Websourd conjugue innovation sociale et technologique

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Websourd conjugue innovation sociale et technologique
Scop en action
Websourd conjugue
innovation sociale et technologique
Le site internet de la coopérative d’intérêt collectif Websourd a été lancé en décembre
2004. Son originalité : proposer pour la première fois une technologie qui permet une
traduction simultanée entre le français et la langue des signes. Un projet qui s’appuie
sur un tour de table réunissant les principaux acteurs de l’économie sociale.
Premier client :
la ville de Toulouse
Mis en ligne en décembre 2004, Websourd
est le premier site internet dont le contenu
est traduit en langue des signes et qui propose, en plus, un service de traduction
simultanée.
Première application : la simplification des
rapports avec l’administration. Dans ce
domaine, c’est la mairie de Toulouse, partenaire du projet, qui a, la première,
donné l’exemple. En se connectant sur
www.websourd.org ou sur le site de la
municipalité, l’internaute toulousain peut
AFP
C
adre supérieur d’Airbus, François
Goudenove décide brusquement
de changer de trajectoire après la
naissance d’un enfant sourd : « J’ai appris la
langue des signes et j’ai compris la situation
dramatique d’exclusion des sourds. Je me
suis dit que je pouvais contribuer à monter
quelque chose pour tenter d’y remédier »1.
Il a tenu promesse. En 2003, le premier projet de site web dédié aux sourds était
lancé. Son objectif : permettre à cette
population d’avoir un accès direct à l’information en alliant la traditionnelle
langue des signes française (LSF) avec les
technologies les plus modernes.
Et la demande est forte. Il y a en France
500 000 sourds, dont le seul moyen
d’échange avec le monde des « entendants » repose sur la LSF, langue qui
compte à peine 300 000 locuteurs. Pas
assez pour briser l’isolement et l’exclusion
sociale dont ils sont victimes, car il est
impossible de compter sur l’écrit comme
seul moyen de communication : un rapport parlementaire de 1998 évalue à entre
60 % et 80 % la proportion de sourds
illettrés.
La technologie de la Scic Websourd remplace
la présence au guichet de traducteurs
en langue des signes.
désormais trouver les traductions de nombreux formulaires : demande d’inscription
sur les listes électorales, déclaration de
naissance, demande de passeport… Des
démarches que les sourds peuvent maintenant effectuer de manière autonome.
« Sans le statut Scic,
le projet n’aurait jamais vu le jour. »
François Goudenove, directeur de Websourd
et ancien cadre supérieur d’Airbus
Mais la véritable révolution appelée à se
généraliser est la traduction bilingue français/LSF en ligne et en temps réel. Elle permet de se passer de la présence physique
d’un traducteur. Le service a été d’abord
installé dans les caisses d’allocations familiales (CAF) et à la mairie de Toulouse. Et
depuis le début 2005, dans des bibliothèques de la ville. Le sourd peut s’adresser à une webcam installée sur le guichet,
le traducteur de Websourd transmet alors
vocalement à l’agent la requête avant de
retraduire sa réponse en langage des
signes. Double avantage : le coût et la disponibilité. « Auparavant, trois agents municipaux étaient formés pour recevoir des
sourds. Mais nous avons dû abandonner
progressivement ce service. La présence
d’un agent formé au guichet coïncidait rare-
ment avec la venue d’une personne malentendante », explique Jacques Tournet,
directeur des systèmes informatiques de la
ville de Toulouse. Une solution d’autant
plus pertinente que les traducteurs sont
rares : seulement 150 dans toute la France !
Les réseaux de Montauban, d’Albi, de
Rodez et de Nancy ont suivi l’exemple toulousain. Et Websourd vient de remporter
l’appel d’offres lancé par l’Etat pour équiper 10 préfectures tests en France.
600 000 euros de tour de table
S’il est technologique, le succès de
Websourd repose aussi largement sur le
soutien de l’économie sociale. Né sous forme d’association, le projet a vite opté pour
le statut de Société coopérative d’intérêt
collectif (Scic). Et réunit aujourd’hui les
principaux acteurs de l’économie so-ciale,
dont la Mutualité française, la Macif, la
Caisse d’Epargne, ou encore France Active
et l’Union régionale des Scop de MidiPyrénées, membre fondateur de la Scic et
présente au conseil d’administration.
« Sans ce statut, le projet n’aurait jamais vu
le jour, affirme François Goudenove. Il a
apporté la crédibilité nécessaire et a garanti
aux partenaires la non-dérive éthique du
projet. » Avec plus de 600 000 euros récoltés lors de deux tours de table, Websourd
est aujourd’hui l’une des Scic les plus ambitieuses. Présente au dernier salon du livre
de Paris en mars, elle s’est lancée dans une
nouvelle innovation : les premiers livres
accompagnés de Cédéroms adaptés pour
les enfants sourds.
SÉBASTIEN ARNOULT ET PASCAL CANFIN
1. Les citations sont issues d’un article publié par le
magazine TESS au mois d’avril 2004.
Pour en savoir plus www.websourd.org
Participer 610 avril / mai 2005 •
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