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J Gynecol Obstet Biol Reprod 2004 ; 33 : 720-724. Travail original Prise en charge des mutilations génitales féminines de type III P. Collinet*, F. Sabban*, J.-P. Lucot*, M. Boukerrou*, L. Stien**, J.-L. Leroy* * Clinique de Gynécologie, Hôpital Jeanne de Flandre, CHRU de Lille, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille Cedex. ** Hôpital Général Peltier, Maternité Martial, boulevard du Maréchal-Foch, Djibouti-ville, République de Djibouti, Afrique de l’Est. RÉSUMÉ Les mutilations génitales féminines correspondent à l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme et/ou la lésion des organes génitaux féminins non thérapeutiques. Dans certaines régions d’Afrique ou du MoyenOrient, cette pratique est courante. La migration des femmes africaines en Europe ces dix dernières années a importé ce problème dans notre pays. Elles se regroupent en 4 types. Le 3e type ou l’infibulation est l’excision partielle ou totale des organes génitaux externes et suture/rétrécissement de l’orifice vaginal. Cette mutilation peut s’associer à des complications uro-gynécologiques et obstétricales spécifiques. Le kyste dermoïde clitoridien est la complication la plus fréquente. Sur le plan obstétrical, l’infibulation rend impossible une surveillance rigoureuse du travail. Elle peut être à l’origine d’une prolongation de la durée de travail et de complications périnéales lors de l’expulsion. La prise en charge thérapeutique repose sur la désinfibulation chirurgicale décrite par Gabbar. Elle doit être proposée de manière prophylactique, en anténatal afin de permettre un accouchement par voie basse. Le but de cet article est de présenter notre expérience sur la prise en charge des mutilations génitales féminines. Mots-clés : Mutilations génitales féminines • Infibulation • Kyste dermoïde. SUMMARY: Management of type III female genital mutilation. Female genital mutilation (FGM) consists in a non-therapeutic removal of part or all of the external genitalia and /or injury to the external genitalia. This practice in common in a few African countries and in Middle East. Mass immigration of African women to Europe in the past decade has brought the problems of FGM to these countries. There are four types of FGM. Many early (hemorrhage, infectious) and/or late (uro-gynecologic and obstetric) complications can be associated. The dermoid clitoridia cyst is the most frequently complication. Rigorous obstetrical labor monitoring is not possible. Therefore labor is longer and there are many delivery complications. The treatment is based on Gabbar’s deinfibulation surgery which can be proposed when there are uro-gynecologic complications, or during pregnancy and labor. This method can lead to spontaneous vaginal delivery without perineal trauma. The aim of this article was to share our experience and inform obstetrician-gynecologists about FGM. Key words: Female genital mutilation • Dermoid clitoridia cyst • Infibulation. Les mutilations génitales féminines (MGF) sont définies par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme « toutes interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme et/ou la lésion des organes génitaux féminins pratiquées pour des raisons culturelles ou toute autre raison non thérapeutique ». Il n’existe pas de données internationales fiables sur la prévalence des MGF. L’OMS estime à plus de 120 millions le nombre de femmes qui ont subi une forme ou une autre de MGF et à 2 millions le nombre de fillettes qui risquent chaque année un telle mutilation. Elles sont pratiquées essentiellement en Afrique, dans le sud de la péninsule arabique et le long du golfe persique. En raison des flux migratoires, les MGF se rencontrent aussi et de plus en plus parmi les populations immigrées en Europe, en Australie, au Canada et aux Etats-Unis d’Amérique [1-6]. La classification des MGF, rédigée par l’OMS en 1995, distingue 4 types de mutilations. Le type 1, encore appelé « circoncision féminine » ou « opération de Sunna », est défini par l’excision du prépuce avec Tirés à part : P. Collinet, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected] Reçu le 4 mai 2004. Avis du Comité de Lecture le 1er juin 2004. Définitivement accepté le 9 juillet 2004. © MASSON, Paris, 2004. Travail original • Mutilations génitales féminines de type III ou sans l’excision partielle ou totale du clitoris. Le type 2 ou « excision », est défini par l’excision du prépuce et du clitoris et excision partielle ou totale des petites lèvres. Le type 3 ou « infibulation » ou « circoncision pharaonique » est l’excision partielle ou totale des organes génitaux externes et suture/ rétrécissement de l’orifice vaginal. Le type 4 regroupe toutes les interventions non classées précédemment. Très répandue en Somalie, Ethiopie, Erythrée, Soudan, Kenya, Mali et Nigeria, l’infibulation (MGF de type 3 selon l’OMS) est une mutilation grave aux conséquences médicales, sexuelles, psychologiques et sociales [7]. Bien que les raisons et origines de l’infibulation soient multiples, cette pratique apparaît de prime abord liée à la sauvegarde de la virginité prénuptiale. Le problème des MGF se pose également dans certains pays occidentaux en raison d’une immigration croissante. En effet, les MGF continuent d’être pratiquées clandestinement dans les communautés immigrées en Occident. Quarante mille femmes et 14 000 jeunes filles immigrées en France, sont issues de pays où les MGF constituent une pratique rituelle [5]. Gallard et al. estimaient à 20 000 femmes et 12 500 jeunes filles résidant en France, le nombre de femmes mutilées ou susceptibles de l’être. Les femmes ayant subi une mutilation dans leur pays d’origine, nécessitent une aide médicale adaptée. Le personnel soignant occidental, médical et paramédical, est le plus souvent non familiarisé à ce type de pratique. Afin d’éviter toute improvisation au moment de l’accouchement et de limiter les césariennes réalisées par méconnaissance du sujet, une formation du personnel soignant sur la prise en charge obstétricale des femmes infibulées est nécessaire. La connaissance des différents types de MGF, de leurs origines et de leurs complications éventuelles, doit permettre une prise en charge médicale et psychosociale adaptée des MGF. L’INFIBULATION RITUELLE Dans la corne de l’Afrique, l’infibulation est exécutée entre 4 et 11 ans [8-13]. L’opération se déroule de manière individuelle, au domicile familial [9]. Elle est pratiquée par des femmes âgées reconnues spécialisées pour cette tâche ou par des accoucheuses traditionnelles. En milieu urbain, cette intervention est fréquemment réalisée par des professionnels de la santé (infirmiers, sages-femmes, médecins) agissant clandestinement. J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 33, n° 8, 2004 Figure 1 Infibulation ou MGF de type III. Infibulation or FGM III. L’infibulation ou MGF de type 3 réalise une obstruction vulvaire partielle permanente. Elle comprend l’ablation complète du clitoris, des petites lèvres et de la surface interne des grandes lèvres. Les deux bords libres de la vulve sont ensuite suturés de manière à former un pont cicatriciel obturant le vagin. Un petit orifice est ménagé à la partie inférieure de la vulve, permettant l’écoulement des urines et des menstruations (fig. 1). Ces sutures sont pratiquées, sans anesthésie, au moyen d’épines végétales (épines d’acacias) ou de fils de suture [13]. Cette intervention est à l’origine de nombreuses complications, à la fois postopératoires immédiates et chroniques. Dans la plupart des cas, les conséquences anatomiques de l’infibulation interdisent toute vie génitale normale. Au moment du mariage, cette mutilation nécessite une désinfibulation. La désinfibulation désigne l’opération d’ouverture du canal vaginal occlus. Une incision verticale est pratiquée à partir de l’orifice résiduel postérieur afin de permettre l’intromission. Lors des accouchements, un complément de désinfibulation est généralement pratiqué par les accoucheuses traditionnelles. La réalisation d’une ou plusieurs réinfibulations partielles après les accouchements est encore largement répandue. Ces actes chirurgicaux répétitifs génèrent une fibrose cicatricielle du périnée, responsable de complications gynécologiques, urologiques et obstétricales. COMPLICATIONS DE L’INFIBULATION L’infibulation a des conséquences néfastes sur la santé de l’individu : complications immédiates et tardives uro-gynécologiques et obstétricales. Bien 721 P. Collinet et collaborateurs Figure 2 Complication secondaire de l’infibulation : kyste dermoïde clitoridien. Secondary complication of infibulation: clitoridia dermoid cyst. qu’elles soient multiples et le plus souvent irréversibles, les conséquences psychologiques et sociales de l’infibulation ne sont pas décrites dans cette revue. L’infibulation peut être responsable de complications graves mettant en jeu le pronostic vital. Le taux de mortalité relatif à cette pratique n’est actuellement pas connu. L’hémorragie est la complication la plus courante de l’infibulation [14]. Elle fait le plus souvent suite à la section de l’artère clitoridienne lors de l’excision du clitoris. En raison des mauvaises conditions d’hygiène et du manque de soins appropriés, les infections sont très courantes. Dans l’étude de Dirie, portant sur 290 patientes mutilées, on retrouve dans 39 % des cas un risque d’hémorragie, d’infection [15]. Il s’agit le plus souvent d’une simple suppuration de plaie mais d’autres complications infectieuses plus graves peuvent être observées : phlegmon du périnée, abcès vulvovaginaux ou pelviens, infections ascendantes des voies urinaires, tétanos, gangrène et septicémie. Enfin, il faut évoquer le risque de transmission des virus VIH, hépatites B et C, en raison de l’utilisation répétée des mêmes instruments non stérilisés [16, 17]. Une dysurie est quasi-constante pour les MGF de type 3 [18]. Elle peut se compliquer par une rétention aiguë d’urines. Des lésions accidentelles des tissus adjacents (lésions de l’urètre, de la vessie, du vagin et du rectum) sont également décrites [18, 19]. Les modifications anatomiques des organes génitaux externes entraînent inévitablement une gêne fonctionnelle avec 3 symptômes principaux : dysurie [15], dyspareunie et dysménorrhée [20]. Les kystes dermoïdes clitoridiens sont les complications les plus fréquentes de l’infibulation 722 (fig. 2). Ce type de kyste résulte de l’inclusion de tissu cutané dans la cicatrice. Le traitement est chirurgical (fig. 3). Pour les MGF de type 3, il faut enfin souligner la difficulté, voire l’impossibilité de pratiquer un examen clinique gynécologique complet, de réaliser des explorations paracliniques (frottis cervico-vaginaux ou urétraux, examen colposcopique, échographie par voie vaginale). Sur le plan obstétrical, l’infibulation rend impossible une surveillance rigoureuse du travail (dilatation cervicale, position du mobile fœtal dans le bassin, diagnostic de présentation). La principale complication obstétricale de l’infibulation est la prolongation de la 2e phase du travail [21]. D’autres complications du per-partum sont possibles : dystocie des parties molles et œdème vulvaire, déchirures périnéales à l’expulsion, traumatismes urétro-vésicaux par l’absence de sondage urinaire, souffrance fœtale, inertie ou rupture utérine, hémorragie de la délivrance [15, 22-26]. L’ensemble de ces complications obstétricales sont à l’origine d’une augmentation du taux de césariennes en milieu hospitalier. En conclusion, l’infibulation est à l’origine d’une augmentation de la morbidité et de la mortalité maternelles et fœtales. PRISE EN CHARGE DES MGF DE TYPE III Précédemment décrite par Gabbar [24], la désinfibulation chirurgicale désigne l’opération d’ouverture du canal vaginal occlus à l’aide de l’index. Dans notre exemple, une pince de Kocher remplace l’index. La patiente est installée en position gynécologique, l’opération est réalisée sous anesthésie locale. Après désinfection locale et infiltration du pont cicatriciel vulvaire à la xylocaine à 2 %, une pince stérile de type Kocher, est introduite dans l’orifice résiduel postérieur (fig. 4), puis dirigée de bas en haut parallèlement au plan cutané. L’extrémité de l’instrument alors non visible, est placée au niveau du vestibule. Une traction douce de l’instrument permet de faire saillir la zone cicatricielle médiane et de l’éloigner du méat urinaire. Une incision est ensuite pratiquée, de bas en haut, aux ciseaux ou au bistouri froid, entre les 2 branches de la pince (fig. 5). Cette incision est poursuivie vers le haut, sur 3 à 4 cm, jusqu’à visualisation du méat urinaire. L’utilisation de la pince Kocher en traction permet d’éviter le risque de plaies vaginales et du méat urétral. Pour une désinfibulation réalisée en cours de travail, une épisiotomie médiolatérale complémentaire est parfois nécessaire au moment de l’expulsion. Les bords libres labiaux sont ensuite suturés séparément par des points simples cutanéomuqueux de fil résorbable (fig. 6). Les indications gynécologiques de désinfibulation chirurgicale sont © MASSON, Paris, 2004. Travail original • Mutilations génitales féminines de type III A B Figure 3 A : Dissection du kyste dermoïde clitoridien. B : Plastie vulvaire. A: Clitoridia dermoid cyst dissection. B: Vulvar plasty. Figure 4 Désinfibulation chirurgicale d’une MGF de type I. Pince de Kocher introduite dans l’orifice résiduel postérieur. L’extrémité est non visible et placée au niveau du vestibule. FGM type I. Deinfibulation surgery. Introduction of a Kocher grip into the posterior residual orifice. The grip end is not visible and is placed in front of the vestibule. multiples : dysurie, dysménorrhée, dyspareunie, infections cervico-vaginales chroniques, infections urinaires récidivantes. En obstétrique, une désinfibulation prophylactique peut être proposée au 2e trimestre de la grossesse ou en cours de travail [25] si absence de suivi obstétrical permettant un accouchement par voie basse [27]. Elle est alors pratiquée précocement dans la 2e partie du travail. Celle-ci est le plus souvent associée à une J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 33, n° 8, 2004 Figure 5 Désinfibulation chirurgicale. Incision de bas en haut aux ciseaux entre les 2 branches de la pince. Deinfibulation surgery. Incision upwards enters the 2 branches of the grip. épisiotomie prophylactique en raison des risques de complications périnéales sur périnée cicatriciel. CONCLUSION ET PERSPECTIVES Afin d’éviter la réalisation de césariennes abusives, les gynécologues-obstétriciens et sages femmes 723 P. Collinet et collaborateurs A B Figure 6 Désinfibulation chirurgicale. A : Libération des bords labiaux. B : Sutures des bords libres labiaux par fil résorbable. Deinfibulation surgery. A: Labial genital release. B: Free labial genital suture by resorbable wire. doivent être formés à la prise en charge des complications des MGF. Une désinfibulation prophylactique doit être systématiquement proposée en anténatal. Cette procédure semble primordiale dans la prévention des complications obstétricales de l’infibulation. Les gynécologues-obstétriciens et sages femmes ont un rôle capital à jouer dans la qualité des soins administrés mais aussi dans les stratégies de lutte contre les MGF. RÉFÉRENCES 1. McCaffrey M, Jankowska A, Gordon H. Management of female genital mutilation: the Northwick Park Hospital experience. Br J Obstet Gynaecol 1995; 102: 787-90. 724 2. Andersson K, Staugard F. Prevention of female genital mutilation in Sweden. Nord Med 1996; 111: 358-60. 3. Black JA, Debelle GD. Female genital mutilation in Britain. BMJ 1995; 310: 1590-2. 4. Eyega Z, Conneely E. 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