Neurostimulation vagale dans le traitement des maladies

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Neurostimulation vagale dans le traitement des maladies
Neurostimulation vagale dans le traitement des maladies
inflammatoires chroniques de l’intestin
Les nerfs vagues (droit et gauche) sont les nerfs les plus longs de l’organisme. Ils assurent la liaison
entre le cerveau et de nombreux organes du corps humain, et en particulier le tube digestif. Ce sont
des nerfs mixtes constitués de fibres afférentes (80 %), qui véhiculent les informations en
provenance du tube digestif vers le cerveau, et de fibres efférentes (20 %), qui naissent dans le
cerveau (tronc cérébral) et qui véhiculent l’information du cerveau vers le tube digestif pour
notamment stimuler la motricité du tube digestif et la sécrétion acide de l’estomac. Ces nerfs ont
également un rôle anti-inflammatoire, classiquement via la stimulation de leurs fibres afférentes
permettant la libération de glucocorticoïdes par les glandes surrénales, par activation de l’axe
hypothalamus-hypophyse-surrénales (ou axe corticotrope).
Plus récemment, l’équipe de Kevin Tracey1, aux Etats-Unis, a mis en évidence des propriétés antiinflammatoires du nerf vague liées à ses fibres efférentesa. En effet, la stimulation électrique de ces
fibres libère à leur extrémité un neuromédiateur, l’acétylcholine, qui va agir sur des récepteurs des
macrophages pour inhiber la libération de TNFalpha (Tumor Necrosis Factor alpha) par ces mêmes
macrophages. Le TNFalpha est une molécule impliquée dans l’inflammation et plus particulièrement
dans les Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin (MICI) représentées par la maladie de
Crohn et la rectocolite hémorragique.
Ces MICI atteignent des sujets souvent jeunes et sont caractérisées par des lésions du tube digestif
(ulcérations notamment) responsables de douleurs abdominales, diarrhée, sang dans les selles,
amaigrissement, manifestations extra-digestives (peau, yeux, articulations) et des lésions anales
(dans la maladie de Crohn). Les anti-TNF alpha sont des médicaments très efficaces des MICI mais ils
ont des effets secondaires, notamment infectieux.
La neurostimulation vagale pourrait être utilisée à visée anti-inflammatoire (anti-TNF) dans les
MICI. C’est dans ce contexte que l’équipe du Pr Bruno Bonaz, de la Clinique Universitaire d’HépatoGastroentérologie, a développé, à l’Institut des Neurosciences de Grenoble (GIN), un modèle de
neurostimulation vagale expérimentale qui a montré son efficacité dans un modèle de maladie de
Crohn chez le ratb. Cette technique a été mise au point par le Dr Didier Clarençon, médecinchercheur du service de santé des armées, le Dr Valérie Sinniger, ingénieur au CHU, et par deux
thésards, M. Julien Meregnani et Mme Chloé Picq.
Cette équipe a ensuite développé cette technique de neurostimulation vagale chez des patients
souffrant de maladie de Crohn en poussée. Le Dr Dominique Hoffmann, du service de neurochirurgie
du CHU, est chargé d’implanter ces patients. Par ailleurs, la neurostimulation vagale est déjà utilisée
dans le traitement de l’épilepsie au CHU de Grenoble (Pr Philippe Kahane).
L’intervention, qui dure environ une heure, consiste à implanter une électrode autour du nerf vague
gauche au niveau du cou, reliée à un neurostimulateur (Cyberonics, Houston, Texas) situé sous la
peau, au-dessous de la clavicule gauche.
1
Laboratory of Biomedical Science, The Feinstein Institute for Medical Research, Manhasset, New York, USA
Les patients sont pris en charge par une équipe mixte comprenant des médecins2, des chercheurs
scientifiques3, des attachés de recherche clinique4 ainsi qu’un pharmacien4 du CHU de Grenoble. A ce
jour, six patients ont ainsi été implantés, avec des résultats encourageants. En particulier, le premier
patient, implanté le 6 avril 2012, est actuellement en rémission clinique avec une cicatrisation des
lésions digestives, avec un recul de 31 mois. Ce cas clinique a été le premier cas rapporté récemment
dans la littératurec, l’équipe étant actuellement la seule au monde à utiliser cette technique dans le
traitement des MICI. Cette étude se poursuit actuellement.
La neurostimulation vagale pourrait aussi être appliquée à d’autres maladies inflammatoires
chroniques, telles que la polyarthrite rhumatoïde (rhumatisme inflammatoire chronique).
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P Bruno Bonaz, P Jean-Luc Cracowski, D Nicolas Mathieu, D Laurent Vercueil
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D Valérie Sinniger, D Sonia Pellissier, D Didier Clarençon, D Olivier David
4
M. David Tartry et M. Nicolas Gonnet
4 r
D Magalie Baudrant
a
Borovikova LV et coll. Nature 2000;405:458-62
b
Meregnani J et coll. Auton Neurosci 2011;160:82-9
c
Clarençon D et coll. Brain Stimul 2014 Aug 7
3