombre d'objections sur lesquelles nous ne reviendrons pas ici.
De Broglie et Schrödinger introduisent et développent l'idée que l'électron - et plus
tard, toute particule - peut être représentée par une onde stationnaire Ψ. Cette
H. Schyns
2.3
L'atome et la liaison chimique
2 - La structure de l'atome
onde stationnaire, il est possible d'en écrire l'équation, au moins sous une forme
symbolique (1).
Fig. 2.5 Onde non amortie Ψ et carré de l'amplitude Ψ
2
Fig. 2.6 Onde exponentiellement amortie Ψ et carré de l'amplitude Ψ
2
Pour se représenter la fonction d'onde, on peut imaginer un nuage de charge
négative plus ou moins dense selon les endroits.
Le problème de cette
représentation est qu'une fonction d'onde peut passer sous l'axe des abscisses "x"
et devenir négative. Les racines de la fonction d'onde - les passages par zéro - sont
appelés nœuds.
Fig. 2.7 Fonctions d'onde 1s, 2s, 3s (source : Shriver & Atkins)
La fonction 1s est monotonément décroissante et ne présente pas de nœud. La
fonction 2s en présente un, la fonction 3s en présente deux, et ainsi de suite.
1
Un exemple de forme symbolique de fonction commence par "Soit une fonction f(x)…" on ne sait pas ce
qu'on met dans f(x) - son expression algébrique exacte - mais ça n'empèche pas de "jouer" avec sa
dérivée formelle f'(x) ou son intégrale formelle F(x) et de leur attribuer un certain nombre de propriétés.
C'est d'ailleurs ce qu'on fait avec des fonctions "bien connues" telles que exp, ln, sin, cos,…
H. Schyns
2.4
L'atome et la liaison chimique
2 - La structure de l'atome
Evidemment, il est très malaisé de se représenter un "nuage négatif de charges
négatives" !
2.5.
Les probabilités de Born & al.
Born donne une interprétation probabiliste à la fonction d'onde Ψ(r). Le carré de
2
l'amplitude Ψ (r) devient une fonction de densité de probabilité. Il permet de calculer
la probabilité de trouver l'électron dans un certain domaine de l'espace.
La fonction d'onde 1s est monotonément et asymptotiquement décroissante (1). Elle
ne devient nulle qu'à l'infini. Ce qui signifie qu'il n'est pas impossible de trouver un
électron dans un cube élémentaire (dV = dx·dy·dz) situé à une très grande distance
du noyau.
De même, puisque la fonction d'onde n'est pas nulle à l'origine, il est théoriquement
possible de trouver l'électron dans un cube élémentaire (dV = dx·dy·dz) situé dans le
noyau. Ceci est assez surprenant.
La section du nuage de probabilité d'un électron 1s de l'atome d'hydrogène s'étend à
l'infini en devenant de plus en plus ténu.
Fig. 2.8 Nuage probabiliste d'un électron 1s (source : Mortimer)
Au lieu de considérer des cubes élémentaires, Born considère des sphères ou, plus
exactement, des "pelures sphériques", d'une épaisseur dR infiniment mince,
centrées sur le noyau.
Fig. 2.9 Fonction de distribution radiale d'un électron 1s (source : Shriver & Atkins)
1
La fonction 1s est une fonction similaire à celle représentée à la Fig. 2.6 mais avec un amortissement
tellement grand que la partie négative de la sinusoïde n'apparaît même plus. La fonction 2s est un meu
moins amortie et laisse apparaître le lobe négatif de la fonction. La fonction 3s est encore moins amortie,
etc.
H. Schyns
2.5
L'atome et la liaison chimique
2 - La structure de l'atome
Au centre, la pelure a un rayon nul et une surface nulle. Si on fait croître le rayon de
la pelure, sa surface devient de plus en plus grande. Considérons que cette pelure
a une épaisseur dR. Elle représente donc un certain volume dans lequel on peut
mettre de plus en plus de cubes élémentaires dV (Fig. 2.9 courbe 4πr²) à mesure
que le rayon grandit.
D'un autre côté, la probabilité de trouver l'électron dans un cube élémentaire dV
diminue au fur et à mesure que ce cube s'éloigne du noyau (Fig. 2.9 courbe Ψ²).
La courbe qui résulte de la combinaison de ces deux facteurs présente un maximum
pour un rayon correspondant précisément à ce que Bohr avait calculé pour sa
première orbite.
Pour Born, cette courbe est la fonction de densité de la probabilité de trouver un
électron 1s en fonction de la distance au noyau (1). Comme cette fonction vaut zéro
à l'origine, la probabilité de trouver l'électron sur le noyau est nulle (ce qui rassure
tout le monde). Par contre, cette fonction s'étend à l'infini, ce qui pose un petit
problème : quel que soit le rayon de la sphère enveloppe choisie, il existe toujours
une probabilité pour que l'électron se trouve en dehors.
Born utilise alors une technique bien connue en calcul des probabilités : la limite de
confiance. Quel rayon faut-il donner à une sphère centrée sur le noyau pour que
l'électron ait 90% des chances de se trouver à l'intérieur (et donc 10% des chances
de se trouver en dehors) ?
Il détermine ainsi une surface enveloppe qu'il nomme orbitale (pour bien faire la
distinction avec l'orbite de Bohr).
En toute généralité, l'orbitale est le volume qui contient 90% de la densité de
l'électron (soit l'espace dans lequel on a 90% des chances de trouver l'électron).
D'une manière imagée, dans la théorie des orbitales contrairement à la
théorie de Bohr, l'électron ne se déplace plus sur une orbite circulaire. Il se
balade librement dans tout l'espace mais passe 90% de son temps n'importe
où à l'intérieur de l'orbitale.
2.6.
La géométrie des orbitales
2.6.1. Orbitales 1s, 2s, ...
Les scientifiques ont de la chance : dans le cas de l'électron dans l'état 1s de l'atome
d'hydrogène, les équations sont relativement aisées à résoudre et la surface limite
est une sphère centrée sur le noyau de l'atome.
1
On connaît d'autres fonctions de densité de probabilité : la loi binômiale, la loi normale, la loi de poisson.
Pour déterminer la probabilité qu'une variable aléatoire continue ait une valeur comprise entre deux valeurs
données, on doit effectuer l'intégrale…
H. Schyns
2.6
L'atome et la liaison chimique
2 - La structure de l'atome
Fig. 2.10 Orbitale de l'électron 1s (source : Mortimer)
Le même raisonnement est appliqué à la fonction d'onde 2s.
Fig. 2.11 Fonction de distribution radiale d'un électron 2s (source : Mortimer)
Dans le cas de l'orbitale 2s, comme la fonction d'onde passe par 0 et change de
signe (Fig. 2.7), la fonction de distribution passe par un minimum (nul) (Fig. 2.11).
Le nuage de distribution électronique s'étend à l'infini mais il présente une couche
sphérique interdite à l'électron : la sphère nodale.
Fig. 2.12 Orbitale de l'électron 2s. La sphère nodale est interdite à l'électron (source : Mortimer)
L'orbitale, qui contient 90% du nuage, est également une sphère.
Il en va de même pour toutes les orbitales de type s. Pour les nombres quantiques n
supérieurs, l'orbitale reste une sphère. Ces sphères sont de plus en plus large et
comptent chaque fois une couche nodale interdite de plus.
2.6.2. Le nombre quantique magnétique
Les orbitales p, d, f sont plus complexes, mais les spectres viennent une fois de plus
à la rescousse. On s'aperçoit que si les substances sont placées dans un champ
magnétique puissant, les raies se multiplient encore :
H. Schyns
2.7
L'atome et la liaison chimique
-
2 - La structure de l'atome
les raies relatives aux électrons s (l=0) restent uniques,
celles relatives aux électrons p (l=1) se divisent en 3
celles relatives aux électrons d (l=2) se divisent en 5
etc.
Pour chaque niveau l, il y a 2·l+1 sous-niveaux. On introduit le nombre quantique
magnétique "m" pour numéroter ces sous-sous-niveaux. Par convention les
valeurs de m sont des nombres entiers qui vont de -l à +l
-l ≤ m ≤ l
m = - l, - l +1, ..., 0 , ..., l-1, l
2.6.3. Orbitales 2p, 3p, ...
Le nombre quantique magnétique "m" permet de répartir les électrons p en trois
sous-niveaux (p ó l=1 ð m= -1, 0, 1).
Fig. 2.13 Fonctions d'onde 2p et 3p (source : Shriver & Atkins)
Les fonctions d'onde et de distribution de probabilité sont retravaillées de manière à
définir trois sous-orbitales qui soient orientées selon les trois axes d'un repère
orthonormé. On décompose les orbitales en sous-orbitales de la manière suivante :
-
2p devient 2px, 2py et 2pz
-
3p devient 3px, 3py et 3pz
etc.
Fig. 2.14 Orbitales des électrons 2p (source : Mortimer)
Comme la fonction d'onde 2p est nulle à l'origine, il en va de même pour la fonction
de distribution de l'orbitale. Autrement dit, près du noyau, il existe une zone interdite
aux électrons. Dès lors, les trois sous-orbitales p présentent un plan nodal qui
passe par l'origine.
Comme dans le cas des orbitales s, les orbitales 2p, 3p, etc. ont globalement la
même forme mais sont de plus en plus grandes et diffuses. De même, ainsi que le
H. Schyns
2.8
L'atome et la liaison chimique
2 - La structure de l'atome
montre la Fig. 2.13, la présence de nœuds dans les fonctions supérieures (3p, 4p,...)
provoque l'apparition de zones nodales supplémentaires.
Quand on compare les fonctions de distribution des orbitales 2s et 2p, on s'aperçoit
que l'électron 2p et en moyenne plus proche du noyau que celui de l'orbitale 2s. Par
contre, à cause du premier pic de sa fonction, l'électron 2s à une plus forte
probabilité de se trouver près du noyau.
Fig. 2.15 Comparaison des fonctions de distribution 2s et 2p (source : Shriver & Atkins)
2.6.4. Orbitales 3d, 4d, ...
Le nombre quantique magnétique "m" permet de répartir les électrons d en cinq
sous-niveaux (d ó l=2 ð m= -2, - 1, 0, 1, 2).
Le problème est que nous vivons dans un espace à trois dimensions et non à cinq
dimensions. La décomposition en sous-orbitales orientées selon les directions de
l'espace ne suffit plus. Les scientifiques combinent donc les dimensions pour mettre
en évidence certaines géométries particulières. La Fig. 2.16 montre l'une des
solutions possibles :
Fig. 2.16 Orbitales des électrons 3d (source : Mortimer)
3d devient 3dxy, 3dxz, 3dyz (en bas) 3dx²-y², 3dz² (en haut)
H. Schyns
2.9
L'atome et la liaison chimique
2 - La structure de l'atome
Notez qu'il s'agit de combinaisons du second degré (xy, xz, yz, x²-y², z²) alors que
les combinaisons 2p étaient du premier degré (x, y, z).
2.6.5. Orbitales 4f, 5f, ...
Les choses se compliquent singulièrement avec les électrons du niveau f qui doivent
se répartir en sept sous-niveaux (f ó l=3 ð m= - 3, -2, - 1, 0, 1, 2, 3).
Cette fois, on est obligé de chercher des combinaisons du troisième degré. La Fig.
2.17 montre l'une des nombreuses solutions possibles :
Fig. 2.17 Orbitales des électrons 4f (source : Shriver & Atkins)
2.7.
Remplissage des orbitales
2.7.1. Nombre de spin
L'élaboration du modèle des orbitales et l'introduction des nombres quantiques
successifs nous amènent à la situation résumée sur ce tableau :
n
électrons
totaux
sousniveaux
(orbitales)
électrons
par
orbitale
sousorbitales
électrons
par
ss-orbitale
1
2
1s
2
1
2
2
8
2s
2
1
2
2p
6
3
2
3s
2
1
2
3p
6
3
2
3d
10
5
2
4s
2
1
2
4p
6
3
2
4d
10
5
2
4f
14
7
2
3
4
H. Schyns
18
32
2.10
L'atome et la liaison chimique
2 - La structure de l'atome
L'introduction du nombre quantique magnétique "m" arrange bien les scientifiques.
En effet, on savait déjà qu'un sous-niveau p (ou orbitale p) devait contenir 6
électrons. Or, voici que cette orbitale à la bonne idée de se subdiviser en trois sousorbitales px, py et pz. Il est donc logique de mettre deux électrons dans chaque
sous-orbitale. On s'aperçoit avec ravissement que les orbitales d et f se comportent
de manière similaire. Dans tous les cas, on peut placer deux électrons dans chaque
sous-orbitale.
Les scientifiques, qui sont rarement satisfaits, se posent immédiatement deux
questions :
-
Pourquoi deux électrons partout et pas un dans une et trois dans l'autre ?
Est-il possible de distinguer les deux électrons d'une sous-orbitale l'un de
l'autre ?
Pour répondre à ces questions, ils vont introduire un quatrième nombre quantique :
le nombre quantique de spin "s". Le nombre de spin est un nombre demi-entier
qui peut être soit positif, soit négatif :
s=+
1
1
ou s = −
2
2
Et, comme il faut bien essayer de se raccrocher à une explication physique, on dit
que le spin caractérise la rotation de l'électron autour de son propre axe.
Fig. 2.18 Interprétation du nombre de spin
Cette explication généralement admise est un peu curieuse et boiteuse puisque la
notion de spin est introduite précisément parce que dans la théorie des orbitales
l'électron est une fonction d'onde et non une particule.
Néanmoins, l'introduction du nombre de spin répond aux questions : des électrons
de spins opposés peuvent s'apparier (c'est à dire former une paire) tandis que les
électrons de même spin tendent à se dissocier (1). Dès lors, dans une sous-orbitale,
on peut mettre au maximum deux électrons pour autant qu'ils aient des spins
opposés.
2.7.2. Principe de l'aufbau
Il reste à présent à expliquer dans quel ordre les orbitales se remplissent lorsque l'on
parcourt le tableau périodique des éléments.
Pauli a proposé un schéma de remplissage baptisé "Aufbau Prinzip" basé sur deux
grandes règles de la nature (2) :
1
2
Tout se passe donc comme pour les charges + et -, les pôles N et S : des signes opposés s'attirent et des
signes identiques se repoussent. A bien y réfléchir, nous ne savons pas non plus ce qu'est une charge
électrique mais nous en mesurons les effets.
Il est amusant de constater que ces principes gouvernent aussi les êtres humains et les sociétés
H. Schyns
2.11
L'atome et la liaison chimique
-
2 - La structure de l'atome
entre deux états possibles, un système se stabilise dans celui qui permet de
minimiser son énergie interne (principe du travail minimum),
entre deux états possibles de même énergie, le système se stabilise dans celui
qui permet de maximiser l'entropie (principe du désordre maximum),
Le schéma de la Fig. 2.19 est un moyen mnémotechnique de l'Aufbau Prinzip. Il
fonctionne parfaitement pour les atomes jusqu'à n=23 (Vanadium). Au-delà, à cause
de la superposition des niveaux d'énergie des orbitales, la structure indiquée par le
schéma ne correspond pas toujours aux observations de Pauli mais il reste
néanmoins une excellente approximation (1).
Fig. 2.19 Schéma du remplissage "aufbau" (d'après : Mortimer)
On commence par établir le tableau ligne par ligne, en notant horizontalement toutes
les orbitales relatives à un nombre n donné. Chaque ligne est décalée d'une
position vers la droite par rapport à celle qui la précède.
Les orbitales sont ensuite remplies en suivant les colonnes. Quand on arrive dans le
bas d'une colonne, on recommence au sommet de la colonne suivante.
Ce schéma nous permet de voir que l'orbitale 4s se situe entre les orbitales 3p et 3d
en termes d'énergie (2). Par contre, l'énergie de l'orbitale 4p se situe entre celle des
orbitales 3d et 5s.
Prenons l'exemple du carbone dont le nombre atomique Z=6. Il faut placer 6
électrons dans les orbitales :
2
-
2 électrons dans l'orbitale 1s
(1s )
-
2 électrons dans l'orbitale 2s
(2s )
-
2 électrons dans l'orbitale 2p
(2p )
2
2
Dans le cas du silicium (Z=14), nous devons placer 14 électrons :
1
2
2
-
2 électrons dans l'orbitale 1s
(1s )
-
2 électrons dans l'orbitale 2s
(2s )
2
humaines.
Pour certains atomes, un électron 4s extérieur "glisse" dans la couche 3p, ou un electron 5s extérieur
"glisse" dans la couche 4f, etc.
On ne parle pas ici de la géométrie ni de la localisation des orbitales mais seulement de l'énergie de
l'éléctron qui l'occupe.
H. Schyns
2.12
L'atome et la liaison chimique
2 - La structure de l'atome
6
-
6 électrons dans l'orbitale 2p
(2p )
-
2 électrons dans l'orbitale 3s
(3s )
-
2 électrons dans l'orbitale 3p
(3p )
2
2
2.7.3. Remplissage des sous-orbitales
On sait que l'orbitale p se subdivise en trois sous-orbitales px, py et pz. Comment
les deux électrons de l'orbitale 2p du carbone se répartissent-ils ?
En vertu du principe de désordre maximum, les électrons vont se disperser dans les
sous-orbitales au lieu de les remplir sagement l'une après l'autre (1) :
2
2
2
2
2
1
1
C 1s 2s 2p ⇒ 1s 2s 2px 2py
Le tableau suivant détaille le remplissage des sous-orbitales px, py et pz quand on
parcourt le tableau des éléments :
Z
Elément
Forme
condensée
5
B
1s 2s 2p
6
C
1s 2s 2p
7
N
1s 2s 2p
8
O
1s 2s 2p
9
F
1s 2s 2p
10
Ne
1s 2s 2p
2
2
1
2
2
2
2
2
3
2
2
4
2
2
5
2
2
6
Forme éclatée
2
2
1
2
2
1
1
2
2
1
1
1
2
2
2
1
1
2
2
2
2
1
2
2
2
2
2
1s 2s 2px
1s 2s 2px 2py
1s 2s 2px 2py 2pz
1s 2s 2px 2py 2pz
1s 2s 2px 2py 2pz
1s 2s 2px 2py 2pz
Ce sont les orbitales et sous-orbitales incomplètes vont servir à créer des liaisons
chimiques.
A première vue, d'après le tableau, le bore a une valence unitaire et le carbone a
seulement deux électrons de valence, ce qui est contraire à ce qu'on a appris
jusqu'ici. Nous verrons plus loin comment ce problème a été résolu.
1
Rappelons au passage que les orbitales s n'ont pas de sous-orbitales donc pas de dispersion des
électrons.
H. Schyns
2.13
L'atome et la liaison chimique
3.
3 - La liaison chimique covalente
La liaison chimique covalente
3.1.
Types de liaisons
Nous savons que la liaison chimique résulte de la mise en commun d'électrons par
deux atomes. Le type de liaison dépend de la différence d'électronégativité entre
ces deux atomes :
-
ionique lorsque la différence d'électronégativité est suffisante;
covalente lorsque la différence d'électronégativité est nulle ou très faible;
polarisée, entre ces deux cas.
Nous ne reviendrons pas sur ces concepts qui ont été vus au cours de chimie
générale. Nous nous étendrons plutôt sur la formation de liaisons covalentes, les
plus fréquentes en chimie organique.
3.2.
La règle de Lewis
Selon Lewis, chaque atome partage des électrons avec ses voisins pour acquérir 8
électrons de valence (2 dans le cas de l'hydrogène).
Une liaison chimique résulte du partage d'un doublet d'électrons. Pour former un
doublet, deux solutions sont possibles :
-
soit chacun des deux atomes impliqués fournit un des électrons du doublet,
Fig. 3.1 Formation de la molécule H20 selon Lewis
Fig. 3.2 Formation de la molécule CH4 selon Lewis
-
soit l'un des atomes fournit une paire d'électrons.
Fig. 3.3 Formation de la molécule SO2 selon Lewis
Ces constructions montrent que certains atomes tels que O, N et S peuvent
conserver des paires d'électrons ou doublets non partagés.
Notons que dans l'exemple de SO2, il n'y a pas de raison particulière qui impose que
cette molécule soit dissymétrique : nous aurions tout aussi bien pu inverser la
manière de lier les atomes d'oxygène à l'atome de soufre. Ceci introduira le concept
de résonance, très important en chimie organique.
Fig. 3.4 Résonance dans la molécule SO2
H. Schyns
3.1
L'atome et la liaison chimique
3.3.
3 - La liaison chimique covalente
Construction par orbitales
3.3.1. Principe
Dans la théorie des orbitales, la liaison chimique est formée :
-
soit par le recouvrement de deux orbitales qui ont chacune un électron libre,
soit par le recouvrement d'une orbitale vide par une orbitale qui contient un
doublet d'électrons.
Après cette opération de recouvrement, les électrons cessent d'appartenir à un
atome particulier pour appartenir à l'ensemble de la molécule. Leur fonction de
distribution est modifiée pour devenir une orbitale moléculaire. Les orbitales
moléculaires ont été nommées σ, π, et δ, par analogie avec les orbitales atomiques
s, p et d.
3.3.2. Orbitale moléculaire σ
Dans les molécules organiques que nous rencontrerons, une liaison simple sera
toujours de type σ. Les trois combinaisons les plus fréquentes qui donnent des
orbitales σ sont :
-
le recouvrement de deux orbitales s ayant chacune un électron. C'est le cas de
la liaison H2;
-
le recouvrement d'une orbitale s (ayant un électron) par une orbitale px ou py
ou pz (ayant aussi un électron). C'est le cas des liaisons H2O (1);
-
le recouvrement d'une orbitale px (respectivement py ou pz) par une autre
orbitale px (respectivement py ou pz) à condition que leurs axes se confondent.
Fig. 3.5 Liaison σ par recouvrement d'orbitales s et p (source : Shriver & Atkins)
Les orbitales σ constituent un axe de rotation : les atomes placés à chaque extrémité
peuvent pivoter librement autour de cet axe.
3.3.3. Orbitale moléculaire π
Dans les molécules que nous rencontrerons, une liaison double sera toujours le
résultat d'une liaison σ et d'une liaison π.
On forme une orbitale moléculaire π en rapprochant deux orbitales atomiques pz (ou
deux px ou deux py) de manière à ce que leurs axes restent parallèles.
1
Nous verrons un peu plus loin que les orbitales atomiques hybridées sp, sp2 et sp3 peuvent remplacer une
orbitale p dans la réalisation d'une orbitale moléculaire σ.
H. Schyns
3.2
L'atome et la liaison chimique
3 - La liaison chimique covalente
Fig. 3.6 Liaison π par rapprochement parallèle d'orbitales p (source : Shriver & Atkins)
En général, comme nous le verrons plus loin, ceci ne peut se faire que parce que
deux autres orbitales py (ou deux px) se recouvrent de manière coaxiale pour donner
une liaison σ.
Fig. 3.7 Formation simultanée de liaisons σ et π
3.3.4. Promotion de l'électron
Ainsi qu'on l'a vu au point 2.7.3, la structure électronique du carbone est
2
2
1
1
1s 2s 2px 2py
Comme il ne possède que deux orbitales ayant un seul électron libre, le carbone ne
devrait pouvoir faire que deux liaisons (p.ex. CH2). On peut éventuellement utiliser
l'orbitale vide 2pz pour y placer un doublet venant d'un autre atome tel que O, S, ou
N. Mais cela n'explique pas l'existence de la molécule de méthane (CH4).
Rappelons-nous les raisons de l'introduction du nombre quantique secondaire (point
2.3) et revenons un instant sur le schéma de l'aufbau (Fig. 2.19). Nous y voyons
que l'énergie de l'obitale 2s est juste un peu inférieure à celle de l'orbitale 2p. Par
conséquent, il doit être possible de donner un peu d'énergie à l'un des électrons de
l'orbitale 2s pour le faire passer dans l'orbitale 2pz vide. Ce processus se nomme
promotion de l'électron :
2
1s
2
1
1
2s 2px 2py
⇒
2
1s
1
1
1
1
2s 2px 2py 2pz
Nous disposons ainsi de quatre orbitales sensiblement de même énergie contenant
un seul électron (1). Le processus a coûté un peu d'énergie mais nous en
récupérerons beaucoup plus en faisant quatre liaisons au lieu de deux.
1
Les électrons de la couche 1s, beaucoup plus profonde, ne sont pas concernés car leur promotion exigerait
beaucoup plus d'énergie. Or la nature cherche toujours la voie de moindre énergie.
H. Schyns
3.3
L'atome et la liaison chimique
3 - La liaison chimique covalente
Il reste cependant un problème de taille. Si on utilise la structure ci-dessus pour
former le méthane, les quatre liaisons ne seront pas équivalentes. Or, l'expérience
montre que les quatre H de CH4 sont absolument équivalents et, de plus, cette
molécule est parfaitement symétrique (tétraèdre). Il faut donc chercher plus loin.
3.3.5. Hybridation des orbitales
Les scientifiques se sont replongés dans les fonctions d'ondes et ont cherché à les
combiner de manière à mettre en évidence une structure tétraédrique.
Une première solution existe quand on prend en compte les quatre orbitales
considérées (2s 2px 2py 2pz).
Ce processus de recombinaison, purement
mathématique, est nommé hybridation. Il fournit quatre orbitales hybrides,
orientées selon les quatre axes de symétrie d'un tétraèdre. Il en découle que l'angle
3
entre deux orbitale vaut 109,5°. Ces orbitales hybrides sont nommées sp car elles
résultent de la combinaison d'une orbitale s et des trois sous-orbitales p :
3
Fig. 3.8 Hybridation des orbitales 2s 2p x 2py et 2pz en sp (source: Mortimer)
3
La Fig. 3.9 donne une vision stéréoscopique des orbitales sp . Pour avoir
l'impression de relief, il faut loucher légèrement de manière à superposer les deux
images. Une méthode pour y arriver consiste à placer un crayon entre les deux
illustrations puis on le rapproche lentement du visage sans le quitter des yeux,
jusqu'au moment où les deux images se superposent à l'arrière-plan. Après
quelques instants l'illusion de relief apparaît.
3
Fig. 3.9 Vision stéréoscopique croisée des orbitales sp .
L'hybridation n'a rien de magique. C'est une autre manière de voir une même
réalité. Dans l'exemple de la Fig. 3.10, chacun des quatre rectangles pris isolément
est grisé sur la moitié de sa surface. Par conséquent, l'ensemble est aussi grisé sur
la moitié de sa surface.
H. Schyns
3.4
L'atome et la liaison chimique
3 - La liaison chimique covalente
Fig. 3.10 Les aires grisées sont égales mais de formes différentes
Par contre, si on considère globalement l'ensemble des quatre rectangles, on peut y
découper d'autres formes qui représentent la moitié de la surface totale. Bien sûr,
certains rectangles sont plus grisés que d'autres mais c'est sans importance
puisque, maintenant, c'est le total qui nous intéresse.
2
Fig. 3.11 Hybridation des orbitales 2s 2p x 2py en sp (d'après : Mortimer)
Il existe une deuxième solution d'hybridation. Ainsi, on peut décider de ne
prendre en compte que trois des quatre orbitales (2s 2px 2py) et de laisser la
quatrième (2pz) intacte. Cette hybridation fournit trois orbitales planes, nommées
2
sp , orientées selon les trois axes de symétrie d'un triangle équilatéral (1). L'angle
entre deux de ces orbitales vaut 120° et elles forment chacune un angle de 90° avec
l'orbitale 2pz.
On trouve une troisième solution si on ne combine que deux des quatre orbitales
(2s 2px) en laissant les deux autres (2py 2pz) intactes. Cette fois, on obtient deux
orbitales nommées sp. Elles sont orientées linéairement selon un même axe mais
ont des sens opposés (2). Elles forment chacune un angle de 90° avec les orbitales
2py et 2pz.
Notons au passage que, pour les atomes des périodes suivantes, les possibilités
d'hybridation sont beaucoup plus nombreuses puisque l'on dispose aussi d'électrons
dans les orbitales d. De quoi expliquer toutes les géométries rencontrées dans la
nature !
3.4.
Formation des liaisons simples, doubles, triples
3.4.1. Cas du carbone
3
Sous la forme hybridée sp , le carbone dispose de quatre orbitales, disposées selon
les axes de symétrie d'un tétraèdre, contenant chacune un électron libre. Deux
atomes de carbone peuvent se rapprocher et former une liaison σ en recouvrant
1
2
Comme en géométrie vectorielle, la solution ne peut être que plane puisque px et py (vecteurs) définissent
un plan et que s est sphérique ("non vecteur").
Cette fois, la solution ne peut être que linéaire puisque px (vecteur) définit un axe et que s est sphérique.
H. Schyns
3.5
L'atome et la liaison chimique
3 - La liaison chimique covalente
l'une des orbitales de manière coaxiale. L'orbitale moléculaire σ résultante contient
alors deux électrons appariés.
Les six orbitales résiduelles - trois pour chaque atome - contiennent chacune un
électron libre. La liaison σ permet la libre rotation des deux atomes de carbone
autour de l'axe central. A cause des effets électrostatiques, les orbitales des deux
atomes s'orientent en position décalée, de manière à laisser la plus grande distance
possible entre les électrons :
3
Fig. 3.12 Formation d'une liaison simple C-C (hybridation sp )
3
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, l'hybridation sp , ne permet pas de créer
une double liaison C=C. La double liaison résulte de la rencontre de deux atomes
2
de carbone hybridés dans la forme sp . Chacune des orbitales hybridées contient
un électron libre. L'orbitale non hybridée 2pz - représentée à la Fig. 3.13 par l'union
deux sphères - contient aussi un électron libre.
2
Fig. 3.13 Formation d'une liaison double C=C (hybridation sp )
2
Lors du rapprochement des atomes, deux orbitales sp se recouvrent et forment une
liaison σ contenant un doublet d'électrons appariés. De leur côté, les orbitales 2pz
H. Schyns
3.6
L'atome et la liaison chimique
3 - La liaison chimique covalente
se rapprochent et forment une liaison π représentée par les deux formes cylindriques
contenant aussi un double d'électrons appariés (1). A cause de la liaison π, les deux
atomes ne peuvent plus pivoter librement l'un par rapport à l'autre. Les quatre
orbitales résiduelles sont situées dans le même plan.
On explique la triple liaison C≡C à partir d'une hybridation sp. Comme dans le cas
de la double liaison, deux orbitales sp se recouvrent et forment une liaison σ
contenant un doublet d'électrons appariés.
Les orbitales 2pz et 2 px se rapprochent de leur alter ego et forment deux liaisons π
représentées par les quatre formes cylindriques. Les deux liaisons π sont dans des
plans perpendiculaires (2). Ces deux liaisons π rendent la molécule extrêmement
rigide. Les deux orbitales résiduelles sont situées dans le même alignement.
Fig. 3.14 Formation d'une liaison triple C=C (hybridation sp)
3.4.2. Cas de l'oxygène
L'hybridation des orbitales n'est pas un processus réservé à l'atome de carbone.
Ainsi, dans l'atome d'oxygène dont la structure électronique est
2
2
2
1
1s 2s 2px 2py 2pz
1
il est inutile de procéder à la promotion d'un électron s vers une orbitale p mais on
3
peut néanmoins procéder à une hybridation de type sp . La différence par rapport
au carbone étant que, parmi les quatre orbitales ainsi créées, deux sont occupées
par les doublets d'électrons et deux servent à créer des liaisons avec d'autres
atomes. Dès lors, la structure de l'oxygène n'est pas parfaitement tétraédrique : les
deux liaisons forment un angle de 104.5° et non de 109.5°.
De même, pour créer une double liaison C=O telle qu'elle existe dans H2CO, il est
2
indispensable de procéder à une hybridation de type sp de l'oxygène (3). En effet,
1
2
3
Attention : il n'y a pas un électron dans chaque "saucisse" mais bien deux électrons qui se promènent dans
l'ensemble du volume représenté par les deux "saucisses", lesquelles symbolisent une liaison et non deux.
Cette fois, deux électrons se promènent le plan "vertical" et deux autres dans le plan "horizontal".
Les orbitales du carbone doivent aussi être hybridées, soit en sp2, soit en sp selon ce que l'on veut faire de
l'autre côté de l'atome de carbone.
H. Schyns
3.7
L'atome et la liaison chimique
3 - La liaison chimique covalente
nous savons qu'une double liaison est toujours formée d'une liaison σ et d'une
liaison π. Or, les liaisons π résultent de la superposition d'orbitales p. Donc, parmi
2
les trois orbitales sp , deux contiendront les doublets de l'oxygène et la troisième
contiendra un électron libre. Le deuxième électron libre sera dans l'orbitale 2pz qui
n'est pas intervenue dans le processus d'hybridation.
3
2
Fig. 3.15 Oxygène hybridé sp dans H2O et hybridé sp dans O=CH2
3.4.3. Cas de l'azote
Le cas de l'azote est également très intéressant. Sa structure électronique est
2
2
1
1
1s 2s 2px 2py 2pz
1
Comme dans le cas de l'oxygène, il est inutile de procéder à la promotion d'un
électron s vers une orbitale p mais on peut néanmoins procéder diverses
hybridations.
3
Parmi les quatre orbitales créées lors de l'hybridation sp , trois sont occupées par
des électrons libres qui formeront les liaisons tandis que la quatrième est occupée
par le doublet. Cette hétérogénéité déforme un peu la structure; l'angle entre les
liaisons est de 106° au lieu de 109.5°.
3
2
Fig. 3.16 Azote hybridé sp dans NH3 , hybridé sp dans CH2=NH , hybridé sp dans C=NH
2
De même, une hybridation sp de l'azote permet de créer une double liaison C=N.
La liaison π est construite grâce à l'électron libre qui est dans l'orbitale 2pz qui n'a
pas été hybridée. Ceci implique de placer le doublet électronique dans l'une des
orbitales hybridées.
H. Schyns
3.8
L'atome et la liaison chimique
3 - La liaison chimique covalente
Pour la triple liaison C≡N, il est indispensable de procéder à une hybridation sp tant
pour l'azote que pour le carbone. La paire d'électrons est encore hébergée par
l'orbitale hybridée.
3.5.
Forme des molécules
Le tableau ci-dessous résume les différentes formes que peuvent prendre les
molécules qui composées de deux éléments différents. L'hybridation mentionnée
est celle de l'atome de référence.
-
A : atome central de référence,
Bn : n atomes B liés à l'atome de référence,
-
Em : m paires électroniques libres dans l'atome de référence.
3.6.
Structure
Forme
Hybridation Exemple
AB2
Linéaire (180°)
AB2E
Coudée (109°)
AB2E2
Coudée (104.5°)
AB2E3
Linéaire
I3
AB2E4
Linéaire
aucun
AB3
Triangle plan (120°)
sp
AB3E
Pyramide (106°)
sp
AB3E2
en T (90°)
AB4
Tétraèdre (109.5°)
AB4E
Zig-zag
AB4E2
Carré plan
sp d
AB5
Bipyramidal à base
triangulaire
sp d
AB5E
Pyramide à base
carrée
AB6
Octaèdre
sp
CO2
SO2
3
sp
H2O
-
2
BF3
3
NH3
ClF3
3
sp
CH4
SF4
2
XeFe4
3
PCl5
IF5
3 2
sp d
SF6
Longueur des liaisons
La longueur d'une liaison chimique est la distance mesurée entre le centre des deux
noyaux. Le tableau suivant présente quelques ordres de grandeur.
H. Schyns
3.9
L'atome et la liaison chimique
Liaison
3 - La liaison chimique covalente
Longueur Energie
Å
kJ/mol
Liaison
Longueur
Å
Energie
kJ/mol
1.42
157
Br-Br
2.29
194
F-F
C-C
1.54
356
H-Br
366
C=C
1.31
720
H-Cl
432
C=C
1.20
962
H-F
567
C-N
1.47
352
H-H
0.75
436
C=N
1.37
H-N
1.04
460
C=N
1.16
879
H-O
1.03
498
C-O
1.43
381
H-S
1.35
370
C=O
1.22
707
N-O
1.2
208
C-Br
1.93
285
N=O
1.18
C-Cl
1.75
352
N-N
1.12
271
C-F
1.35
456
O-Cl
1.49
205
C-H
1.09
435
O-O
1.26
155
C-S
1.82
O-S
1.43
552
Cl-Cl
1.99
S-S
2.04
264
242
Les énergies de liaison sont données à titre indicatif. Elles peuvent varier
largement selon la structure de la molécule
La longueur de liaison est de l'ordre de 1 à 2 Å (1). C'est le même ordre de grandeur
que le rayon d'un atome. Ceci signifie qu'il ne faut pas voir les molécules comme
des segments de droite qui portent des atomes à leurs extrémités mais plutôt
comme des sphères qui s'interpénètrent.
Fig. 3.17 Représentations de la molécule de méthane (CH 4) : bâtonnets, sphères, orbitales
3.6.1.
Rayon covalent et rayon de Van der Waals
On peut estimer la longueur des liaisons (simples) dans une molécule à partir du
rayon covalent des atomes qui la composent.
Le rayon covalent est la moitié de la longueur de la liaison covalente pure qui unit
deux atomes de même nature.
1
1Å = 1 Angström = 10
H. Schyns
-10
m = 0.1 nm
3.10
L'atome et la liaison chimique
3 - La liaison chimique covalente
Par exemple, dans le cas de l'hydrogène, le rayon covalent est égal à la moitié de la
distance internucléaire mesurée la molécule H2. Comme la distance internucléaire
vaut 0.75 Å, on en déduit que le rayon covalent vaut 0.37 Å. Dans le cas du
carbone, la longueur de la liaison covalente vaut 1.54 Å, ce qui donne un rayon
covalent de 0.77 Å. On en déduit que la longueur de la liaison CH devrait être de
0.37 Å + 0.77 Å = 1.14 Å
En réalité, elle est un peu plus courte (1.09 Å) mais l'approximation est excellente.
Il ne faut pas confondre le rayon covalent avec le rayon de Van der Waals qui, lui,
mesure la distance minimale à laquelle un atome peut se rapprocher d'un autre sans
provoquer de liaison chimique.
Fig. 3.18 Rayon covalent (à g.) et rayon de Van der Waals (à dr.) (source : Shriver & Atkins)
H. Schyns
3.11
L'atome et la liaison chimique
4.
4 - Sources
Sources
4.1.
-
-
-
-
-
4.2.
-
-
H. Schyns
Ouvrages
Chemistry, a conceptual approach (2nd edition)
Charles E. Mortimer
Ed.: Van Nostrand Reinhold Company - New York - 1971
Chimie inorganique (3ème édition)
D.F. Shriver & P.W. Atkins
Ed.: De Boeck Université - 2001
Chimie organique (17ème édition)
Paul Arnaud
Ed.: Dunod - 2004
Chimie organique (2ème édition)
H. Galons
Ed.: Masson - 2003
Organic Chemistry
Vollhardt
CRC Handbook of Chemistry and Physics (60th edition)
CRC Press -1981
Logiciels
UltraMol 03 (Version 8.0.04 démo)
www.compuchem.com
DrawMol 03 (Version 5.0.04 démo)
www.compuchem.com
ChemSketch (Version 5.12)
Advanced Chemistry Development Inc.
www.adclabs.com
ChemPen 3D (Version 1.301)
Hilton Evans
home.ici.net/~hfevans/chempen3.htm
4.1