Le Journal De Botanic*: printemps 2011, N°35

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Le Journal De Botanic*: printemps 2011, N°35
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CERTAINS PRENAIENT LYDIA ET CLAUDE BOURGUIGNON POUR DES RIGOLOS PARCE
QU’ILS S’OCCUPAIENT DE LA SANTE DES VERS DE TERRE ET AUTRES MICROORGANISMES DES SOLS. MAIS LES DEUX SCIENTIFIQUES ONT PROUVE LE RÔLE
CENTRAL DE CE MILIEU ET S’ENGAGENT POUR MODIFIER LES MODES DE CULTURE.
duo de choc pour la terre
Q
uand ils arrivent sur une parcelle, Lydia et
Claude Bourguignon ont les sens en éveil.
Tels des médecins en chaussures toutterrain, ils sortent leur loupe binoculaire et
auscultent la terre. Le sol est moelleux au
contact du pied, dégage une bonne odeur
de champignon et accueille toutes sortes de petites
bêtes (vers de terre, collemboles) ? C’est bon signe. Si,
au contraire, la terre est compacte, comme refermée sur
elle-même, et qu’elle sent le produit chimique – voire la
fosse septique –, les deux complices froncent le nez : il y a
de quoi s’inquiéter… En vingt ans de travail et 6 000 analyses, ce couple de chercheurs atypiques a développé
une expertise à nulle autre pareille. Spécialisés en microbiologie des sols – une discipline quasi moribonde –,
les Bourguignon arpentent à longueur d’année les zones
cultivées pour donner aux agriculteurs qui le souhaitent
des indications sur l’état de santé de leur terrain. Devenus
les porte-voix d’un monde qui, entre érosion et perte
de biodiversité, crie en silence, ces scientifiques aident
les professionnels à se reconnecter à une terre souvent
épuisée. « Nous pouvons recommander des itinéraires
techniques, comme arrêter le labour (qui tue la microflore), faire des rotations ou changer de type de culture,
précisent-ils. Et, bien sûr, arrêter les pesticides. »
Le pari sur l’avenir
Le gros mot est lâché. Car le constat est redoutable : des
décennies d’agriculture intensive ont détruit les sols et
transformé les paysans en « gestionnaires de pathologies
végétales », dit Claude, avec son sens aigu de la formule. Le
« bon » agriculteur est devenu celui qui « met le bon produit au bon moment ». La faute à qui ? Aux États, estime
l’ingénieur agronome, qui ont « complètement abandonné le développement
de l’agriculture à l’agro-industrie. Qui,
elle, a suivi la voie du business… » Lydia
et Claude Bourguignon ont soupé de ce
système. C’est d’ailleurs, en grande partie, pour échapper aux diktats des fonds
privés qu’ils ont quitté l’Inra (Institut
national de la recherche agronomique)
Une Bonne Terre
pour un beau
et fondé leur propre structure, le Lams
jardin. Paillage,
(Laboratoire d’analyse microbiologique
engrais verts,
des sols). Installés à Marey-sur-Tille, près
grelinette,
de Dijon, ils revendiquent leur « liberté »,
de Rémy Bacher
et Blaise Leclerc,
gagnée de haute lutte. « Quand nous
éd. Terre vivante,
avons fait le grand saut, en 1989, ça a été
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très dur, confie Lydia. Nous passions pour
des rigolos, personne ne voulait miser un
franc sur nous ! » Même si, aujourd’hui, leur message est
davantage entendu, il reste compliqué à transmettre aux
agriculteurs, encouragés à passer par la case chimie…
Mais de rencontres en formations, de publication en
documentaire*, les Bourguignon ne baissent pas les
bras. Ces anciens citadins sont toujours animés par la
passion du vivant, terreau de leurs émotions d’enfant.
Lydia se souvient « des fleurs sauvages des terrains vagues
de Dijon » et Claude, des chants d’oiseaux de la forêt de
Rambouillet. L’espoir est permis : « La nature est bonne
fille, elle pardonne énormément, assure la chercheuse. C’est
long, mais on peut arriver à guérir un sol et voir l’activité
biologique reprendre. » Pour ces amoureux de la terre, ce
genre de présent n’a pas de prix. Natacha Czerwinski
* Lydia et Claude Bourguignon interviennent dans le film de Coline Serreau, Solutions locales pour un désordre global (avril 2010).
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Deborah Pinto
Idée de recyclage n°5 :
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