Un syndicat éreinte le bilan fiscal de Sarkozy
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Un syndicat éreinte le bilan fiscal de Sarkozy
Recommander cet article Un syndicat éreinte le bilan fiscal de Sarkozy La principale organisation catégorielle des finances juge que les Lutte contre la choix fiscaux ont entraîné cinq ans d'injustices fraude fiscale : l'essentiel à faire Les bilans fiscaux du quinquennat de Nicolas Sarkozy se suivent sans se ressembler. Une semaine après la Droite sociale de Laurent Wauquiez, soucieuse de démontrer que le président n'est pas l'ami des riches, l'Union SNUI-SUD Trésor Solidaires dresse le bilan sans concession d'un quinquennat de " frénésie fiscale " et " néolibérale ", qui laisse la fiscalité du patrimoine " en lambeaux ". On ne sera pas surpris que les syndicats des impôts arrivent à une conclusion rigoureusement inverse de celle de la majorité. La droite, disent-ils en substance, a abordé la fisc alité avec " la conviction qu'alléger l'impôt des agents économiques les plus riches - ménages aisés et grandes entreprises - permettrait de favoriser la croissance économique ". " Cette vision de l'économie et de la fiscalité est aujourd'hui en difficulté, pour ne pas dire en échec ", résumentils, en blâmant l'augmentation de la charge fiscale qui pèse sur les classes modestes et moyennes. Le leitmotiv de M. Sarkozy, pendant la campagne de 2007, était non seulement de ne pas augmenter les impôts, mais aussi de faire baisser de 4 points le taux de prélèvements obligatoires, pour le ramener dans la moyenne européenne. Cinq ans plus tard, que constate le Syndicat national unifié des impôts ? Le taux global de prélèvements obligatoires par rapport au produit intérieur brut (PIB) est globalement stable sur la période (43,4 % en 2007, 43,5 % en 2011 ), mais cette stabilité est trompeuse. Entre 2007 et 2012, en effet, certains prélèvements ont baissé - la fiscalité sur la patrimoine et l'imposition locale des entreprises, notamment -, tandis que d'autres augmentaient, comme la TVA ou la contribution sociale généralisée. " De tels changements structurels ne sont pas neutres, loin s'en faut : ils ont même aggravé le déséquilibre et l'injustice du système fiscal ", accuse l'union syndicale, en rappelant que, mécaniquement, le poids de la TVA est plus élevé sur les classes moyennes. L'impôt sur le revenu (IR) est en proie à des " tensions contradictoires ", analysent les syndicalistes. Du côté des relèvements " faibles et peu progressifs ", il y a eu l'augmentation du taux marginal de l'IR de 40 % à 41 %. Cette hausse du barème est la première depuis plus de trente ans, mais elle ne concerne que 330 000 foyers fiscaux sur un total de quelque 19 millions et ne rapporte que 230 millions d'euros. De même, la contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus ne cible que 25 779 foyers fiscaux, et son rendement serait de 300 à 400 millions d'euros, soit moins que la hausse de la CSG (550 millions) qui s'appliquera à tous. A l'inverse, la non-indexation du barème de l'IR, programmée en 2012 et 2013, constitue " une vraie hausse " pour près de 20 millions de foyers fiscaux et aura pour effet de soumettre à l'impôt 100 000 à 200 000 foyers qui ne le paient pas actuellement. De même, le durcissement des conditions d'octroi de la demi-part supplémentaire pour les parents isolés - ils devront avoir élevé seuls leur enfant pendant au moins cinq ans - représente DANIEL LEBÈGUE, président de Transparence International France, la section française de Transparency International, une ONG spécialisée dans la lutte contre la corruption, a dressé, mardi 20 mars, un " maigre bilan " de l'action conduite depuis 2008 au niveau international, mais aussi en France pour renforcer la lutte contre la fraude fiscale. Ce " maigre bilan " tient en quelques chiffres rappelés par M. Lebègue lors de son audition, mardi après-midi, devant la commission d'enquête sénatoriale sur l'évasion fiscale. L'Organisation de coopération et développement économiques (OCDE), a-t-il indiqué, évalue à 14 milliards d'euros les recettes fiscales récupérées au cours des trois dernières années (dont 1,8 milliard en Allemagne, 1,4 milliard aux Etats-Unis et 1 milliard en France) et à 100 000 le nombre de contribuables ayant déclaré des actifs ou des avoirs détenus à l'étranger. Ces 14 milliards de recettes fiscales supplémentaires en trois ans sont à comparer au montant estimé de la fraude fiscale : 100 milliards de dollars par an aux EtatsUnis, selon le Budget Office du Congrès, 30 milliards d'euros par an en Allemagne et 25 à 30 milliards par an en France, selon des estimations ministérielles datant de 2008. De même, si 776 conventions fiscales nouvelles ont été signées depuis 2008 et si 520 d'entre elles ont été jugées conformes aux standards de l'OCDE, force est de constater qu'il n'est " pas possible de livrer une estimation " de ces accords. une hausse globale de près de 1 milliard d'euros pour plus de 2 millions de personnes. Et un gain budgétaire net pour l'État : 300 millions en 2011, 566 millions en 2012, 901 millions en 2013. Parmi les contribuables qui verront leur impôt augmenter, accuse le SNUI, " figurent des contribuables fragiles, victimes de certains effets pervers inhérents à la complexité du système fiscal ". Ainsi, pour les quelque 9 millions de bénéficiaires de la prime pour l'emploi (PPE), qui ont des problèmes de pouvoir d'achat, le " travailler plus " de Nicolas Sarkozy, c'est-à-dire la détaxation des heures supplémentaires, a abouti à gagner moins de PPE ou à payer plus d'impôt. Chiffres à l'appui, le SNUI assure enfin que la situation des plus riches, en matière de fiscalité du patrimoine, est certes moins avantageuse après la réforme de juin 2011 sur la suppression du bouclier fiscal, mais reste " nettement plus avantageuse " qu'avant la loi TEPA sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat du 21 août 2007. L'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est " en déliquescence ", accuse l'union syndicale. Il ne rapportera plus que 2,2 milliards au lieu de 4 milliards. Les 1 000 redevables de l'ISF imposés au taux marginal et bénéficiant actuellement du bouclier fiscal perdront le bénéfice de sa restitution, mais paieront moins d'ISF. Ils s'en tireront avec un gain net moyen d'environ 36 000 euros. Pour les 1 000 redevables de l'ISF imposés au taux marginal mais non bénéficiaires du bouclier fiscal, l'allégement représentera même un gain net moyen d'environ 400 000 euros. De même, l'allégement " net " des droits sur les donations et les successions est légèrement supérieur à 2 milliards depuis 2007, tandis que le surplus de prélèvements pesant sur les classes modestes et moyennes s'élève à 3 milliards : 550 millions par an pour la CSG, 850 millions par an pour les franchises médicales, etc. Pour le SNUI, la régressivité de ces taxes est une injustice croissante. Claire Guélaud Décodage Le travail est plus taxé que le capital en France POUR se défendre d'être le " président des riches ", M. Sarkozy assure que la fiscalité du capital et celle du travail sont désormais alignées. En réalité, si la première a augmenté depuis 2007, elle n'a pas encore rattrapé la seconde. Quelle taxation pour le capital ? Les revenus du capital comprennent les plus-values retirées de la vente d'actifs financiers ou immobiliers, les dividendes d'actions et les intérêts des produits d'épargne (Livret A, assurancevie, etc.). Ils sont taxés soit sur les plus-values, soit encore sur la détention du capital via l'impôt sur la fortune à partir de 1,3 million d'euros ou la taxe foncière. En début de quinquennat, cette fiscalité a été en partie allégée, mais, rattrapé par la crise, le gouvernement s'est résolu à l'augmenter. Depuis le 1er janvier 2009, les revenus du capital supportent un prélèvement de 1,1 % pour financer le revenu de solidarité active. En 2010, la fiscalité des plus-values et des dividendes a été durcie de près de 1 milliard d'euros pour le financement des retraites. En 2011, le prélèvement social sur les revenus du capital est passé de 2,2 % à 3,4 % pour réduire le déficit de la Sécurité sociale. Enfin, le prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et les intérêts a été relevé début 2012, respectivement à 21 % et 24 %. Le taux de CSG sur les revenus du capital doit passer au 1er juillet de 8,2 % à 10,2 %. Quel ratio entre la fiscalité du capital et celle du travail ? L'institut européen Eurostat s'est livré au difficile exercice de comparaison, dans une étude sur la fiscalité en 2011 : la taxation du capital représentait, en 2009, 8,4 % du PIB contre 22,8 % pour la taxation du travail et 10,6 % pour la taxation de la consommation. La taxation du capital des entreprises a diminué (de 5,4 % du PIB en 2007 à 3,8 % en 2009), tandis que celle du capital des ménages restait stable (1 % du PIB) et que la fiscalité sur les revenus du travail augmentait de 22,4 % du PIB en 2007 à 22,8 % en 2009. Eurostat a calculé la part de la taxation du capital dans la taxation totale qui serait passée de 38,4 % en 2000 à 35,6 % en 2009 tandis que la fiscalité du travail passait de 42 % à 41,1 %. Quelle application pratique ? En réalité, les données sont plus complexes à traiter, notamment à cause de l'inflation. " Une obligation rémunérée à 4 % par an est soumise à un prélèvement libératoire de 19 %. On pourrait se dire que la taxation est faible. Avec une inflation de 2 %, on aboutit à un gain divisé par deux. La taxation est donc deux fois plus forte, à 38 % ", explique Xavier Timbeau, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques. En revanche, l'inflation joue un rôle inverse s'agissant des plus-values, par exemple, sur un bien immobilier : " La taxation réelle est inférieure à la taxation nominale ", assure M. Timbeau. Avec l'économiste Mathieu Plane, il conclut que " le taux moyen de taxation du capital est de 10 %, tandis que celui du travail est plutôt à 20 % ", ratio qui n'aurait " que très peu évolué depuis 2009 ". Hélène Bekmezian et Samuel Laurent La France, a ajouté M. Lebègue en citant des chiffres de Bercy, a adressé 230 demandes d'informations à des pays tiers mais seulement 30 % ont reçu une réponse (ce taux tombant même à 20 % avec la Suisse, à laquelle 80 demandes ont été adressées). Or, dans neuf cas sur dix, selon la ministre du budget Valérie Pécresse citée par M. Lebègue, les pays concernés ne répondent pas à la question posée... Fort de ce bilan et de l'" étiolement " des listes d'Etats ou de territoires non coopératifs en matière de lutte contre l'évasion fiscale (les paradis fiscaux) - des listes dont Transparency International réclame la mise à jour -, M. Lebègue estime que " l'essentiel du travail reste à faire ", qu'il faut " faire barrage au retour en force du secret bancaire " et " faire prévaloir l'Etat de droit ". L'ancien directeur du Trésor juge nécessaire de " casser les boîtes noires, ces structures du type trusts, fiducies, fondations, etc. " qui oeuvrent dans le monde de " la finance non régulée ", comme les marchés de dérivés. " Une question non encore traitée est celle de l'usage extensif et parfois abusif que font les multinationales des prix de transferts, ce qui leur permet de loger l'essentiel de leurs revenus dans les pays à fiscalité très basse ", a-t-il pointé. Le président de Transparence International France plaide pour une action continue " auprès des grandes places financières qui continuent à manifester un peu de complaisance à l'endroit de l'évasion fiscale ". M. Lebègue a mentionné le cas de la Suisse, du Luxembourg et du Royaume-Uni. Il a également cité des chiffres qui donnent le tournis : selon lui, les pertes de rentrées fiscales et les sorties de capitaux liées à la fraude, au blanchiment, à la corruption dans le monde seraient compris dans une fourchette de 350 milliards à 1 500 milliards de dollars - comme tenterait de le prouver un chiffre non officiel mentionné par la Banque mondiale. " Cette bataille contre la fraude fiscale, nous allons la gagner car les États doivent réduire leurs déficits et leur endettement publics. Et ils ne peuvent pas demander des efforts à leurs populations sans agir contre la fraude et l'évasion fiscales ", a conclu M. Lebègue. L'optimisme de l'ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) n'est pas partagé par l'Union SNUI-SUD Trésor Solidaires. Dans son bilan, l'Union syndicale estime à 50 milliards le montant de la fraude fiscale en France et déplore le décalage croissant entre la réalité économique de la fraude et les moyens du contrôle fiscal. Le SNUI relativise par ailleurs la question des exilés fiscaux. Chaque année, selon lui, entre 0,10 % et 0,15 % des redevables de l'ISF s'expatrient et l'impact de ces exils fiscaux serait " au pire faible, au mieux nul ". C. Gu