10 grande interview

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10 grande interview
10
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Pierre Olhagaray
- ancien PDG de groupes
pharmaceutiques internationaux
- président d’“échanges Pays
Basque”
« Créer un
événement haut
de gamme afin
d’attirer des
investisseurs
et créer des
emplois »
A
vec
votre
association
« Echanges Pays Basque »,
vous êtes à l’origine d’un
projet qui propulsera Cambo
et le domaine d’Arnaga dans la célébration de « Saint Sébastien capitale
culturelle Européenne 2016 » avec
toute la résonnance médiatique et les
retombées en matière de fréquentation touristique qu’un tel événement
suppose au niveau international. Comment en avez-vous conçu l’idée ?
- Il s’agissait pour nous de créer
une manifestation consacrée à l’art
contemporain en Pays Basque Nord
qui puisse s’inscrire dans le programme « Donostia 2016 ». Il fallait
donc trouver un endroit ainsi que
des artistes très confirmés. Un de
nos membres, Peio Etchelecu, adjoint
au maire de Cambo et président
de la société Agour nous a proposé
le domaine d’Arnaga ; nous avons
alors rencontré Vincent Bru, maire de
Cambo, qui a immédiatement adhéré,
et de manière très volontaire, au projet, tout comme Pablo Berastegui,
directeur général de Donostia/San
Sebastián 2016, qui nous a aussitôt
intégrés au programme officiel de la
manifestation. Quant aux plasticiens
sélectionnés, il s’agit du peintre Jose
Antonio Sistiaga, pionnier du nouveau langage artistique élaboré par
le groupe « Gaur », avant-garde des
années soixante au Pays Basque,
dont il est un des derniers représentants ; et du sculpteur Iñigo Arregui
qui se réclame d’Oteiza, autre grande
figure du groupe « Gaur », et dont les
massives créations en métal exhalent
une forte et puissante évocation poétique. Leurs œuvres se partageront
entre la villa, l’orangerie et les jardins
d’Arnaga. Le commissaire de l’exposition sera Jean-François Larralde et
l’on prévoit la participation de JeanMichel Bouhours, Conservateur, historien d’art, cinéaste et directeur des
collections modernes au Centre Pompidou, qui fut également commissaire
de l’exposition José Antonio Sistiaga
au « Koldo Mitxelena » de Saint-Sébastien.
Quelles retombées concrètes en espérez-vous ?
- L’objectif est d’abord de montrer
qu’au Pays Basque, on peut faire du
fromage, implanter une aciérie, surfer
du 11 au 17 mars 2016
avec Quicksilver, et créer un événement haut de gamme afin d’attirer des investisseurs et créer des
emplois. Par exemple, l’organisation
« Donostia 2016 » - qui devrait recevoir dix millions de visiteurs - a déjà
prévu d’inclure Arnaga dans son tour
des plus belles villas du Pays Basque.
Nous pensons pérenniser cette manifestation sous forme de biennale.
Quel financement avez-vous prévu ?
- D’abord le mécénat : celui des artistes, qui prêteront leurs œuvres gratuitement ; celui de la Ville de Cambo
qui met Arnaga à notre disposition ;
et celui de certains de nos membres
ou des entreprises qui, avec une mise
d’entrée (entre 5 000 et 10 000 Euros)
pourront figurer au programme, organiser des visites, dîners ou cocktails
pour leurs clients et valoriser ainsi
leur image auprès de leur clientèle,
de leurs fournisseurs et des pouvoirs
publics. Ce sont essentiellement des
entreprises familiales basques qu’ont
déjà rejoint quelques sponsors internationaux, dont une compagnie d’assurance. Il s’y ajoutera des contributions des collectivités publiques ainsi
qu’une subvention attendue de l’Europe par l’intermédiaire de « Donostia
2016 ».
Quels sont les buts et l’origine de
votre association « Echanges Pays
Basque » ?
- Elle a été créée en 1979 par des industriels et des acteurs économiques
locaux, tels Jean Saint-Geours, inspecteur des Finances avant d’être
directeur général du Crédit Lyonnais,
puis présider la Commission des
opérations en bourse, ou Jacques
Saint-Martin et Antxon Lafont, res-
pectivement président et directeur de
la Chambre de Commerce de Bayonne
à l’époque ; leur souci était de « créer
d’abord de l’intelligence au Pays
Basque afin d’y créer de la richesse »,
d’où la fondation de l’ESTIA (Ecole
Supérieure de Technologies Industrielles Avancées), la participation
de l’association à la mise en place
du pôle Izarbel et à la définition des
missions de l’Antic (Agence des Nouvelles Technologies de l’Information
et de la communication).
Et, surtout, l’aide au développement
des entreprises basques en les
“ Il y a au Pays Basque nord
une forte culture
de l’entreprise ”
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conseillant discrètement et en les
mettant en contact avec des investisseurs et les banques dont les décideurs se trouvent à Paris, jacobinisme
oblige, et auxquels le Pays Basque
paraît « lointain »…
Bref, une façon élégante de promouvoir un Pays Basque « intelligent ».
Malgré les difficultés économiques de
l’heure ?
- Il y a au Pays Basque Nord une forte
culture de l’entreprise : à l’origine, le
paysan était le plus souvent propriétaire de ses terres, avec une mentalité
de chef d’entreprise – même petite
-, et actuellement, le tissu économique avec ses nombreuses PME aux
patrons très motivés a bien résisté.
Le frein au développement vient de
« l’éloignement » du Pays Basque et
de son image « rugby – hortensias pottok » qu’il convient de dépasser,
mais peu à peu, la richesse régionale
transparaît, malgré la réserve naturelle du Basque, peu habitué à parler
de lui… Et il y a la qualité des personnes, qui travaillent très bien. Je
serais ainsi très fier de couper un jour
le ruban d’une entreprise pharmaceu-
“ Le désir de s’investir et
de faire du lobbying pour le
Pays Basque… ”
“ Quand on est basque, il
n’y a pas d’autre issue que
de revenir dans son pays ! ”
tique qui s’implanterait ici !
En attendant, à part notre projet de
Cambo, nous essayons également de
ressusciter le lycée français de SaintSébastien, aujourd’hui disparu, et
dont le besoin reste d’actualité.
Comment
recrutez-vous
vos
membres ?
- Nous sommes 65 membres, tous bénévoles, ayant eu des responsabilités
dans les domaines de l’industrie, de la
recherche, de la culture, du tourisme,
des services ou de l’Administration.
Les trois-quarts habitent à Paris, mais
tous sont basques ou amoureux du
Pays Basque. En tant que président
depuis trois ans de cette association
– non point secrète mais discrète -,
j’ai essayé de la dynamiser avec une
nouvelle équipe qui compte entre
autres un académicien des Sciences,
un ancien président de Vivendi, un
bras droit de Carlos Ghosn qui, tous,
disposent d’un carnet d’adresses bien
rempli, qu’ils ouvrent avec le désir de
s’investir et de faire du lobbying pour
le Pays Basque…
Précisément, quel est votre parcours
personnel ?
- Du côté de ma grand-mère maternelle, originaire de Souraïde et d’Ainhoa, ma famille s’appelait Anduran-
11
degui, dont la descendance actuelle
s’est conservée au Chili. Du côté
paternel, ils venaient d’Elizaberri à
Mouguerre ; mon grand-père était
propriétaire de l’hôtel des Basques
au quartier Saint-André de Bayonne,
point central des moyens de transports à destination de la Basse-Navarre et de la Soule. J’ai longtemps
occupé des postes dirigeants dans
des groupes pharmaceutiques internationaux à Paris avant de fonder le
mien. A soixante ans, j’ai vendu mes
affaires et je suis retourné au Pays
Basque car, quand on est basque, il
n’y a pas d’autre issue que de revenir
dans son pays !
Et Pierre Olhagaray de repartir exercer son « coaching » auprès d’une
entreprise angloye : employant sept
salariés, des ingénieurs en électronique, elle cherche des investisseurs. Son dossier sera diffusé à
tous les membres d’« Echanges Pays
Basque » qui le répercuteront autour
d’eux ou mettront, eux-mêmes, la
main à la pâte…
Alexandre de La Cerda
Sistiaga, Arregui et Echevarria à Arnaga
L’exposition des œuvres de Sistiaga à Arnaga
s’intégrera d’autant mieux au programme
de Saint Sébastien - capitale culturelle
européenne en 2016 – qu’elle viendra, en
quelque sorte, en complément de celles du
Musée Bellas Artes de Bilbao qui fête les
50 ans de l’école basque Gaur, et du musée
donostiar de San Telmo où jusqu’au 15 mai,
la Fondation Donostia 2016 fait dialoguer
avec des plasticiens actuels cettefameuse
« Constellation Gaur », soit les fondateurs
du mouvement qui a rénové les arts au Pays
Basque à partir de 1966 et tous les mouvements induits (Emen en Biscaye, Orain en
Alava, Danok en Navarre, etc.).
Parmi ces derniers, José Antonio Sistiaga,
né en 1932, qui avait quitté le Pays Basque
pour s’installer dans les années 50 à Paris
où il côtoya les mouvements artistiques
contemporains. A cette époque, il découvrit
les techniques de films d’animation de Norman McLaren. S’inspirant de ces procédés,
Sistiaga peint sur des films des aplats aux
intensités de couleurs différentes selon le
son. En 1968, il créa son premier film expérimental « De la lune à Euskadi ». Il s’était fait
remarquer à l’exposition des artistes basques
de Mexico en 1970, avant de s’établir à Ciboure tout en gardant un atelier à San Sébastien où il dirigea des ateliers de peinture libre
et enseigna la méthode Freinet d’expression
libre. Créateur de films peints à même la pellicule avec des encres en utilisant des techniques naturelles, l’alerte octogénaire à l’œil
vif et voyageur de l’imaginaire, qui réside à
Ciboure mais œuvre dans son atelier donostiar, était présent à Bayonne l’année dernière
où ses œuvres avaient inauguré le « Didam »,
Sistiaga avec Jean-François Larralde, commissaire de l’exposition © Kepa Etchandy
Le sculpteur Iñigo Arregui. © DR
nouveau lieu d’expositions artistiques et des
projets architecturaux de la Ville, destiné à
remplacer l’ancien « Carré Bonnat ».
Quant au sculpteur Iñigo Arregui (Arrasate/
Mondragon, 1954), c’est sa rencontre avec
Jorge Oteiza quand il était adolescent qui avait
éveillé sa vocation artistique. Oteiza et Chillida,
tous deux « architectes du vide », influencèrent
ainsi l’esthétique créative de l’artiste. Longtemps consacré à une peinture où l’on décelait
déjà l’idée du volume et de la profondeur, ce
langage sculptural mena le plasticien vers des
œuvres d’abord dessinées et conçues à partir
du bois avant d’être remodelées par ordinateur
à l’aide d’un scanner 3D. Ses sculptures en
acier, dans une dimension intermédiaire entre
l’abstraction et la figuration, respirent la légèreté et proposent « une posture dynamique ou
chacun peut découvrir des compositions différentes selon la position de son regard ».
A Arnaga, sur l’initiative du maire Vincent Bru,
on joindra encore des œuvres du sculpteur alavais Jesus Echevarria établi à Cambo où enseignait son épouse. Appartenant au mouvement
artistique « Orai » proche de Jorge Oteiza, sa
formation classique - nourrie entre autre de
l’épopée chevaleresque du Cid - jointe à une
sensibilité musicale développée au contact de
son oncle José Uruñela, compositeur et pianiste de talent, ami de Ravel, avaient inspiré sa
création plastique.
du 11 au 17 mars 2016