Récréations scientifiques Allons au théâtre

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Récréations scientifiques Allons au théâtre
ARTS, LETTRES ET SCIENCES
Récréations
scientifiques
Jean Moreau de Saint-Martin (56)
[email protected]
Pour remettre en marche en douceur vos neurones après les
fatigues de l’été, voici quelques problèmes faciles.
1) Ce produit de la gastronomie d’un pays voisin a la
forme d’un cylindre de rayon z et d’épaisseur a. Quel est
son volume?
2) Avec les nombres π et e, «princes de l’analyse mathé-
matique», je forme la somme π + e et le produit π e. Que
pensez-vous des affirmations suivantes?
a) somme et produit sont transcendants,
b) l’un d’eux est transcendant, l’autre non,
c) aucun d’eux n’est transcendant.
3) Dans une pyramide à base rectangulaire ABCD, de
sommet S, on a mesuré les arêtes SA = 90 mètres, SB =
70 mètres, SC = 20 mètres. Quelle est la longueur SD ?
4) Les bissectrices extérieures des angles A et C d’un tri-
angle ABC se coupent en un point J de son cercle circonscrit. Que pouvez-vous en conclure?
5) Après le match de foot
Une photo prise juste après le match montre côte à côte
3 joueurs portant les numéros 1, 3 et 6. La photo donne
à voir un nombre de 3 chiffres multiple de 7. Quel est ce
nombre?
Avis à nos lecteurs internautes
Si vous ne trouvez pas l’intégralité de cette rubrique
(énoncés et solutions) dans la version électronique de La
Jaune et la Rouge, vous pouvez me la demander (par message à l’adresse ci-dessus) : je vous enverrai le ou les
fichiers (au format PDF) par courrier électronique.
Solutions page 104
Allons
au théâtre
L
Philippe Oblin (46)
A FAUTE À VOLTAIRE, qui veut que nous cultivions
notre jardin : un accident de jardinage, justement,
m’assigne temporairement à résidence, de sorte que
je n’ai pu me rendre au théâtre. Or je répugne à vous parler d’une pièce en me contentant de l’avoir lue, car cela est
contraire aux principes de Molière, pour qui une œuvre
dramatique ne saurait être appréciée «qu’aux chandelles».
On fera exception aujourd’hui, et j’ai jeté mon dévolu sur
Rutabaga Swing, comédie musicale de Didier Schwartz
créée en septembre 2006 au Théâtre 13, présentement
reprise à la Comédie des Champs-Élysées. À défaut de
jugement «aux chandelles», je me suis fié à cette reprise,
signe qui d’ordinaire ne trompe pas.
Les plus âgés des spectateurs ne retrouveront sans
doute pas sans une pointe de nostalgie ces airs qui hantèrent nos oreilles durant les années d’occupation en nous
remontant le moral, qui en avait bien besoin : Mon heure
de swing, de Georgius et Rawson, Papa pique et Maman
coud, de Charles Trenet, Mademoiselle Swing, de Poterot et
Legrand et bien d’autres, une bonne dizaine en tout. Les
autres spectateurs découvriront ces chansons que fredonnaient leurs aînés, dont il m’arrive de penser qu’elles
passaient nettement, en richesse de poésie comme d’invention mélodique, le rap contemporain, sans pour autant
manquer de rythme.
Que fredonnaient… Il n’y avait pourtant pas tellement lieu de fredonner dans le temps que se déroule l’action, entre 1942 et 1944, en fait en une manière de
condensé car y est évoquée comme récente la bataille de
Stalingrad – décembre 1942 – alors que la pièce s’achève
à la Libération. Peu importe cette liberté quant à l’unité
de temps, et même ce flou temporel, car ils n’ôtent rien
à notre plaisir. L’unité de lieu du moins est respectée : la
salle d’un café de village où répète un groupe de chanteurs amateurs se produisant le dimanche. Il s’agit de
Philippe le propriétaire du café, Marie la serveuse, Suzy
la coiffeuse-manucure du patelin, Bernard le bibliothécaire municipal et Claude, un facteur à la Tati, du genre
ahuri consciencieux.
LA JAUNE ET LA ROUGE • AOÛT-SEPTEMBRE 2007 101
Pour faire une comédie, musicale ou non, il faut du
comique : la présence, invisible car elle ne quitte pas sa
chambre, de la grand-mère centenaire de l’actuel patron.
Mariée à quinze ans, au moment de la fondation du café,
à un homme de soixante-cinq ans qui participa à la bataille
de Waterloo, elle en aura connu trois autres, l’un tué en
1870, un autre à Madagascar en 1897 et le dernier sur la
Marne en 1915. Tous ces glorieux deuils, pas plus que
son grand âge, ne l’empêchent de rester portée sur le
guilledou, penchant que des circonstances exceptionnelles
et dignes d’une comédie de Plaute vont lui permettre de
satisfaire.
Les circonstances exceptionnelles : la présence simultanée dans l’établissement d’un locataire, un peu mystérieux, de l’unique chambre à louer, qui a failli être fusillé
comme otage après un attentat contre une voiture allemande mais ressurgit alors qu’on le croyait mort et surtout qu’on vient de relouer la chambre à un jeune officier
allemand gentil comme tout, naïf et sincère. Il vient d’être
affecté en France comme traducteur, est enchanté de
découvrir ce pays dont il parle si bien la langue et ne
demande qu’à mieux connaître les Français. Il pensait disposer d’un petit appartement mais a trouvé le local promis réquisitionné par la Gestapo, prioritaire, et préfère
une chambre en ville à la piaule de caserne que la
Kommandantur lui proposait en compensation.
Il faut cacher l’échappé de la fusillade, d’abord d’urgence
pendant que l’Allemand défait ses valises et on l’enfouit
dans la chambre froide, particulièrement froide car elle
est un peu déréglée, puis on l’installe dès que possible à
demeure dans la chambre de la grand-mère. Laquelle en
profite pour satisfaire ses aspirations refoulées, ce d’autant plus facilement que le malheureux est cloué au lit
par une pneumonie contractée dans la chambre froide.
Les jours passent. L’attachante jeunesse de Hans
l’Allemand, son côté Prince de Hombourg ténébreux,
émeuvent d’évidence Marie la serveuse et Suzy la coiffeuse. Pour sa part, il ne cache pas ses désillusions, et
même son écœurement de soldat face aux tâches qui lui
sont confiées : traduire les lettres anonymes de dénonciation qui parviennent à la Kommandantur! Là, l’auteur
exagère peut-être un peu : il y en avait certes, mais sans
doute moins qu’il ne le laisse supposer. Toujours est-il
qu’Hans voudrait bien, par politesse, rencontrer la grandmère. Il est hors de question de lui donner accès à la
chambre de l’aïeule. Et on ne peut pas remettre sans cesse
cette rencontre; cela finirait par devenir suspect.
On monte un scénario, et prend alors place l’éblouissante évocation de la bataille de Waterloo, récit mené
avec un brio époustouflant devant l’Allemand éberlué, et
un peu saoul, par Bernard déguisé en vieille dame fêtant
ses cent quatre ans le jour même de l’anniversaire de
cette bataille. Un morceau de bravoure valant sûrement
le déplacement. Encore qu’à la fin, les choses tournent
à l’aigre, après un rapprochement entre Bérézina et
Stalingrad qui blesse profondément Hans dans son patriotisme sincère, mais la douce Marie sauve la situation
pour le protéger.
102
AOÛT-SEPTEMBRE 2007 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Je ne vous livrerai pas la fin de la pièce, survenant à
la Libération, tout à fait inattendue, et tragique de surcroît : plusieurs s’y révèlent en outre tout autres qu’on
aurait pu les croire au fil des jours. L’auteur aura su, avec
une prodigieuse habileté, teinter de comique les aspects
tragiques de cette époque difficile, sans qu’aucun de ses
personnages ne se départisse jamais du réalisme de sa
touchante, ou décevante, humanité, dans le généreux
comme dans le sordide. Du grand art, musicalement
émouvant de surcroît.
n
Rutabaga Swing, de Didier Schwartz, dans une mise en scène de Philippe
Ogouz, à La Comédie des Champs-Élysées, 15, avenue Montaigne, 75008
Paris. Tél. : 01.53.23.99.19.
Discographie
Jean Salmona (56)
Élections
L’art est-il passible du jeu démocratique? Il y a quelques
années, après qu’un panel de critiques ait décidé quels
étaient les dix «plus grands chefs-d’œuvre de l’histoire du
cinéma» (parmi lesquels Citizen Kane, La Grande Illusion,
etc.), une chaîne radiophonique décida de faire appel aux
auditeurs pour désigner les plus grands chefs-d’œuvre de
la musique (ce fut Don Giovanni qui arriva en tête). Une
autre chaîne, aujourd’hui, soumet chaque semaine aux suffrages de ses auditeurs quelques œuvres musicales très
connues pour leur faire élire celle qu’ils préfèrent. Au fond,
pour aller au bout de cette logique, il suffirait de rechercher
les statistiques de vente sur une longue période d’un grand
disquaire. Dieu – ou plutôt Orphée – merci, les éditeurs ne
se contentent pas des « blue chips » pour grandes surfaces
et, avec courage, ils publient des enregistrements d’œuvres
hors des sentiers battus. C’est à quelques-unes de ceux-là
qu’est consacrée la présente chronique.
Un oratorio, un opéra, des arias
Haendel avait 22 ans quand, en séjour à Rome, il composa La Bellezza revveduta nel trionfo del Tempo e del
Disinganno (la Beauté repentie dans le triomphe du Temps
et de la Désillusion), oratorio sur le très vertueux livret
d’un cardinal mécène, que viennent d’enregistrer Le Concert
d’Astrée dirigé par Emmanuelle Haïm et des solistes parmi
lesquels Natalie Dessay 1. On est frappé dès l’abord par
l’extraordinaire inventivité de la musique, vocale et instrumentale : Haendel jeune, et stimulé par l’Italie, est,
faut-il s’en étonner, beaucoup plus créatif que dans sa
maturité; et aussi par l’ambiguïté, plus subtile et plus perverse, qui règne tout au long de l’oratorio et qui est bien
celle du XVIIIe siècle à la fois moralisateur et libertin (reli-
sez les Mémoires de Casanova et les Confessions de Rousseau) :
la Beauté, qu’il s’agit pourtant de fustiger, est bien plus
attirante – heureusement - que le Temps et la Désillusion.
Superbe interprétation à tous égards.
Un siècle plus tôt, Stefano Landi composait La Morte
d’Orfeo, «tragi-comédie pastorale», quelques années après
l’Orfeo de Monteverdi. Il s’agit d’un opéra sur un épisode
peu exploité de la mythologie, la mort d’Orphée déchiqueté
par les Ménades. La musique instrumentale est évidemment plus primitive que celle de Haendel, les polyphonies
vocales étant, elles, très élaborées, avec des effets jamais
rencontrés auparavant (d’écho notamment). C’est l’ensemble Akademia dirigé par Françoise Lasserre qui a ressuscité cette œuvre rare 2, avec des instruments inhabituels
comme archiluth, sacqueboute, ceterone.
Marijana Mijanovic, alto, chante dans un disque tout
nouveau, accompagnée par le Kammerorchester Basel dirigé
par Sergio Ciomei, des arias d’opéras de Haendel destinés
à l’origine au castrat Senesino 3, extraits de Rodelinda,
Radamisto, Siroe, Giulio Cesare, Orlando. L’altiste serbe,
célèbre depuis le Festival d’Aix 2000, a un timbre et une
puissance vocale – sans vibrato – qui en font une des interprètes les plus authentiques de la musique baroque telle
que, semble-t-il, la chantaient les castrats comme Senesino.
Chansons
Faire revivre le chant «courtois» (de cour) du XIIIe siècle,
tel que le pratiquaient les trouvères : au-delà de l’archéologie musicale, il y a la recherche d’une sensibilité, celle
du Moyen Âge, que les historiens peinent à retrouver, et
que la musique, qui fait appel à nos émotions plus qu’à
notre capacité d’analyse, peut nous laisser entrevoir. Sous
le titre « D’amoureus cuer voel chanter », l’ensemble Les
Jardins de Courtoisie, dirigé par Anne Delafosse-Quentin
(trois chanteurs, quatre instrumentistes) 4 restitue une
vingtaine de chansons d’Adam de la Halle, trouvère du
Nord qui a repris la tradition occitane, et qui est un des
premiers «auteurs» français. On a plaisir à découvrir une
musique fraîche et étrange, rien moins qu’ennuyeuse,
aussi éloignée que possible de ce que l’on nous a longtemps présenté comme la musique médiévale.
Sous le titre « Les Fastes de Bacchus », La Compagnie
Baroque dirigée par Michel Verschaeve a enregistré un
ensemble d’airs sérieux et à boire de l’époque de la Régence
(entre Louis XIV et Louis XV) dus pour une bonne part
au chansonnier Jean-Baptiste de Bousset 5. C’est un bel
échantillon des airs à la mode que prisait fort la société de
l’Ancien Régime. On prend conscience d’un goût que l’on
n’imaginait pas tel qu’il fut : assez rustique, égrillard, et
qui nous fait voir d’un autre œil les tableaux de Boucher
et Watteau.
Péchés de vieillesse et autres
Sous le titre « Gammes et spécimens », le pianiste Stefan
Irmer a enregistré un des volumes des « Péchés de vieillesse »
que Rossini a composés vers la fin de sa vie 6. Il s’agit de
pièces assez fantaisistes, dont les titres parfois farfelus
(«petite promenade de Passy à Courbevoie la parcourant – homéopathiquement et à la pesarese – dans tous les tons de la
gamme chromatique»), mais aussi la structure, annoncent Satie et, au-delà, les minimalistes contemporains.
Tout n’est pas génial mais, sous une forme qui évite de
se prendre au sérieux, Rossini a résumé le résultat de
recherches musicales dont certaines – la « gamme chinoise» – seront reprises par Debussy et Ravel.
Déodat de Séverac est un compositeur négligé car peu
prolifique, disparu assez tôt, et, de surcroît, provincial (il
se retira assez vite à Céret). Il n’a évidemment pas l’étoffe
d’un Ravel ou d’un Debussy, auxquels il était comparé de
son temps, et il n’a pas cherché à innover. Mais sa musique
est agréable et sans prétention, comme un de ces vins de
pays du Roussillon. On connaît assez bien ses pièces pour
piano, celles, plus secrètes et subtiles, pour orgue. Roberto
Benzi a enregistré quelques-unes des œuvres pour orchestre
avec l’Orchestre de la Suisse Romande 7. C’est une musique
légère et reposante, un peu datée, témoignage d’une époque
(les années 1900).
Le disque du mois
Les Variations Goldberg par Glenn Gould sont, dans
leurs diverses versions, des disques culte. La première
version, chère aux inconditionnels de Gould, date de
1955, une époque où l’enregistrement était analogique et
relativement peu sophistiqué.
Un laboratoire californien a mis au point une technique dite «re-performance» : on analyse les divers paramètres de l’enregistrement analogique microsillon, on les
numérise – y compris les caractéristiques acoustiques du
local d’enregistrement d’origine – puis on fait jouer ce
logiciel sur un piano contrôlé par ordinateur (du type
Disklavier). On obtient ainsi une interprétation virtuelle
de Gould aujourd’hui, que l’on enregistre 8. Le résultat
est saisissant : c’est l’interprétation de 1955, mais enregistrée aujourd’hui, donc parfaite techniquement, inespérée. Glenn Gould, qui était passionné de techniques
nouvelles et qui faisait lui-même des enregistrements virtuels en enregistrant une œuvre par paquets de huit
mesures collés ultérieurement, aurait aimé, sans doute.
En tout cas, ce sont les meilleures Goldberg par Gould,
de très loin. Et… l’on n’entend pas les ahanements de
Gould, évidemment. (Sur le même disque, un deuxième
enregistrement, techniquement différent, destiné aux
écoutes avec casque).
n
1. 2 CD VIRGIN.
2. 2 CD ZIG ZAG.
3. 1 CD SONY.
4. 1 CD ZIG ZAG.
5. 1 CD ARION.
6. 1 CD MDG.
7. 1 CD SRG SSR.
8. 1 CD SONY.
LA JAUNE ET LA ROUGE • AOÛT-SEPTEMBRE 2007 103
Musique
en Image
Marc Darmon (83)
Richard Wagner : Lohengrin 1
K. F. Vogt, S. Kringelborn, W. Meier,
DSO Berlin, Kent Nagano
Lohengrin fait partie, avec le Vaisseau Fantôme et
Tannhäuser, des premiers opéras célèbres de Richard
Wagner. Le système de «leitmotiv», ces thèmes attachés
à des personnages, des objets, des sentiments ou des événements, qui reviennent tout au long de l’ouvrage, se
développe réellement pour la première fois. Lohengrin est
aussi le premier à dépasser les trois heures et demi, format en dessous duquel Wagner ne redescendra plus (à
part naturellement pour l’Or du Rhin, mais qui n’est qu’un
«Prologue»).
Comme chaque fois, le livret est réalisé par Wagner
lui-même d’après une légende nordique, celte ou germanique. Ici se mélangent la Geste de Garin de Lorraine
(« Lorraine-Grin ») et le cycle des Chevaliers du Graal
(Lohengrin est fils de Perseval-Parsifal apprend-on à la
fin de l’acte III; il est d’ailleurs saisissant de réaliser que
Wagner réutilisera pour son dernier opéra, Parsifal, plus
de trente ans plus tard, les thèmes musicaux du Graal et
du Cygne découverts dans Lohengrin).
Il serait trop long de décrire ici l’intrigue, toujours
complexe et pouvant se lire à plusieurs degrés comme les
contes de fées, pleine de chevalerie, de merveilleux, de
serments, secrets et parjures, de complots et jalousie.
Mais on comprendra que l’ouvrage gagne beaucoup à
la représentation scénique, en direct ou en DVD. En effet,
cela permet d’ajouter à la beauté de la musique la compréhension du livret et la perception d’une action très
« visuelle » (tournoi, mouvements de foules, jeux des
conspirateurs…). Pour tout cela, le film réalisé lors du
festival de Baden-Baden en juin 2006, avec une distribution dominée par une magnifique (à tout point de vue)
Waltraud Meier et les forces (chœurs et orchestre) de
Kent Nagano, est idéal. La direction d’orchestre est magnifique, de la finesse du prélude jusqu’aux scènes de combat. La mise en scène est très efficace. En particulier le
jugement d’Elsa de Brabant et l’arrivée de son sauveur,
Lohengrin, sont extrêmement prenants. La direction d’acteurs, souvent imperceptible dans une salle d’opéra, est ici
très marquante et réussie.
Bien sûr, nous n’avons pas ici les grands chanteurs wagnériens de l’après-guerre (la prétendue décadence du chant
wagnérien est de toute façon un lieu commun depuis plus
de cinquante ans), et nous n’avons pas non plus, à part
104
AOÛT-SEPTEMBRE 2007 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Waltraud Meier déjà citée, les plus célèbres des wagnériens
actuels; j’avoue d’ailleurs pour ma part un faible pour l’interprétation poignante et absolument contre-nature de
Lohengrin par le grand puccinien qu’est Placido Domingo
(sous la direction de sir Georg Solti). Mais cette production
est d’un niveau très supérieur à la moyenne de ce que l’on
voit dans les grandes maisons d’opéra aujourd’hui. Elle est
absolument recommandable.
n
1. 3 DVD OPUS ARTE.
Solutions des récréations scientifiques
1) Volume gastronomique
Réponse : « Pi.z.z.a, évidemment!» nous dit (avec un clin
d’œil) Christian Romon (75).
2) Question de transcendance
Dans l’état actuel de nos connaissances :
– l’affirmation a) est plausible, mais non démontrée;
– l’affirmation b), sans être vraisemblable, n’est pas
exclue;
– l’affirmation c) est certainement fausse : si s = π + e était
solution d’une équation algébrique f(s) = 0, et p = πe solution d’une équation algébrique g(p) = 0, l’élimination de s
entre les équations f(s) = 0 et g(sx – x2) = 0 fournirait une
équation algébrique h(x) = 0 (à coefficients entiers comme f
et g) admettant x = π et x = e pour solutions, contredisant les
résultats classiques de Charles Hermite (X 1842) et
Ferdinand von Lindemann sur la transcendance de e et de π.
3) Pyramide à mesurer
Comme les segments AB et CD sont égaux et ont même
médiatrice, on a pour un point H quelconque du plan
ABCD
HA2 – HB2 = HD2 – HC2, puis par Pythagore, si H est la
projection de S sur ce plan, SA2 – SB2 = SD2 – SC2, d’où
on tire SD = 60 mètres.
4) Drôle de triangle
La configuration de l’énoncé recèle une anomalie. Si J
appartient aux bissectrices extérieures des angles A et C,
il n’est ni sur l’arc BC ni sur l’arc AB du cercle circonscrit
au triangle ABC ; il est donc sur l’arc AC, et les angles du
triangle JAC sont π – B en J, (π – A)/2 en A, (π – C)/2 en
C, de somme π + (π – B)/2> π.
5) Après le match de foot
Le nombre est 931 : un des joueurs (le n° 6) est allongé
à côté des autres, mais en sens inverse. Autre possibilité,
il fait le «poirier», pieds en l’air, ou le «cochon pendu»,
à côté des autres qui se tiennent debout.
Les livres
La publication d’une recension n’implique en aucune façon
que La Jaune et la Rouge soit d’accord avec les idées
développées dans l’ouvrage en cause ni avec celles de
l’auteur de la recension.
Méthodes probabilistes
pour la reconstruction
de données manquantes
Manuel théorique et pratique
Bernard Beauzamy (68) et Olga Zeydina
Avec la collaboration de l’Université nationale
de Donetsk, Ukraine
Paris – Société de Calcul Mathématique 1 – 2007
Chacun constate l’absence de certaines données : elles
n’ont jamais été recueillies, ou bien elles ont été perdues.
Le présent manuel fournit les outils, d’abord théoriques, ensuite pratiques, permettant la reconstitution de
données manquantes.
Il est illustré par un exemple type, traité tout au long
de l’ouvrage : les débits de 19 fleuves en Vendée, enregistrés journellement sur trente-sept ans en théorie, mais
avec plus de 50% de trous en pratique. Cet exemple est
issu d’un contrat traité par la SCM pour Veolia Environnement, Région Ouest.
Nous montrons comment les méthodes probabilistes
permettent une reconstitution précise et efficace, et nous
montrons comment mettre en œuvre les outils informatiques appropriés.
On peut également explorer ces méthodes pour s’abstenir de recueillir des données que l’on saura reconstruire :
nous montrons comment l’enregistrement permanent des
températures de trois villes témoin en Ohio permet la
reconstruction des températures de toutes les autres villes :
ceci permet d’économiser des capteurs et des mesures.
J. R.
1. 111, Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris.
L’histoire du Marais se confond souvent avec l’histoire
de la France. En sept parcours, la visite du quartier nous
permet de rencontrer les personnages influents qui ont
agi sur les événements et contribué à l’évolution du Temps.
En bordure de la Seine, nous assistons aux premières
implantations religieuses, à la création de l’ordre du Temple
dans la période si foisonnante du Moyen Âge, à la vie dans
les hôtels royaux Saint-Pol et des Tournelles. La construction de l’Arsenal et la naissance des guerres de Religion ont
marqué l’époque de la Renaissance.
Au cours du XVIIe siècle, dans les salons des hôtels prestigieux tenus souvent par des femmes, l’éclosion de la littérature et du théâtre classique a accompagné les prémices
de quelques découvertes scientifiques. Ces disciplines ont
été couronnées par les fondations de l’Académie française,
de l’Académie des sciences et de la Comédie française.
Plus tard, l’esprit des Lumières a régné sur l’effervescence qui a précédé la Révolution. La prise de la Bastille,
césure entre l’ancien et le nouveau Régime, est largement
évoquée avec ses répercussions sur la tumultueuse rue
Saint-Antoine et ses abords.
Au cours du XIXe siècle, de nombreux artisans et boutiquiers se sont installés dans les grandes demeures aristocratiques tombées en désuétude. Le Marais est alors
devenu un centre économique réputé et sa population s’est
fortement accrue. Néanmoins une vie culturelle s’est maintenue grâce au rayonnement de la bibliothèque de l’Arsenal,
devenue le creuset des divers mouvements littéraires.
Enfin, le vieux quartier s’est lentement endormi jusqu’à
ce que le Plan de sauvegarde et de mise en valeur des
années 1960 le réveille pour en faire un espace de culture et de communication, en préservant les richesses du
passé. Les nombreuses animations en tout genre font du
Marais un lieu dynamique où les visiteurs trouvent de
multiples formes de divertissements.
J. R.
Le Marais
2. Épouse de Jean Faure (56).
Juliette Faure 2
Profession Salaud
Une manière d’être en entreprise
Promenade dans le temps
Paris – L’Harmattan – 2007
Le Marais, Promenade dans le temps , publié chez
l’Harmattan en avril 2007, s’inscrit dans la collection
Histoire de Paris et de l’Île-de-France, collection qui a
pour but de présenter différentes facettes de l’histoire,
que ce soit à travers les lieux, les personnages ou les événements qui ont marqué les siècles.
Claude Lussac (74)
Paris – Éditions du Palio 3 – 2007
Sous le titre provocateur de Profession salaud et le nom
d’auteur de Claude Lussac, un de nos camarades de la
promo 74 s’interroge sur les salauds en entreprise.
LA JAUNE ET LA ROUGE • AOÛT-SEPTEMBRE 2007 105
«Vaste programme!» avait répondu, on s’en souvient,
le général de Gaulle lorsqu’à l’occasion d’un déplacement
en province en 1967 un quidam lui avait lancé « Mort
aux cons!»
«Vaste programme!» est-on tenté de dire aussi à Claude
Lussac à la lecture de son essai.
Notre camarade Lussac se propose en effet d’expliquer la montée en puissance des salauds qu’il dit avoir
observée dans le monde professionnel. Passant en revue
les contradictions juridiques et morales auxquelles sont
exposés les managers, l’impact des nouvelles technologies sur les «petites saloperies» de la vie quotidienne et
la déshumanisation qu’induisent les workflows, l’auteur
propose plusieurs pistes à cet égard. Il souligne également que la «salaud attitude» se démocratise et affecte
aujourd’hui l’ensemble de la hiérarchie, de sorte que chacun est menacé à la fois de se comporter en sauvageon
et d’en être victime.
À l’image de certains courants de la pensée managériale
américaine, la conclusion pronostique cependant un retour
nécessaire de balancier et suggère quelques idées simples
pour juguler l’inflation des salauds.
À la fois théorique et concret, rigoureux et drôle, littéraire et alerte, Claude Lussac a su traiter légèrement
d’un sujet grave.
Jean-Jacques Salomon (74)
3. 7 bis, rue Fabre d’Églantine, 75012 Paris.
www.editionsdupalio.com
Les métamorphoses du calcul
Une étonnante histoire
de mathématiques
Gilles Dowek 4
Paris – Le Pommier – 2007
Socle même de la méthode mathématique depuis
l’Antiquité grecque, la notion de démonstration s’est
profondément transformée depuis le début des années
soixante-dix.
Plusieurs avancées mathématiques importantes, non
toujours connectées les unes aux autres, remettent ainsi
progressivement en cause la prééminence du raisonnement sur le calcul, pour proposer une vision plus équilibrée, dans laquelle l’un et l’autre jouent des rôles complémentaires.
Cette véritable révolution nous amène à repenser le
dialogue des mathématiques avec les sciences de la nature.
Elle éclaire d’une lumière nouvelle certains concepts philosophiques, comme celui du jugement analytique et synthétique. Elle nous amène aussi à nous interroger sur les
liens entre les mathématiques et l’informatique, et sur la
singularité des mathématiques qui est longtemps restée
l’unique science à ne pas utiliser d’instruments.
106
AOÛT-SEPTEMBRE 2007 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Enfin, et c’est certainement le plus prometteur, elle
nous laisse entrevoir de nouvelles manières de résoudre
des problèmes mathématiques, qui s’affranchissent de certaines limites arbitraires que la technologie du passé a
imposées à la taille des démonstrations : les mathématiques sont peut-être en train de partir à la conquête d’espaces jusqu’alors inaccessibles.
J. R.
Mathématicien, logicien et informaticien, Gilles Dowek est chercheur et professeur à l’École polytechnique.
4.
L’âme du go
Les formes et leur esthétique
Fan Hui
Paris – Chiron éditeur 6 – 2007
Fan Hui est né en Chine en 1981. À l’âge de 15 ans il
devient joueur de go professionnel dans son pays. Puis
un an plus tard, toujours en Chine, il fait partie d’une
équipe nationale de jeunes.
Arrivé en France en 2000, il s’impose très vite comme
le meilleur joueur de go d’Europe: il y gagne pratiquement tous les grands tournois, dont le Tournoi de Paris
et la Coupe «Ing Memorial».
Depuis trois ans, il est chargé par la FFG (Fédération
française de go) d’enseigner le go dans les clubs, les écoles
de go et les divers stages organisés à cet effet. Il est très à
l’aise avec les jeunes qui sont devenus friands de sa méthode
d’enseignement et il a constitué une «Équipe de France
Jeunes » qui va sans doute devenir une référence dans
toute l’Europe.
Son premier livre, L’âme du go, est le fruit de son enseignement du go en France. Plus qu’un livre d’initiation,
c’est un livre qui permet d’aborder ce jeu sous un angle
efficace, assez nouveau en France; et même les joueurs
forts peuvent y puiser de précieux enseignements sur la
manière d’aborder le jeu et sur une méthodologie pour
réfléchir avec efficacité en cours de partie.
J. R.
6. 25, rue Monge, 75005 Paris.
Il faut doubler les salaires
des fonctionnaires
Pour espérer doubler les autres
Philippe Journeau (77)
AEGEUS – Éditions du Bicorne 5 – www.aegeus.org
C’est une méthode qui était proposée aux candidats à
la récente élection présidentielle. L’objectif ? «Tous les
pays qui, dans les dix dernières années, ont annoncé une
vraie réforme de leur système ont réduit de manière significative leur dépense publique. En France, malgré les discours, la dette est passée de 20% du PIB en 1982 à 66%
aujourd’hui» dit Jacques Marseille dans le Métro le 18janvier. L’objectif est connu : une réduction radicale et durable
du budget de l’État, condition primordiale de la moindre
redistribution.
La méthode? Viser le doublement des salaires des fonctionnaires, comme résultat d’une réduction progressive
de leur nombre. Il n’y a pas d’erreur de calcul, c’est possible. Cela ne se fera pas en un jour, plutôt en dix ans,
mais en étant annoncé. Cela doit être l’objectif principal.
Sinon? «Les fonctionnaires bénéficieront bien d’un petit
coup de pouce le 1er février », hausse de 0,8 % qu’annoncent Les Échos du même jour.
La nécessité? Les diagnostics éclairés, intelligents et
documentés surabondent, mais aucune méthode n’a été
proposée pour réaliser concrètement le niveau de réforme
voulu. Ce que d’autres pays ont accompli ne semble, en
notre France bloquée, pas réalisable. Donc il faut une
autre méthode que la « top-down ». Les politiques savent
parler de participation aux entreprises: qu’ils donnent
l’exemple et, pour restructurer la fonction publique,
enjeu majeur du pays, paient le risque d’autre chose que
de mots.
Une chaîne de télévision montre aux candidats et aux
spectateurs le compteur de la dette qui tourne. C’est une
bonne idée. Certains candidats ont au moins conscience
de l’ampleur de l’enjeu. Mais sauf à utiliser une méthode
telle qu’exposée ici, aucun n’y aboutira. Car il faut aussi
revisiter ces notions de libéralisme, d’ultra et d’antilibéralisme, comme de service public, tous ces concepts dont
on parle sans jamais les définir.
J. R.
5. AEGEUS associe des écrivains de grandes écoles et universités pour
faciliter l’édition et la diffusion d’essais, thèses, études et recherches en
économie et gestion, sciences humaines, morales et politiques, sciences
exactes et philosophie, pour la mise à disposition de publics élargis.
AEGEUS édite en particulier des ouvrages de polytechniciens dans la collection des éditions du Bicorne.
Énigme polytechnicienne
Pierre Boulesteix (61)
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Qui ? Quels autres ? Où ? Quand ? En quelles circonstances ?
Les réponses sont à faire parvenir, exclusivement par courrier postal à Pierre Boulesteix (1961), 51, rue Jean
Bleuzen, 92170 Vanves, ou par message électronique à «[email protected]», avant la fin du mois qui suivra celui du présent numéro. La solution, avec le palmarès des lauréats s’il n’est pas trop long, sera publiée dans un
numéro ultérieur.
n
LA JAUNE ET LA ROUGE • AOÛT-SEPTEMBRE 2007 107