Rencontre à 19 ans
Transcription
Rencontre à 19 ans
RENCONTRE A DIX-NEUF ANS A dix-neuf ans, j’ai quitté ma province Le cœur léger, au volant d’un camion Sur la banquette, une poupée timide Qui souhaitait plus qu’mon admiration Problème majeur, il y avait un père Qui, entre-nous, freinait tous les élans Deux boulons, un p’tit trou, j’ai fait un courant d’air Et envoyé tous les gaz d’échappement Je l’voyais déjà fuyant à l’arrière Nous laissant tranquilles sans aucune barrière dans l’compartiment Je m’voyais déjà avec la p’tite biche Faisant l’joli coeur, déclarant ma flamme, faisant l’boniment J’étais le plus beau de tous les Mimile Rayonnant de joie, car mon expédient avait réussi Je m’voyais déjà embrassant Rachelle Car ça nom de Dieu, il faut l’reconnaître, c’était bien tentant J’y suis arrivé, bien sûr, c’était de notre âge J’connaissais plein d’trucs, j’avais plein d’idées et beaucoup d’ressort Je me sentais plus fort que tout, j’avais plein de courage Il fallait bien ça, elle en demandait encore et encore C’qui était imprévu dans toute cette histoire C’est qu’à force de faire des zizi panpan et autr’ gaminerie Il est arrivé, une grande surprise Qu’a été suivi, sans désemparer, de toute une famille Y a cinquante ans de cette grande aventure Rien d’oublié, mais j’ai un peu vieilli Y a plus personne qui m’gêne dans la voiture J’fais d’la vitesse, je culbute les poteaux Pour le panpan, c’est un peu difficile Mais j’ai trouvé d’autres occupations : La plus belle, la plus grande de toutes les inventions C’est moi Mimile qui la découvrirai Je me vois déjà en photographie A côté d’Nobel, et de Léonard, peut-être même d’Einstein Je me vois déjà, racontant ma vie L’air désabusé à des journalistes friands de détails Je lève lentement un énorme drap blanc Couvrant la merveille qui s’met à tourner devant les incrédules Et, pas fier pourtant, devant tous ces gens J’dirai simplement : c’est pas compliqué, c’est de la physique Ça n’y est pas encore, bien sûr, mais j’y arrive J’ajouterai des cames, j’ajouterai des axes, même des potiquets Faudra bien qu’ça tourne un jour, pour pouvoir produire D’l’ électricité, pour l’humanité, sans rien débourser Maint’nant si jamais, ça n’devait pas marcher J’ai d’jà six enfants, quinze petits-enfants, et ça s’amplifie D’ici deux cents ans, ça fera dix mille, Ce serait bien le diable que dans toute cette bande, y ait que des couillons