20 août 2010 Menu Santé

les faits les acteurs le marché les métiers libre zone
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Quand différents acteurs de l’industrie agro-alimentaire se regroupent pour améliorer le
profil lipidique des produits qu’ils commercialisent, lancent une étude scientifique pour
vérifier l’effet bénéfique sur la santé... et se retrouvent en rayon chez Champion, avec un
concept commun: le Menu Equilibrium.
L
’histoire d’Equilibrium commence
chez Dumoulin, une importante
société belge produisant des aliments composés pour animaux, établie en
bord de Meuse à Andenne. C’est à la fin des
années ‘90, période des grandes crises alimentaires, que le Groupe Dumoulin entreprend
des recherches sur l’alimentation pour le bétail avec l’Université Catholique de Louvain.
Elles montrent que l’alimentation de l’animal
influe sur la composition du lait, de la viande,
des oeufs. C’est par exemple avec l’herbe du
printemps que la vache donne le lait au profil
lipidique le plus intéressant, plus riche en
acides gras Omega-3, et contenant moins de
graisses saturées. Dumoulin développe alors
un aliment végétal extrudé, composé essentiellement de graines de lin, qui permettra à
la vache de produire un lait similaire en toute
saison. Un lait que Campina va commercialiser, puisque cette marque a fait le choix des
aliments Dumoulin pour «ses» vaches.
Un vrai progrès que ce lait naturellement
riche en omega-3. Mais il était possible de
faire mieux encore, en étendant cette réflexion à d’autres aliments consommés quotidiennement. Dumoulin prit alors l’iniative
de réunir divers acteurs agro-industriels dans
les domaines du lait (Campina), de la viande
de boeuf (GHL/Jean Gotta), de porc, de poulet (Val Dieu et Coqard), des oeufs (Ovyta),
du poisson (Appetit) et du pain (La Wetterenoise). L’objectif: mettre en évidence les vertus de leurs produits issus d’animaux ayant
reçu ce type d’alimentation. «Ce sont en fait
les scientifiques qui nous ont encouragé à
nous fédérer» explique Guy Mallefait, dirigeant de Dumoulin à la naissance du projet.
«Arrêtez de promouvoir chacun votre produit
de votre côté, nous ont-ils dit. Groupez vos
efforts au sein d’un concept cohérent!» Tous
ces partenaires se réunissent alors au sein
d’un Groupement d’intérêt économique, une
structure juridique coopérative, Equilibrium
Industrial Partnership. Laquelle va lancer
une enquête scientifique rigoureuse (voir infra). Mais aussi commercialiser le concept du
«Menu Equilibrium». Le Groupe Mestdagh
s’intéresse à la démarche, et décide de la proposer à sa clientèle. Marcel Roland, Directeur métiers chez Mestdagh, nous explique le
développement de cette offre originale dans
les magasins Champion: «L’introduction a
eu lieu à la fin mai 2009. Les produits sont
présents dans 35 magasins intégrés, sachant
qu’il est plus difficile d’imposer à un affilié
ce qui reste un produit de niche. Au départ,
nous avions implanté chaque produit dans sa
catégorie respective. Aujourd’hui, 7 magasins
ont adopté une autre approche: les produits
ne sont plus disséminés en magasin, ils sont
réunis dans une tête de gondole unique.» Et
l’évolution des ventes hebdomadaires est encourageante, en particulier sur le poulet Coqard (400 kg) et le steak ou contrefilet Jean
Gotta (240 kg).
Efficaces, les menus riches en omega-3?
Promettre une alimentation contribuant à la santé, c’est bien. Soutenir cette ambition en la vérifiant par une méthode
scientifique, c’est bien mieux. Tel est le sens de l’étude scientifique pilotée par le Professeur Yves Larondelle de l’UCL
et cofinancée par le pôle de compétitivité WagrAlim. Tâchons d’en décrire les enjeux, méthodes et enseignements de
façon assez simple.
Omega-3, kekçéça ? De façon générale,
notre alimentation est riche en graisses, et
celles-ci se présentent sous forme de molécules, les triglycérides, que les enzymes présents dans notre organisme vont décomposer
lors de la digestion, ce qui aura pour effet de
libérer des acides gras. Et ces acides gras, il en
existe plusieurs sortes: on distingue les acides
gras saturés et insaturés, et parmi ces derniers les monoinsaturés et les polyinsaturés.
C’est dans cette famille des acides gras polyinsaturés que se rangent les fameux acides gras
omega-6 et omega-3. Les omega-3 sont une
famille comptant trois représentants: les EPA
et DHA sont très présents dans les huiles de
poisson, les ALA se retrouvent dans certaines
huiles végétales.
C’est grave, docteur? Les études ont
montré qu’un excès d’acides gras dans l’ali-
www.gondola.be
19
nutrition
mentation (et surtout les AG saturés ou monoinsaturés) représente un facteur de risque
cardio-vasculaire. En revanche, certains
acides gras dits “essentiels” sont indispensables à notre organisme qui est incapable de
les produire ou synthétiser lui-même: seule
l’alimentation peut les lui fournir. C’est notamment le cas des omega-3 et omega-6, tous deux
indispensables. Mais dans des proportions
différentes. La recommandation est de respecter un rapport omega-6/omega-3 inférieur à 5.
L’idéal est que ce rapport se rapproche autant
que possible de “1”, un équilibre parfait dont
se rapprochaient sans doute nos lointains ancêtres vivant de chasse et de cueillette. Mais
le mode de vie et de consommation contemporain l’a gravement compromis: le rapport
omega-6/omega-3 du “Belge moyen” affichait
l’indice 18 dans les années ‘90, et les efforts de
sensibilisation du public n’ont permis de le ramener que dans une fourchette allant de 10 à
15! L’impact sur la santé - maladies cardio-vasculaires, cancers ou allergies - est réel.
Comment rétablir un meilleur équilibre? La première solution serait de manger
davantage de poissons riches en omega-3 de
type EPA et DHA. Mais ce n’est pas réaliste:
la ressource en poisson, déjà gravement menacée, serait épuisée en deux ans si toute la
population mondiale suivait un tel régime.
Autre option: prendre des suppléments alimentaires. Sauf que la parfaite sécurité de
ceux-ci et de leur impact sur l’organisme
n’est à ce jour pas établie. Enfin, la troisième
option consiste à augmenter nos apports
alimentaires en omega-3 d’origine végétale
(ALA). C’est la stratégie retenue par Equilibrium, construite autour de menus associant
des aliments riches en omega-3.
Où l’étude va directement en prison
pour rejoindre le “start”... Le concept des
menus Equilibrium étant posé, il fallait à présent mesurer son impact positif réel, et plus
spécifiquement sur le risque cardio-vasculaire.
Ce qui posait un problème méthodologique:
comment s’assurer avec certitude que les personnes se prêtant à l’étude respecteraient à
la lettre les menus définis pour les besoins de
l’enquête? L’idéal eut été de pouvoir mener
l’étude sur un échantillon de personnes vivant
en milieu confiné. Un monastère ? Rares sont
encore les religieux cloîtrés. La solution était
voisine des locaux de Dumoulin: la prison
d’Andenne. Une soixante de détenus se por-
tèrent volontaires pour prendre part à l’étude.
Celle-ci s’étalerait sur 18 semaines. Une première phase de six semaines verrait les 60
détenus absorber un menu “standard”, mais
équilibré.. Viendraient ensuite deux cycles
successifs de six semaines où ils recevraient
des menus similaires, mais où certains ingrédients seraient remplacés par des équivalents
plus riches en omega-3. A l’issue de chacun
des trois cycles, ils passeraient s une visite médicale où seraient mesurés leurs paramètres
sanguins et leur tension artérielle. Ce qui
fournirait des éléments statistiques objectifs
capables de juger de l’impact de ce régime alimentaire.
Conclusion? L’enquête se révèle en tous
points concluante. Le rapport omega-6/omega3 observé chez les détenus après la première phase (menu standard) s’établit à 5,75.
Il tombe à 3,39 après seulement six semaines
de menu “riche en omega-3” et à 3,26 après
douze semaines, soit confortablement sous la
limite du rapport 5/1 recommandé. La tension
artérielle diastolique moyenne (le plus petit, et
le plus important, des deux chiffres que vous
donne votre médecin) diminue significativement, passant de 7,46 à 7,17.
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