La résistance au changement

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La résistance au changement
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La résistance
au changement
Lettre Thématique n°4
Ecole de Coaching
Thérapeutique
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“Changer, c’est dire « oui »
à ce qui advient au lieu de
dire « oui » à ce qui a été. ”
Entretien avec dominique Baumgartner*
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Avez-vous une définition du changement ?
Dominique Baumgartner : oui, la croissance,
le développement, la transformation, le
vieillissement : des réalités incontournables de
la vie dont le processus échappe la plupart du
temps au contrôle de l’organisation et à celui
des personnes.
Le changement est un « présent » permanent. Il
est , quoi que nous fassions. S’opposer à cette
réalité est vain. Le changement est un processus
de transformation, de mutation, d’accomplissement, de mort et de renaissance. Ceci n’a rien à
voir avec le renoncement ou la résignation.
Changer, c’est donc accepter ce qui est ; c’est
dire « oui » à ce qui advient au lieu de dire « oui
» à ce qui a été. Se résigner, c’est rester dans la
nostalgie de ce que l’on a connu. Prenons
l’exemple de Jean, employé d’une usine qui va
fermer. Si Jean vit cette fermeture avec un sentiment de résignation, il va se polariser sur tout
ce qu’il a à perdre. Cette peur va le pousser à se
* Responsable de la Société CREE
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L’ensemble des organisations se mobilise
aujourd’hui autour de la conduite du changement. Qu’en pensez-vous ?
D. B. : J’utilise peu l’expression « conduite du
changement » parce que celle-ci induit le
contrôle, la maîtrise d’un mouvement qui , par
essence même, nous échappe. Les stratégies de
conduite du changement sont liées à des projections sur l’avenir alors que le changement se
vit dans le présent , c’est pourquoi je préfère le
terme « ajustement au changement ». Dès
qu’une entreprise propose un changement, elle
provoque chez ses salariés un mécanisme de
refus et une volonté de préserver leurs acquis.
Tout changement engendre des résistances qui
viennent de l’attachement au passé où chacun
s’imagine être en sécurité car les évènements y
sont connus. Le passé rassure tandis que l’avenir
fait peur car il « n’existe » pas. Nous ne pouvons intervenir que sur le présent pour influencer une décision ou modifier une situation.
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réfugier dans un passé plus rassurant.
L’acceptation de cette fermeture d’usine, passe
par l’accès aux bénéfices liés à ce changement.
Le « comment Jean va accepter cette nouvelle
réalité » est son chemin personnel et il n’existe
pas de bouton sur lequel appuyer pour accélérer
le processus d’acceptation. Nul ne peut intervenir à la place de Jean : nous ne sommes pas dans
le monde décisionnel mais dans le monde intra
psychique et ce monde là est fait de manifestations et de révélations, non de volonté.
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Le cycle du changement est caractérisé par
cinq phases qui sont : le rejet, la résistance,
l’exploration, l’acceptation, l’engagement. Or
les entreprises méconnaissent ce processus psychologique. Elles proposent en général aux
salariés de faire un saut dans le vide en les invitant à passer sans transition du rejet à l’engagement sous la contrainte d’objectifs à atteindre
dans un temps limité.
Cette attitude doit provoquer beaucoup de
dégâts…
D. B. : Les entreprises ont tendance à mettre
leur énergie dans l’adhésion au changement.
Or confondre l’adhésion d’une personne avec
un engagement de sa part, c’est faire fausse
route. Adhérer, c’est seulement épouser l’idée
de l’autre, être objet du désir de l’autre. Si je
m’engage, je suis en revanche sujet de mon
désir et je le partage avec l’autre. En obtenant
l’adhésion du corps social à un projet qu’il
rejette, une entreprise se prépare des lendemains difficiles.
Ces résistances au changement nous renvoient-elles à la relation avec la mort ?
D. B. : Certainement ! Les résistances par lesquelles nous passons, face au changement,
sont une manière inconsciente d’éloigner
l’échéance. Une fermeture d’usine, une délocalisation, une réorganisation, une fusion,…
sont autant de morts symboliques qui inter4 / Lettre thématique - n°4 / juin 2004
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Si le changement est incontournable, comment faut-il s’y préparer ?
D. B. : Reprenons le cas de la fermeture d’une
usine. Les personnes accepteront la réalité de
cette fermeture dans la mesure où elles trouvent un bénéfice à la situation. Le bénéfice se
manifeste d’abord par le fait de contacter le
désir de changer. C’est là que le Coaching
intervient en donnant l’opportunité de mettre
à jour un désir de changement méconnu : « ce
travail pouvait, par exemple, me peser sans
que j’ose me l’avouer ».
Accepter la pression d’un changement que je
n’ai pas voulu, c’est accepter de regarder en quoi
le changement extérieur vient éclairer ou se
faire l’écho d’un désir de changement intérieur
que je ne reconnais pas encore. Il y a changeLettre thématique - n°4 / juin 2004 /
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pellent les personnes au plus profond de leur
être. L’erreur consiste à prendre les résistances
pour de l’opposition et à vouloir les gommer
absolument.
Il est vrai que nous baignons dans une civilisation qui vit dans le déni de l’impermanence
des choses. Parler uniquement de pérennité de
l’emploi ou de l’organisation, revient à engager un bras de fer avec un processus qui nous
échappe. Il vaudrait mieux aider les personnes
à s’ajuster à l’imprévu plutôt que de les figer
dans l’illusion de la stabilité. Nous sommes la
manifestation même du changement. Être
dans le déni de cette réalité nous invalide.
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ment quand je prends la responsabilité du changement. Or dans de nombreux cas, les plans
sociaux (quand ils se déroulent dans un esprit
de dédouanement de l’entreprise pour le dérangement ou le mal causé) empêchent la personne d’aller au contact de son désir de changement. Même s’ils apportent un soutien financier non négligeable mais très momentané.
C’est avec une qualité de présence que l’on
peut accompagner ce qui se manifeste. Faire
état de persuasion ou de conviction face à
quelqu’un qui est dans le rejet, va aggraver le
rejet. Argumenter va augmenter les résistances. Le plus souvent, accompagner le
changement c’est s’abstenir de faire pression
sur la personne sous prétexte d’accélérer son
processus de deuil. Les résistances sont légitimes. À vouloir les évacuer à tout prix, on
met en danger le cycle du changement. En
acceptant d’entendre que la personne résiste,
un chef d’entreprise va gagner beaucoup de
temps. Pour qu’une personne puisse dire «oui
» au changement, il y a à accepter d’abord
qu’elle puisse dire « non ».
Reprenons l’exemple de la fermeture d’usine. Quel conseil donneriez-vous à un chef
d’entreprise ?
D. B. : Nommer d’abord sa réalité. La chose la
plus difficile qui soit en fait , car nous ne
sommes entraînés non pas à cela mais plutôt à
parler de la réalité des autres aux autres.
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Une fermeture d’usine est un changement,
une situation qui fait pression sur le corps
social. À l’annonce de cette décision, les résistances vont être à la hauteur de la pression.
Un chef d’entreprise va se retrouver face à des
résistances individuelles - chaque personne est
renvoyée à son histoire - et collectives - qui,
s’incarnant dans une communauté, forment
un champ de force.
Pour un décideur, la seule stratégie face à la
résistance collective ou individuelle c’est de
faire-part de sa décision de manière simple et
de transmettre des informations précises et
fiables : « Je décide que l’usine sera fermée à
telle date » au lieu de « compte tenu de la
conjoncture économique, nous sommes obligés d’envisager la fermeture de l’usine ». Chose
entendue est déjà à demi acceptée : Il y a donc
à rendre les choses entendables or, pour minimiser l’impact de nos décisions sur notre environnement, nous avons la fâcheuse habitude
de moduler, enjoliver, déformer nos propos.
Un message simple et clair va pouvoir être
écouté par le collectif comme par la personne.
Si le chef d’entreprise dilue ses propos parce
qu’il a peur de l’impact de sa décision, il va être
perçu comme un manipulateur. Il sera mal
entendu et ce qu’il dit non seulement ne sera
pas accepté mais sera interprété.
C’est la peur du décideur qui donne vie à la
résistance collective et la gonfle comme un
ballon de baudruche. Souvent le collectif va
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s’accaparer les résistances individuelles en les
dénaturant : « non à la fermeture de l’usine »
est un message - type du collectif, une manière d’affirmer un refus massif. L’individu est plus
nuancé. Ses résistances sont subtiles. Le collectif a un rôle d’amplificateur des résistances
individuelles.
Quel comportement peut-on adopter face
aux résistances individuelles ?
D. B. : Le changement est un rapport de
confiance à la vie. Un chef d’entreprise doit
accepter que les résistances individuelles se
manifestent, faire savoir qu’il les entend, et
s’abstenir de s’y opposer ; or la plupart des
décideurs craignent les charges émotionnelles
qui sont derrière les résistances. Toute résistance contient une charge émotionnelle,
incontrôlable et bloquée et la peur du patron
ou du manager est d’être la victime de l’explosion d’une charge qu’il ne va pas savoir
gérer. J’entraîne mes clients à prendre la responsabilité de l’impact que leurs décisions
auront à la fois sur le collectif et l’individuel.
Je les entraîne aussi à trouver la posture juste
face à une charge émotionnelle. Souvent les
changements en entreprise sont l’occasion
d’explosions émotionnelles qui n’ont rien à
voir avec la situation proposée. Les résistances
sont en réalité une manière de contenir des
charges émotionnelles enkystées. On peut
avoir cette impression fausse dans la culture
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dominante, qu’il est possible d’éviter la manifestation des charges émotionnelles. Or leur
libération est un facteur de développement et
de croissance.