SOLDATS DE FORTUNE, AkhENATON

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SOLDATS DE FORTUNE, AkhENATON
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SÉLECTION
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MUSIQUE
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1. SOLDATS DE FORTUNE // 2. BEN HARPER //
3. COMME D’HABITUDE
Soldats de Fortune, Akhenaton
Le 4e album d’Akhenaton est sorti, RENAME en parle,
comme c’est étonnant !
par Benjamin chambon
Q
uand le leader d’Iam sort un album, ce n’est ni
plus moins un leader d’opinion qui sort son
ouvrage périodique, comme certains sortiraient
un livre. C’est aussi un recueil massif de textes de références, dont l’écrin est une photographie instantanée des
humeurs musicales de l’artiste. Ces albums sont, de toute
façon, très influencés par son humeur, ce qu’il ressent et
ce qu’il vit.
Aujourd’hui, Chill est quarantenaire (ou presque), il
est père de deux enfants, mari épanoui, ami fidèle, chef
d’entreprise et mécène. Quand on entend des discours de
ses proches à son sujet, on se dit que l’on ne se trompe pas
sur l’homme, derrière ses airs de mec calme et prudent se
cache un monstre de joie de vivre et de générosité. Akhenaton est véritablement un pharaon : tout ce qui gravite
autour de lui est constructif, positif, il réinvestit ce qu’il
gagne, il grandit avec son entourage. Personne ne s’y
trompe plus et c’est un bonheur pour chaque journaliste
de le recevoir. Que sera son prochain album, son premier
disque indépendant (produit par sa propre structure 361
Records), entièrement instrumentalisé de sa patte ? Ce
sera un bout de lui, encore une fois, son bout de lui du
moment. Ses précédents albums étaient tous très différents et avaient la particularité de vieillir très très bien.
Sol Invictus révèle à chaque écoute son lot d’émotions et
de surprise : c’est aujourd’hui un grand classique qui fait
l’unanimité alors que son accueil à l’époque fut plus mitigé. Attendons-donc à être surpris, peut-être déçu, mais
attendons-nous surtout à passer quelques années de notre vie à être accompagné par un nouveau disque dense
et complexe.
ci-contre
Akhénaton, dans
sa thématique
militaire de
l’album.
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Le visuel de l’album a de quoi déconcerter. Pour la
première fois Akhenaton y apparaît, pour la première
fois nous avons le droit à une couverture très « premier
degré », semblant nous inviter dans un monde guerrier,
ambiance Viet-Nâm. Pour ma part, je la trouve relativement laide. Par contre, le reste du packaging est impeccable, le digipack se révèle être un bel objet, le livret est très
sympa, le cd2 contient le paroles complètes en pdf, ainsi
que deux clips.
L’ambiance guerrière fait bien partie des thèmes de
l’album, elle est particulièrement présente sur 3 titres,
mais aussi dans les champs lexicaux généraux de l’ouvrage. L’idée générale, en plus de donner une certaine homogénéité à l’album (qui en avait besoin), est d’appuyer
encore un peu plus sur la métaphore jungle/banlieue.
Parlons d’abord de ce qui fâche. Akhenaton a intégralement composé l’album et c’est sans doute la cause d’un
manque de profondeur de la plupart des sons, toute proportion gardée. Tout sonne à peu près synthétique, le son
est très électro, suivant logiquement la tendance prise
par l’artiste depuis quelques temps. Cependant, plus de
la moitié des productions restent très bonnes, mais force
et de constater que c’est la qualité de ces musiques qui
influent la valeur finale du morceau, tant les textes sont
bons, dans leur globalité. Hal de Chiens de paille produisant le meilleur morceau de l’album, on peut se demander
si Chill n’aurait pas pu donner un peu de boulot aux maîtres djs qu’il côtoie au quotidien (Kheops, Imothep, Hal,
Sya Style, Cut Killer, Dj Ralph…)
Les chroniques de la vie des banlieues, Akhenaton
l’aborde à de multiples occasions. Le niveau de ces titres
est particulièrement moyen. Si certains featurings sont
logiquement réussis (Sako de Chiens de Paille sur « Déjà
les barbelés »), d’autres sont moins élégants, comme la
Psy 4 de la rime, pas dans le ton sur « Vue de la cage », qui
laisse Chill également particulièrement peu inspiré. Le
discours m’a un peu blasé. Un peu formaté, Akhenaton
tire quelquefois son épingle du jeu (J’m’en tapais, j’étais
un poète, pour moi, j’arpentais l’monde/Pour eux ? J’avais
attrapé la grosse tête/J’ai plus appris sur l’homme de la
haine que de l’amour/Et mon stylo pleure l’encre afin
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d’éponger ma dette) mais reste curieusement standard
dans sa démarche.
Montons crescendo et abordons les titres plus guerriers. Alamo, Troie, ces deux morceaux ont le mérite
d’avoir un punch phénoménal, des textes épiques, ravageurs. Leur instru, pourtant, n’assume qu’à 80% cette ambition. Le récit, parfois, se fait moins furieux, pour permettre à Sentenza le soldat de laisser Akhenaton le poète
s’exprimer, sur des thèmes plus personnels (Mes gosses
j’veux les tirer d’cette merde, mais qu’ils aient les frissons/
Quand ils écoutent leur père rapper sur « Rien à Perdre
»/Puis ma fille me dessine bien maigre, chérie c’est la fragilité/De qui ignore la facilité/Les plus beaux poèmes s’lisent à bas mots, en voici un d’papa). C’est ici une richesse
cachée de ces titres qui est bienvenue et permet de redécouvrir à chaque écoute des titres soignés et plus riches
qu’il n’en paraît de prime abord. Le track « Entre la pierre
et la plume », estampillé Iam, est impeccable, voire surpuissant. L’alternance Akh/Shurik’n est parfaite, les flows
sont affûtés, les Mcs prennent clairement leurs pieds, ça
se ressent en force, d’autant que les textes sont de très
haute volée (J’ai ramassé leur arme, mes frères en étaient
ravis/Ma plume a dansé au son austère de mes nerfs à vif/
A partir d’la c’est brasse coulée dans les rapides/Et fiesta
d’malade à chaque centimètre qu’on grappille).
Les « délires », ça a toujours été une tradition dans un
album d’Iam, nous en trouvons logiquement quelquesuns ici. D’abord, saluons « L’école de Samba », plutôt
intéressant, sur lequel Shurik’n découvre la samba brésilienne, le raggamuffin et le chant lyrique, rien que ça. Le
titre n’est pas transcendant mais reste bon. Ajoutons juste
que parmi les 2 autres titres de ce thème, « Comode » tire
plus ou moins son épingle du jeu en étant bien mené et
amusant, à défaut d’être aussi bon que « J’ai pas de face »
ou « Attentat ». Nous arrivons maintenant à évoquer le
cœur de l’album, ce pourquoi on achète Akhenaton plutôt qu’un autre.
J’en viens donc aux ballades, aux morceaux de pures
réflexions personnelles. Et là c’est le bonheur. « Canzone
di Malavita » a tout d’un titre culte : sur une mélodie magnifique, Chill déroule, avec une émotion très touchante
(J’saurais apprendre, que ceux qu’on chérit d’un coeur tendre/Ne sont pas éternels, un jour, la mort passe pour les
prendre/Demanderais pardon, à tous ceux et celles qu’ j’ai
lésés/Reprendrais les cours et tous ces projets qu’ j’ai laissés/
Un d’ces jours où j’étais las des leurres/J’emplirais les heures où tous ces rêves furent avortés/dans les pleurs/Prend
ma main dans la tienne et égrène les jours/Bois c’temps qui
s’envole et ravine mes joues/Ecoute moi chanter nos heures
les hauts et les bas). « Mots Blessés » est du même tonneau, avec un son signé Hal, un must have sur lequel Chill
frissonne avec nous (Si pour finir j’devais choisir ma mort,
ce serait en sommeil/Fauché en plein rêve avant de revoir
le soleil,/Si seulement elle pouvait arriver tard j’finirais
mes livres/Buvant sur tes lèvres, tellement d’nuits, que j’en
serais/ivre). « Quand ils rentraient chez eux », est vraiment excellent aussi, tout calme, il tire le meilleur parti
du duo Akhenaton/Toko. Enfin, j’aurai adoré que « Sur
les murs de ma chambre » soit plus travaillé au niveau du
son, voire du refrain, entonné par le très prometteur Saïd.
One Luv, lui, est presque anecdotique.
Enfin, « La fin de leur monde » arrive. 10 minutes
de stupéfaction, le petit frère de « Demain, c’est loin »
nous livre un constat de la même trempe sur le monde
d’aujourd’hui et c’est peu dire ! Le duo livre un propos
sans concession où les constats rivalisent de justesse et
d’acidité. Morceaux choisis :
Rien n’a changé depuis « Où je vis »
Juif, catholique, musulman, noir ou blanc
Fermez vos gueules, vous faites bien trop de bruit
Comme ces orages dont l’eau se mêle à nos larmes
Et leur choc sur le sol aride dont l’uranium a volé l’âme […]
L’amour manque d’air, dans leur monde, nous on suffoque
Tout c’qu’on supporte, ça pressurise et c’est les psys qui vont
exorciser
Que quelqu’un me dise si j’ai des chances de voir enfin la
paix exigée
Qu’un jour, les abrutis s’instruisent […]
Chaque jour, la grande ville resserre l’étreinte
et tu peux voir les noms des notres évaporés écrit sur des trains.
ma vie, un mic, une mixtape, loin des ambitions
de ce qui sera élu président en 2007
j’adore ce moment où il dévoile le minois
tracklisting et notes
1. Soldats de Fortune
´´´´
2. Alamo
´´´
3. Troie ´´´
4. Vue de la cage (ft. Psy4)
´´
5. Canzone di Malavita
´´´´´
6. Live dans la discothèque
´
7. L’école de Samba
´´
8. Déjà les barbelés (ft. Sako)
´´´
9. Cosca Crew Party (IAM)
´
10. Mots Blessés
´´´´´
11. Entre la Pierre et la plume (IAM)
´´´´´
12. Dans la cité (ft. Moïse & Veust)
´´´
13. One luv
´´
14. Bien Paraître (IAM ft. Sako)
´´´´
15. Comode le dégueulasse (ft. Faf Larage & Veust) ´´´
16. Quand ils rentraient chez eux remix (ft. Toko) ´´´´
17. Du mauvais côté des rails
´´´
18. Sur les murs de ma chambre (ft. Saïd)
´´´
19. La fin de leur monde (IAM)
´´´´´
20. Bronx River
´´´
21. Do it, do it, do it (ft. Sako)
´´´
22. Crèverie haut de gamme (ft. Freeman)
´´
L’album
13/20
“Live dans la discothèque” : c’est pas un titre qui fait peur ça ?
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de qui devra tailler des
pipes monumentales au
chinois.
Alors au final, oui, le
résultat est mitigé. Les sons ne sont
à mon goût pas à la hauteur, hormis
quelques perles bien trouvées. L’album reste en outre peu homogène,
comparé aux précédents. Les textes
jouissent d’une grande qualité géné-
1
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rale, mais Akhenaton ne prend ici
une dimension monstrueuse que sur
les textes très personnels, se transformant en machine à rime dès qu’il
s’agit de parler de choses déjà bien
ressassées. Pourtant, de très bonnes
surprises parsèment l’album dont les
prestations de Shurik’n et de Sako.
Au final, la bonne dizaine de titres
canons sur les 23 qui parsèment la
galette sont des raisons suffisantes
pour acheter l’album sans sourciller.
Pour cette première autoproduction,
Akhenaton relève le défi plutôt facilement, Soldats de Fortune manquant
tout de même d’un poil du fascinant
mysticisme dont étaient emprunt ses
grands frères. Toute proportion gardée (nous parlons d’Akhenaton), SdF
est un grand disque de rap français,
indépendant, vendu au tout petit prix
de 12 €. À découvrir, donc. rn
both sides of ben harper
deux cédés et deux atmosphères : c’est bien mais ça ne
supporte pas la comparaison de ses premiers albums
PAR DUP
N
ous sommes un dimanche
soir de mars, il est 20 h 30, je
rentre dans le train direction
Villejuif écouteurs sur les oreilles.
Au programme le nouvel album
de Ben Harper : Both sides of the gun.
Trois ans après Diamonds on the
inside un peu trop commercial et un
album commun avec les Blind boys of
Alabama tourné vers le gospel, Ben
Harper revient avec un double album
beaucoup plus personnel et contrasté.
Deux albums, deux styles
Le premier disque regroupe un
ensemble de 9 ballades pop/rock.
Sensible, ce disque se distingue des
précédents avec une composition instrumentale classique : en effet, Ben
discographie
Welcome to the cruel world
Fight for your Mind
The will to live
Burn to shine
Live from Mars (2 cédés)
Diamonds on the inside
There will be a light
(avec les « Blind boys of Alabama »)
2006 Both sides of the gun
(2 cédés, édition collector avec un cédé de remix)
1994
1995
1997
1999
2001
2003
2004
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Harper a fait appel à un quatuor de
musique de chambre (premier violon,
second violon, violon alto, violoncelle)
qui rend ses chansons mélodieuses et
douces. Sa voix se pose tout simplement au dessus des longs phrasés du
quatuor. À l’exception de quelques
chansons bien ficelées (« Morning
Yearning »), on peut trouver ce disque
trop mielleux (« Reason to Mourn »).
Le deuxième disque se compose
de 9 titres dont le single « Better
Way ». Beaucoup plus rythmé, Ben
joue avec les styles “funk/jazz/style
seventies”. Ce disque enchantera les
fans des titres comme « Homeless
child » (Album : The will to live) et «
Bring the funk » (Album : Diamonds
on the inside). Mention spéciale pour
l’excellent titre « The way you found
me » où l’on retrouve les influences
jazz de Ben Harper au travers du duo
contrebasse/piano et de la présence
de chœurs féminins.
Ce double album reste engagé sur
le monde actuel (« Better way ») et la
politique (« Both sides of the gun »,
les deux cotés de l’arme). On y retrouve également « Black rain » écrit
quelques heures après le passage de
l’ouragan Katrina dans le sud des
Etats-Unis.
Le verdict
Un cédé de ballades plutôt (et
Mickey, ok je sors) mitigé et un cédé
funk/seventies bon, voire très bon
pour les amateurs du genre. Ce dernier album reste tout de même un
peu en dessous des premiers opus : en
définitive, il m’est difficile de juger un
album produit, composé, interprété
par un artiste de ce talent (surtout
quand on voit des mer*** formatées
passer à la télévision qui ne sont que
des interprètes sans talent avec une
belle gueule. C’est fait, c’est dit, point
à la ligne.) rn
Ben Harper sera à l’Olympia fin juin 2006
(voir www.olympiahall.com)
DVD « Pleasure+Pain » : retrace sa vie et ses
influences musicales
Site officiel : www.benharper.net