Risque de transmission d`une infection respiratoire

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Risque de transmission d`une infection respiratoire
Aperçus technologiques de l’ACMTS
Risque de transmission d’une
infection respiratoire aiguë au
cours de l’intervention
produisant des aérosols :
étude méthodique
Adaptation de Tran K, Cimon K, Severn M, Pessoa-Silva CL,
Conly J. Aerosol-Generating Procedures and Risk of
Transmission of Acute Respiratory Infections: A Systematic
Review (rapport d’examen rapide : étude méthodique).
Ottawa : Agence canadienne des médicaments et des
technologies de la santé; 2011.
Introduction
D’aucuns prétendent que l’intervention
produisant des aérosols expose le personnel
soignant à des pathogènes respiratoires, qu’elle
comporte donc le risque de propagation de
l’infection respiratoire. Cependant, la recherche
n’a pas encore déterminé avec précision le
risque de transmission d’infections respiratoires
aiguë au cours de l’intervention produisant des
aérosols. Dans ses directives1, l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) énumère les
interventions qui présentent un risque accru de
propagation de pathogènes respiratoires.
Objectif
La présente étude méthodique a pour
objectif de répondre à la question de
recherche que voici :
Que disent les données probantes
cliniques du risque de transmission d’une
infection respiratoire aiguë au personnel
soignant le patient subissant une
intervention générant des aérosols
comparativement au risque que court le
personnel prenant en charge des patients
qui ne subissent pas une telle
intervention?
février 2013, volume 3, numéro 1
Méthode
Un spécialiste de l’information a effectué la
recherche documentaire dans les principales
sources d’information sur l’évaluation des
technologies de la santé (ETS). La recherche
n’est pas restreinte à une langue en particulier,
mais elle se limite aux articles publiés dans la
période allant du 1er janvier 1990 au
22 octobre 2010. Le système d’alerte
périodique est en vigueur jusqu’au
15 janvier 2011. La recherche comporte des
filtres pour l’orienter vers les ETS, les études
méthodiques, les métaanalyses, les essais
cliniques comparatifs et randomisés (ECR), les
études comparatives non randomisées et les
lignes directrices. Les études retenues sont des
ETS, des études méthodiques, des
métaanalyses, des ECR et des études
comparatives non randomisées qui évaluent le
risque de transmission d’infection au personnel
soignant que comportent les interventions
produisant des aérosols. Le risque de
transmission de la maladie infectieuse constitue
le paramètre d’intérêt. Les auteurs ont eu
recours au système GRADE (Grading of
Recommendations Assessment, Development
and Evaluation) pour déterminer la rigueur des
données probantes relevées.
Résultats
T La recherche a débouché sur la recension de
10 études non randomisées pertinentes : cinq
études cas-témoins et cinq études de cohorte
rétrospectives. Elles évaluent la transmission du
syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) aux
travailleurs de la santé qui soignent des patients
hospitalisés à une unité de soins généraux ou à
une unité de soins intensifs durant la flambée
de SRAS en 2002-2003. Les interventions qui
comportent un risque accru, dans une
proportion statistiquement significative, de
transmission du SRAS au personnel soignant ou
qui constituent un facteur de risque
statistiquement significatif de SRAS pour le
personnel soignant sont l’intubation
© Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, 2013
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Risque de transmission d’une infection respiratoire
aiguë au cours de l’intervention produisant des
aérosols : étude méthodique
endotrachéale, la trachéotomie non effractive et
la ventilation manuelle avant l’intubation. Le
risque de transmission n’est pas statistiquement
significatif dans les cas que voici : l’aspiration
avant l’intubation, l’aspiration après l’intubation,
la ventilation manuelle après l’intubation, la
bronchoscopie, l’application d’un traitement par
nébuliseur, la manipulation d’un masque à
oxygène, la manipulation du masque de
l’appareil de ventilation à pression positive à
deux niveaux, la défibrillation, la compression
thoracique, l’intubation nasogastrique et le
prélèvement d’expectoration. Par ailleurs, pour
ce qui est de la ventilation à oscillation de haute
fréquence, de l’oxygénothérapie à débit élevé,
de l’aspiration endotrachéale, de l’aspiration de
liquide organique, de l’administration d’oxygène,
de la physiothérapie thoracique et de la
ventilation artificielle, il n’y a pas de différence
statistiquement significative quant au risque de
transmission ou il s’agit d’un facteur de risque de
transmission statistiquement significatif. Les
études sont de qualité médiocre selon
l’évaluation GRADE des données probantes.
Limites
Les études retenues voient leur portée
restreinte par un certain nombre de lacunes.
Les données probantes présentées dans les
10 études sont de piètre qualité selon
l’évaluation GRADE. Le détail des limites des
études figure dans le tableau synthétisant
l’évaluation GRADE des données probantes. En
général, les plus gros problèmes tiennent au
plan d’étude et à l’imprécision, deux aspects qui
expliquent les mauvaises notes attribuées à
l’évaluation GRADE. De plus, les études
évaluent le risque de transmission du SRAS
exclusivement, donc leurs résultats ne sont pas
forcément applicables à d’autres maladies
infectieuses respiratoires, notamment à la
grippe. L’étendue de l’ajustement en fonction
de plusieurs variables varie d’une étude à une
autre; par conséquent, l’effet de la confusion
résiduelle peut varier d’une étude à une autre.
En outre, peu d’études examinent les mêmes
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Aperçus technologiques de l’ACMTS, février 2013, 3(1)
interventions (d’une à trois), si l’on fait
abstraction de l’intubation endotrachéale.
Sept des études n’examinent la question qu’à
un seul hôpital, aspect susceptible de
restreindre la possibilité de généraliser les
résultats. Quatre études comptent moins de
100 patients. Le nombre de travailleurs de la
santé participant à l’exécution d’interventions
générant des aérosols est bas, allant de 2 à 120.
La puissance statistique des études pourrait
être limitée par la taille de leur échantillon, et
les résultats des analyses des constatations
d’études de petite envergure ne sont
probablement pas aussi fiables que ceux des
analyses reposant sur des études de grande
envergure. Il s’ensuit également que le nombre
d’incidents est bas dans nombre d’études.
Comme nous l’avons mentionné déjà, les
estimations ponctuelles indiquent un risque
accru dans certaines interventions produisant
des aérosols (bronchoscopie2, ventilation non
effractive à pression positive3, manipulation du
masque de l’appareil de ventilation à pression
positive à deux niveaux2 et intubation
nasogastrique2), mais les intervalles de
confiance sont grands et ne sont pas
statistiquement significatifs. Les études n’ont
pu recruter tous les travailleurs de la santé
soignant les patients atteints du SRAS, certains
d’entre eux ayant refusé de participer. Les
souvenirs du personnel soignant peuvent être
imprécis, ce qui laisse entrevoir la possibilité
d’un biais de mémoire lorsque des souvenirs
sont plus complets ou exacts que d’autres.
Enfin, comme la source de transmission
(primaire, secondaire, tertiaire) est inconnue
dans certains cas, il est difficile de déterminer
précisément si le travailleur a été infecté par un
contact direct avec les patients en question.
Des variables peuvent avoir teinté de confusion
l’estimation du risque de transmission
d’infection au cours de l’intervention générant
des aérosols ou la question de savoir si des
interventions constituent des facteurs de risque
de transmission d’infection respiratoire,
© Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, 2013
Aperçus technologiques de l’ACMTS, février 2013, 3(1)
notamment les caractéristiques médicales des
patients, le degré de formation sur la
prévention des infections et l’observance des
mesures de protection personnelles par les
travailleurs de la santé. Cinq études4-8
démontrent que la formation sur la prévention
des infections et les mesures de protection
personnelle sont efficaces dans la lutte à la
propagation nosocomiale du SRAS. Outre les
interventions générant des aérosols comme
telles, ces facteurs peuvent influer eux aussi sur
la propagation des maladies.
Conclusions
Selon nos constatations, des interventions
générant des aérosols poseraient un risque
accru de transmission du SRAS pour les
travailleurs de la santé qui participent à leur
exécution ou constitueraient un facteur de
risque de transmission, la plus problématique à
cet égard selon les données probantes étant
l’intubation endotrachéale. Il semblerait que la
ventilation non effractive (deux études), la
ventilation manuelle avant l’intubation (une
étude) et la trachéotomie (une étude) seraient
également risquées sur ce plan. Il convient
d’interpréter ces constatations en sachant que
les études examinées sont de très piètre qualité
d’après l’évaluation selon la méthode GRADE
bien établie. Bien des aspects de cette question
restent à éclaircir. Ce seront des études
éminemment rigoureuses qui pourront nous en
dire davantage sur le risque de production
d’aérosols et le risque de transmission de
pathogènes causant des infections respiratoires
aiguës précises, dont la grippe, aux travailleurs
de la santé soignant des patients subissant des
interventions produisant des aérosols.
Références
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Prévenir et combattre les maladies respiratoires
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Risque de transmission d’une infection respiratoire
aiguë au cours de l’intervention produisant des
aérosols : étude méthodique
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© Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, 2013
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2013; 3(1).
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