SYMPTOMATOLOGIE ATYPIQUE : DOULEUR THORACIQUE

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SYMPTOMATOLOGIE ATYPIQUE : DOULEUR THORACIQUE
Forum Médical de Rangueil - Octobre 2007 - Pr Louis BUSCAIL
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SYMPTOMATOLOGIE ATYPIQUE :
DOULEUR THORACIQUE, LARYNGITE, ASTHME
PEUVENT-ILS ETRE LA CONSEQUENCE DU RGO ?
Pr Louis BUSCAIL
Service de Gastroentérologie et Nutrition – CHU Rangueil
TSA 50032 – 31059 Toulouse cedex 9
[email protected]
INTRODUCTION
Les manifestations digestives, pyrosis et/ou régurgitations alimentaires ou acides, sont les
signes les plus caractéristiques et les plus spécifiques de RGO. Avec une spécificité de 90%,
ils suffisent à eux seuls à faire porter cliniquement le diagnostic. Depuis plus d'une dizaine
d'années, l'attention des cliniciens a été également attirée sur la responsabilité potentielle du
RGO dans la survenue de manifestations extra-digestives, respiratoires, ORL, cardiaques et
même stomatologiques. Ces différentes manifestations peuvent être associées aux symptômes
digestifs caractéristiques de RGO, mais peuvent aussi s'exprimer isolément, et être alors
révélatrices d'un RGO. Ces symptômes atypiques posent toujours, malgré l'existence des
inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), des problèmes diagnostiques et surtout thérapeutiques
souvent difficiles à résoudre.
LES MANIFESTATIONS PULMONAIRES
Les principales manifestations sont la toux chronique et l'asthme. La prévalence du RGO
dans l'asthme et au cours de la toux chronique est estimée, respectivement, entre 34 à 89 et 10
à 40 % des malades. La toux, le plus souvent sèche et quinteuse, est chronique avec une durée
d'évolution de plusieurs mois. La responsabilité du RGO se discute devant une toux à radio
pulmonaire normale, car le RGO est la troisième grande cause de toux chronique chez
l'adulte, avec l'asthme et la rhinorrhée postérieure. A titre d’exemple au cours de l’asthme prés
de 11 % des malades ont des signes hebdomadaires de RGO et ce chiffre allant jusqu’à 23%
pour les patients avec une toux chronique.
L'existence d'un RGO se discute également devant des infections bronchopulmonaires
récidivantes ou une pneumopathie d'inhalation Le lien avec la bronchite chronique ou une
fibrose pulmonaire est beaucoup plus discuté. Le déclenchement de manifestations
respiratoires asthmatiformes ou d'une toux lors d'épisodes de RGO est lié soit à un phénomène
réflexe à point de départ œsophagien, qui paraît le plus fréquent, soit à un phénomène de
micro-aspiration. Dans les deux cas « l'hyperréactivité bronchique » est un élément favorisant.
Le RGO pourrait également être un facteur sensibilisant la muqueuse bronchique à d'autres
stimulants comme la méthacholine. En altérant la clairance acide de l'œsophage, les troubles
de la motricité œsophagienne pourraient être un facteur favorisant les manifestations
pulmonaires liées au RGO. En effet, la prévalence des troubles moteurs œsophagiens paraît en
effet particulièrement élevée chez les malades « reflueurs » avec manifestations atypiques.
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LES MANIFESTATIONS ORL ET STOMATOLOGIQUES
Les symptômes ORL liés au RGO peuvent être oropharyngés, laryngés ou auriculaires
(otalgie). En ce qui concerne les manifestations oropharyngées il s'agit principalement de «
maux de gorge » chroniques avec impression de striction, de brûlure, de boule dans la gorge
ou de sensation de corps étranger pharyngé qui conduit à un hemmage (raclement de gorge)
régulier. Il peut s’agir de paresthésies (globus hystéricus) ou gêne lors de la déglutition de
salive voire de "fausses angines" avec essentiellement des signes de pharyngite. Fait
évocateur, cette symptomatologie s'améliore ou disparaît lors de la déglutition de liquides ou
d'aliments, témoignant de l'absence de dysphagie. Le hemmage peut, par lui-même, créer des
lésions inflammatoires qui vont ensuite entretenir la symptomatologie.
La plus fréquente des manifestations laryngées est une dysphonie chronique, volontiers
matinale, d'intensité variable dans le temps, avec éventuellement aphonie. L'examen laryngé
peut être normal. Il a une valeur d'orientation lorsqu'il constate un érythème et un œdème des
aryténoïdes et de l'espace inter-aryténoïdien, en sachant que la reproductibilité des
constatations de l'examen ORL est mauvaise. Des observations récentes ont aussi impliqué le
RGO dans la chronicité de certaines sinusites et dans la survenue de troubles plus graves,
comme un laryngospasme. Le rôle favorisant du RGO dans la survenue d'un cancer laryngé
reste très débattu.
La conception de la physiopathologie des symptômes ORL incrimine avant tout des
phénomènes de micro-aspiration lors d'épisodes de RGO remontant jusqu'à l'hypopharynx,
notamment pendant la nuit. La survenue de manifestations ORL doit faire envisager un
dysfonctionnement du sphincter œsophagien supérieur dont la fermeture réflexe protège
physiologiquement les voies aériennes supérieures lors des épisodes de RGO. Il peut s'agir
soit d'une hypotonie permanente, soit d'une fermeture non synchronisée avec RGO atteignant
l’œsophage proximal.
Les lésions stomatologiques, d'identification plus récente, sont essentiellement des érosions
dentaires et des gingivites.
LES DOULEURS THORACIQUES
Les douleurs thoraciques liées au RGO sont constrictives et rétrosternales, avec parfois une
irradiation postérieure dorsale et ascendante vers les mâchoires. Elles simulent donc un angor.
L'absence de lien avec l'effort est un élément orientant vers un RGO. La responsabilité du
RGO ne se discute qu'après un bilan cardiologique exhaustif normal, tout particulièrement
lorsque le sujet a plus de 45 ans et/ou qu'il a des facteurs de risque cardiovasculaires. Cette
discussion concernerait environ 30 des malades explorés pour angor. L’impérative nécessité
du bilan cardiologique initial est justifiée par la coexistence d'une coronaropathie et d'un RGO
chez près d'un malade coronarien sur deux. Il faut rappeler également, en cas d'authentique
insuffisance coronarienne, l'effet aggravant des épisodes de reflux sur l'ischémie
myocardique. La pathogénie des douleurs thoraciques pseudo-angineuses demeure
incomplètement comprise. Deux grandes explications sont apportées aux douleurs : la
première est celle d'une douleur en rapport avec un trouble moteur œsophagien déclenché par
un épisode de RGO acide ; la seconde explication est celle d'un RGO symptomatique par luimême, soit en raison d'une hypersensibilité de la muqueuse œsophagienne à un pH acide, soit
en raison de la survenue très rapprochée de plusieurs épisodes de reflux, le premier rendant la
muqueuse œsophagienne particulièrement sensible aux épisodes ultérieurs. Malgré les progrès
technologiques qui ont permis des enregistrements manométriques et pH-métriques combinés
sur au moins 24 heures dans des conditions ambulatoires, seule une douleur sur deux en
moyenne reçoit une explication. Dans certains cas le contexte psychosomatique est à évaluer
après avoir bien sûr éliminé des troubles moteurs oesophagiens par la manométrie.
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Enfin, les manifestations rhumatismales à type de dorsalgies, sont plus rares mais possibles.
EN PRATIQUE
Devant une toux chronique, des manifestations asthmatiforme, des douleurs pharyngées, un
dysphonie chronique un RGO peut être évoqué si aucune lésions/affection bronchopulmonaires ou ORL n’a été clairement démontré. Deux solutions sont possibles dès que des
manisfestations extra-digestives du RGO ont été suspectées : soit donner un traitement par
IPP d’emblée et examiner l’évolution des symptômes, soit programmer une endoscopie afin
de rechercher un cause (hernie hiatale, béance cardiale) et/ou une conséquence du RGO
(oesophagite, endobrachyoesophage). Le traitement par IPP institué d’emblée ou après
examen endoscopique pourra être totalement efficace et le malade sera finalement soulagé.
Dans le cas contraire le résultat du traitement est très médiocre ou absent. Avant d’augmenter
alors la posologie des IPP, une PH-métrie sera utile pour confirmer ou non le RGO. Ceci
n’est pas toujours facile de surcroît car le RGO peut être intermittent. Enfin une intrication est
possible entre RGO et hyper-réactivité bronchique ou authentique maladie coronarienne.
Il faudra donc dans tous les cas devant des douleurs thoracique: éliminer un véritable angor et
des troubles moteurs oesophagiens. Devant un asthme, le RGO peut être le seul responsable
mais il est souvent un élément d’amplification de l’hyperréactivité bronchique : dans ce cas
RGO et asthme seront tous deux à traiter.