Résumé d`œuvre

Transcription

Résumé d`œuvre
2013
Résumé d’œuvre
Thomas PETIT
Institut Catholique de Lille
15/10/2013
1
Sommaire
Sommaire ...................................................................................................................... 2
Introduction................................................................................................................... 4
Résumé de l’œuvre ....................................................................................................... 5
I. Petite Poucette ..................................................................................................... 5
1. Nouveautés........................................................................................................ 5
2. Voilà pour le corps ; voici pour la connaissance ............................................... 5
3. L’individu ........................................................................................................... 6
4. Que transmettre ? à qui le transmettre ? Comment le transmettre ? ............. 6
II. Ecole ...................................................................................................................... 7
1. La tête de Petite Poucette ................................................................................. 7
2. L’espace de la page............................................................................................ 8
3. Petite Poucette médita ..................................................................................... 8
4. Voix .................................................................................................................... 8
5. Les petits transis ................................................................................................ 9
6. La libération des corps ...................................................................................... 9
7. Mobilité ............................................................................................................. 9
8. Disparate contre classement ........................................................................... 10
III. Société ............................................................................................................. 11
1. Eloge des notes réciproques ........................................................................... 11
2. Eloge de H. POTTER ......................................................................................... 12
3. Tombeau du travail ......................................................................................... 12
4. Eloge de l’hôpital ............................................................................................. 13
5. Eloge des voix humaines ................................................................................. 13
6. Eloge des réseaux ............................................................................................ 14
7. Eloge des gares, des aéroports ....................................................................... 14
8. Renversement de la présomption d’incompétence ....................................... 15
9. Eloge de la marqueterie .................................................................................. 15
10. Eloge du 3e support ...................................................................................... 15
2
11. Algorithmique, procédural ........................................................................... 16
12. Emergence ................................................................................................... 16
13. Eloge du code ............................................................................................... 16
14. Eloge du passeport ....................................................................................... 16
15. Image de la société aujourd’hui ................................................................... 16
3
Introduction
Ce compte rendu contient un résumé de l’œuvre de Michel SERRES, Petite Poucette,
paru aux éditions Le Pommier en 2012.
Dans son livre, Michel SERRES fait le portrait d’un nouvel humain nés des
technologies qu’il baptise « Petite Poucette », ainsi que du monde et de la société
dans laquelle il évolue, mais surtout il fait le constat suivant : « Le monde a tellement
changé que les jeunes doivent tout réinventer : une manière de vivre ensemble, des
institutions, une manière d’être et de connaître… »1
Professeur à Stanford Univerity, membre de l’Académie
française, Michel SERRES est l’auteur de nombreux essais
philosophiques et d’histoire des sciences, dont les derniers, Temps
des crises et Musique ont été largement salués par la presse. Il est
l’un des rares philosophes contemporains à proposer une vision du
monde qui associe les sciences et la culture. 2
1
2
e
Tiré de la 1 de couverture de Petite Poucette de Michel SERRES
e
Présentation de l’auteur tiré de la 4 de couverture de Petite Poucette de Michel SERRES
4
Résumé de l’œuvre
I.
Petite Poucette
1. Nouveautés
On constate une évolution de plus en plus rapide de la société. Comparons, par
exemple, la société de 1900 à notre société actuelle :
Paysans
Lieu d’habitation
1900
Majorités
Campagne, les champs
Population mondiale
Espérance de vie
2 milliards environ
Environ 50 ans
Modification de la vie
Cadre d’étude
Culturellement
homogène
2011
1% seulement
Ville
Sensibilité à l’environnement
plus importante
7 milliards environs
Environ 80 ans
 changement de point de vue
sur le mariage (suis-je prêt à
m’engager pour 50 ans, contre
une dizaine en 1900), le legs, la
guerre (« risquer de perdre
quelques années pour la patrie,
ok… par contre, une 60aine… ») …
Médecine, médicament,
naissance programmée, parents
divorcés  Généalogie différente
Multiculturalisme
2. Voilà pour le corps ; voici pour la connaissance
A cela vient s’ajouter une nouvelle vision temporelle, une nouvelle vision de
l’Histoire puisque nous avons une vision plus poussée de notre Histoire, une vision
remontant plus loin dans le passé, ce qui nous contraint nous même à vivre dans une
nouvelle dimension temporelle.
De plus, on constate un formatage par les médias et la publicité (Par exemple,
pourquoi les jeunes d’aujourd’hui écriraient le mot
« relais » comme il le faut alors qu’ils peuvent le voir
partout écrit « Relay » ?). Finalement, les médias ont
aujourd’hui remplacé l’école et l’université en termes de
5
temps, de séduction et d’importance. On change ainsi d’espace pour entrer dans un
espace virtuel qui nous permet d’accéder à tout par le biais de divers outils (GPS,
téléphone portable, web, etc.)
Ainsi, entre les années 70 et aujourd’hui, c’est une nouvelle génération qui s’est
développée, une génération composée d’êtres humains
différents au niveau du corps, de l’espérance de vie, de la
communication, de la perception du monde, du cadre de vie, de
l’espace, de la langue… des humains que Michel SERRES a
surnommé «Petite Poucette » et « Petit Poucet », référence à
leur façon d’envoyer des sms en faisant usage de leurs 2
pouces.
3. L’individu
Ainsi, l’Homme d’aujourd’hui ne vit plus en couple (il divorce), adopte un
comportement différent en classe, est moins assidus en terme de religion, perd son
esprit d’équipe (souvenons-nous de l’équipe française de football en 2010…), bref il
est différent. Il convient alors d’inventer de nouveaux liens, et donc de modifier ce
cadre d’enseignement dans lequel il ne se reconnaît plus.
4. Que transmettre ? A qui le transmettre ? Comment le transmettre ?
Posons-nous donc ces 3 questions …
Que souhaitons-nous transmettre donc ? La réponse est simple : le savoir !
Observons un moment l’histoire de cette transmission du savoir :
Les sages, les
savants, par
voie orale
Rouleaux,
parchemins…
support d’écriture
Livre,
support
d’imprimerie
Toile,
Web
Qui transmet le savoir ?
Invention
écriture
Grecs :
« paideia » :
éducation
Invention
imprimerie
Traités de
pédagogie
???
Invention
Internet
6
Initialement transmis par voie orale par les sages et savants, le savoir commence à
se diffuser plus largement par le biais des rouleaux, parchemins et autre support
d’écriture suite à l’invention de celle-ci. Les grecs créent alors la « paideia », ou
l’éducation. Arrive alors la renaissance, et avec elle l’invention de l’imprimerie. Le
savoir peut alors s’exporter encore un peu plus grâce aux livres et autres support
d’imprimerie. On voit alors apparaître les premiers traités de pédagogie.
Aujourd’hui, avec l’invention d’Internet, la savoir est accessible par tous. On passe
ainsi d’un espace restreint d’apprentissage (école, université, bibliothèque, etc.) à un
terrain illimité puisque la savoir est désormais accessible partout dans le monde !
Comme le dit l’auteur du livre, Michel SERRES3: « Je pourrais vous parler de chez moi
ou d’ailleurs, et vous m’entendriez ailleurs ou chez vous. Que faisons-nous donc
ici ? »
Cependant, si l’on a toujours observé une réponse en termes de pédagogie à ces
évolutions dans l’histoire de la transmission du savoir, on attend encore aujourd’hui
une révolution pédagogique depuis l’invention du web. En effet, avec cet important
changement d’usage du savoir, tout est à refaire, à réinventer…
II.
Ecole
1. La tête de Petite Poucette
A l’image de Saint Denis qui marche en portant sa tête décapitée
dans ses mains4, notre Petite Poucette marche aujourd’hui en
portant son ordinateur dans les mains : dorénavant, c’est celui-ci
qui remplace sa tête.
En effet, le savoir est désormais délocalisé dans celui-ci, laissant
libre cours à l’esprit de Petite Poucette pour effectuer d’autres tâches.
Montaigne déjà, suite à l’invention de l’imprimerie, disait qu’il valait mieux une
« tête bien faites plutôt qu’une tête bien pleine »5. En effet, s’il était auparavant
impératif de connaître par cœur l’intégralité d’un savoir, il suffit désormais, avec la
propagation du livre, de savoir où trouver l’information (dans quel livre, et où se
trouve celui-ci…)
3
Petite Poucette de Michel SERRES, page 19
Légende dorée de Jacques de VORAGINE
5
Essais, I, XXVI de Montaigne
4
7
Aujourd’hui, Petite Poucette n’a même plus besoin de savoir où chercher une
information, le moteur de recherche s’en charge pour elle. Elle fait alors une
incroyable économie de mémoire, laissant son esprit libre à effectuer d’autres taches
plus créatives, laissant sa tête plus libre pour inventer…
2. L’espace de la page
En ce qui concerne l’écriture, elle est aujourd’hui partout, respectant un format
« page » : sur nos panneaux routiers, sur les publicités, dans les rues, sur les horaires
dans les gares, dans les traductions à l’opéra, dans les bibliothèques, sur les tableaux
et dans les PowerPoint à l’école, dans les revues, les journaux, etc.
Mais c’est également l’écran qui reproduit ce format ! Aujourd’hui celui-ci s’ouvre
comme un livre, Petite Poucette écrit dessus comme elle le ferait sur une page et,
une fois son travail fini, elle l’imprime. Les grandes entreprises cherchent à inventer
le nouveau « livre électronique », alors que l’électronique n’arrive pas à se détacher
de ce format page propre au livre.
Avec l’avènement des nouvelles technologies, il nous faut sortir de ce format
« spatial » que nous imposent le livre et la page !
3. Petite Poucette médite
Lorsque Petite Poucette pense, elle effectue une action différente du savoir et de la
connaissance : elle invente. Et plus elle invente, plus elle se distancie du savoir et de
la connaissance. Ainsi ; les neurones activés aujourd’hui, ceux de la créativité,
différent de ceux propres à l’écriture et à la lecture d’avantage utilisés auparavant.
4. Voix
L’enseignant, dans sa classe ou son amphi, redistribue à ses élèves un savoir déjà
présent dans les livres, il « oralise » l’écrit, et pour ce faire demande à ses élèves un
silence… qu’il n’obtient plus. En effet, le bavardage est de plus en plus important,
rendant pénible l’écoute. Petite Poucette ne lit plus, ne veut plus entendre l’écrit, et
encore moins se taire pour laisser la place à ce savoir, comme l’on trop longtemps fait
8
ses prédécesseurs ! Et pourquoi ? Parce que ce savoir, tout le monde y a accès, dans
son intégralité, par le biais du web, de wikipédia, des portables, etc. Nous sommes
ainsi arrivés à la « fin de l’ère du savoir ».
5. Les petits transis
Auparavant, l’élève sagement assis écoutait, soumis aux maitres, mais surtout au
savoir. Certains, même, se trouvaient effrayés par celui-ci au point de ne pouvoir
l’apprendre. Les philosophes allaient même jusqu’à parler de « savoir absolu ». Ainsi,
toute l’attention se focalisait sur cette estrade sur laquelle se tient l’enseignant, à
l’image de la cour royale vers le trône ou du public de théâtre vers la scène.
6. La libération des corps
Aujourd’hui, ayant un accès total à l’information, difficile pour Petite Poucette de se
concentrer sur l’estrade sur laquelle se situé auparavant tous le savoir lorsque,
autour d’elle, ses camarades circulent, s’interpellent et échange le savoir qu’ils
peuvent obtenir si facilement.
« Au silence le bavardage succède-t-il et le chahut à l’immobilité ? » nous demande
l’auteur6. Surement pas, il convient simplement d’oublier la salle de classe tel qu’on
la conçoit encore aujourd’hui afin de laisser la place à un nouveau modèle plus
adapté à notre Petite Poucette et à ses amis.
7. Mobilité
Pour bien comprendre cette problématique, observons les occupants d’un véhicule
quelconques (train, automobile, avion, etc.).
On remarque alors 2 types de postures :
 Le passager qui se tient avachis sur son siège, décontracté, le ventre en l’air,
peu concentré et le regard vague et passif
 Le conducteur qui se tient le dos courbé vers l’avant, les bras tendu sur le
volant, le regard actif et attentif
Maintenant, observons Petite Poucette qui utilise son ordinateur ou qui écrit un
sms. On peut alors remarquer que sa posture est plus proche de celle du conducteur,
dos courbé, bras tendu vers la machine et le regard actif et attentif.
6
Petite Poucette de Michel SERRES, page 40
9
Passager et conducteur dans une voiture
Petite Poucette à son
ordinateur
Demandez maintenant à Petite Poucette d’abandonner cette posture active de
conducteur dont elle a l’habitude pour adopter la posture passive de passager d’un
cours et vous verrez que très vite elle aura du mal rester passive sur sa chaise.
Donnez-lui un ordinateur et elle retrouvera cette posture active de conducteur à
laquelle elle est habituée. Vous l’aurez compris, il est difficile de passer d’une posture
à l’autre, et surtout d’oublier ses habitudes pour conserver cette nouvelle posture.
Nous trouvant dans un monde de plus en plus composé de « conducteur », on peut
alors comprendre cette modification des comportements.
Comment dés lors transformer, modifier, remodeler l’université actuelle pour
qu’elle puisse s’adapter au mieux à cette nouvelle demande, pour qu’elle suive le
mouvement et pour qu’elle puisse expliciter l’avenir qu’impliquent les nouvelles
technologies ?
8. Disparate contre classement
Prenons l’exemple de M. Boucicaut, fondateur du Bon Marché, un magasin
généraliste.
Il commença par classifier de façon rigoureuse les articles à vendre en les plaçant sur
des étagères et répartis en rayons. Etant le premier magasin à proposer autant de
sortes de produit au sein d’un même endroit, son magasin rencontra un franc succès.
Cependant si le chiffre d’affaire était bon, M. Boucicaut remarqua que celui-ci était
particulièrement constant. Il eut alors l’idée de bouleverser totalement son
classement en transformant ses allées en véritable labyrinthe et en semant le
désordre dans ses rayonnages. Une cliente, alors venus acheter des poireaux se
retrouva alors devant les soieries et autres dentelles… Celle-ci repartit avec des
10
légumes ET des parures ! Les ventes du magasin explosèrent, à tel point que cette
méthode est aujourd’hui pratiquée par tous les magasins.
Ainsi, comme le dit Michel SERRES7 : « Pratique et rapide, l’ordre peut emprisonner
pourtant ; il favorise le mouvement mais à terme le gèle ».
Imaginons maintenant faire de même dans l’université : plaçons côte à cote le
département physique et celui de philosophie, face à face la linguistique et les
mathématiques… mieux encore, retaillons les départements et mélangeons les
bureaux que les chercheurs provenant de 2 mondes différents se rencontrent !
Oublions l’ordre pour nous permettre d’avancer…
III.
Société
1. Eloge des notes réciproques
Noter les enseignants, voilà une idée bien mal accueillis. Et pourtant, depuis des
années, les étudiants notent dans les universités, mêmes sans lois établies :
l’enseignant se voit ainsi sanctionné par le nombre d’étudiants qui assistent à son
cours (amphi entier ou seulement 3 étudiants ?) ou encore par l’attention de ceux-ci
(écoute ou chahut ?).
Bien plus encore, tout le monde supporte une note : le fournisseur, noté par les cris
de mécontentement de ses clients, les médias, notés par l’audimat, les médecins,
notés par l’affluence de leurs patients… Cette notation est même ouvertement visible
dans notre société avec ses listes des meilleures ventes, ses prix Nobels, ses oscars,
ses classements des universités et autres. On ne peut pas s’empêcher de juger ceci
bon et cela mauvais.
On peut ainsi voir que si l’on a toujours pensé se trouver dans une circulation à sens
unique, du haut vers le bas, dans laquelle les « puissants » jugent les « sujets », on se
trouve en réalité dans une circulation à double sens dans laquelle les noté notent les
notant, et vice-versa.
7
Petite Poucette de Michel SERRES, page 44
11
Les puissants
Patrons, dirigeant, enseignants, etc.
Notent
Jugent
Les sujets
Ouvriers, employés, étudiants, etc.
2. Eloge de H. POTTER
Intéressons-nous maintenant au cas de Humphrey POTTER, enfant de 10 ans qui, en
1713, avait pour tache d’actionner de façon répétitive (10 à 12 fois par minute) un
robinet se trouvant sur une machine à vapeur.
L’histoire raconte qu’il eut un jour l’idée de relier ce robinet au bras montant et
descendant de la machine, automatisant ainsi son travail et lui permettant de fuir un
travail ennuyeux pour aller jouer.
Comme on peut le voir dans cet exemple, l’ouvrier possède une réelle compétence,
malheureusement peu exploitée par les décideurs qui jugent leurs ouvriers comme
des personnes incompétentes. Au vue de cette histoire, il conviendrait alors de
permettre au travailleur de contrôler lui-même sa propre activité dans laquelle il
possède en règle générale un plus grand nombre de compétences.
3. Tombeau du travail
Revenons à notre Petite Poucette qui cherche du travail... Et quand elle en trouve,
elle continue à en chercher car elle sait qu’elle peut le perdre à tout moment. A son
travail, lorsqu’on lui pose une question, elle n’y répond pas en fonction de la réponse
juste, mais afin de ne pas perdre son travail. Ce mensonge, devenu fréquent de nos
jours, nuit à tout le monde.
Mais surtout, Petite Poucette s’ennuie à son travail, dont l’intérêt est bien moindre
par rapport à avant. En effet, là où le menuisier, auparavant, recevait des planches
brutes dans lesquelles il taillait pour fabriquer chaise, porte, fenêtre, aujourd’hui les
12
fenêtres sortent d’une usine toute prête à être inséré dans l’emplacement prévu à
cet effet.
Avant
Maintenant
Scierie
Planches
Depuis les années 70, on constate une forte augmentation de la productivité et de la
croissance démographique qui amène une forte baisse du travail. Or, toute la société
d’aujourd’hui s’articule autour du travail, jusqu’au rencontre et aventures privées.
Petite Poucette pensait donc s’y épanouir, mais elle ne trouve aucun intérêt à celui-ci
et, du coup s’ennui. Elle se demande alors autour de quelle valeur autre que le travail
la société pourrait se structurer. Ce qui importe peu, puisqu’on ne lui demande pas
son avis…
4. Eloge de l’hôpital
Petite Poucette se souvient également d’un séjour à l’hôpital au cours duquel le
docteur entra sans frapper dans sa chambre avant de se placer dos à son lit et de
gratifier ses assistants, le suivant tels un troupeau bestial de femelles soumises au
mâle dominant, d’un discours inspiré. Elle vécut là ce que l’on nomme la présomption
d’incompétences, cette même présomption qu’elle avait déjà expérimenté à la fac et
au boulot.
5. Eloge des voix humaines
Mais revenons sur ce bruit permanent dans les amphis dont nous avons parlé
précédemment, et observons la société : les profs bavardent quand le proviseur leur
parle, les employés discutent pendant le discours de leur patron, de même pour les
gendarmes quand le général commande, et plus généralement les citoyens devant le
13
maire, le député ou encore le ministre… Michel SERRES pose la question8 : « Existe-t-il
une seule assemblée d’adulte d’où n’émane pas, divertissant, un semblable
brouhaha ? ».
Et en plus de ces discussions déjà nombreuses vient s’ajouter le bruit des médias, le
vacarme commercial, ainsi que les voix virtuels des blogs et réseaux sociaux qui
permettent désormais d’entendre la voix de tous. Finalement, ce bruit des classes et
des amphis n’est en fait qu’un modèle réduit de cette société bruyante dans laquelle
nous évoluons aujourd’hui.
6. Eloge des réseaux
Au sujet de ces réseaux, Petite Poucette se défend : on lui reproche son égoïsme et
son individualisme mais « qui me le montra ? » demande-t-elle9. Observons notre
société qui lui reproche de ne pas savoir faire équipe : les gens ne vivent plus en
couple : ils divorcent ; pour les sports collectifs, afin d’en être spectateurs, on recrute
les sportifs à l’étranger.
Ainsi, lorsque l’on se moque ses réseaux sociaux et du nouvel emploi que fait Petite
Poucette du mot « ami », celle-ci met en avant la possibilité offerte de rassembler un
grand nombre d’humains par un rapprochement, certes virtuel, mais qui ne risques
pas de les blesser. En effet, la majorité des rassemblements physiques de grandes
envergures ont donné lieu à une histoire sanglante emplie de morts, un résultat qui
risque peu d’être atteint par les réseaux virtuels.
« Voilà notre avenir de vie face à votre histoire et vos politiques de mort » nous
précise ainsi Petite Poucette10.
7. Eloge des gares, des aéroports
Depuis le début de l’humanité, l’homme n’a cessé de se déplacer… Pour vivre
d’abord, puis pour découvrir de nouveaux territoires par la suite. Aujourd’hui, alors
que tout a été découvert, les voyages se multiplient au point de changer la
perception de l’habitat. Un pays tel que la France devient ainsi une ville où le TGV
remplace le métro et l’autoroute les rues.
Petite Poucette vit dans une banlieue à distance équivalente du centre-ville et de
l’aéroport, celui-ci lui permettant d’aller partout où elle le désire dans le monde. Mais
elle vit aussi dans un environnement multiculturel. Difficile alors pour elle de savoir
réellement où elle habite, dans quel environnement elle évolue…
8
Petite Poucette de Michel SERRES, page 58
Petite Poucette de Michel SERRES, page 60
10
Petite Poucette de Michel SERRES, page 62
9
14
8. Renversement de la présomption d’incompétence
Comme nous l’avons dit plus haut, la présomption d’incompétence permet aux
grandes machines, tels que les médias, entreprises, universités, administrations et
autres, d’imposer leur puissance en s’adressant à des présumés imbéciles composant
le « grand public ». Mais aujourd’hui, ayant accès à l’information et au savoir,
n’importe quel anonyme peut en savoir autant, si ce n’est plus, sur le sujet traité.
Mais ce renversement ne touche pas que les connaissances, mais également les
sexes, avec la victoire des femmes ces dernières décennies, les cultures et plus
généralement toutes les concentrations, qu’elles soient productrices, industrielles,
langagières ou encore culturelles. Pour lutter contre ce renversement, les pouvoirs
s’y opposant utilisent la publicité et les marques, ainsi que la mise en scène de la
réalité sous la forme de grand spectacle, et ce dans le but de nous ramener dans cet
état de sommeil qu’ils affectionnent tant.
9. Eloge de la marqueterie
Aujourd’hui, la marqueterie fait usage de l’argument de la simplicité. Mais comment
gère-t-on la complexité ?
Prenons, par exemple, le poisson, nageant simplement dans le courant et qui se
retrouve dans un filet de pécheur. Pour sortir de cette situation compliquée, il va se
débattre, mais se retrouvera alors d’autant plus lié. Il en va de même pour la mouche
qui se débat dans la toile d’araignée, ou encore les 2 alpinistes qui se croisent et,
voulant se dégager l’un de l’autre, vont entremêler d’autant plus leur corde… Il
apparaît ainsi que, plus l’on souhaite simplifier la complexité, plus elle s’en trouve
compliquée.
C’est ainsi que notre monde est de plus en plus compliqué, avec tout ce que cela
implique : multiplication et longueur des files d’attentes, lourdeur administratives,
encombrement des rues…
10.
Eloge du 3e support
Pour faire face à cette complexité croissante, il faut changer, et ce grâce à
l’informatique : la vitesse électronique permet ainsi d’éviter les lenteurs du transport
réel et gommes les chocs pouvant advenir dans la réalité.
On pourra par exemple imaginer de stocker l’ensemble des données personnelles
sur un unique support, ces données étant actuellement présentes sur une multitude
de cartes dont l’individu partage la propriété avec plusieurs institutions, aussi bien
privées que publiques. Comment alors pourrait être gérer la propriété ? On pourrait
supposer de créer un 5e pouvoir, celui des données, complétant, tout en étant
15
indépendant, les 4 autres, à savoir le législatif, l’exécutif, le judiciaire et le
médiatique.
11.
Algorithmique, procédural
Aujourd’hui, avec l’utilisation des technologies modernes, on peut voir revenir ce
que nous appellerons le « procédural », c'est-à-dire un ensemble de manipulation,
une gestuelle qui n’était auparavant utilisé que pour des opérations simples de type
arithmétique.
De plus en plus présent, il forme une nouvelle façon de penser : la pensée
algorithmique.
12.
Emergence
Enfin, pour être exact, il ne s’agit pas d’une pensée véritablement nouvelle. Elle
précéda en effet l’invention de la géométrie en Grèce avant de réémerger en Europe
avec Pascal et Leibniz. Mais le procédural et l’algorithmique ont surtout cette
particularité de s’appuyer sur des codes.
13.
Eloge du code
Or, si de tout temps le code a représenté un terme commun pour le droit, la
jurisprudence, la médecine et la pharmacie, aujourd’hui s’en sont emparé la
biochimie, la théorie de l’information et les nouvelles technologies.
Ainsi, si la particularité du code est d’être double, c'est-à-dire qu’il peux être affiché
aux yeux de tous, tout en n’étant pas compréhensible de tous, on peut l’utiliser
comme représentation de l’Homme, à la fois personnel, intime et secret, mais aussi
générique, public, publiable, bref un homme double.
14.
Eloge du passeport
Tout comme les anciens égyptiens, nous distinguons le corps de l’âme. Imaginons
ainsi de coder ces informations, de mélanger toutes les données possibles, qu’elles
soient intimes, personnelles ou sociales, pour en faire un passeport universel codé,
un ego qui pourrait se glisser dans la poche, à la fois sujet et objet, un ego double
donc…
15.
Image de la société aujourd’hui
Il y a fort longtemps, des gens voulurent construire une haute tour ensemble.
Malheureusement, parlant des langues différentes, ils ne purent y arriver. En effet,
sans compréhension, pas d’équipe, et sans collectif, pas d’édifice. La tour de Babel fut
un échec…
16
Puis l’on inventa l’écriture, et avec elle la possibilité de former des équipes, et ainsi
s’élevèrent les pyramides et les temples. Quelques millénaires passèrent et, à Paris,
un homme dessina un plan qui permit la construction d’une tour qui porterait son
nom : la tour Eiffel. Bien que plusieurs siècles séparent cette tour des pyramides, elles
sont toutes deux construites selon une même forme stable : une large base et une
pointe vers le haut.
L’auteur de cet ouvrage, Michel Serres, aimerait quand à lui planter un arbre
quelque peu particulier face à la tour Eiffel, de l’autre côté de la Seine. Dispersé par-ci
par-là, des ordinateurs permettrait en effet à chacun d’introduire son passeport (dont
nous avons parlé plus haut et qui représente son ego) ce qui ferait jaillir une lumière
laser coloré. La somme innombrable des cartes insérées formerait ainsi un arbre
lumineux, image de la collectivité, avec les caractéristiques communes formant le
tronc, les caractéristiques plus rares formant les branches et les caractéristiques
exceptionnelles formant les feuilles.
Caract. exceptionnelles
Caract. plus rares
Caract. communes
Ainsi, cet arbre refléterait le changement permanent de la société, ne constituant
pas une œuvre à laquelle un seul homme serait rattaché (M. Eiffel), oubliant ainsi
tous ceux qui ont travaillé à la construction de l’ouvrage, mais bien une œuvre
reflétant le collectif, la société toute entière…
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