USA : 400 000 embryons congelés Commander le sexe de son bébé

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USA : 400 000 embryons congelés Commander le sexe de son bébé
Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité bioéthique
N°41 : mai 2003
USA : 400 000 embryons congelés
Il existe environ 400 000 embryons
congelés dans les 430 cliniques de
procréation assistée des Etats-Unis,
selon la première enquête nationale sur
le sujet, rapportée dans le Washington
Post du 8 mai 2003. Ce nombre est
largement plus élevé que les
estimations selon lesquelles le nombre
d’embryons congelés variait entre
plusieurs dizaines de milliers et
200 000.
87% des embryons conçus dans le
cadre de la procréation assistée sont
utilisés pour des "traitements contre
l’infertilité", 4% pour la recherche et des
études de qualité, 2% sont donnés, et
2% au moins sont détruits.
Selon l'étude, les couples qui ont en
réserve
des
embryons
dits
"surnuméraires", trouvent difficile de se
résoudre à les détruire.
Commander le sexe de son bébé
En septembre dernier, le Dr Frank
Comhaire, andrologue à l'université de
Gand (Belgique), annonçait qu'il avait
une méthode permettant à un couple
de choisir le sexe de son enfant
moyennant une somme de 6 300 €. Ce
mois-ci il annonce la première
naissance d'un enfant issu de cette
technique, naissance qui a eu lieu en
février dans le sud de l'Europe. C'est
une petite fille. Trois autres femmes
européennes seraient enceintes selon
cette méthode.
Un tri des chromosomes
Développée il y
a une dizaine
d'années par le ministère américain de
l'Agriculture pour sélectionner les
animaux selon leur sexe, cette
technique a été baptisée MicroSort.
Elle a été adaptée à l'homme en 1998
par des chercheurs travaillant pour le
compte de l'Institut de génétique et de
fécondation in vitro, en Virginie. Elle a
ensuite fait l'objet d'essais cliniques
sous le contrôle de la Food and Drug
administration, avec le concours de
nombreux
médecins
américains,
canadiens et belges.
La méthode consiste à trier les
spermatozoïdes en repérant ceux
porteurs de chromosome X (féminin) et
ceux porteurs de chromosome Y
(masculin). L'équipe utilise un laser qui
est capable de différencier ces deux
types de chromosome afin de les
répartir dans deux tubes. Ensuite, le
sperme ainsi obtenu et "enrichi" est
inséminé dans le ventre de la mère ou
fertilisé in vitro.
Une technique à l'essai
La méthode a une efficacité limitée,
puisque
l'éradication
des
spermatozoïdes
indésirables
est
particulièrement difficile à opérer. La
technique a été testée sur un millier de
couples aux Etats-Unis et a donné
naissance à 400 enfants. Les chances
de réussite seraient donc de 88% pour
une fille et de 73% pour un garçon.
Pour prouver sa fiabilité il est prévu de
la tester encore sur 3 500 couples.
Vers l'équilibre familial ?
En France, la sélection du sexe d'un
embryon est possible pour éviter une
maladie génétique grave, comme la
myopathie de Duchenne ou la maladie
de l'X fragile, etc.
Les lois de bioéthique de 1994
n'autorisent pas le choix du sexe de
son enfant pour d'autres motifs.
De même en Belgique, l'article 5 de la
loi relative à la recherche sur les
embryons in vitro interdit les
recherches ou les traitements
permettant de sélectionner un embryon
sauf s'il s'agit d'éviter une maladie
génétique grave. Mais le professeur
Comhaire ne se considère pas dans
l'illégalité estimant qu'il n'entre pas
dans le champ de la loi qui réglemente
la seule manipulation d'embryons in
vitro. "Nous, nous pratiquons la
sélection de spermatozoïdes, avant
même toute formation d'embryons." Il
bénéficie d'un vide juridique que doit
prochainement combler un projet de loi
à l'étude.
Le comité de bioéthique belge est
partagé sur cette question de sélection
sexuelle des embryons. Certains
n'étant pas opposés au principe du
"family-balancing" c'est à dire la
possibilité pour un couple de choisir le
sexe de son enfant afin de rééquilibrer
le nombre de filles ou de garçons dans
la fratrie...
Gènéthique - n°41 - mai 2003
Produire des ovocytes à partir des cellules embryonnaires
Les cellules souches embryonnaires
(cellules ES) en culture étaient
généralement considérées comme
pluripotentes, c’est à dire capables de
générer de multiples types cellulaires,
mais aucune expérience n’avait montré
leur capacité à se différencier in vitro
en cellules sexuelles. Une équipe
franco-américaine vient de montrer que
ces cellules seraient en réalité
totipotentes, c’est à dire capables de
donner tous les types cellulaires dans
des conditions de différenciation
adaptées.
Produire des ovocytes
Les auteurs de cette étude, récemment
publiée dans la version en ligne du
journal Science1, ont obtenu des
cellules ayant les caractéristiques
d’ovocytes en cultivant des cellules
embryonnaires de souris, mâles ou
femelles. Une partie des cellules en
culture a pris la structure de
précurseurs d’ovocytes puis est entrée
en
méiose
(division
cellulaire
particulière au cours de laquelle les
cellules reproductrices perdent un lot
de chromosomes). Le développement
de ces cellules a pu être suivi
visuellement grâce à un marqueur
fluorescent identifiant l’expression d’un
gène
spécifique
des
cellules
germinales. De plus, ces ovocytes
produisent de grandes quantités
d’oestradiol, une hormone féminine.
Cependant, même si ces cellules
obtenues in vitro présentent les
caractéristiques d’ovocytes, l’étude ne
montre pas si les remaniements
chromosomiques se sont faits
correctement lors de la méïose. Il
faudrait maintenant prouver que ces
ovocytes peuvent être fécondés et
donner des souris sans anomalies.
Les applications attendues
Cette obtention in vitro de cellules
germinales ouvre des perspectives
intéressantes
en
recherche
fondamentale, notamment pour l’étude
de la méiose et celle des interactions
entre les cellules somatiques et
germinales. Elle faciliterait par ailleurs
le génie génétique.
Au delà de ces intérêts scientifiques,
ces résultats ont été largement
répercutés dans la presse grand
public, à cause des applications à
l’homme qu’une telle découverte laisse
imaginer :
- la production in vitro d’un grand
nombre d’ovocytes rendrait le clonage
humain plus facile. Elle permettrait en
particulier de lever des barrières
pratiques et politiques au clonage
humain en évitant le recours aux
femmes pour se procurer les ovocytes
nécessaires.
- pour ceux qui acceptent le principe du
clonage thérapeutique, elle permettrait
à des femmes infertiles d’avoir des
enfants. On pourrait obtenir des
cellules embryonnaires après clonage
d’une cellule de la mère et les faire se
différencier en ovocytes, eux-mêmes
fécondables par le sperme du père. La
même technique supprimerait pour les
femmes la limite d’âge de procréer.
- enfin, cette production d’ovocytes in
vitro à partir de cellules embryonnaires
permettrait à des homosexuels
d’avoir des enfants par reproduction
sexuée, l’un des pères donnant son
sperme, l’autre des ovules à partir d’un
clone d’une de ses cellules.
Limites scientifiques et éthiques
Cependant, toutes ces extrapolations
vont largement au delà des résultats
publiés. Les auteurs de l’étude n’ont
pas démontré que ces ovocytes
obtenus en boîte de culture à partir de
cellules
embryonnaires
sont
fonctionnels et sans anomalies
chromosomiques. Et si c’était le cas,
rien ne prouve qu’une telle découverte
soit applicable aux cellules humaines.
Enfin, les approches proposées
n'évitent aucunement les problèmes
éthiques. Cette production d’ovocytes
in vitro nécessite au départ d’obtenir
des cellules embryonnaires humaines,
provenant
soit
d’embryons
surnuméraires soit d’embryons clonés
et de les utiliser comme produit de
laboratoire.
1 : K. Hubner et al. Derivation of ovocytes
from mouse embryonic stem cells. Science
2003 May
Un espoir avec les cellules adultes pour soigner la myopathie
Une équipe française du laboratoire de
neuro-génétique de l'Inserm et belge
de l'université catholique de Louvain a
montré l'effet protecteur des cellules
souches musculaires de l'adulte,
appelées cellules satellites, dans des
cas
de
maladie
musculaire
dégénérative d'origine génétique.
Judith Melki qui dirigeait cette étude
avait isolé en 2000 avec son équipe un
gène de survie des neurones moteurs
directement
responsable
des
amyotrophies spinales. Or une
mutation de ce gène, le gène Smn,
peut entraîner différents types de
myopathies. Une mutation sévère peut
entraîner une paralysie progressive et
la mort.
Les chercheurs ont démontré
l'influence positive des cellules souches
musculaires sur l'amélioration des
performances motrices et la survie de
souris présentant une myopathie
chronique
d'origine
génétique.
Ces cellules identifiées il y a quelques
années ont permis une régénération
musculaire très active chez les
animaux atteints. Ces cellules ont
montré qu'elles ont la capacité de
contrecarrer la progression d'une
myopathie progressive.
Selon l'équipe de recherche, ces
résultats sont prometteurs pour
développer une stratégie thérapeutique
des myopathies.
Cette étude démontre une fois encore
le formidable potentiel thérapeutique
des cellules souches présentes dans
les organes adultes.
S. Nicole et coll., "The
Biology" du 12 mai 2003
Journal of Cell
Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune - 31 rue Galande 75005 Paris
Directeur de la publication et Rédacteur en chef : Jean-Marie Le Méné
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Gènéthique - n°41 - mai 2003
Gènéthique - n°41 - mai 2003