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MISE AU POINT
Intolérance au gluten. Les formes atypiques, peu symptomatiques ou de
révélation tardive, sont majoritaires. Le dépistage doit être ciblé et repose sur la
détection des anticorps antitransglutaminase, la confirmation diagnostique étant
apportée par la constatation d’une atrophie villositaire sur les biopsies duodénales
et l’efficacité du régime sans gluten.
Maladie cœliaque
GEORGIA MALAMUT,
CHRISTOPHE
CELLIER
Université
Paris-Descartes,
Inserm U793,
université
Paris-Descartes,
faculté de médecine,
service d’hépatogastro-entérologie,
Hôpital européen
Georges-Pompidou,
Paris, France
georgia.malamut
@egp.aphp.fr
G. Malamut déclare
des interventions
ponctuelles pour
Biocodex et avoir
été pris en charge
à l’occasion de
congrès par MSD
et AbbVie.
C. Cellier déclare
des liens d’intérêts
(interventions
ponctuelles et prise
en charge lors de
congrès) par Schär.
L
a maladie cœliaque est une
maladie intestinale autoimmune liée à l’ingestion de
gluten dont le rôle déclenchant a été décrit dès les années 1950
par Willem Karel Dicke. À côté de
la forme avec symptômes digestifs
au premier plan, on reconnaît aujourd’hui une augmentation des
formes atypiques, frustres, avec
manifestations extradigestives. La
principale cause d’échec du traitement est le défaut d’observance du
régime sans gluten. Si des recherches récentes laissent entrevoir des
alternatives au régime sans gluten,
il reste le traitement de référence
actuel et permet de prévenir la survenue des complications osseuses,
auto-immunes et lymphomateuses.
À distinguer de l’allergie
ou de l’hypersensibilité
au gluten
La maladie cœliaque est une entéropathie auto-immune secondaire à
l’ingestion de gluten survenant chez
des sujets génétiquement prédisposés.1 Elle se traduit sur le plan histologique par une atrophie villositaire
intestinale (fig. 1 et 2) avec augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux CD3+ CD8+ exprimant de plus
la molécule CD103 (αEβ7) qui favorise leur interaction avec l’épithélium.2 Il faut distinguer la maladie
cœliaque ou intolérance au gluten
de l’allergie au gluten et de l’hypersensibilité au gluten. L’allergie au
gluten a principalement été décrite
dans le cadre des allergies alimentaires dépendantes d’un effort physique (food dependant exercise indu-
Figure 1: ASPECT ENDOSCOPIQUE
D’ATROPHIE VILLOSITAIRE DUODÉNALE.
Figure 2: ASPECT HISTOLOGIQUE
D’ATROPHIE VILLOSITAIRE DUODÉNAL.
ced anaphylaxis [FDEIA]). Elle est
exacerbée par l’exercice physique
qui facilite l’absorption dans l’intestin des allergènes. Il s’agit d’une réaction d’hypersensibilité immédiate
médiée par les immunoglobulines de
type E (IgE), et des IgE spécifiques
ont été détectées contre des épitopes
des oméga-5 gliadines et gluténines
de haut poids moléculaire.3 L’hypersensibilité au gluten se manifeste par
des troubles fonctionnels digestifs
améliorés par le régime sans gluten.
Les IgA anti-gliadine sont observés
chez moins de 8 % des patients et
les anticorps antitransglutaminase,
témoins de la réponse immune adaptative dans le chorion au cours de
la maladie cœliaque, y sont négatifs.4
Il n’existe dans les deux cas aucune
atrophie villositaire intestinale détectable, ce qui infirme le diagnostic
de maladie cœliaque.
gluten survenant chez des patients
prédisposés génétiquement exprimant les molécules du système HLA
de classe II de type DQ2 et/ou DQ8.5
Cette susceptibilité génétique n’explique pas à elle seule la maladie,
puisque cette molécule est aussi présente chez 20 à 30 % des sujets sains
dans les pays occidentaux. Le gluten
(du latin « colle ») est la masse protéique, élastique et visqueuse, restante après extraction de l’amidon
du blé et, par extension, d’autres
graminées (avoine, seigle, orge...). La
fraction toxique du gluten alimentaire est l’α-gliadine qui est une protéine de la famille des prolamines.6
Schématiquement, les peptides de
gliadine pénétreraient, chez les patients atteints de maladie cœliaque,
sous forme non dégradée, au niveau
du chorion grâce à un transport
transépithélial protégé.7, 8 Les peptides de gliadine seraient ensuite
modifiés par une enzyme, la transglutaminase tissulaire, et présentés
par les cellules dendritiques, au sein
des molécules HLA-DQ2/DQ8, >>>
Une maladie
auto-immune
La maladie cœliaque est une maladie
auto-immune liée à l’exposition au
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MISE AU POINT
MALADIE CŒLIAQUE
TABLEAU 1. PRINCIPALES MANIFESTATIONS EXTRA-INTESTINALES DE LA MALADIE CŒLIAQUE
Manifestations
Signes cliniques
Cutanéo-muqueuses
Alopécie
Aphtose buccale récidivante
Purpura
Hippocratisme digital
Carence en fer
Inconnue
Inconnue
Inconnue
Génitales
Aménorrhée primaire ou secondaire
Puberté tardive, ménopause précoce
Infertilité
Fausse couche
Inconnue
Inconnue
Inconnue
Inconnue
Neuromusculaires
Crampes, tétanie
Atrophie musculaire
Ataxie
Atteinte périphérique
Épilepsie, calcifications cérébrales
Hypocalcémie, hypomagnésémie
Dénutrition
Inconnue, déficit en vitamine E ?
Déficit en vitamines, autres ?
Inconnue
Ostéo-articulaires
Douleurs osseuses
Fracture spontanée
Arthrite
Déficit en calcium et vitamine D
Ostéoporose, ostéomalacie
Inconnue
aux lymphocytes T CD4+ du chorion.9 Il en résulte une réaction inflammatoire avec production d’interféron gamma10 et de tumor necrosis
factor alpha et une réaction humorale avec production d’anticorps
anti-gliadine, antitransglutaminase
tissulaire et anti-endomysium. La
transglutaminase tissulaire a été
identifiée comme étant justement
la cible antigénique des anticorps
anti-endomysium.11 À côté de cette
réponse immunitaire adaptative,
la physiopathogénie de la maladie
cœliaque met en jeu une réponse
innée qui s’accompagne d’une
production d’interleukine 15 (IL-15)
dans la muqueuse intestinale. 12, 13
Cette synthèse accrue d’IL-15 est à
l’origine d’une hyperplasie des
lymphocytes intra-épithéliaux 13, 14
et de l’activation de leurs propriétés
cytotoxiques en particulier via les
récepteurs NKG2D-MICA.15
Une prévalence plus
importante qu’attendue
Le développement des tests sérologiques et leur utilisation dans des
études épidémiologiques de criblage
révèlent la prévalence inattendue
1300
Physiopathogénie
de la maladie cœliaque (0,3-1 % en
Europe et aux États-Unis) et transforment la maladie cœliaque longtemps considérée comme une affection rare de l’enfant en une maladie
fréquente susceptible de se révéler
à tout âge.16, 17 La fréquence de cette
maladie a longtemps été sous-estimée, en raison des formes silencieuses, pauci-symptomatiques ou
atypiques qui sont actuellement
majoritaires 1 avec de nombreux
cas encore non diagnostiqués.18 La
maladie cœliaque affecte essentiellement les sujets de type caucasien
et reste exceptionnelle chez les Noirs
africains, les Chinois et les Japonais. 1 En revanche, la prévalence
de la maladie cœliaque en Afrique
du Nord est proche de celle observée
en Europe.19 La maladie cœliaque
a deux pics de fréquence avec une
révélation soit dans l’enfance, soit
à l’âge adulte. Les diagnostics se
font actuellement majoritairement
à l’âge adulte et les formes à révélation tardive sont en constante
augmentation avec 20 % des cas diagnostiqués après l’âge de 60 ans.17, 20
Cette maladie est 2 à 3 fois plus fréquente chez la femme.1
Les formes atypiques,
pauci-symptomatiques
ou silencieuses sont
majoritaires
La forme classique associant des
signes cliniques et biologiques de
malabsorption du grêle est actuellement minoritaire. 21 Les signes
classiques sont une diarrhée avec
stéatorrhée, un amaigrissement et
une dénutrition, une asthénie et
des douleurs abdominales. Les anomalies biologiques sont des signes
indirects de malabsorption : anémie
essentiellement liée à une carence
martiale et en folate et plus rarement
à une carence en vitamine B 12 ,
carence en facteurs vitamine Kdépendants (II, VII et X), hypo-albuminémie, hypocalcémie, hypomagnésémie et déficit en zinc. 6 Les
formes atypiques, pauci-symptomatiques ou silencieuses, représentent
actuellement la majorité des patients
diagnostiqués chez l’adulte.20 Le diagnostic de maladie cœliaque peut être
évoqué devant une augmentation des
transaminases,22 voire une hépatopathie sévère inexpliquée,23 une aphtose
buccale récidivante6 ou des troubles
fonctionnels intestinaux.24 Des manifestations extradigestives (tableau 1)
sont également fréquemment révélatrices telles qu’une déminéralisation
osseuse diffuse ou des arthralgies.
Ainsi, une maladie cœliaque asymptomatique a été observée chez 1 à 5 %
des patients souffrant d’une ostéoporose idiopathique qui peut être la
seule manifestation de la malabsorption intestinale du calcium et de la
vitamine D.25, 26 Le risque de fractures
au niveau des membres est également
augmenté chez les malades non
diagnostiqués.27 Parfois, seuls des
troubles neurologiques (épilepsie,
neuropathie périphérique d’origine
carentielle, migraine ou ataxie),28, 29
voire une cardiomyopathie dilatée
idiopathique,30 peuvent révéler la
maladie. Les troubles de la reproduction (aménorrhée, infertilité,
hypotrophie fœtale ou fausses
couches à répétition) sont fréquents31
même si une étude récente minimise
l’hypofertilité au cours de la maladie
cœliaque.32 Il existe un risque accru
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MISE AU POINT
MALADIE CŒLIAQUE
de maladie cœliaque chez les apparentés au premier degré des malades
(10 %), chez les patients atteints de
dermatite herpétiforme ou d’autres
maladies auto-immunes (diabète,
thyroïdite, cirrhose biliaire primitive, alopécie, psoriasis, vitiligo,
ataxie…) [tableau 2]. Des maladies auto-immunes, principalement thyroïdite auto-immune et diabète de type 1,
sont en effet observées chez environ
20 % des patients (tableau 2).33
Doser les anticorps
antitransglutaminase
Le recours aux tests sérologiques
doit être facile en particulier chez
les apparentés du premier degré et
chez les patients atteints de maladies
auto-immunes. L’utilisation de la
transglutaminase humaine pour
l’élaboration des kits de détection a
permis d’augmenter leurs sensibilité et spécificité34 expliquant que le
recours prioritaire aux anticorps
IgA antitransglutaminase (tTG) qui
affichent désormais une meilleure
sensibilité et spécificité que les antigliadines et anti-endomysium
(AEM). Le recours aux anticorps
IgG anti-tTG reste préconisé en cas
de déficit en IgA (2-3 % des patients
ayant une maladie cœliaque). Le
dosage des anticorps anti-tTG est
actuellement le seul remboursé par
la Sécurité sociale. Des tests basés
sur la détection des anticorps antigliadine déamidée avec de très
bonnes sensibilité et spécificité sont
en cours d’évaluation.35, 36 Dans tous
les cas, le diagnostic doit être confirmé par la réalisation d’une endoscopie digestive haute avec biopsies
duodénales indispensables avant la
prescription d’un régime sans gluten
à vie. Il est souhaitable de réaliser
quatre biopsies dans la deuxième
partie du duodénum et deux au
niveau du bulbe en raison de la distribution et de l’intensité hétérogènes des lésions histologiques.37 Les
lésions intestinales prédominent
logiquement dans la partie proximale de l’intestin grêle. La classification de Marsh38 modifiée par Oberhuber39 reconnaît désormais à côté
des lésions classiques d’atrophie
TABLEAU 2. PRINCIPALES ASSOCIATIONS MORBIDES
DE LA MALADIE CŒLIAQUE DE L’ADULTE
Dermatite herpétiforme
Diabète insulino-dépendant, dysthyroïdie
Cirrhose biliaire primitive (++) et cholangite sclérosante (+/-)
Déficit en IgA
Néphropathie à IgA
Trisomie 21
Maladie de Crohn et rectocolite hémorragique
Vascularite systémique et cutanée, lupus érythémateux diffus, syndrome de Sjögren
Atopie et asthme, maladie du poumon de fermier, maladie des éleveurs d’oiseaux
Myasthénie, polymyosite, polyarthrite rhumatoïde, sarcoïdose et sclérose en plaques
Épilepsie (avec calcifications cérébrales)
Anémie hémolytique et purpura thrombopénique auto-immun
villositaire sévère (Marsh IIIb-IIIc)
des lésions d’atrophie villositaire
partielle (Marsh IIIc), voire chez
certains patients des lésions subtiles
se résumant à une augmentation
de la taille des cryptes et du nombre
des lymphocytes intra-épithéliaux
(Marsh II), celle-ci pouvant même
être isolée (Marsh I). Cette classification de Marsh a été prise en compte
dans la définition des différentes
formes de maladie cœliaque. Ainsi
les formes latentes, détectées chez
des sujets à risque par les tests
sérologiques, sont des for mes
asymptomatiques et sans atrophie
villositaire mais souvent associées
à une augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux (Marsh I).16
Dans un certain nombre de cas
douteux il peut être utile d’appuyer
le diagnostic sur une étude des
groupes HLA. Celle-ci a essentiellement une valeur prédictive négative.
En effet, la détection d’un haplotype
à risque (HLA DQ2/8) ne permet pas
d’affirmer le diagnostic de maladie
cœliaque compte tenu de leur grande
fréquence dans la population générale (chez environ 35 % des sujets)
mais leur absence permet d’éliminer
ce diagnostic. Une fois le diagnostic
de maladie cœliaque posé, un cer-
tain nombre d’examens complémentaires sont réalisés pour compléter
l’exploration du syndrome de malabsorption et dépister d’éventuelles
complications : hémogramme, dosage du fer sérique, des folates, de la
vitamine B12, des facteurs de la coagulation (taux de prothrombine),
calcémie et magnésémie, tests
hépatiques et ostéodensitométrie.
Régime sans gluten
Le régime sans gluten nécessite
l’éviction de tous les aliments contenant une des trois céréales toxiques
(blé, orge et seigle) et leur substitution par le maïs et le riz. L’avoine,
autrefois considérée comme toxique,
ne semble pas avoir d’effet délétère
sur la muqueuse intestinale et peut
être autorisée. L’explication du
régime par une diététicienne expérimentée est nécessaire ainsi que
l’adhésion à une association de
malades afin d’obtenir la liste des
différents produits sans gluten et
les médicaments qui en contiennent.
Ce régime est contraignant, difficile
à suivre en collectivité ou au restaurant. Une supplémentation vitaminique en fer, en folates, en calcium
et en vitamine D est souvent nécessaire à la phase initiale du >>>
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1301
MISE AU POINT
MALADIE CŒLIAQUE
TABLEAU 3. RÉSISTANCE AU RÉGIME SANS GLUTEN
Résistance au régime sans gluten
Renouveler les explorations endoscopiques
et radiologiques et éliminer :
– une mauvaise observance au régime sans gluten ;
– une erreur diagnostique. Exclure les autres causes d’atrophie villositaire :
déficit immunitaire commun variable, entéropathie auto-immune,
sprue tropicale, entéropathie liée à l’utilisation de sartans ;
– colite microscopique ;
– sprue cœliaque réfractaire, lymphome intestinal, adénocarcinome du grêle.
traitement. Le régime sans gluten
permet habituellement la diminution du syndrome de malabsorption,
l’amélioration des symptômes classiques (diarrhée, douleurs abdominales, ballonnements), l’anémie et
les aphtes.6 Le régime sans gluten
permet une régression partielle ou
complète de la déminéralisation
osseuse et constitue incontestablement un argument pour justifier et
motiver un régime contraignant en
particulier auprès des patients ayant
peu de signes et chez les adolescents
en période de croissance.40-42 L’augmentation des transaminases associée à la maladie cœliaque régresse
totalement dans 90 % des cas après
1 an d’éviction du gluten et une biopsie hépatique n’est requise qu’en cas
d’échec du régime bien suivi.22 Les
troubles neurologiques centraux à
type d’ataxie ou de migraine, ou
périphériques à type de neuropathie,
semblent aussi bénéficier de l’éviction du gluten. 29 L’efficacité et la
surveillance du régime sans gluten
sont appréciées par l’amélioration
clinique et biologique après 1-3 mois
de régime et par la régression des
anomalies histologiques et la négativation des anticorps spécifiques
après 12 mois.43 Alors que l’amélioration clinique est rapide, l’atrophie
villositaire ne régresse généralement pas avant 12-24 mois de régime
sans gluten.44 Un contrôle de la reminéralisation osseuse par ostéodensitométrie après plus d’un an de
régime sans gluten est souhaitable
s’il existait une ostéopénie sévère
lors du diagnostic. Le régime sans
1302
gluten doit être préconisé à vie, car
il prévient en partie le risque de
complications osseuses,40 la survenue de maladies auto-immunes33 et
de complications malignes.45
Si des alternatives au régime sans
gluten sont depuis longtemps recherchées, la plus prometteuse
semble la piste des protéases. Un
essai clinique récent montre que
leur utilisation ne permettrait pour
l’instant de couvrir que l’ingestion
quotidienne de 2 g de gluten.46
L’échec du régime sans gluten
impose d’abord et avant tout la
réévaluation du diagnostic initial
de maladie cœliaque (tableau 3) . Si
le diagnostic initial de maladie
cœliaque est confirmé, la principale
cause de mauvaise réponse au
régime sans gluten est une observance incorrecte de celui-ci dans
plus de 50 % des cas.47 Si la diarrhée
persiste, alors que l’atrophie villositaire a régressé, il faut rechercher
une cause associée, en particulier
une colite collagène ou lymphocytaire.48 Enfin, une résistance primitive ou secondaire au régime
sans gluten doit faire suspecter une
complication grave telle que la
sprue réfractaire (v. infra) ou le
lymphome T intestinal.49
Risque de lymphome
intestinal
Le non-diagnostic de la maladie est
un facteur de mauvais pronostic.18
En effet, la morbidité et la mortalité
de la maladie cœliaque sont intimement liées à la survenue des complications auto-immunes et malignes,
sprue réfractaire et lymphome T
intestinal, dont les risques sont
diminués par le bon suivi du régime
sans gluten.33, 45 La sprue cœliaque
réfractaire correspond à une maladie cœliaque primitivement ou secondairement résistante au régime
sans gluten. Il s’agit d’un type I
lorsqu’il n’existe pas d’anomalie
lymphocytaire phénotypique ou
d’un type II, lorsque les lymphocytes
intra-épithéliaux sont de phénotype
anormal avec une expression intracellulaire de CD3 et l’absence d’expression en surface du récepteur T
et des molécules CD3, CD8 ou CD4.50
Alors que le pronostic des sprues
de type I avoisine celui des maladies
cœliaques non compliquées, le pronostic de la sprue réfractaire de type
II est mauvais avec une évolution
vers un lymphome T invasif dans
environ 50 % des cas et une survie à
5 ans d’environ 50 %.51 Le traitement
de la sprue réfractaire n’est pas codifié et repose en pratique sur la corticothérapie prolongée, l’utilisation
d’immunosuppresseurs et plus récemment sur l’autogreffe de cellules
souches hématopoïétiques pour
les sprues réfractaires de type II.52 La
sprue réfractaire de type II, caractérisée par une prolifération clonale
de petits lymphocytes intra-épithéliaux anormaux,53, 54 est considérée
comme un lymphome intra-épithélial de bas grade et constitue une
forme de passage entre maladie
cœliaque et lymphome invasif. 54
Après avoir été surévalué (x 80), le
risque relatif de lymphome malin
non hodgkinien associé à la maladie
cœliaque a été ramené à 6 d’après
les dernières études.55 Il s’agit dans
la majorité des cas d’un lymphome
de type enteropathy-associated T-cell
lymphoma (EATL) de phénotype T.54
Le diagnostic de lymphome invasif
repose sur l’entéroscopie poussée,
la capsule endoscopique, la tomodensitométrie abdominale, voire
la tomodensitométrie couplée à la
tomographie à émission de positons
(TEP/TDM).56 Dans certains cas, le
diagnostic histologique n’est obtenu
qu’après une laparotomie. Dans un
cas sur deux, le lymphome est révé-
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MISE AU POINT
MALADIE CŒLIAQUE
lateur d’une maladie cœliaque silencieuse et se manifeste par une complication chirurgicale (hémorragie,
perforation ou occlusion intestinale).57 Le pronostic de ce lymphome
reste sombre, avec une survie de 20
à 30 % à 5 ans. Le régime sans gluten
a un rôle protecteur sur la survenue
du lymphome dont le risque est divisé par 4 chez les patients suivant
correctement leur régime.45 La maladie cœliaque favorise également
la survenue d’adénocarcinome du
grêle,58 de cancers oto-rhino-laryngés et hépatiques.55, 59, 60
RÉSUMÉ MALADIE CŒLIAQUE
La maladie cœliaque est une maladie inflammatoire intestinale
auto-immune secondaire à l’ingestion de gluten survenant
chez des patients génétiquement prédisposés ayant le génotype HLA-DQ2/DQ8. Sa prévalence est estimée à environ
1/100 en Europe et aux États-Unis. L’expression clinique de
la maladie est extrêmement protéiforme. Le dépistage repose
sur la détection d’anticorps sériques spécifiques et la confirmation diagnostique est apportée par les biopsies duodénales.
Le traitement repose sur le régime sans gluten à vie avec
éviction du blé, du seigle et de l’orge. Il permet de prévenir
les complications osseuses, auto-immunes et néoplasiques.
La principale cause de l’échec du régime est sa mauvaise
observance.
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LE DÉPISTAGE DOIT ÊTRE CIBLÉ
Le profil clinique de la maladie
cœliaque de l’adulte a changé au
cours des 20 dernières années, avec
la découverte d’une prévalence élevée de la maladie liée à l’existence
de formes cliniques frustres, atypiques ou avec manifestations extra-
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digestives. Le dépistage doit être
ciblé et porter sur des groupes à
risque tels que les enfants des sujets
atteints de maladie cœliaque, les
patients ayant des maladies autoimmunes ou une ostéoporose inexpliquée. 61 Le régime sans gluten
reste actuellement le seul traitement de la maladie cœliaque et
doit être prescrit à vie pour prévenir
les complications osseuses, autoimmunes et malignes. V
persons with HLA-DQ2/DQ8 genotyping. Prevalence rates
are approaching 1% of population in Europe and USA.
Clinical expression of celiac disease is extremely various.
Screening is based on detection of serum celiac antibodies
and diagnosis is confirmed with duodenal biopsy. Treatment
relies on gluten free diet (GFD) with eviction of wheat,
barley and rye. GFD allows prevention of osteopenia, autoimmune diseases and malignant complications. The main
cause of resistance to GFD because is its bad observance.
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