Lettre ouverte de Pierre-Yves BOURNAZEL au Président CHIRAC

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Lettre ouverte de Pierre-Yves BOURNAZEL au Président CHIRAC
Lettre ouverte de Pierre-Yves BOURNAZEL au Président CHIRAC
Bon anniversaire Monsieur le Président CHIRAC!
Monsieur le Président,
Aujourd’hui 29 novembre, vous fêtez vos quatre-vingts ans ; quatre-vingts années très
largement consacrées au service de Paris, au service de la France, au service des autres. Votre
action a accompagné une grande partie de ma vie comme celle de très nombreux Français. A
l'heure où notre pays tergiverse dans un monde en mouvement, plusieurs de vos messages
conservent la force d'une grande modernité.
Enfant en Corrèze, je vous voyais partout : au marché de Sarran, à la finale de la coupe de
football départementale, répondant aux questions d'un journaliste entre deux vaches placides,
assurant la promotion des produits régionaux, à la rencontre des agriculteurs, attablé avec les
élus locaux, distribuant les bises aux enfants... Il n'y avait pas un canton, pas une commune,
que vous n'aviez traversés, labourés, serrant toutes les mains et animé par l'envie d'agir.
Jeune homme à Paris, je vous voyais encore partout ! Je connaissais votre action de maire : la
dimension internationale que vous aviez donnée à la capitale, la réhabilitation des friches
industrielles et des quartiers populaires, les progrès spectaculaires (et abandonnés depuis) en
matière de propreté urbaine, l'amélioration de la qualité de l'eau, la construction du Palais
omnisports de Paris-Bercy, l'aménagement du parc André-Citroën, la modernisation du stade
Charléty, le classement des quais et des ponts de la Seine sur la liste du patrimoine mondial de
l'UNESCO...
Votre action de maire à intégré, bien avant les formules éculées qui jonchent aujourd'hui le
débat politique, les enjeux qui s'imposent aux grandes métropoles. Vous avez rompu avec
l'architecture malheureuse des trois premières décennies d'après-guerre en privilégiant la
sauvegarde du patrimoine historique de Paris. La préservation du carreau du Temple et de la
halle Secrétan (au grand dam des promoteurs immobiliers qui nourrissaient d'autres projets)
témoigne de cette vision. Vous avez rejeté au profit d'espaces verts le projet de « radiale
Vercingétorix », promu par l'Etat, qui aurait concentré un flot d'automobiles insupportable
entre la porte de Vanves et Maine-Montparnasse. Bousculant les conservatismes et les
égoïsmes, vous avez mis aux enchères les luxueuses habitations possédées par la ville dans le
16ème arrondissement (boulevard Suchet) pour financer la construction de logements sociaux.
En multipliant les commissions extramunicipales qui donnaient la parole aux citoyens pour
chaque projet d'envergure, vous avez inventé les nouvelles formes de démocratie
participative. Sous votre impulsion, « oser Paris » n'était pas un simple slogan de campagne
mais une réalité tangible avec toujours un temps d'avance économique, urbanistique, culturel
et sportif sur Londres, Berlin ou Barcelone.
Adulte, devenu un citoyen engagé, je vous voyais toujours partout ! A Villepinte, le 2 mai
2002, je suis allé vous soutenir, à trois jours du second tour de l'élection présidentielle face à
Jean-Marie Le Pen, parce que je voulais affirmer ma foi dans les valeurs de la République. Je
me souviens de la force et de la justesse de vos mots : « l'extrémisme dégrade et salit l'image
et même l'honneur de la France ». De votre lecture lucide de la rafle du Vel' d'hiv' à votre
refus constant de toute compromission avec le Front national, vous avez toujours combattu le
rejet de l'autre et promu l'idée d'une communauté nationale animée par l'unité et la cohésion.
C'est au nom de ces valeurs universelles, fondées sur le respect de chaque vie individuelle et
collective, que vos mandats présidentiels ont été mis au service du dialogue des civilisations.
L'évolution préoccupante du monde et les soubresauts de l'actualité témoignent à l'envi de la
modernité et de la pertinence de cette pensée politique. Toutes les cultures, tous les savoirs et
toutes les formes d'expression sont également respectables et utiles pour penser le monde,
pour l'interpeller et pour l'inspirer. Cette idée de l'humanité a fondé l'esprit du musée du quai
Branly comme une continuité vivante entre les peuples premiers et les hommes de demain.
Défendre la diversité et la vitalité des civilisations, y compris les plus anciennes ou les plus
éloignées, ne doit rien à la nostalgie, au conservatisme ou au renoncement. Les sociétés
humaines peuvent et devraient toujours progresser vers une organisation plus équitable ; cette
espérance motive et légitime l'engagement politique. Mais, la forme de conscience collective
que vous avez promue, attentive à la diversité et respectueuse de l'apport de chacun au
progrès, refuse la perspective d'un monde doté d'une seule langue scientifique, la possibilité
d'une littérature mondiale qui se replierait autour de quelques auteurs, la confiscation du
cinéma par un petit groupe de producteurs, l'éventualité d'une rationalité unique dans un
monde de plus en plus multipôlaire.
En refusant de mêler notre pays à la guerre en Irak, en dénonçant un libéralisme sans frein qui
aliène tant de vie humaines, en alertant la communauté internationale sur l'impérieuse
nécessité d'une révolution écologique (« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ») vous
avez rappelé au monde entier que la France a des responsabilités particulières héritées de son
histoire et des valeurs universelles qu'elle a contribué à forger.
La singularité de cette voix, l'indépendance de notre diplomatie et la pérennité de notre
modèle social ne survivront face aux mutations du monde que si nous savons moderniser
notre pays en faisant le choix du courage, des réformes de structure, de la compétitivité, du
travail, de l'innovation et de l'esprit d'entreprise.
Aussi, Monsieur le Président, à l'occasion de votre anniversaire que je vous souhaite
excellent, je veux également, à la lumière du chemin que vous avez dessiné, espérer le
meilleur, dans le plus proche avenir, pour Paris et pour la France.
Pierre-Yves BOURNAZEL
Conseiller de Paris – Élu du 18ème
Conseiller Régional d’Ile de France