Mais que se passe-t-il en Inde
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Mais que se passe-t-il en Inde
TOPIC Septembre 2012 www.hec.fr/eurasia Mais que se passe-t-il en Inde ? Tous les voyants de l’économie indienne sont au rouge Effondrement des IDE Annonce de nouvelles réformes Les voyants de l’économie indienne sont au rouge. On attendait pour 2012 une croissance de l’ordre de +7,5%, similaire à celle de l’an dernier. On vient de réviser ces perspectives à +6,5% - pour l’instant - car le premier trimestre a été décevant, avec +5,3% seulement, et la conjoncture actuelle n’est pas plus brillante. Du coup, le douzième plan quinquennal indien (2012-2017), qui tablait sur 9% de croissance annuelle a été révisé en catastrophe à +8,2% à l’horizon de cinq ans. 6,5% serait un joli score aux standards européens. Mais dans un pays où le PIB par habitant n’est encore que de 1 400 dollars, c’est très insuffisant pour provoquer sérieusement un véritable décollage : il faudrait 10% sur une période soutenue. De surcroit, la valeur internationale de l’économie indienne se contracte: en réalité, le PIB indien va passer de 1 810 milliards de dollars en 2011 à 1750 en 2012 (-3%), par suite d’une inflation constante – même si elle s’est un peu réduite à +7% récemment – et d’un effondrement du change de la Roupie (-23% en deux ans). La crise de l’économie mondiale a bon dos. Certes toutes les économies se contractent, même la locomotive chinoise. Mais les investissements étrangers dans les économies émergentes continuent à un rythme soutenu (115 milliards de dollars en Chine dans les douze derniers mois). Ce n’est pas le cas en Inde. Là aussi, tous les voyants sont au rouge. La moyenne des IDE réels (attention aux chiffres déclaratifs !) des cinq dernières années s’était établie à 26 milliards de dollars annuels. Depuis cinq mois, les chiffres se sont lourdement effondrés de l’ordre de 80%. Dans tous les secteurs sans exception, depuis les services jusqu’à la construction d’infrastructures en passant par les industries diverses et variées. L’étiage actuel est très préoccupant, même si les chiffres officiels ne rendent pas très bien compte de la réalité des décisions individuelles (39% des IDE enregistrés, par exemple, proviennent de l’Ile Maurice). Les annonces, en septembre, sur de nouvelles réformes et sur une prochaine libéralisation de l’économie se multiplient, pour conjurer ces mauvaises nouvelles. Mais le gouvernement de Manmohan Singh – qui fête ses 80 ans ce mois ci - est usé après huit ans de pouvoir marqué par un astucieux marketing (« shining India » !) et par beaucoup de promesses décevantes, même si – c’est vrai – la frange indienne des nouvelles classes moyennes présente un paysage dynamique tout différent depuis quelques années. Remettre sur la table en urgence, par exemple, l’ouverture du secteur de la distribution aux étrangers, ne trompe personne : des millions de boutiquiers l’ont déjà bloquée il y a quatre ans en rase campagne. On ne voit pas bien ce qui les ferait aujourd’hui changer d’avis. Scandales de corruption et blocage politique Un marché potentiel d’un milliard d’habitants ? Des déficits en infrastructures toujours aussi criants La lutte contre la pauvreté toujours à l’ordre du jour Personne ne dira jamais que « la plus grande démocratie du monde » est simple à gouverner ! Le pays a été secoué, rien qu’en 2011, par d’énormes scandales à répétition. L’attribution frauduleuse de licences de téléphonie mobile par les autorités publiques, l’organisation des Jeux du Commonwealth ou encore l’octroi des concessions de mines de charbon sans passer par le processus des enchères. Ces affaires ont fragilisé encore plus la coalition de gouvernement du Parti du Congrès, laquelle doit constamment composer avec le système fédéral (féodal ?) de l’Union indienne, qui génère des blocages quotidiens au niveau des 35 Etats largement autonomes. Jusqu’ici les réformes prévues étaient reportées ou annulées faute de consensus. Le Premier Ministre se heurte aux intérêts particuliers et aux luttes de pouvoir des élus provinciaux mais également au sein de son propre parti, la perspective d’élections législatives en 2014 ralentissant toute prise de décision audacieuse. L’essor indien a certes été remarquable depuis une dizaine d’années. Une centaine de millions de citadins sont aujourd’hui entrés dans le club un peu flou des « classes moyennes ». Nous autres Occidentaux avons tous salivé sur ce marché potentiel de plus d’un milliard d’habitants. Il s’est donc passé quelque chose en Inde. Mais le modèle de développement qui a permis à l’Inde cet essor récent arrive à essoufflement en raison de problèmes structurels dont les solutions n’ont pas progressé de façon significative ni durable. Le déficit en infrastructures est criant dans tous les domaines : routes, rail, ponts, ports, même si les aéroports ont fait quelques progrès. Comme il y a cinq ans, 40% des fruits et légumes de tout le pays continuent à pourrir dans les transports, parce que les routes sont chaotiques, les camions ou les trains réfrigérés affligeants et l’octroi aux frontières des Etats dirimant. Beaucoup d’obstacles demeurent aux investissements étrangers comme nationaux. La liste est longue : un processus d’acquisition du foncier très complexe, des lois du travail rigides, un environnement réglementaire compliqué et décourageant, des prises de décision et une administration opaques, des mesures fiscales dissuasives. Il faut ajouter à cela les carences toujours très importantes en matière d’accès aux soins, à l’éducation et dans la lutte contre la pauvreté d’une population, dont 70% continue à vivre sous le seuil de pauvreté absolue et 60% sont analphabètes. Le succès mesurable des réformes de Deng Xiaoping en Chine portait d’abord sur la réduction de la pauvreté. On attend toujours qu’il en soit ainsi en Inde. La conjonction d’infrastructures faibles, d’une main d’œuvre très peu formée et d’une bureaucratie d’un autre âge est le plus sûr obstacle à l’industrialisation réelle du pays. Résultat : les nouvelles classes moyennes consommatrices réclament des produits importés et la balance commerciale est lourdement déficitaire : 54% des exportations ne sont pas couvertes. Afin d’enrayer la spirale de défiance à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, le gouvernement se devait d’envoyer des signaux forts. Le 14 septembre un certain nombre de mesures ont été annoncées. Ces réformes, le Premier ministre en parlait déjà … en 2008. De quoi s’agit-il ? La grande distribution sera désormais L’ouverture du ouverte aux capitaux étrangers. Auparavant les entreprises étrangères avaient secteur de la obligation de s’approvisionner exclusivement auprès de PME indiennes, ce qui était distribution et des très difficile dans les faits. Désormais elles pourront se fournir auprès d’entreprises compagnies indiennes de tous types. Cette mesure va permettre à des groupes comme Tesco, aériennes aux capitaux étrangers Carrefour ou encore Ikea de s’implanter dans le pays… si les douze millions de boutiquiers ne se sentent pas trop menacés, comme à l’accoutumée. L’américain Walmart a d’ores-et-déjà annoncé avoir un projet d’ouverture de magasins dans les Taux de croissance Inde 2008 2009 2010 2011 2012 (pr) 9% 8,9% 8,4% 7,5% 6,5% Investissements étrangers en Inde : la désillusion Milliards de $ ? Tableau comparatif Inde/Chine en matière d’infrastructures INDE CHINE 16 000 45 000 Consommation électrique (Kwh par habitant 597 2 631 Transport aérien (en millions de passagers transportés) 88 253 Dépenses de santé du secteur public (en % du PIB) 1,62 2,82 Lits d’hôpitaux (pour 1 000 habitants) 1,11 5,32 Réseau d’autoroutes (en km) 18 mois à venir. Chaque Etat reste libre d’appliquer ou non cette mesure qui devrait entraîner la modernisation de la chaîne agro-alimentaire et également freiner l’inflation grâce à une offre plus large. Autre mesure emblématique car annoncée depuis plusieurs années, l’ouverture du capital des compagnies aériennes aux entreprises étrangères qui devrait contribuer à la modernisation de ce secteur. La libéralisation des années 2000 a vu en effet une floraison de nouvelles compagnies indiennes, mais Vishnou a reconnu les siens : résultat, une cascade de faillites et de regroupements improbables. Enfin, dernière mesure mais pas la moindre : la hausse de 14% des prix du gaz. En effet, gaz, gazole et kérosène sont vendus en-dessous des prix du marché. La différence, subventionnée par l’Etat, fait peser un poids extrêmement lourd sur les finances de l’Etat. Cette mesure est donc très révélatrice d’une volonté Vers la d’assainir les comptes publics. Car c’est tout le secteur de l’énergie qui doit être restructuration du restructuré. Notamment la distribution de l’électricité vendue également à des tarifs secteur de très bas. Fin juillet, des coupures d’électricité ont pénalisé plus de 600 millions de l’énergie ? personnes. Le secteur est piteusement organisé : 40% de l’électricité produite en Inde disparaît en raison de vols et de l’inefficacité de la gestion. Bravo donc pour la restructuration. Mais on risque de voir les foules indiennes de nouveau dans la rue. Le gouvernement cherche également à orienter l’importante épargne nationale vers l’investissement. Cela ne se fera pas sans une réforme du système Ces mesures financier, l’accès à l’emprunt étant encore trop compliqué pour que les entreprises suffiront-elles à puissent investir à long terme. Ces réformes qui viennent d’être annoncées sont redonner elles les prémices d’une plus grande ouverture de l’Inde aux capitaux étrangers qui confiance dans les lui permettrait d’investir dans les infrastructures ? Ces mesures suffiront-elles à capacités de redonner confiance dans les capacités de l’Inde ? Les marchés ont en tous les cas l’Inde ? bien réagi puisque après l’annonce des réformes le 14 septembre, Bourse et roupie étaient en hausse. Nos entreprises étaient parties la fleur au fusil vers l’Inde il y a cinq ans. Beaucoup n’ont pas démérité. Mais elles ont du réviser leurs prévisions à la baisse et leurs calendriers à la hausse. L’Inde est bien sûr un pays d’avenir. Mais il faut être patient et avoir les reins solides. Le « business with indian characteristics » n’est pas un long fleuve tranquille. JG/NJ A NOTER SUR VOTRE AGENDA Nos prochaines formations Mardi 9 octobre « Décoder le Japon » Mardi 16 octobre « Travailler avec l’Inde » Consulter notre site Internet www.hec.fr/eurasia