La Voix Afghane n° 10 - Septembre 2001

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La Voix Afghane n° 10 - Septembre 2001
N° 10
septembre 2001
BULLETIN d’INFORMATION DES AMIS DE LA RESISTANCE AFGHANE
Notre site : www. afghana.org
Samedi 15 septembre : Massoud est mort.
Notre douleur est infinie et nous rapproche plus encore du peuple afghan
martyr.
DERNIERES NOUVELLES
La résistance afghane a attaqué mardi Kaboul et mercredi Mazar-e-Sharif et
détruit des dépôts de munition taliban. Cela démontre la confiance et
l'organisation des forces de Massoud. L'espoir que le monde viendra les aider
est dans leur tête et dans leur coeur.
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Le goût du confort n'évite pas le risque
Ou la peur n'évite pas le danger.
Après les attentats suicides successifs et l'apocalypse sur Manhattan, nos gouvernements
ouvriront-ils aussi grands que nécessaire leurs yeux ? Opinion publique et dirigeants
politiques confondus, tout le monde sera-t-il enfin convaincu qu'aider Massoud, c'est
s'aider soi-même ? Qu'aider la Résistance afghane, c'est aider le monde entier ? Lorsque,
à maintes reprises, en privé, en public, devant des foules afghanes en France ou le
Parlement Européen, Massoud annonçait et dénonçait précisément le danger et son
impuissance devant un pays de 140 millions d'âmes dirigé par une dictature militaire, le
Pakistan, et un mouvement tentaculaire terroriste islamiste coordonné par un homme
intelligent et dérangé, Ben Laden.
Le sérial killer Ben laden a continué son œuvre de mort : nous n'en doutions pas. Il avait
prévu dans l'ordre : la mort de Massoud, l'attaque du Panshir, la désorganisation de la
résistance afghane et le rapt de l'Afghanistan, puis la frappe sur les USA et enfin l'aide des
pays occidentaux à l'opposition afghane mais en vain puisque Massoud aurait disparu.
Une partie, la partie malheureusement la plus massivement meurtrière, aura réussi.
Il faut savoir que depuis 1996, conscient de la fragilité d'un rôle trop leader, Massoud a
réorganisé, a enseigné, a choisi des hommes liges. Que la résistance afghane est
organisée à sa manière et dans sa logique propre et ne pourra pas l'être mieux ni
différemment avant que l'herbe ne devienne bleue ou les zèbres blancs. Et que ce soit
pour venger la mort du chef ou la tentative d'assassinat, les troupes sont déterminées.
Des attaques talibanes la plaine de Shamali en a subi des dizaines depuis 1999 et les a
victorieusement repoussées. Le choix des deux faux journalistes meurtriers, dont notre
amie Françoise Causse, qui voyagea avec eux, disait la mine sympathique, démontre la
bonne organisation des terroristes. Les dizaines d'assassins déterminés à tuer avec de
simples couteaux et cutters, une secte de fanatiques qui se propagent dans le monde…
Un homme mythique et en face des dizaines de milliers d'anonymes new-yorkais morts…
Un même plan. Oui, Ben Laden et son organisation sont suffisamment structurés pour ce
type d'opérations. Non, ils ne le sont pas pour déclarer une guerre. C'est pourquoi aucune
déclaration officielle n'a été jointe à ce nouveau type de bombes : l'avion de ligne rempli
de passagers. Tordu, efficace et machiavélique… Ne nous doutons pas que d'une autre
façon ils peuvent frapper. Les talibans en ont profité pour déclarer la guerre et appeler à la
guerre sainte …
Croire que stopper Ben Laden serait insuffisant parce que d'autres Ben Laden sont prêts à
se lever pour le remplacer, est raisonner en gribouille. Pourquoi ? Il est bien évident que
Ben Laden n'agit plus seul. Son mouvement El-Quayeda s'est agrégé à Jamiat-Islami et
probablement à tout ce qui compte de groupes et groupuscules décidés à terroriser au
nom de l'Islam. Mais quel homme réunira à la fois le pouvoir d'une fortune personnelle,
d'une
intelligence malfaisante et des "qualités" de chef ? D'autres terroristes
fondamentalistes, même internationaux, représentant à leur tour ce mouvement terroriste
islamiste, seraient dépendants de financements dispersés et dont il seraient redevables…
cause de déchirement interne. On sait à quel point les nuisibles s'entretuent. Donc il faut
arrêter Ben Laden.
Ne doutons pas de la riposte. Doutons de la réussite. Espérons que l'entrée en guerre des
USA sera efficace plutôt que sanglante.
Que l'Europe qui, il est vrai, à ce jour a apporté une aide importante aux populations via
les ONG, aide enfin courageusement et directement Massoud et la résistance afghane,
comme nous le demandons depuis 4 ans. "Faire de l'humanitaire", c'est bien, ce n'est pas
malheureusement ce qui nous ramènera la paix - la preuve - bien que cela y contribue.
Quelle aide alors ? Au moins une aide logistique, sinon une force d'intervention, de type
Kafor ou casques bleus, ou une force armée de soutien aux troupes de Massoud. Et des
moyens de communications, une radio, par exemple. Cela nous a toujours et jusqu'à
présent été refusé : "matériel sensible".
L'arrivée de troupes de soutien, n'est-ce pas ce que firent les alliés pour nous en 1944 ?
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Aidons-les à neutraliser des talibans de moins en moins afghans de plus en plus
pakistanais ou arabes, et à organiser des élections, comme Massoud l'a maintes fois
souhaité.
Comprend-t-on aujourd'hui combien il était illusoire de recommander angéliquement à
l'opposition de négocier avec les talibans !
Qu'est la réalité ? Il ne s'agit pas de guerre. A moins que l'on appelle guerre ce raid éclair
aussi dramatiquement réussi. Aucun pays n'est derrière cette tragédie, sauf le pays
taliban,qui n'en est pas un. En revanche, il est évident que des terroristes organisés et
fanatiques ont réussi un attentat puissance 5000. Un groupe puissant est derrière tout
cela. Mais aucun groupe ne peut être assez puissant pour durer. Si son but est de
s'emparer de l'Afghanistan, imagine-t-on la cohabitation entre militaire pakistanais et Ben
Laden, au long cours. Le Pakistan et l'Arabie Saoudite vont devoir enfin se déterminer
franchement.
Aujourd'hui et à la faveur de l'atroce actualité, comprend-t-on mieux à quel point les
états d'âme sur le droit ou non d'ingérence était dérisoire. Le devoir d'assistance à
tous pays en danger apparaît évident. Pour la première fois depuis la naissance de
l'Otan, l'article 5 vient de décider de la solidarité de nombreux pays.
N'est-il pas clair aujourd'hui qu'un seul pays en guerre met le monde en danger ? Il n'y
a pas de guerre lointaine et de petits pays. L'indifférence n'est plus permise. La
mondialisation a cet avantage : la solidarité et fraternité pèse enfin de leur vrai poids.
A la violence répondons par la force. Le courage de prendre des positions certes
fermes donc périlleuses est nécessaire, plus que jamais. Des positions claires et
faciles à comprendre, les seules que comprennent les terroristes. Lesquelles : une
aide internationale et directe à Massoud et à la Résistance. La suppression de tous les
camps d'entraînement installés en Afghanistan et par le Pakistan lui-même ceux
installés dans leur pays.
Nous demandons que les conditions d'un retour au calme, à la sécurité et à la paix
soient remplies afin que les populations émigrées puissent rentrer dans leur pays. Et
enfin qu'une vraie participation internationale à la reconstruction du pays soit mise
en place durablement.
Nous demandons la force. Et non la mollesse des soutiens ambigus, des
tergiversations et des atermoiements. Ou chacun passait son temps à se demander si
Massoud est ou n'est pas l'homme de la situation. Tous entendent enfin sa voix, la
voix du peuple afghan et son appel à l'aide. Sera-t-il trop tard ?
Non, L'attaque sur Manhattan, ce n'est pas Pearl Harbour parce que les suites ne
seront pas les mêmes mais oui, c'est un Pearl Harbour politique : enfin les Etats-Unis
sont obligés d'entrer dans la mêlée et de sortir de leur égoïsme aveugle. Il s'est dit
très longtemps que les Etats-Unis avait soutenu puis laisser-faire les talibans. Les
USA sont si puissants - ou considérés comme tel - que tant qu'ils n'ont pas pris
position, il est sous-entendu qu'ils approuvent…. Un soutien par défaut en quelque
sorte. Qui nous ramène à notre propre responsabilité et notre aveuglement coupable.
Le monde est désormais impliqué. Les Afghans ne sont - peut-être - plus seuls.
Pilar Hélène Surgers
Brèves
La chute de la production d’opium mine l’économie américaine (selon les talibans) !
Dans son édition du mois de juin, le magazine officiel des talibans a livré sa propre explication du
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ralentissement de l’économie américaine : l’interdiction de Mollah Omar de cultiver le pavot ! Et oui,
selon les analystes ce très officiel magazine, « l’opium était le moteur du miracle économique de l’ère
Clinton. Ce n’est pas une coïncidence si l’économie américaine a chancelé à la fin de l’année 2000,
au moment où Mollah Omar a interdit la culture du pavot dans les territoires sous son contrôle ». Cette
brillante analyse est même poussée plus loin puisque, selon ses auteurs, l’économie américaine est
plus vulnérable à une hausse des prix de l’opium, liée à une contraction de l’offre, qu’aux fluctuations
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En 2000, la production d’opium afghan (ensuite transformée en héroïne dans d’autres pays), a chuté
de 28 % par rapport à 1999. Cette année était celle de tous les records avec une production de 4 565
tonnes, soit les trois quarts des stocks mondiaux.
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du cours du pétrole… Le meilleur est toutefois gardé pour la fin : les talibans ont triomphé des EtatsUnis en minant leur économie !
Réduire la pensée de l'autre
(juillet 2001)
Il est terrible de vouloir faire changer de cap au paquebot des convictions d'autrui, on s'oppose parfois à tant
de lourdeur ou d'à priori… "une once d'inertie pèse plus qu'un boisseau de sagesse", écrit Marguerite
Yourcenar.
Je m'explique : la politique de la France dite de "neutralité active" a fait long feu sur un temps qui nous a
paru si long qu'il a semblé durer plus que les cinq années écoulées. Cette politique généreuse pouvait bien
être à l'honneur de ses initiateurs, si elle n'avait été la conséquence d'une erreur d'analyse. S'il est méritoire
d'être attentif à l'opinion d'autrui surtout si autrui est nombreux, il est coupable de prendre des vessies pour
des lanternes, des crotales pour des orvets et des requins blancs pour des bébés labrador.
Certains ont pu croire qu'il existait deux courants chez les talibans : la ligne dure, les "méchants", et la ligne
douce, les "gentils". "Les talibans ne sont pas si mauvais", nous répétaient certaines ONG, "les Talibans,
ombre et espoir" titrait son film un journaliste, "les talibans apportent la sécurité" pensaient certains Afghans,
"avec eux les routes sont sûres"... Derrière chaque taliban ne se cache pas un monstre assoiffé de sang.
Qui l'eût crû ! c'eut été trop simple. Qu'est-ce-que cela veut dire ? Croit-on vraiment que le taliban de base a
un quelconque pouvoir sur son chef ou ses chefs ou la politique d'annexion du Pakistan ? Peut-on confondre
Hitler et un de ses Waffen SS ? On en veut à la main qui dicte, moins à celle qui écrit - mais quand même la
main participe.
Ne pas être dupe est essentiel quand on initie une politique. Si nous devons revoir des Daladier et des
Chamberlain, par ailleurs de délicieux messieurs, serrer la main de nouveaux Hitler à turban, c'est à jeter le
gant sur le ring de l'Histoire ou dans la figure décisionnaire des impétrants. J'aime mieux l'attitude du roi du
Danemark que celle de Pétain. Ce vieux roi qui quand Hitler lui écrivit en substance : "cher cousin, faisons
de nos deux pays un seul et même grand pays", aurait répondu : " cher cousin, je décline la proposition, me
sentant trop vieux pour diriger un aussi grand pays…" L'invasion eut lieu le lendemain sans participation du
roi.
Et les malins Latins n'avaient-ils pas imaginé jadis l'apophtegme mesuré :"qui vis pacem, para bellum" ?
Non, nous ne demandons pas que la France fasse la guerre aux Talibans mais qu'elle menace fermement,
avec le reste du monde, le Pakistan malade, avant qu'il ne soit trop tard.
Qu'on ne s'y trompe pas, nous ne faisons pas le procès de ceux qui n'interprètent pas la situation comme
nous. Nous sommes dans notre rôle quand nous alertons : si la France ne change pas de cap à propos des
affaires afghanes, nous allons droit sur les récifs talibans et pakistanais. Ne pas attendre que tout soit perdu,
que le bateau soit drossé à la côte et se soit mis au plein pour modifier la route. Voilà l'essentiel.
Croire que cela s'arrangera tout seul, en Afghanistan et avec le Pakistan, qu'on peut ou doit laisser "courir",
que ce soit du côté Français ou Afghan, est une erreur. Erreur politique, erreur médiatique, erreur de
l'opinion publique, erreur de nous tous. Il faut se rappeler l'importance décisive de l'opinion publique dans la
guerre du Vietnam, par exemple. Qui fit basculer les décisions des gouvernants U.S. "Le problème de
chacun est le problème de tous" pensait Dostoïevski.
Nous recevons Mollah Abass en février et quand nous dépêchons de l'Unesco un envoyé à Kaboul il n'est
pas reçu, par deux fois ! Les Talibans ont bien compris que la France ne les reconnaîtra pas. A poursuivre
dans cette voie du dialogue n'attendons rien. Quels esprits faux ont imaginé que prendre langue de cette
façon amènerait quoi que ce soit d'autre qu'un camouflet ?
Un esprit faux n'est pas autre chose qu'un humain, intelligent ou stupide, qui se trompe. Ce n'est que s'il
s'obstine dans son aveuglement qu'il devient dangereux, et pire, nuisible et dont l'opinion n'est plus à
entendre, à comprendre ou à respecter mais à combattre, s'il empêche les projecteurs d'éclairer au bon
endroit.
Certains Afghans ont longtemps été hésitants vis-à-vis des talibans : ne sont-ils pas aussi des Afghans ?
Bien sûr les Talibans sont des Afghans mais, et je l'ai entendu expliquer par de vieux Afghans il y a dix ans,
sur une radio française, ces "étudiants en théologie" se composent surtout des orphelins de la guerre contre
les Soviétiques, élevés dans des écoles-orphelinats coraniques où on ne leur a appris qu'à réciter le Coran
par cœur. Ils n'ont pas été éduqués plutôt manipulés. ils ont été élevés à la dure, ont subi des mauvais
traitements, n'ont pas connu la tendresse, d'une mère, d'une sœur, et, en conséquence la violence semée
en eux ressort aujourd'hui. Et maintenant leurs chefs sont menés par le Pakistan.
Nous disons ce qui se sait depuis longtemps et que la diplomatie française continue de rejeter d'un geste
rapide d'évitement qui veut dire : vous ne savez pas, vous n'y connaissez rien.
Un des trucs connu des scénaristes de roman noir est de prendre l'autre ou de la faire passer indifféremment - pour un militant borné par sa passion ou pour un excité aveuglé par sa conviction ou pour
un imbécile limité dans ses raisonnements. Cela marche souvent : l'affaire Dreyfus fut le parangon l'exemple
de ce processus.
Un autre, habile, est de réduire la pensée de l'autre à son expression la plus simple, la plus simpliste même :
ne pas entendre l'idée de l'autre, et mieux ne pas la comprendre, est quand même le meilleur moyen de n'en
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pas changer soi-même. En ne se mettant pas à la place de l'autre, on est certain de rester à la sienne.
Versailles était confortable, on n'y entendait aucun cri, puis la place est devenue bruyante…
Pourquoi imaginer que l'autre a tort, surtout s'il s'obstine et insiste, et que les faits finissent par lui donner
raison ? Pourquoi simplifier tout ? Quand on affirme que Massoud est un chef de guerre, on sous-entend
qu'il n'est qu'un guerrier ; quand on parle du tchadri tradition, on veut ignorer la violence de l'obligation ;
quand on parle de l'apartheid envers les femmes afghanes, on occulte les minorités ethnique - Hazaras - ou
religieuse - Sikhs. Tous ces amalgames rétrécissent une idée jusqu'à la rendre microscopique ou
monstrueuse… Quand on évoque les bouddhas, on imagine une réponse à l'embargo, on ignore alors
l'influence du Pakistan décidé à détruire la civilisation afghane pour mieux soumettre le pays. Plus personne
en Occident depuis 1945 ne se figure qu'un pays voisin puisse en vouloir aux frontières de l'autre ou même
désirer se l'annexer. A-t-on oublié que quand les sans-culottes ont prit le pouvoir, ils ont commencé à couper
la tête de pierre des rois en statues sur la façade de Notre-Dame avant celle de Louis XVI.
Sans devenir paranoïaque et imaginer quelque complot et quelque volonté de nous occulter, nous l'opinion
publique, le message parviendra-t-il jusqu'à nos héros ? Le conseiller de monsieur Chirac lui rapportera-t-il
exactement notre message ? Monsieur Chirac, que nous avons connu plus interventionniste, parviendra-t-il
à se faire une opinion différente de celle de monsieur Védrine, résolument contre l'ingérence sous quelque
forme que ce soit ? Nous ne désespérons pas de nous faire entendre. Nous nous inquiétons seulement du
temps que cela prend et prendra. Et nous nous rappelons Harry Potter : son méchant oncle lui subtilise,
avant qu'il ne la lise, la lettre la plus importante de sa vie - puisqu'elle va lui en faire changer. Le lendemain
l'expéditeur lui en réexpédie deux, semblables, qu'il n'arrive pas plus à lire à cause de l'oncle. Le
surlendemain quatre, puis 16, puis … jusqu'à une pluie de 256 lettres, dont il parvient enfin à en lire une.
On croirait la France sidérée dans son inaction. Est-ce parce que l'Europe a pris des décisions, sur l'initiative
du général Morillon, député européen ? C'est vrai que l'Europe bouge, mais ceci empêche-t-il la France de
bouger aussi ? Plus qu'aucun autre pays la France et l'Angleterre ont traditionnellement influer sur la
politique mondiale. Le rôle de jadis en Afghanistan de l'Angleterre la gêne aujourd'hui, mais la France qui,
sous Pompidou, initia le lycée français de Kaboul ? Depuis 25 ans l'étiolement de nos positions effraie. Estce par nature que nos dirigeants choisissent la position à l'étranger du moindre dérangement et du meilleur
angle d'intérêt ? N'y a-t-il plus que cela, surtout cela ? Allons-nous nous fondre, nous dissoudre dans une
Europe grasse, et passer la main ? Alors même que l'Europe n'a besoin que de la clairvoyance, de l'audace
et du tonus des états. "Chacun est responsable de tous", la seule manière d'agir, la seule devise à appliquer
surtout lorsqu'on est élu.
Quand on dénigre peu ou prou Massoud on ne rend pas service à un pays en guerre. La paix apportera la
possibilité de la controverse, c'est le jeu démocratique. Mais en temps de guerre on suit celui qui est le plus
à même d'entraîner et de réorganiser. Vous souvenez-vous que des diplomates français installés aux EtatsUnis, suggérèrent, non sans succès, à Franklin Roosevelt le danger d'aider de Gaulle à cause du risque de
la dictature…
J'aimerais mieux que nous suggérions - et mieux encore soyons entendu - à la France et à l'Europe d'inviter
Massoud et que nous le recevions de digne façon, le reconnaissant en chef exemplaire, ce qu'il est et ce
qu'il fut, anticipant sur sa position et la confortant alors.
Comment ! des gens sont élus président, sont choisis ministre et ils se contentent de s'indigner envers les
manants sur ce que subissent les manants d'à côté par voie de communiqué, et ils nous prennent pour des
billes !
"Saint-Louis avait le pouvoir de guérir les écrouelles et il rendait la justice sous son chêne ! Mais cela
explique toutes les révolutions !" signé Giono.
Pilar Hélène Surgers
Un nouveau coordinateur pour l’ONU
Depuis le 18 juin, l’Australien Mike Sackett remplace Erick de Mul au poste de coordinateur des
Nations Unies pour l’Afghanistan. M. de Mul a été nommé coordinateur de l’ONU en Angola.
C. G.
LA QUERELLE DES BOULANGERIES OU LE PARADOXE ONUSIEN
Le 18 juin, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) réouvrait ses 157 boulangeries, à Kaboul, après
d’âpres négociations avec les Talibans. L’objet de la dispute ? Les listes des 300 000 bénéficiaires des
boulangeries datent de 1996 et les soupçons de corruption pèsent. Le PAM décide alors de mettre à jour
ces listes via une enquête menée entre autres par des femmes de son choix, à même d’entrer en contact
avec les plus défavorisées. Or le verdict taleb est sans appel : si femmes il y a, ce seront des employées du
ministère de la Santé. Les négociations s’enveniment, le ton monte. Le PAM menace de fermer ses
boulangeries. Pourtant, le 17 juin, surprise. Le ministre taliban de la Planification, déclare : « les deux
parties ont décidé que le rapport souhaité serait mené par des représentants de la municipalité de Kaboul,
le département central des statistiques et des femmes fonctionnaires du ministère de la Santé ». Le PAM,
donc l’ONU, a cédé aux exigences des talibans, sans doute pour préserver les kaboulis. Mais il y a plus
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grave : l’ONU s’apprête à travailler avec des fonctionnaires appartenant au ministère d’un gouvernement
qu’elle ne reconnaît pas et se refuse à reconnaître ! Ne nage-t-on pas en plein paradoxe onusien ?
C. G.
MAIS QUE FAIT L’ONU ?
Depuis quelque temps, les critiques et les interrogations sur la politique des Nations Unies en
Afghanistan fusent : pourquoi l’ONU ne reconnaît pas officiellement l’ingérence pakistanaise ?
Pourquoi l’ONU s’acharne à exiger que les Taliban livrent ben Laden ? Pourquoi les réfugiés des
territoires sous le contrôle du commandant Massoud ne reçoivent-ils pas d’aide de l’ONU ? Éléments
de réponse.
En Afghanistan, la politique actuelle de l’ONU est cadrée par deux résolutions : la 1267, adoptée par
le Conseil de Sécurité en octobre 1999, et la 1333, votée par ce même Conseil en décembre 2000.
Toutes deux somment, entre autres, les Taliban de livrer Oussama ben Laden à la justice et de fermer
les camps d’entraînement pour terroristes. Face à cela, sur le terrain, une situation humanitaire
désastreuse : cinq millions de personnes menacées par la famine et un million de réfugiés qui ont fui
leurs maisons depuis l’été 2000. Dans ce contexte quelle est la vraie priorité ? Ben Laden ou la
famine ? Ben Laden ou les réfugiés ? Ben Laden ou un cessez-le-feu ? Pourquoi l’ONU met-elle à ce
point ben Laden dans la balance ? Avant tout, parce que les deux résolutions ont été orchestrées par
les Etats-Unis, membre permanent et influent du Conseil de Sécurité. D’abord pour des questions de
sécurité « nationale ». Selon Washington, ben Laden est le commanditaire des deux attentats contre
les ambassades américaines de Nairobi et de Dar es-Salam (257 morts dont 12 américains). Trois
ans après ces faits, la volonté américaine « d’avoir la peau » du milliardaire saoudien ne faiblit pas,
comme l’a prouvé George W. Bush, le 2 juillet dernier, en reconduisant les sanctions économiques
américaines contre les Taliban sous prétexte qu’ils continuent à « héberger » ben Laden.
Des enjeux économiques trop importants
Mais ces seuls enjeux de sécurité n’expliquent pas l’attitude des Etats-Unis. De très gros intérêts
économiques sont en jeu. Et là, le mot d’ordre est clair : éviter à tout prix que la Djihad de ben Laden
ne se propage aux républiques d’Asie Centrale. Et pour cause ! Les pays de cette région, Kazakhstan,
Ouzbékistan et Turkménistan en tête, représenteraient 15 % des réserves mondiales de pétrole et 50
% des réserves de gaz. Chaque jour, le potentiel économique de ces pays se confirme. En mai 2000,
les autorités kazakhes ont dévoilé la découverte d‘un gisement qui, selon elles, renfermerait 7
milliards de tonnes de brut, propulsant cette République dans le top 5 des pays avec les plus grandes
réserves de brut. Les autres Républiques ne sont pas en reste puisque, depuis 1990, l’Ouzbékistan
ne cesse d’augmenter sa production de gaz (48 milliards de mètres cube en 1995).
En positionnant dès aujourd’hui leurs pions sur ce nouvel échiquier du « Grand Jeu», les Etats-Unis
deviendraient à terme moins dépendants des pays du Golfe pour leur approvisionnement en
hydrocarbures. Les multinationales américaines n’ont d’ailleurs pas attendu pour négocier des
contrats colossaux. Ainsi, le pétrolier américain Chevron aurait conclu un accord avec la compagnie
nationale kazakhe pour exploiter le gisement de Tenguiz. Vingt milliards de dollars d’investissements
sur quarante ans sont prévus…
Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à défendre avant tout leurs propres intérêts. À un tout autre
niveau géopolitique, on peut citer l’exemple de l’Inde. Dans le conflit qui l’oppose à son éternel rival
pakistanais, dans quelle mesure n’a-t-elle pas intérêt à ce que la crise afghane dure ? D’abord, pour
affaiblir économiquement le Pakistan qui se ruine à soutenir les Taliban. Mais aussi pour l’isoler
encore un peu plus sur le devant de la scène internationale. En effet, l’arrivée au Cachemire de
militants islamistes formés dans des camps d’entraînement basés en Afghanistan permet à l’Inde de
développer une coopération anti-terroriste avec des pays occidentaux.
La légitimité de l’ONU
Les Etats-Unis, l’Inde, mais aussi la Russie, la Chine, l’Iran et, bien sûr, le Pakistan ont dans le conflit
afghan et la région des intérêts nationaux potentiellement contradictoires entre eux. Pourtant la
plupart de ces pays, Etats-Unis en tête, pourraient être à l’origine d’initiatives diplomatiques crédibles
visant à ramener la paix en Afghanistan. Mais qu’en penser si elles reposent sur des intérêts
géopolitiques, à des années lumières des intérêts du peuple afghan ? Pourraient-elles ramener la paix
de manière durable dans ce pays si la nouvelle donne géopolitique et stratégique venait à changer ?
C’est dans ce contexte que l’ONU et son Conseil de Sécurité ont une carte à jouer, en toute légitimité
puisqu’une des fonctions de ce Conseil, selon la Charte des Nations Unies, est de « maintenir la paix
et la sécurité internationales ». Soit en proposant une solution émanant du Conseil de Sécurité où les
intérêts des membres permanents (surtout la Chine, la Russie et les Etats-Unis) feraient contrepoids
entre eux pour limiter les volontés d’hégémonie sur la région. Soit en cautionnant ouvertement une
initiative approuvée par ce même Conseil. Dans les deux cas, une solution estampillée ONU ne seraitelle pas un gage de la plus grande neutralité possible compte tenu des enjeux et des pays impliqués ?
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L’ONU perd du temps
Malheureusement, la politique de l’ONU actuelle n’est pas à la hauteur des attentes qui reposent sur
elle. En ne s’attelant pas au problème de fond du conflit afghan, à savoir le double jeu du Pakistan,
l’ONU perd du temps et a laissé la situation humanitaire se dégrader jusqu’à en faire la priorité n°1.
Pourtant l’ingérence pakistanaise n’est plus un secret pour personne ! En octobre 2000,
l’hebdomadaire Jane’s Defence citait des sources militaires occidentales affirmant que, lors de la prise
de Taloqan par les Taliban en septembre 2000, les soldats de l’armée pakistanaise, les taliban
pakistanais, les troupes de ben Laden et quelques autres extrémistes représentaient environ 30 %
des 20 000 hommes opposés aux troupes du commandant Massoud.
Depuis, rien n’a changé puisque, toujours selon Jane’s Defence, le Pakistan poursuivrait son aide
logistique aux Taliban. Au début de juin 2001, chaque jour, deux convois d’une trentaine de camions
passaient le poste-frontière de Torkham à destination de Kaboul ou de Jalalabad. Sans parler des
pakistanais capturés par les hommes de Massoud, interviewés et photographiés par la presse
occidentale ! Devant des faits qui ne sont plus à prouver, pourquoi l’ONU ne montre toujours pas du
doigt le Pakistan ?
En plus de cela, les Nations Unies s’apprêtent à mettre en place un dispositif diplomatique qui, une
fois effectif, suffirait à démasquer le double jeu du Pakistan. En effet, le Conseil de Sécurité veut
mettre au point un système qui contrôlerait le respect de l’embargo sur la livraison d’armes aux
Taliban. Le cœur de ce dispositif se composerait d’équipes d’observateurs de l’ONU déployées aux
frontières de l’Afghanistan. Même s’il faudrait compter six mois avant qu’elles ne soient
opérationnelles, la réaction des Taliban n’a pas tardé, résonnant comme un aveu. À peine ces
propositions connues, Mollah Omar a tout simplement menacé de prendre des mesures de rétorsion
si ces équipes étaient déployées, les assimilant à des « ennemis ».
Mais tant que l’ONU se contentera de s’étonner dans ses rapports que les Taliban soient « si bien
équipés et si bien approvisionnés » rejetant toutefois l’idée « naïve » selon laquelle leurs munitions
proviendraient de vieux stocks de l’armée soviétique, tous ses efforts sont voués à l’échec. Ou, plus
grave, cette attitude fait perdre un temps compté et décrédibilise les Nations Unies. La déclaration
devant le Conseil de Sécurité, le 6 juin dernier, de l’ambassadeur du Pakistan à l’ONU qui réitérait la
volonté de son pays de respecter les résolutions de l’ONU même s’il n’approuvait pas les sanctions
jugées contre-productives en est un exemple.
Les Nations Unies piégées sur le plan humanitaire ?
Mais alors POURQUOI l’ONU rechigne tant à reconnaître officiellement le rôle du Pakistan ou ne
serait-ce qu’à lui adresser en son nom un sérieux avertissement ? En dehors de toute considération
de politique étrangère de certains membres du Conseil de Sécurité, n’y aurait-il pas un
dysfonctionnement interne à l’ONU, notamment sur le plan humanitaire ? Ne pourrait-on pas aller
jusqu’à dire que l’ONU s’est auto piégée ou, pire, s’est fait piégée par le Pakistan sur le plan
humanitaire ?
Premier fait troublant : comment expliquer que toute la base arrière logistique des programmes de
l’ONU pour l’Afghanistan soit implantée au Pakistan, plus précisément à Islamabad ? Certes, à
l’époque de l’invasion soviétique, c’était déjà le cas et les habitudes sont bien enracinées. Mais,
compte tenu de la nature de l’implication du Pakistan dans le conflit afghan actuel, c’est tout sauf un
gage d’indépendance et de liberté d’action. D’accord, les facilités logistiques mises à la disposition
des humanitaires de l’ONU par les pakistanais ne sont certainement pas négligeables. Mais, dans
l’optique de porter assistance à TOUTES les victimes du conflit, dont les 150 000 réfugiés dans les
territoires contrôlés par le commandant Massoud, pourquoi ne pas ouvrir d’autres bases arrière, par
exemple au Tadjikistan ? Cela serait plus simple et plus économique que de tenter, depuis le
Pakistan, un périple humanitaire passant par Kaboul et la ligne de front…
Deuxième fait troublant : selon l’ambassade d’Afghanistan à Paris, le programme afghan de l’UNDP
regrouperait 98 % d’employés… pakistanais. Pourquoi autant ou, plutôt, pourquoi si peu d’Afghans à
même de mieux connaître leur pays ?
Troisième fait troublant : bon nombre de ces employés pakistanais seraient d’anciens militaires… à la
retraite ! Qui plus est, ils occuperaient des postes essentiels au bon déroulement de toute mission
humanitaire (administration, finances…).
On comprend mieux pourquoi l’aide envoyée aux réfugiés des zones contrôlées par Massoud relève
du symbole : 21 kg de blé par personne dans la vallée du Panshir en un an (soit un mois de pain pour
une personne). Sans parler de l’huile périmée depuis trois ans ou du blé moisi retrouvés dans un
entrepôt du Programme Alimentaire Mondial, déserté par ses représentants étrangers. Malgré cela,
comme l’indique un communiqué des Nations Unies du 21 juin, l’ONU est « très préoccupée » par la
vulnérabilité et l’aggravation de la situation des communautés du Nord de l’Afghanistan…
Devant ces faits, on s’interroge forcément sur la politique de l’ONU et sa capacité à cautionner ou à
proposer une solution dans le conflit afghan acceptable pour toutes les parties. Pourtant, ce serait la
meilleure des solutions …
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Catherine Graciet
La lâcheté occidentale, mère du terrorisme islamiste
Depuis des mois l'opposition afghane anti-taliban représentée par le commandant Massoud ne cesse
d'alerter les chancelleries occidentales sur le danger représenté par les milliers de combattants
islamistes qui s'entraînent dans des centaines de camps sur le territoire afghan, qu'ils ont transformé en
centre de terrorisme international.
Ces combattants, en majorité arabes, viennent de pays comme le Cachemire, le Pakistan, la Tchétchénie,
le Tadijkistan, l'Ouzbékistan, l'Arabie Saoudite, la Malaisie, l'Indonésie. Le milliardaire saoudien entretient
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une armée personnelle de 5000 combattants arabes finance et coordonne tous ces réseaux terroristes
internationaux. Il a à sa disposition des équipements sophistiqués et une puissance financière dont on
peut retrouver des ramifications en Europe.
Le frère de Ben Laden a pignon sur rue en Suisse, d'où il dirige une nébuleuse financière au vu et au su
de tous les observateurs. Les milices de Ben Laden ne se contentent pas d'appuyer les attaques des
talibans contre la population afghane des zones libres. Ils ont pour projet de déstabiliser tous les pays
occidentaux, au premier rang desquels les Etats-Unis d'Amérique, l'Angleterre et la Russie.
Le Parlement Européen dans sa résolution B5-0892/2000 du 30 novembre 2000 dénonce l'apologie du
terrorisme international par les talibans et condamne le soutien ouvert du régime taliban au terrorisme
international.
Ben Laden et ses réseaux terroristes sont en train de prendre le pouvoir en Afghanistan. De nombreux
témoins, Afghans et Occidentaux, ont pu voir au cours de ces derniers mos des milliers de combattants
arabes dans la ville de Mazar-e-Sharif, au nord de l'Afghanistan, où il existe un camp d'entraînement.
A Kaboul les pakistanais et les Arabes ne se cachent même plus.Kaboul est en train de devenir une ville
arabe.
Le mouvement islamique d'Ouzbékistan (MOI) a ainsi ses bases dans le Nord de l'Afghanistan d'où il
lance des opérations militaires visant directement les gouvernements du Tadjiskistan et de l'Ouzbékistan.
Ainsi le triumvirat talibans-Ben Laden-Pakistan ne se contente plus de vouloir anéantir l'Afghanistan, ils
ont désormais déclaré la guerre au monde libre; Le régime militaire du Pakistan est complètement infiltré
par ces éléments terroristes, tant dans son armée conventionnelle que dans ses unités des services
secrets (ISI). Rappelons que le Pakistan est détenteur de l'arme nucléaire et que les officiers islamistes de
l'ISI ou de l'armée peuvent facilement, grâce à un coup d'état mettre la main dessus.
Dans un reportage de Jeffrey Goldberg pour le New -York Time du 25 juin 2000, les élèves des madrassas
pakistanaises et les responsables de ces écoles coraniques affirmaient qu'ils n'hésiteraient pas à faire
usage de la bombe atomique contre les occidentaux, s'ils en avaient un jour l'opportunité.
Depuis des années des témoignages de journalistes et d'observateurs de l'ONU ont fait état de cette
radicalisation islamiste, sans qu'à aucun moment les chancelleries occidentales ne prennent de décision
courageuse.
Au mieux quelques hommes politiques européens ont réagi en demandant une aide massive pour
l'opposition afghane anti-taliban. En vain !
Aujourd'hui après ces actes de guerre contre le monde libre, nous devons tous prendre conscience que
nous ne pouvons lutter contre ces fous de Dieu avec des mots et des recommandations polies.
Et s'il paraît aujourd'hui irresponsable d'appeler à une guerre totale contre ces terroristes islamistes,
disposant sans doute d'armes balistiques et bactériologiques sophistiquées, voire de l'arme nucléaire ;
rien ne nous interdit d'aider financièrement, politiquement et militairement le dernier rempart contre
l'internationale terroriste islamiste : l'opposition afghane anti-taliban et le gouvernement légal reconnu
par l’ONU. Malgré l'attentat perpétré contre Massoud et qui lui a coûté la vie, l'opposition afghane est
vivante, le peuple afghan est vivant.
Les aider, c'est nous protéger contre ce fléau d'un nouveau genre qui vient de nous montrer son véritable
pouvoir.
Elisabeth Cazaux
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Ils étaient 500 en 1999, 2000 en 2000.
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Massoud au Parlement Européen
SITUATION MILITAIRE
Après le 4° jour d'eid el Kebir - la fête du mouton - une délégation de 15 Talibans ont quitté
Kaboul pour Bamyan. Dans la matinée du 9 mars, Mollah Turabi, responsable de la justice, connu
pour son obscurantisme et sa rigidité, et Mollah Jamal, responsable de la Culture, sont partis à
Bamyan et avec des marteaux-piqueurs et des explosifs ils ont perforés de nombreux trous, les ont
bourrés d'explosifs à 1h15 (heure locale) ils ont fait exploser les statues comme s'il s'agissait d'un
immeuble à détruire de façon "professionnelle ".
Les opérations militaires se sont poursuivies depuis septembre 2000. La stratégie des
Talibans et des Pakistanais consiste comme toujours, à obtenir une victoire militaire totale. C'est dans
ce contexte que les Talibans ont continué à mener des opérations en direction du nord de Taloqan et
de Dara-e-Souf. Mais les lignes de front n'ont pas bougé. La présence des troupes pakistanaises est
confirmée, en particulier à Kunduz et Taloqan. Les unités de l'armée pakistanaise ont été relevées
juste avant les sanctions de l'ONU, vers le 10 janvier. Les unités actuelles sont dirigées par le général
Qamar Uzaman. Dans la journée du 17 janvier 2001, le brigadier Amjad Khan, a été tué sur le champ
de bataille sur les collines à quelques kilomètres de Taloqan, par les tirs d'artillerie de nos forces
armées. Son corps fut transféré très rapidement par voie aérienne vers le Pakistan. L'enterrement a
eu lieu dans l'après midi du 20 janvier 2001 dans la province de Punjab. Les autorités de l'armée
pakistanaise ont déclaré à ses proches qu'il a été tué au Kashmir. Là on retrouve le mensonge déjà
pratiqué par l'armée Rouge.
- Les forces de la résistance afghane dans la région de Dara-e-Souf, sous les ordres de Ustad
Atta Mohamad, ont réussi à repousser de nombreuses attaques des Talibans et à reprendre le
contrôle d'une grande partie de la province de Samangan.
- Début février, les forces de la résistance de Bamyan dirigées par Mr Karim Khalili, membre
dirigeant du Front Uni, ont réussi à prendre le contrôle de Yakawlang puis Bamyan. Après trois jours,
l'état major de la résistance a décidé de se retirer de Bamyan. Il faut savoir que dans ces régions, la
résistance est, plus que jamais, décidée à combattre les Talibans mais elle a de grandes difficultés
logistiques.
- Dans la province de Ghor, les forces de la résistance sous les ordres du Dr. Ebrahim ont fait
des avancées importantes. Les districts de Taywara, Shahrak, Tolak et Ghalmin dans la province de
Ghor et plusieurs dizaines de villages à l'est de Hérat et dans la province de Badghis sont tombé sous
le contrôle de la résistance.
- D'après les renseignements fiables que nous venons de recevoir, les commandants Talibans
et les officiers de l'armée pakistanaise se sont réunis à Islamabad pour examiner la situation politicomilitaire et préparer une nouvelle offensive de grande envergure. Cette offensive à trois objectifs en
vue : la plaine de Shamali, le nord de Taloqan et la vallée d'Andarab.
SITUATION POLITIQUE
Malgré le danger que représentent les Talibans pour la paix dans la région et dans le monde,
la communauté internationale n'en a pas encore pris la mesure ou n'a pas encore la volonté de le
faire. Mais il y a eu quelques changements perceptibles. Le Conseil de sécurité à voté une deuxième
résolution relativement plus forte envers les Talibans.
Suite à la résolution 1333 du Conseil de sécurité de Nations Unies, obtenue par 13 voix pour
et 2 abstentions, le 19 décembre 2000, les Talibans sont plus que jamais isolés sur la scène
diplomatique. Le principal objectif des sanctions est d'interdire l'envoi d'armes, la présence de
combattants étrangers, les voyages officiels des responsables Talibans vers l'étranger, la signature de
contrats commerciaux avec les Talibans. Malgré cela certains milieux, notamment en France, ont tout
fait pour que les sanctions soit limitées et que sous prétexte de besoins humanitaires les
responsables Talibans puissent voyager. C'est à cause de cette clause que Mollah Abass est arrivé
en France vers le 2 février et a eu un entretien avec les responsables du Ministère des Affaires
Etrangères français. Cette visite a créé toute une série de polémique. D'autant que c'était la troisième
fois en un an que les représentants talibans étaient reçus à Paris , le 7 février 2000, le 14 septembre
2000 et le 7 février 2001. Il est clair qu'on ne peut rien obtenir des Talibans dans ce genre de relation.
Alors que les Talibans ont tout à y gagner. Les Talibans voient dans cette attitude une sorte de
reconnaissance lente et progressive en dépit de leur mentalité obscurantiste.
Le 26 février 2001, les Talibans déclarent vouloir détruire toute les statues de la période préislamique
d'Afghanistan. Aussitôt dit, aussitôt fait, dès le lendemain ils ont cassé ou détruit plusieurs dizaines de
bouddhas de petite et moyenne tailles. Bien entendu la réaction de la communauté internationale fut
rapide et claire. Celle-çi, de manière unanime, a condamné cette déclaration et continue à lancer des
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appels aux taliban afin d'empêcher la destruction des grands Bouddhas de Bamian. Avec la
déclaration de la destruction des statues, les Talibans sont en train de lancer un défi à la communauté
internationale. Ils font quelque chose de très grave dans le monde islamique. Ils veulent réinventer ou
redéfinir "la sainte religion de l'Islam". Si on traduit bien leur pensée, c'est que, jusqu'à présent, les 60
pays islamiques, autrement dit un milliard de musulmans dans le monde, ne sont en fait que de
mauvais musulmans puisqu'ils n'avaient jamais pratiqué le "vrai islam". Les Talibans s'autoproclament
meilleurs musulmans de la planète et personne depuis le prophète n'a pratiqué l'Islam. Ils se
retrouvent seuls face à la planète entière. Même les autorités pakistanaises leurs maîtres-chanteurs,
sont gênés dans les milieux diplomatiques. En s'attaquant au patrimoine de l'Humanité, les Talibans
ont franchi une étape importante dans la processus de talibanisation de la région. Si la communauté
internationale ne réagit pas sérieusement face à eux, plus tard il sera trop tard. A l'heure où ces lignes
sont rédigées, la réaction internationale se limite à quelques condamnations orales et quelques
appels. Les Talibans ne reculeront pas avec ces quelques condamnation, même si, sur le papier, elles
sont très violentes. Nous sommes donc face à un test important : soit la communauté internationale
prend conscience du danger et fait pression sur le Pakistan. Alors on peut imaginer le début de la fin
des Talibans. Soit on continue à condamner et rien de plus, alors les taliban sont gagnant et ils iront
encore plus loin dans la folie obscurantiste. On n'est pas au bout de nos surprises.
SITUATION HUMANITAIRE
L'année 2000 fut extrêmement dur pour la population civile en Afghanistan. La poursuite de la
guerre, la politique de terre brûlée pratiquée par les Talibans, la sécheresse et l'hiver très rude que
nous venons de traverser, ont été la cause d'une période très difficile, jamais vue depuis 22 années
de guerre. Plus d'un million d'afghans se sont déplacés à l'intérieur même du pays. On les appelle les
Déplacées de l'Intérieur (IDP). Des milliers d'autres ont dû quitter le pays, soit pour aller au Pakistan,
soit vers d'autres pays limitrophes. Il y a aussi un flot de jeunes gens venant clandestinement se
réfugier en Europe occidentale. Ils sont souvent sans papiers et font plusieurs semaines de route pour
arriver en France ou ailleurs en Europe. Face à cette situation extrêmement grave, l'aide humanitaire
reste limitée. Il y a surtout quelque chose de très important à dénoncer : c'est l'attitude du
Coordinateur de l'aide humanitaire de Nations Unies, un certain Erik de Mull. Le comportement de
Monsieur de Mull consiste à attendre que les Talibans gagnent la guerre pour qu'il puisse apporter de
l'aide à tous les nécessiteux. Depuis un an, il a rendu 18 visites dans les zones occupées par les
Talibans. Pas une seule fois il n'est venu dans le nord-est pour y voir la situation humanitaire. Dans
certains cas il fait quelques geste diplomatique en douceur pour faire comprendre à ces interlocuteurs
que "l'Emirat Islamique des Talibans" est l'autorité légitime en place. Cela est extrêmement grave.
Nous pensons qu'il commet une faute professionnelle car c'est tout le contraire de ce que font les
Secrétaire Général de Nations Unies et l'Assemblée Générale de Nations Unies. Dans les milieux
afghans, on surnomme Monsieur de Mull, un "Humanitarian Coordinator for Talibans". En Occident,
un employé de base qui commettrait ce genre de faute grave serait toute de suite renvoyé. Mais
Monsieur de Mull continue à faire sa tournée tranquillement dans les salons d'Islamabad ou de temps
en temps à Kaboul en plein milieu taliban. On dirait qu'il se prend pour "Indiana Jone's chez les
Talibans". Bien entendu quelques ONGs notamment MSF, Acted et CICR continuent de faire un
travail remarquable avec des moyens restreints. Malgré tout cela il n'y a qu'une partie limitées des
populations victimes qui sont soutenues. Dans le nord-est, le gouvernement officiel est le principal
donateur d'aide aux populations déplacés.
Mehrabudin Masstan
Ambassade d'Afghanistan
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