La Gazette des Jardins hors série 1 2016
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La Gazette des Jardins hors série 1 2016
La Gazette des Jardins de Kervouyec Hors série 2016 Soigneurs de terres N° 1 Le choix de l’agro-écologie Le magazine "13h15 le dimanche" diffusé sur Soixante-dix ans d'agriculture industrielle France 2 a rencontré les "médecins des sols" Claude et Lydia Bourguignon. Ces biologistes affirment que "l'agriculture conventionnelle est un massacre pour les sols… Elle anéantit leur fertilité". Ils trouvent des remèdes pour soigner les terres exsangues. Jean-Christophe Bady, "repenti" de l'agriculture intensive, n'utilise ni engrais ni pesticides pour des raisons de santé et fait le choix de l’agro-écologie… sans recevoir d'aide de l’Etat. Et si la culture paysanne et les pouvoirs publics, contre l'avis de puissants lobbies, changeaient en profondeur pour mettre un terme à ce désastre agricole, sanitaire et environnemental ? Certains pionniers sont déjà au travail pour inverser la tendance. intensive ont épuisé les sols français. Les rendements baissent et les bonnes terres réduisent comme peau de chagrin. Produits chimiques à gogo et labours agressifs les font disparaître hectare après hectare. Et si la France, vieux pays Le maraîcher normand Charles-Hervé Gruyer agricole, se couvrait de champs devenus infertiles dans le prochain quart de siècle ? exploite depuis une dizaine d'années une ferme agro-écologique de pointe, au rendement dix fois supérieur à celui d’un maraîcher classique. Les La valeur nutritionnelle des fruits, pionniers du changement sont déjà à l'œuvre, aux légumes et céréales diminue au fil des petits soins du bien commun des hommes, la traitements à répétition qui leur sont infligés au nom de la productivité et de la Terre. rentabilité. Moins on travaille la terre, plus elle est fertile Pour une couverture végétale permanente de la terre Les biologistes et "médecins des sols" Jean-Christophe Bady est agriculteur dans le Lydia et Claude Bourguignon répètent depuis vingt-cinq ans que moins on travaille la terre, plus elle est fertile. Un message qui ne plaît pas du tout aux tenants de l'agriculture industrielle, intensive, chimique, mécanisée à outrance… Gers. Il y a huit ans, il a cessé d'utiliser les engrais et autres pesticides de l'agriculture conventionnelle pour des raisons de santé. "Chaque fois que j'employais ce poison, même avec le masque, je saignais du nez", explique ce "repenti", qui montre des bidons au fond d'une remise. "La forêt n'est jamais labourée et c'est pourtant un lieu de grande fertilité… Personne n'y met d'engrais, de pesticides et tout pousse, les arbres sont magnifiques, explique le biologiste des sols. Notre travail est de comprendre ce "C'était les années 80, on était fous ! Et encore, nous avons eu une certaine mise en garde à l'école. On nous a dit que c'était dangereux et qu'il fallait faire attention, mais on n'a rien dit à la génération d'avant, celle qui n'est pas allée à l'école. Elle touchait les produits avec les mains, qui se passe là et c'est ce modèle qu'on essaie d'appliquer chez les agriculteurs." "C'est une agriculture qui n'est pas durable" "Ici, on a un morceau de bois et les champignons vont le consommer. Et ce bois devient le sol", démontre Lydia Bourguignon avec les mains pleines de cette terre naturellement fertile. Pour les deux scientifiques, qui ont quitté l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) il y a un quart de siècle, l'agriculture actuelle détruit la terre. Le labourage intensif arase notamment les sols : "La charrue met la matière organique au fond, les argiles partent dans la rivière, la terre fond... Ici, en soixante-dix ans, on en a perdu 25 centimètres… Dans cinquante ans, on sera sur le caillou et ce champ ne pourra plus nourrir les hommes… C'est une agriculture qui n'est pas durable." Vingtcinq centimètres de terre perdue, c'est 2 500 tonnes de terre par hectare parties remplir les cours d'eau… "Les paysans ne sont pas là pour Jean-Christophe Bady plante désormais son blé ancien dans des champs où prolifèrent le trèfle, le chardon et la luzerne, signes d'une terre vivante, exempte depuis trois ans de produits chimiques. Il est encore en conversion entre agriculture conventionnelle et agroécologie. Ce changement dure en moyenne cinq ans pour retrouver de bons rendements et des comptes équilibrés. Il a opéré cette mutation à ses frais, sans l'aide de l'Etat : "Et je pratique une agriculture qui n'émet pas de gaz à effet de serre, ditil. Je stocke le carbone, filtre l'eau, ne bouche plus les fossés… et je n'ai pas un centime. Au contraire, ça me coûte !" sans masque. C'est un empoisonnement terrible. On a peut-être sacrifié deux générations avec cette agriculture", témoigne-t-il. "Je redeviens paysan, presque jardinier" Ce paysan d'un nouveau type va chercher des méthodes alternatives à la chimie pour enrichir son sol. Il y a trois ans, Jean-Christophe choisit de pratiquer l'agro-écologie préconisée par les biologistes des sols Claude et Lydia Bourguignon. Plus aucun labour et une couverture végétale permanente de la terre ! L'agro-écologiste va ainsi semer du radis fourrager, "une racine pivotante très puissante", qui va remplacer tout le travail du sol avec la charrue, les outils à griffes ou le décompacteur… Il enterre aussi de la féverole, une variété de fève à petit grain, qui va remplacer les engrais : "Ces plantes fixent l'azote de l'air pour le remettre dans les racines qui le libèrent dans le sol… Je redeviens paysan, presque jardinier…" engraisser un système" "Un ministre qui parle d'agroécologie… C'est très bien !" Sait-il pourquoi les pouvoirs publics n'aident pas les agriculteurs comme lui ? "Cette agriculture est autonome. Elle ne coûte rien à l'agriculteur, alors que l'agriculture conventionnelle vend des produits phytosanitaires, de l'engrais, du pétrole, des machines agricoles… Il y a toute une économie derrière…" "Cette agriculture fait vivre beaucoup de monde. Le jour où on aura compris que les paysans sont là pour nourrir les gens et pas pour engraisser un système, on aura fait un grand pas. Il faut espérer que ça bouge. Et pour une fois qu'on a un ministre qui parle d'agro-écologie… Des mots qu'on n'avait jamais entendus… C'est très bien ! Et que ça continue…" Source : Francetv info du 31/01/2016